Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/804/2025 du 03.10.2025 sur OTDP/1585/2025 ( TDP ) , REJETE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/1475/2025 ACPR/804/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du vendredi 3 octobre 2025 |
Entre
A______, domicilié ______ [GE], agissant en personne,
recourant,
contre l’ordonnance rendue le 18 juin 2025 par le Tribunal de police,
et
LE TRIBUNAL DE POLICE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève, case postale 375, 1211 Genève 3,
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimés.
EN FAIT :
A. Par acte expédié le 7 juillet 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 18 juin 2025, notifiée le 4 juillet suivant, par laquelle le Tribunal de police a constaté l’irrecevabilité de l’opposition qu’il avait formée à l’ordonnance pénale du 5 mars 2025 et dit que cette dernière était assimilée à un jugement entré en force.
Le recourant conclut au constat qu’il a été empêché sans sa faute de former opposition à temps à l’ordonnance pénale, à l’octroi d’une restitution du délai d’opposition et à l’annulation de l’ordonnance pénale.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. Par lettre du 23 avril 2024, l’Office cantonal des véhicules a informé A______ qu’en raison de la suspension ou cessation de l’assurance responsabilité civile de son véhicule, le retrait immédiat du permis de circulation et la saisie des plaques de contrôle GE 1______ étaient ordonnés.
b. Par courrier du 15 mai 2024, l’Office cantonal des véhicules a informé A______ que son véhicule ne pouvait plus circuler et qu’il devait immédiatement déposer les plaques ou régulariser la situation, étant précisé qu’une dénonciation était transmise à la police.
c. Le 15 octobre 2024, la police a constaté qu’à proximité du no. ______ de l’avenue 2______, au [quartier du] B______, une voiture était mal stationnée. Après vérification, le véhicule n’était plus assuré et les plaques de contrôle n’avaient pas été restituées. Arrivé sur place, le détenteur, A______, a affirmé aux agents avoir payé l’assurance responsabilité civile, mais avec retard. La police l’a informé qu’il allait être convoqué.
d. Le 6 novembre 2024, A______ a été entendu par la police en qualité de prévenu d’infraction à la LCR. Il avait pensé avoir payé la prime d’assurance, car il réglait en deux fois, mais n’avait en réalité pas versé la deuxième partie. Comme il avait payé la première partie, il pensait que "c’était tout bon". Il n’avait pas reçu de lettre lui demandant de déposer les plaques de contrôle, sinon il l’aurait fait. Il avait circulé avec le véhicule sans savoir que les plaques étaient invalidées. Il avait payé le solde de la prime le 23 octobre 2024.
e. Le 3 décembre 2024, A______ a restitué les plaques d’immatriculation à l’Office cantonal des véhicules.
f. Par ordonnance pénale du 5 mars 2025, A______ a été condamné pour conduite d’un véhicule non couvert par l’assurance responsabilité civile (art. 96 al. 2 LCR) et non restitution de permis ou de plaques (art. 97 al. 1 let. b LCR).
Cette décision a été adressée à A______ par pli recommandé. À teneur du suivi des envois recommandés de la Poste, le destinataire a été avisé le 10 mars 2025 pour retrait. Le pli n’ayant pas été réclamé à l’office postal dans le délai de retrait, il a été retourné à son destinataire.
g. Le 15 avril 2025, A______ a formé opposition à l’ordonnance pénale et requis la restitution du délai. Aucune notification fictive ne pouvait être retenue contre lui, dans la mesure où il ne pouvait s’attendre à recevoir l’ordonnance pénale. Lors de son audition par la police, il avait expliqué avoir payé la prime d’assurance responsabilité civile de son véhicule, une première partie dans le délai de paiement et la deuxième partie dans le délai qui lui avait été accordé par l’assurance. Il n’avait jamais reçu de lettre de l’Office cantonal des véhicules. La police ayant pris note de ses explications, il pensait de bonne foi que "cette histoire était terminée" et qu’aucune suite ne serait donnée. Il ne pouvait donc s’attendre à recevoir une telle notification.
h. Par ordonnance sur opposition tardive, du 15 mai 2025, le Ministère public a transmis la cause au Tribunal de police pour qu’il statue sur la validité de l’opposition à l’ordonnance pénale, précisant que lui-même trancherait [éventuellement] par la suite la demande de restitution du délai d’opposition.
