Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/817/2025 du 07.10.2025 ( MP ) , REJETE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/17244/2024 ACPR/817/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du mardi 7 octobre 2025 |
Entre
A______, domiciliée ______, agissant en personne,
recourante,
contre l'ordonnance de jonction rendue le 10 septembre 2025 par le Ministère public,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. Par acte expédié le 22 septembre 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 10 précédent, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a ordonné la jonction des procédures pénales P/20340/2025 et P/17244/2024 sous ce dernier numéro de procédure.
Sans prendre de conclusions formelles, la recourante déclare s'opposer à la jonction précitée et indique qu'elle déposera "ultérieurement un mémoire motivé avec pièces justificatives à l'appui". Elle sollicite la suspension des effets de l'ordonnance entreprise jusqu'à droit jugé sur le fond.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. A______ est une ressortissante d'Italie, née le ______ 1967.
Son casier judiciaire est vierge.
b. Le 19 juillet 2024, le Service des bourses et prêts d'études de l'État de Genève a déposé plainte contre la précitée.
L'État de Genève avait financé cinq semestres d'études à [l’université de] B______ à A______, pour une somme totale de CHF 48'370.-, avant de découvrir que celle-ci ne suivait pas les cours de cet établissement – à tout le moins pas régulièrement – et n'y avait obtenu que six crédits en trois ans.
c. Par ordonnance d'ouverture d'instruction du 23 juillet 2025, rendue dans le cadre de la procédure pénale P/17244/2024, A______ a été prévenue de faits qualifiés d'escroquerie (art. 146 CP).
Il lui est reproché d'avoir, entre 2021 et 2024, astucieusement amené le Service des bourses et prêts d'études à lui verser des prestations financières à hauteur de CHF 48'370.- pour les années académiques 2021/2022, 2022/2023 et 2023/2024, soit cinq semestres d'études en vue d'obtenir un Bachelor de l'Université de B______, en prétendant faussement avoir été admise pour les semestres des années académiques précitées, alors que tel n'était pas le cas, dès lors qu'elle avait obtenu six crédits en lieu et place de 180 crédits d'étude, qu'elle était toujours en première année et qu'elle avait interrompu ses études par des demandes de congé.
d. Le 26 février 2025, la police a adressé un mandat de comparution à A______ pour une audition fixée au 12 mars 2025.
e. Par courrier du 10 mars 2025, l'intéressée a sollicité le report de son audition, au motif qu'elle était en arrêt de travail à 100% du 7 mars au 6 avril 2025, en raison d'un accident survenu le 28 novembre 2024, lequel avait entrainé plusieurs complications médicales.
f. Convoquée le 9 juillet 2025 à une audition devant la police fixée au 16 suivant, A______ a, par courriel du 15 juillet 2025, sollicité le report de cette dernière, au motif qu'elle était en arrêt de travail du 26 juin au 26 juillet 2025 en raison dudit accident.
g. Par courrier du 2 septembre 2025, la régie immobilière C______ a déposé plainte contre A______ pour dommages à la propriété (art. 144 CP).
Elle reprochait à l'intéressée d'avoir dégradé la porte d'entrée de son appartement, situé au chemin 1______ no. ______, en arrachant une plaque de laiton avant de la repositionner. Elle avait également démonté sa boîte aux lettres avant de la remonter. Le bloc des boîtes aux lettres de la PPE concernée présentait des rayures sur l'ensemble de sa surface, de même que l'interphone, endommagé. La police était intervenue le 31 août 2025 et une ambulance avait procédé à l'hospitalisation de l'intéressée.
h. Les faits précités font l'objet d'une procédure ouverte sous le numéro de cause P/20340/2025.
i Par courrier du 17 septembre 2025, C______ a évalué le coût des réparations à CHF 20'000.-. Par ailleurs, des rondes de surveillance avaient été rendues nécessaires dans la propriété en raison du comportement de A______, lesquelles avaient généré un coût supplémentaire de CHF 23'015.99.
C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public retient que A______ revêtant la qualité de prévenue dans les causes P/17244/2024 et P/20340/2025, il se justifiait, conformément au principe d'économie de la procédure, de joindre celles-ci.
D. a. À l'appui de son recours, A______ soutient que les faits qui sont l'objet des procédures P/17244/2024 et P/20340/2025 étaient distincts, dans la mesure où l'une concernait une problématique de bourse d'études et l'autre un litige locatif. Une telle jonction entraînerait un risque de confusion, de violation de sa sphère privée et de préjudice à ses droits de la défense.
b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.
EN DROIT :
1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et – faute de notification conforme à l'art. 85 al. 2 CPP – dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la prévenue qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).
