Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/794/2025 du 01.10.2025 sur ONMMP/3112/2025 ( MP ) , REJETE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/4005/2025 ACPR/794/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du mercredi 1er octobre 2025 |
Entre
A______, Service juridique, ______ [GE],
recourante,
contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 27 juin 2025 par le Ministère public,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. a. Par acte expédié le 4 juillet 2025, la A______ (ci-après : la Banque) recourt contre l'ordonnance du 27 juin 2025, notifiée le 30 suivant, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte du 12 février 2025.
La recourante conclut à l'annulation de l'ordonnance entreprise et au renvoi de la cause au Ministère public pour ouverture d'une instruction pénale, frais à la charge de l'État.
b. Elle a versé les sûretés en CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. La Banque a, le 18 mars 2019, conclu un contrat de leasing d’un véhicule automobile avec B______ Sàrl, représentée par C______, associé gérant avec signature individuelle, pour une durée de 48 mois. À l'issue de cette durée, un nouveau contrat de leasing a été conclu entre les parties, le 6 décembre 2023, d'une durée de 36 mois.
Conformément à l'art. 1 des conditions générales du contrat de leasing, la Banque demeurait propriétaire du véhicule, qui était mis à disposition de la société moyennant paiement d'une redevance mensuelle, de CHF 284.10 à teneur du second contrat.
b. La société ayant pris du retard dans le paiement des mensualités convenues, la Banque lui a adressé, le 16 septembre 2024, un courrier de mise en demeure de rembourser les mensualités impayées, à défaut de quoi elle devrait restituer le véhicule. Sans réponse, la Banque a, par courrier recommandé du 29 octobre 2024, réclamé une ultime fois la restitution du véhicule et a dénoncé le compte de leasing avec effet au 15 novembre 2024.
c. Le 12 février 2025, la Banque a déposé plainte pénale contre C______. Ses courriers des 16 septembre et 29 octobre 2024 étaient restés sans suite. Le véhicule n'avait toujours pas été restitué, ni le crédit remboursé. Il devait dès lors être admis que le preneur de leasing s'était approprié le véhicule pour en disposer sans droit, commettant ainsi un abus de confiance.
C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public a retenu que le fait de ne pas payer les mensualités d'un contrat de leasing et de ne pas restituer le véhicule, sans autre acte d'appropriation, n'était pas constitutif, à lui seul, d'appropriation illégitime (art. 137 CP) ou d'abus de confiance (art. 138 CP); il fallait que d’autres éléments démontrent que le preneur de leasing avait la volonté, à tout le moins par dol éventuel, de déposséder durablement le propriétaire, ce que la Banque n'avait pas rendu vraisemblable ni allégué (par exemple en démontrant la réimmatriculation du véhicule, sa vente ou son exportation définitive).
Les éléments constitutifs des infractions d'appropriation illégitime (art. 137 CP) et d'abus de confiance (art. 138 CP) n'étaient dès lors manifestement pas réunis.
D. a. Dans son recours, la Banque relève que B______ Sàrl, respectivement C______, n'avait jamais donné suite à ses nombreux rappels et courriers, ayant au contraire volontairement rompu tout contact avec elle depuis près d'une année au moment du dépôt de la plainte pénale. Elle-même avait ainsi été empêchée de récupérer le véhicule dont elle était propriétaire, lequel n'avait pas pu être localisé. Il ne faisait dès lors aucun doute que la société, respectivement son associé-gérant, avaient eu la volonté de la déposséder durablement du véhicule concerné, dont elle était propriétaire.
Les conditions d'une non-entrée en matière n'étaient pas réunies.
b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.
EN DROIT :
1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).
2. La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.
3. La recourante reproche au Ministère public de ne pas être entré en matière sur sa plainte pénale.
3.1. Selon l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis. Le ministère public doit être certain que les faits ne sont pas punissables (ATF 137 IV 285 consid. 2.3 et les références citées).
Le principe "in dubio pro duriore" découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 2 CPP en relation avec les art. 19 al. 1 et 324 CPP ; ATF 138 IV 86 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_185/2016 du 30 novembre 2016 consid. 2.1.2 et les références). Il signifie qu'en principe, un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un certain pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'infraction grave (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 p. 243; 138 IV 86 consid. 4.1.2; 137 IV 285 consid. 2.5; arrêts du Tribunal fédéral 6B_417/2017 du 10 janvier 2018 consid. 2.1.2; 6B_185/2016 du 30 novembre 2016 consid. 2.1.2 et les références). En cas de doute, il appartient donc au juge matériellement compétent de se prononcer (arrêt du Tribunal fédéral 6B_185/2016 du 20 novembre 2016 consid. 2.1.2 et les références).
