Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/792/2025 du 01.10.2025 sur OTPM/181/2025 ( TPM ) , ADMIS
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE PM/351/2025 ACPR/792/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du mercredi 1er octobre 2025 |
Entre
A______, avocat, domicilié ______ [GE], agissant en personne
recourant,
contre la décision rendue le 4 juin 2025 par le Tribunal d'application des peines et des mesures,
et
LE TRIBUNAL D'APPLICATION DES PEINES ET DES MESURES, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève, case postale 3715, 1211 Genève 3
LE MINISTÈRE PUBLIC, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimés.
EN FAIT :
A. Par acte expédié le 16 juin 2025, Me A______ recourt contre la décision du 4 précédent, notifiée le lendemain, par laquelle le Tribunal d'application des peines et des mesures (ci-après, TAPEM), après avoir ordonné la poursuite du traitement institutionnel (art. 59 CP) de son client B______ (chiffre 1 du dispositif), a fixé son indemnité de défenseur d'office à CHF 454.- (TVA à 8.1% incluse) (chiffre 2 du dispositif).
Le recourant conclut, sous suite de frais, à l'annulation du chiffre 2 du dispositif de la décision querellée et à ce que son indemnité soit arrêtée à CHF 562.15 (TVA à 8.1% incluse). Subsidiairement, il conclut au renvoi de la cause au TAPEM pour nouvelle décision.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. B______, né en 1950 et au bénéfice d'une curatelle de portée générale, purge actuellement une peine privative de liberté de douze mois, suspendue au profit d'un traitement institutionnel en milieu fermé au sens de l'art. 59 al. 3 CP, prononcée par jugement rendu le 15 mars 2017 par le Tribunal correctionnel, pour actes d'ordre sexuel avec des enfants (art. 187 CP).
b. Le prénommé se trouve depuis le 30 juillet 2021 à l'EMS C______ situé à D______ [GE].
c. Par ordonnance du 9 avril 2025, le TAPEM a nommé Me A______ en qualité de défenseur d'office de B______ dans le cadre de la procédure tendant à l'examen annuel de la mesure institutionnelle, relevant que ledit conseil était déjà intervenu pour l'assister dans le cadre des précédents contrôles annuels (cf. D.a. infra).
d. Le même jour, le TAPEM a imparti deux délais à B______ pour indiquer s'il souhaitait la tenue d'une audience, respectivement pour transmettre, à défaut, ses éventuelles observations écrites.
Une copie intégrale du dossier pénal a été remise à Me A______, lequel a été invité à transmettre sa note de frais, en marge des déterminations de son client.
e. Par courriers de son conseil des 17 avril et 5 mai 2025, B______ a renoncé à la tenue d'une audience et exposé sa position quant à la poursuite de son traitement.
Me A______ a également produit un état de frais pour l'activité déployée entre les 9 avril et 5 mai 2025, correspondant à 1h45 d'activité au tarif d'associé, soit 1h pour le poste "Conférence" (entretien avec le client à l'EMS C______) et 0h45 pour celui de "Procédure". Ces activités ont été majorées d'un forfait fixé à 20%, de la TVA à 8.1% et d'une vacation à l'EMS C______ (CHF 100.- / Associé).
C. Dans la décision querellée, le TAPEM considère qu'il n'y a pas lieu d'indemniser le temps de déplacement du défenseur d'office à l'EMS C______, dès lors que les vacations étaient uniquement admises pour les audiences, la consultation du dossier et les reconstitution / examen sur site. Il s'ensuivait qu'une indemnité de CHF 350.- (1h45 d'activité au tarif de CHF 200.-), majorée du forfait de 20% (CHF 70.-) et de la TVA à 8.1% (CHF 34.-), correspondant à un montant total de CHF 454.-, apparaissait justifiée.
D. a. Dans son recours, Me A______ reproche au TAPEM d'avoir violé les art. 135 CPP cum 16 RAJ/GE, ainsi que les principes de l'égalité de traitement (art. 8 Cst. féd) et de l'interdiction de l'arbitraire (art. 9 Cst. féd). Le déplacement aller-retour entre son Étude et l'EMS C______ – qui totalisait 1h – était nécessaire à la défense des intérêts de son client, ce d'autant qu'il avait effectué ce trajet à la suite des "sollicitations de l'autorité intimée". Par ailleurs, le TAPEM n'exposait pas en quoi le déplacement pour comparaitre à une audience se distinguait de celui effectué en l'espèce. Enfin, il avait été indemnisé par le passé pour ses vacations à l'institution précitée.