2. La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.
3. La recourante demande à pouvoir compléter le recours.
Il est toutefois communément admis en procédure que la motivation d'un recours doit être entièrement contenue dans l'acte de recours lui-même, qui ne saurait dès lors être complété ou corrigé ultérieurement (ATF 134 II 244 consid. 2.4.2 et 2.4.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_659/2011 du 7 décembre 2010 consid. 5; ACPR/291/2013 du 24 juin 2013; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 3 ad art. 385).
Par conséquent, cette requête sera rejetée.
4. La recourante conteste la jonction des procédures au motif qu'elles concernent des faits distincts et qu'elle entrainerait une violation de sa sphère privée et de ses droits de défense.
4.1. L'art. 29 CPP règle le principe de l'unité de la procédure. Il prévoit qu'il y a lieu de poursuivre et juger, en une seule et même procédure, l'ensemble des infractions reprochées à un même prévenu. Le principe de l'unité de la procédure tend à éviter les jugements contradictoires et sert l'économie de la procédure (ATF 138 IV 29 consid. 3.2; ATF 138 IV 214 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_428/2018 du 7 novembre 2018 consid. 3.2).
De façon générale, l'art. 49 CP impose la règle de l'unité des poursuites qui veut que les infractions commises en concours doivent être réprimées dans un seul et même jugement et qu'un seul juge doive se prononcer sur l'ensemble des faits qui peuvent être reprochés à un délinquant. Cette solution permet d'éviter la multitude de jugements rendus à l'encontre du même prévenu, le prononcé d'une peine complémentaire ou
peine d'ensemble, ainsi que les frais liés à toute nouvelle procédure. En ce sens, les intérêts de l'auteur sont préservés. La solution choisie par le législateur tend aussi à éviter des jugements contradictoires, que cela soit au niveau de la constatation de l'état de fait, de l'appréciation juridique ou de la fixation de la peine (ATF 138 IV 214 consid. 3; L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, Petit commentaire du Code de procédure pénale, 3ème éd., Bâle 2025, n. 3 ad art. 29).
4.2. Selon l'art. 30 CPP, si des raisons objectives le justifient, le ministère public peut ordonner la disjonction de causes.
La conduite de procédures séparées doit cependant rester l'exception. Elle tend à garantir la rapidité de l'instruction et à éviter un retard inutile (arrêt du Tribunal fédéral 7B_1184/2024 du 11 avril 2025 consid. 2.2.1 et 2.2.2).
4.3. En l'espèce, la recourante est soupçonnée d'avoir commis diverses infractions, objets des deux affaires précitées. Ces infractions doivent donc, en principe, être poursuivies conjointement (art. 29 al. 1 let. a CPP).
Aucun motif ne milite pour que les causes soient traitées séparément (art. 30 CPP). En effet, leur état d'avancement est analogue. Aucune audition n'a, pour le moment, pu être effectuée dans ces procédures et ces dernières ne paraissent pas particulièrement complexes. À l'inverse, la jonction querellée présentera l'avantage, selon ce que le Ministère public décidera, d'éviter de devoir rendre deux décisions au fond à l'encontre de la prévenue et, le cas échéant, d'avoir à prononcer une peine complémentaire (art. 49 al. 2 CP).
En outre, la jonction critiquée n'entraîne pas, par elle-même, d'accès aux informations relevant de la sphère privée de la recourante par l'une ou l'autre des parties plaignantes constituées dans les procédures P/17244/2024 et P/20340/2025, car les conditions de consultation d'un dossier pénal en cours sont régies par des normes spécifiques et distinctes (cf. art. 101, 102 al. 1 et 108 CPP; ACPR/628/2021 du 23 septembre 2021 consid. 2.2).
Enfin, la recourante n'explique pas en quoi ses droits procéduraux seraient violés par la jonction contestée. Les motifs invoqués par la recourante relèvent plutôt des conséquences inhérentes à toute jonction. On ne discerne pas quel serait son préjudice en cas de jonction.
Il s'ensuit que l'ordonnance déférée, conforme aux réquisits des art. 29 et 30 CPP, est exempte de critique.
5. Le recours devra donc être rejeté.
6. Le prononcé du présent arrêt rend sans objet la demande d'effet suspensif.
7. La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 900.- pour la procédure de recours (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours.
Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, fixés à CHF 900.-.
Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante et au Ministère public.
Siégeant :
Madame Valérie LAUBER, présidente; Madame Catherine GAVIN et
Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.
La greffière : Arbenita VESELI |
| La présidente : Valérie LAUBER |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).
P/17244/2024 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
- frais postaux | CHF | 10.00 |
Émoluments généraux (art. 4) | | |
- délivrance de copies (let. a) | CHF | |
- délivrance de copies (let. b) | CHF | |
- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
- décision sur recours (let. c) | CHF | 815.00 |
Total | CHF | 900.00 |