i. Invité par le Tribunal de police à se prononcer sur l’apparente irrecevabilité de son opposition à l’ordonnance pénale, A______ a derechef demandé la restitution du délai d’opposition. Dans les jours qui avaient suivi le contrôle du 15 octobre 2024, il avait réglé la somme due à l’assurance et était dès lors convaincu d’avoir régularisé la situation. Lors de son audition par la police, il avait montré la preuve du paiement. Le policier avait appelé l’assurance, qui avait dit avoir envoyé le dossier à l’Office des poursuites. Par la suite, il s’était rendu audit Office et avait réglé les frais de poursuite. Une collaboratrice de l’assurance l’avait appelé pour s’excuser du désagrément. Depuis lors, il n’avait plus été contacté au sujet de cette affaire. Tout semblait donc régularisé. Du 3 au 22 mars 2025, il se trouvait en arrêt par suite d’accident, ce qui expliquait qu’il n’avait pas récupéré le pli recommandé. Il n’avait appris que le 18 mars 2025, en appelant la Poste, qu’un courrier émanant du Ministère public lui était destiné.
C. Dans l’ordonnance querellée, le Tribunal de police a retenu que l'ordonnance pénale avait été valablement notifiée le 17 mars 2025, à l’issue du délai de garde postal. Le délai pour former opposition était arrivé à échéance le 27 mars 2025. Expédiée le 15 avril 2025, l'opposition avait été faite après l'expiration du délai de 10 jours. L'opposition n'était dès lors pas valable et l'ordonnance pénale devait être assimilée à un jugement entré en force.
Le Tribunal n'était pas compétent pour statuer sur une éventuelle demande de restitution de délai au sens de l'art. 94 al. 1 CPP, cette compétence appartenant au Ministère public, autorité à qui le dossier allait être transmis, aux fins de statuer sur la demande de restitution de délai.
D. a. Dans son recours, A______ déclare agir contre l’ordonnance du Tribunal de police et contre la décision du Ministère public refusant la restitution du délai d’opposition (sic). Il rappelle les faits, à savoir que son assurance était en vigueur lors du contrôle du 15 octobre 2024 car il avait payé une partie de la prime d’assurance et obtenu un délai pour le solde, qu’il avait réglé les jours suivants, ce qu’il avait expliqué et montré à la police. Son comportement avait toujours été transparent et diligent. Il ne pouvait pas raisonnablement prévoir une condamnation, alors qu’il avait tout régularisé. La notification fictive ne pouvait donc pas être retenue contre lui. Dès qu’il avait eu connaissance de la décision, il avait immédiatement formé opposition. La décision du Tribunal de police était disproportionnée et ne respectait pas sa bonne foi, ni la réalité de la régularisation déjà intervenue. Cette condamnation, qui entachait son casier judiciaire pour une situation qui avait été régularisée sans intention délictueuse, compromettait durablement son avenir professionnel, notamment sa volonté de devenir policier.
b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.
EN DROIT :
1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. b CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).
2. La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.
3. Le recourant reproche au Tribunal de police d'avoir jugé irrecevable son opposition à l'ordonnance pénale.
3.1. À teneur de l'art. 353 al. 3 CPP, l'ordonnance pénale est immédiatement notifiée par écrit aux personnes et aux autorités qui ont qualité pour former opposition.
Le prévenu peut faire opposition à l'ordonnance pénale, par écrit, dans les dix jours (art. 354 al. 1 let. a CPP). Si aucune opposition n'est valablement formée, l'ordonnance pénale est assimilée à un jugement entré en force (art. 354 al. 3 CPP).
3.2. Les communications écrites des autorités pénales sont en général notifiées par pli recommandé (art. 85 al. 2 CPP). Le fardeau de la preuve de la notification et de la date de celle-ci incombe en principe à l'autorité qui entend en tirer une conséquence juridique (ATF 129 I 8 consid. 2.2; arrêts du Tribunal fédéral 6B_876/2013 du 6 mars 2014 consid. 2.3.2; 6B_652/2013 du 26 novembre 2013 consid. 1.4.2).
3.3. Le prononcé est réputé notifié si son destinataire ne l'a pas retiré dans les sept jours à compter d'une tentative de remise infructueuse, à condition qu'il ait dû s'attendre à une telle remise (art. 85 al. 4 let. a CPP).