À l'appui de son recours, il produit deux ordonnances des 6 juillet 2023 et 3 juillet 2024 (OTPM/211/2023 et OTPM/176/2024), par lesquelles le TAPEM a indemnisé son déplacement à l'EMS C______.
b. Dans ses observations, le TAPEM s'en rapporte à l'appréciation de la Chambre de céans, relevant que l'entretien avec le client à l'EMS C______ aurait pu être porté à 1h30 (au lieu de 1h) et ce, par analogie avec le temps considéré comme admissible pour les visites de détenus, lequel comprenait le déplacement de l'avocat.
c. Le Ministère public, tout en se ralliant aux déterminations du TAPEM, s'en est rapporté à justice.
d. Me A______ n'a pas répliqué.
EN DROIT :
1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une décision sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. b CPP) et émaner du défenseur d'office, qui a qualité pour recourir (art. 135 al. 3 et 382 al. 1 CPP).
2. Le recourant fait grief au TAPEM d'avoir refusé, de manière injustifiée, l'indemnisation pour sa vacation.
2.1. Selon l'art. 135 al. 1 CPP, le défenseur d'office est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès; s'agissant d'une affaire soumise à la juridiction cantonale genevoise, l'art. 16 du règlement sur l'assistance juridique (RAJ), cette dernière disposition prescrivant que l'indemnité, en matière pénale, est calculée selon le tarif horaire suivant, débours de l'étude inclus: avocat stagiaire CHF 110.- (let. a); collaborateur CHF 150.- (let. b) et chef d'étude CHF 200.- (let. c) ; en cas d'assujettissement, l'équivalent de la TVA est versé en sus.
Conformément à l'art. 16 al. 2 RAJ, seules les heures nécessaires sont retenues. Elles sont appréciées en fonction notamment de la nature, de l'importance et des difficultés de la cause, de la valeur litigieuse, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1113/2022 du 12 septembre 2023 consid. 2.1). Les autorités cantonales jouissent d'une importante marge d'appréciation lorsqu'elles fixent, dans la procédure, la rémunération du défenseur d'office (ATF 141 I 124 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_856/2014 du 10 juillet 2015 consid. 2.3).
Le temps de déplacement de l'avocat est considéré comme nécessaire pour la défense d'office au sens de l'art. 135 CPP (décision de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2015.33 du 28 juillet 2015 consid. 4.3 et les références citées). Dans le cas des prévenus en détention provisoire, le temps considéré admissible pour les visites dans les établissements du canton est d'une heure et 30 minutes quel que soit le statut de l'avocat concerné, ce qui comprend le temps de déplacement (AARP/329/2025 du 9 septembre 2025; ACPR/420/2019 du 6 juin 2019; AARP/181/2017 du 30 mai 2017 consid. 8.2.2.2 et 8.3.5; Ordonnance de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2016.369 du 12 juillet 2017 consid. 4.2.4).
2.2. En l'espèce, le recourant, qui n'a facturé qu'1h d'entretien avec son client, réclame en sus le paiement d'une vacation à CHF 100.-, ce qui, comme relevé par le TAPEM, correspond économiquement au temps total d'1h30 qui aurait pu être retenu. Dès lors, conformément aux principes sus-rappelés, la visite du 2 mai 2025 au client, qui séjournait à l'EMS C______ – et doit donc être considéré comme une personne détenue (cf. ACPR/401/2024 du 29 mai 2024 consid. 2.4) –, doit être rémunérée à hauteur de 1h30, temps de déplacement compris, au tarif associé, étant précisé que l'établissement précité se trouve dans le canton de Genève. En déniant ce droit au recourant, le TAPEM a fait preuve d'un formalisme excessif.
3. Fondé, le recours doit être admis. Partant, le chiffre 2 de la décision querellée sera annulé et l'indemnisation du recourant fixée à CHF 576.45 [(200x2h15 + forfait à 20%) + TVA à 8.1%].
4. 4.1. Le défenseur d'office a droit à des dépens lorsqu'il conteste avec succès une décision d'indemnisation (ATF 125 II 518 consid. 5 p. 520; arrêt du Tribunal fédéral 6B_439/2012 du 2 octobre 2012 consid. 2).
4.2. En l'occurrence, il y a lieu, de lui allouer, à titre de juste indemnité, un montant de CHF 200.- TTC pour son acte de recours, lequel comprend en totalité quatre pages.
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Admet le recours.
Arrête à CHF 576.45, TVA à 8.1% comprise, l'indemnité due à Me A______ pour l'activité déployée dans la procédure PM/351/2025.
Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.
Alloue à Me A______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 200.- pour la procédure de recours.
Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, au Tribunal d'application des peines et des mesures et au Ministère public.
Siégeant :
Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Valérie LAUBER et Catherine GAVIN, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.
Le greffier : Julien CASEYS |
| La présidente : Corinne CHAPPUIS BUGNON |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).