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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/13879/2020

ACPR/769/2025 du 24.09.2025 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : JONCTION DE CAUSES
Normes : CPP.29

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/13879/2020 ACPR/769/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 24 septembre 2025

 

Entre

A______, représenté par Me Adrian SCHNEIDER, avocat, GROSS & Associés, avenue des Mousquines 20, case postale 805, 1001 Lausanne,

recourant,

contre l'ordonnance de jonction rendue le 18 août 2025 par le Ministère public,

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 29 août 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 18 août précédent, notifiée par pli simple, par laquelle le Ministère public a ordonné la jonction des procédures pénales P/8073/2025 et P/13879/2020 sous ce dernier numéro de procédure.

b. Le recourant conclut à l'annulation de cette ordonnance.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Dans le cadre de la procédure pénale P/13879/2020, A______ est prévenu pour des faits qualifiés de violation de domicile (art. 186 CP), de dommages à la propriété (art. 144 al. 1 CP), d'appropriation illégitime (art. 137 ch. 1 et 2 CP) et de contrainte (art. 181 CP) en lien avec un véhicule automobile en leasing. Il a été entendu à deux reprises par le Ministère public, les 21 décembre 2022 et 26 mai 2023.

b. Depuis le 21 février 2025, il est par ailleurs visé par une plainte pénale déposée auprès du Ministère public de B______, dans le canton de Thurgovie, ensuite transmise aux autorités saint-galloises, pour des faits qualifiés de vol (art. 139 CP) en lien avec un contrat de leasing.

c. À la suite d'un échange de vues entre les autorités saint-galloises et genevoises dans le cadre d'une procédure de fixation du for intercantonal (art. 39 CPP), le Ministère public du canton de Genève (ci-après : le Ministère public) a, par ordonnance du 30 mai 2025, rendue par tampon apposé sur la demande émise par le Ministère public du canton de Saint-Gall, accepté la reprise de for s'agissant de la procédure ouverte suite à la plainte déposée le 21 février 2025. Ces faits ont été référencés sous le numéro de procédure P/8073/2025.

Cette décision n'a pas été notifiée à A______.

d. Le 18 août 2025, le Ministère public a émis un mandat d'actes d'enquête ordonnant à la police d'entendre A______ en qualité de prévenu au sujet de la plainte déposée le 21 février 2025.

C. Le Ministère public a motivé son ordonnance de jonction du même jour par le fait que A______ était prévenu dans les deux procédures en cause et que le principe de l'unité de la procédure prescrivait de le poursuivre et juger dans le cadre d'une seule et même procédure.

D. a. Dans son recours, A______ relève qu'aucune décision de reprise de for ne lui avait été notifiée. Le principe de l'unité de la procédure ne s'appliquait qu'en cas de conflits intracantonaux et ne visait que les situations où la présence de plusieurs infractions ou de plusieurs prévenus ne s'accompagnait pas d'un potentiel conflit de compétence ou de fors, soumis prioritairement aux art. 25, respectivement 33 à 38 CPP. Les décisions de fixation de for pouvaient, en vertu de l'art. 41 CPP, être contestées, la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral étant, in fine, compétente.

En l'espèce, la décision de jonction déterminait implicitement le for de la procédure ouverte sous la référence P/8073/2025. Lorsqu'il en avait eu connaissance, il avait d'ailleurs contesté auprès du Ministère public cette fixation de for, motifs à l'appui [qu'il reprend dans son acte de recours]. Quant à la décision de jonction, elle violait les art. 29 et 30 CPP en tant que le Ministère public ne pouvait ordonner la jonction des causes tant que sa compétence n'avait pas valablement été établie. Elle violait également son droit d'être entendu ainsi que l'art. 41 al. 1 CPP en ce qu'elle avait été rendue sans qu'il n'eût eu l'occasion de se déterminer au sujet de la fixation du for intercantonal ni, a fortiori, eu la possibilité de la contester. Enfin, l'ordonnance entreprise entraînait un risque important de décisions contradictoires : les faits visés dans la seconde procédure pourraient finalement devoir être instruits en Thurgovie, ce qui serait incompatible avec l'ordonnance querellée.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et, l'ordonnance entreprise ayant été notifiée par pli simple, dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP; Y. JEANNERET/ A. KUHN/ C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 4 in fine ad art. 30) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

1.2. En tant qu'ils seraient dirigés contre l'ordonnance d'acceptation de for du 30 mai 2025, les arguments du recourant sont cependant exorbitants à la présente procédure de recours, dirigée contre une ordonnance de jonction de causes, et au demeurant hors de la compétence de la Chambre de céans puisque, comme il le rappelle à juste titre, elle relève de la compétence de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (art. 41 al. 2 CPP; art. 37 al. 1 LOAP; arrêt du Tribunal fédéral 1B_338/2022 du 12 juillet 2022 consid. 5).

Quant aux règles relatives à la jonction (art. 29 ss. CPP), elles n'ont pas pour vocation de donner aux parties un moyen parallèle pour contester la détermination intercantonale du for. Au contraire, le principe de l'unité de la procédure et ses exceptions s'appliquent uniquement en cas de conflits intracantonaux et ils ne visent que les situations où la présence de plusieurs infractions ou de plusieurs prévenus ne s'accompagne pas d'un potentiel conflit de compétence ou de fors; dans ces cas en effet, les règles fixées par l'art. 25 CPP, respectivement par les art. 33 à 38 CPP, s'appliquent prioritairement (art. 29 al. 2 CPP; arrêt du Tribunal cantonal de Neuchâtel, ARMP.2022.36 du 13 mai 2022 consid. 1; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 2 s. ad art. 29).