La personne concernée ne doit s'attendre à la remise d'un prononcé que lorsqu'il y a une procédure en cours qui impose aux parties de se comporter conformément aux règles de la bonne foi, à savoir de faire en sorte, entre autres, que les décisions relatives à la procédure puissent leur être notifiées. Ainsi, un prévenu informé par la police d'une procédure préliminaire le concernant, de sa qualité de prévenu et des infractions reprochées, doit se rendre compte qu'il est partie à une procédure pénale et donc s'attendre à recevoir, dans ce cadre-là, des communications de la part des autorités, y compris un prononcé (ATF 146 IV 30 consid. 1.1.2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_448/2024 du 19 septembre 2024 consid. 3.2.2 et les références citées).
Il faut cependant réserver le cas où la direction de la procédure est demeurée passive pendant une longue période, laissant à penser que l'affaire aurait été classée. À ce propos, le Tribunal fédéral a considéré que la notification d'une ordonnance de non-entrée en matière trois mois et demi après le dépôt de la plainte ne présentait pas une longue période (arrêt du Tribunal fédéral 1B_675/2011 du 14 décembre 2011). La Chambre de céans a eu la même appréciation s'agissant de l'écoulement d'un délai de quatre mois entre l'audition à la police du prévenu et la notification de l'ordonnance pénale (ACPR/470/2013 du 10 octobre 2013; ACPR/202/2016 du 12 avril 2016).
3.4. De jurisprudence constante, celui qui se sait partie à une procédure judiciaire et qui doit dès lors s'attendre à recevoir une notification d'actes de l’autorité, est tenu de relever son courrier ou, s'il s'absente de son domicile, de prendre des dispositions pour que celui-ci lui parvienne néanmoins. À ce défaut, il est réputé avoir eu, à l'échéance du délai de garde, connaissance du contenu des plis recommandés que l’autorité lui adresse (ATF 141 II 429 consid. 3.1; 139 IV 228 consid. 1.1 et les références citées; arrêt du Tribunal fédéral 6B_723/2020 du 2 septembre 2020).
Une application stricte des règles de procédure, notamment en matière de délais, s'impose pour des raisons d'égalité de droit et ne relève pas d'un formalisme excessif (ATF 125 V 65 consid. 1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1240/2021 du 23 mai 2022 consid. 4.2 ; 6B_950/2021 du 28 avril 2022 consid. 4.1 ; 6B_256/2022 du 21 mars 2022 consid. 2.1 et la référence citée).
3.5. En l’espèce, il est constant que l’ordonnance pénale a été expédiée par le Ministère public à l’adresse du recourant et que ce dernier n’est pas allé chercher, à l’office postal, le pli recommandé.
Le recourant estime que la fiction de notification prévue à l’art. 85 al. 4 let. a CPP ne s’appliquerait pas à lui, au vu des circonstances.
Le recourant a toutefois été entendu par la police le 6 novembre 2024, en qualité de prévenu, pour un défaut d’assurance responsabilité civile de son véhicule et non dépôt des plaques d’immatriculation. Qu’il ait estimé avoir fait le nécessaire pour régulariser la situation, entre le contrôle policier du 15 octobre 2024 et son audition par la police le 6 novembre suivant, ne le dispensait pas de s’attendre à recevoir une décision des autorités de poursuite pénale, au vu des principes sus-rappelés. En outre, entre son audition à la police, le 6 novembre 2024, et l’envoi de l’ordonnance pénale, le 5 mars 2025, un délai de quatre mois s’est écoulé, durant lequel le recourant, prévenu, devait encore s’attendre à recevoir une communication des autorités pénales.
Partant, l’ordonnance du Tribunal de police ne prête pas le flanc à la critique.
4. Le recourant déclare contester le refus du Ministère public de lui restituer le délai d’opposition à l’ordonnance pénale.
Or, si le Tribunal de police a mentionné qu’il allait transmettre le dossier au Ministère public, aux fins de statuer sur la demande de restitution de délai, cette dernière autorité n’a pas encore rendu sa décision, de sorte que la conclusion est irrecevable, faute de décision préalable.
5. Faute de compétence de la Chambre de céans, la conclusion visant à l’annulation de l’ordonnance pénale est également irrecevable.
6. Partant, le recours sera rejeté.
7. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 800.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours.
Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 800.-.
Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, au Tribunal de police et au Ministère public.
Siégeant :
Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Madame Catherine GAVIN et
Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.
La greffière : Arbenita VESELI |
| La présidente : Daniela CHIABUDINI |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).
P/1475/2025 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
- frais postaux | CHF | 10.00 |
Émoluments généraux (art. 4) | | |
- délivrance de copies (let. a) | CHF | |
- délivrance de copies (let. b) | CHF | |
- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
- décision sur recours (let. c) | CHF | 715.00
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Total | CHF | 800.00 |
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