3.2.1. L'art. 137 CP punit quiconque, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, s'approprie une chose mobilière appartenant à autrui.
3.2.2. Selon l'art. 138 ch. 1 al. 1 CP, commet un abus de confiance quiconque, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, s’approprie une chose mobilière appartenant à autrui et qui lui a été confiée.
3.2.3. Ces dispositions nécessitent un dessein d'appropriation. L'appropriation implique que l'auteur veut d'une part la dépossession durable du propriétaire et, d'autre part, qu'il entend s'attribuer la chose, au moins pour un certain temps. La seule volonté d'appropriation ne suffit pas; il faut encore qu'elle se traduise par un certain comportement et que l'auteur montre qu'il incorpore la chose à son patrimoine et se considère comme propriétaire (ATF 121 IV 23 consid. 1c = JdT 1996 IV 166; 118 IV 148 = JdT 1994 IV 105).
Le seul fait de continuer d'utiliser un véhicule à l'échéance du contrat de leasing ne constitue pas nécessairement un abus de confiance; il faut que s'y ajoutent d'autres éléments permettant de penser que le preneur de leasing a la volonté de déposséder durablement le donneur de leasing. Une telle volonté peut se déduire du refus du preneur de leasing de restituer le véhicule parce qu'il conteste le droit de propriété du donneur de leasing; une volonté d'appropriation doit également être admise lorsque l'utilisation excède une certaine durée et dépasse une certaine intensité, et que l'on ne peut plus parler d'usage passager (arrêt du Tribunal fédéral 6B_827/2010 du 24 janvier 2011 consid. 5.5). La Chambre de céans a retenu l'existence d'une possible volonté d'appropriation dans le cas d'un preneur de leasing qui n’avait jamais été vu, par ses voisins, au volant du véhicule en cause et refusait de désigner l’endroit où celui-ci se trouvait (ACPR/703/2025 du 29 août 2025 consid. 3.3.2) ou dans celui d'un véhicule qui n'était plus assuré depuis des mois, ce qui pouvait constituer un indice d'une éventuelle exportation à l'étranger, d'autant que l'intéressé avait cédé la société au nom de laquelle le contrat de leasing avait été conclu (ACPR/331/2023 du 9 mai 2023 consid. 2.3).
3.3. En l'espèce, il est acquis que la recourante est propriétaire du véhicule concerné, lequel n'a pas été restitué à la date à laquelle elle a résilié le contrat de leasing de manière anticipée.
L'autorité intimée soutient que la recourante n'a pas rendu vraisemblable un acte d'appropriation effectif, ce que justifierait une non-entrée en matière sans transmission préalable de la plainte à la police.
Il ressort en effet de la plainte et des pièces qui y sont annexées que si l'intéressé a manifestement refusé de collaborer avec la recourante s'agissant du remboursement des échéances dues ou de la restitution du véhicule, aucun autre indice en faveur d’une volonté d’appropriation durable du véhicule ne semble réalisé, ni n'a d'ailleurs été allégué. En particulier, il n'apparaît pas que l'assurance du véhicule aurait été résiliée, que l'intéressé aurait pris des dispositions concrètes pour céder le véhicule à un tiers ou l’exporter vers l’étranger ou que la société n'aurait pas retiré le recommandé qui lui a été envoyé le 29 octobre 2024, dite société étant au demeurant toujours inscrite au registre du commerce genevois.
Il s’ensuit que les circonstances particulières permettant de retenir l'existence d’un acte d’appropriation ne sont, en l’état, pas réunies.
3.4. À cette aune, le prononcé d’une non-entrée en matière était fondé. Partant, le recours sera rejeté.
3.5. Cela étant, la reprise de l'enquête préliminaire pourrait être demandée, le cas échéant, en cas de faits nouveaux (art. 323 cum 310 al. 2 CPP).
4. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.
5. La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront arrêtés à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours.
Condamne la A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.
Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.
Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante et au Ministère public.
Siégeant :
Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Madame Catherine GAVIN et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.
Le greffier : Julien CASEYS |
| La présidente : Corinne CHAPPUIS BUGNON |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).
P/4005/2025 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
- frais postaux | CHF | 10.00 |
Émoluments généraux (art. 4) | | |
- délivrance de copies (let. a) | CHF | |
- délivrance de copies (let. b) | CHF | |
- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
- décision sur recours (let. c) | CHF | 915.00 |
Total | CHF | 1'000.00 |