Partant, les arguments en lien avec la question du for sont irrecevables.

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le recourant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu en ce que l'ordonnance entreprise avait été rendue sans qu'il n'eût eu l'occasion de se déterminer au sujet de la fixation du for intercantonal ni, a fortiori, la possibilité de contester cette décision.

3.1. Concrétisant le droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst. féd., 3 al. 2 let. c et 107 al. 1 let. a CPP), l'art. 101 al. 1 CPP permet aux parties de prendre connaissance du dossier pénal (arrêt du Tribunal fédéral 7B_1429/2024 du 20 mars 2025 consid. 3.2).

Cette dernière norme confère au prévenu un accès à la procédure, au plus tard après sa première audition et l'administration des preuves principales par le procureur.

Avant ce stade, la consultation du dossier est soumise à la seule discrétion du ministère public (ATF 137 IV 172 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 7B_207/2023 du 22 février 2024 consid. 2.3.1).

3.2. En l'espèce, le recourant, prévenu dans la cause P/8073/2025, désormais jointe à la cause P/13879/2020 selon l'ordonnance querellée, ne bénéficiait, au jour du prononcé de la décision de jonction entreprise, soit le 18 août 2025, d'aucun droit d'accès au dossier, faute d'avoir été interrogé, que ce soit par le Procureur et même par la police.

Il ne saurait donc se plaindre d'une violation de son droit d'être entendu dans le cadre de son recours dirigé contre l'ordonnance de jonction.

En tant que le grief est dirigé contre l'ordonnance de reprise de for, il est renvoyé au considérant 1.2. supra.

4.             Le recourant conclut à l'annulation de l'ordonnance de jonction.

4.1.1. L'art. 29 CPP règle le principe de l'unité de la procédure. Il prévoit qu'il y a lieu de poursuivre et juger, en une seule et même procédure, l'ensemble des infractions reprochées à un même prévenu. Le principe de l'unité de la procédure tend à éviter les jugements contradictoires et sert l'économie de la procédure (ATF 138 IV 29 consid. 3.2; ATF 138 IV 214 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_428/2018 du 7 novembre 2018 consid. 3.2).

De façon générale, l'art. 49 CP impose la règle de l'unité des poursuites qui veut que les infractions commises en concours doivent être réprimées dans un seul et même jugement et qu'un seul juge doive se prononcer sur l'ensemble des faits qui peuvent être reprochés à un délinquant. Cette solution permet d'éviter la multitude de jugements rendus à l'encontre du même prévenu, le prononcé d'une peine complémentaire ou peine d'ensemble, ainsi que les frais liés à toute nouvelle procédure. En ce sens, les intérêts de l'auteur sont préservés. La solution choisie par le législateur tend aussi à éviter des jugements contradictoires, que cela soit au niveau de la constatation de l'état de fait, de l'appréciation juridique ou de la fixation de la peine (ATF 138 IV 214 consid. 3; L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, Code de procédure pénale, 3ème éd., Bâle 2025, n. 3 ad art. 29).

4.1.2. Selon l'art. 30 CPP, si des raisons objectives le justifient, le ministère public peut ordonner la disjonction de causes.

La conduite de procédures séparées doit cependant rester l'exception. Elle tend à garantir la rapidité de l'instruction et à éviter un retard inutile (arrêt du Tribunal fédéral 7B_1184/2024 du 11 avril 2025 consid. 2.2.1 et 2.2.2).

4.2. In casu, le recourant est soupçonné d'avoir commis diverses infractions, objets des deux affaires précitées. Ces infractions doivent donc, en principe, être poursuivies conjointement (art. 29 al. 1 let. a CPP).

Le recourant s'y oppose, arguant que le Ministère public ne pouvait ordonner la jonction des causes tant que sa compétence n'avait pas valablement été établie et qu'elle entraînait un risque important de décisions contradictoires, si les faits visés dans la seconde procédure devaient finalement être instruits en Thurgovie.

Or, contrairement à ce que soutient le recourant, le fait d'ordonner la jonction des deux procédures P/8073/2025 et P/13879/2020 sans attendre que sa compétence ne soit, cas échéant, définitivement établie, ne consacre pas une violation des articles 29 et 30 CPP, seuls en cause dans le cadre du présent recours. Les deux problématiques sont distinctes et les motifs de la jonction, soit le fait que le recourant est prévenu dans deux procédures et que l'unité de la procédure prescrit de le poursuivre et le juger dans une seule et même cause, sont conformes au texte de la loi et à la jurisprudence rappelée supra.

On ne voit par ailleurs pas en quoi les actes d'instruction qui pourraient être menés à Genève causeraient un risque important de décisions contradictoires puisque le Ministère public est l'autorité de poursuite pénale désormais exclusivement en charge desdits actes. Dans l'hypothèse où le recourant devait in fine obtenir gain de cause dans sa contestation de la reprise de for, le Ministère public pourrait ainsi être dessaisi sans qu'aucune décision contradictoire n'ait été rendue.

Il s'ensuit que l'ordonnance déférée est exempte de critique.

5.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

6.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui comprendront un émolument de CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours dans la mesure de sa recevabilité.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, qui comprennent un émolument de CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Madame Catherine GAVIN et
Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/13879/2020

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

900.00

Total

CHF

985.00