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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/11261/2023

ACPR/679/2025 du 26.08.2025 ( MP ) , ADMIS/PARTIEL

Descripteurs : RETARD INJUSTIFIÉ;REFUS DE STATUER;PRINCIPE DE LA CÉLÉRITÉ
Normes : CPP.5; Cst.29.al1; Cst.29.al2

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/11261/2023 ACPR/679/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 26 août 2025

 

Entre

A______, représentée par sa curatrice, Me B______, avocate,

recourante,

pour déni de justice et violation du principe de la célérité,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 21 juillet 2025, A______ recourt pour déni de justice et violation du principe de la célérité, qu'elle impute au Ministère public.

La recourante conclut, sous suite de frais et dépens – chiffrés en CHF 1'729.60 –, au constat desdits déni et violation et à ce qu'il soit ordonné au Ministère public de (i) mettre en prévention formellement C______ de toutes les infractions qui lui sont reprochées, (ii) organiser une audience de confrontation avec les parties plaignantes, (iii) procéder à la dénonciation de C______ auprès de l'assurance-invalidité et de l'administration fiscale cantonale.

b. La recourante a été dispensée de verser les sûretés (art. 383 CPP).

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 24 mai 2023, le Ministère public a reçu une dénonciation du Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après: TPAE) en lien avec des faits dont A______ – qui souffrait d'un déficit visuel très sévère et faisait l'objet d'une curatelle de gestion et de représentation – aurait été victime de la part de "D______" et susceptibles d'être constitutifs d'abus de confiance. À teneur de ladite dénonciation, ce dernier s'était présenté auprès de A______ comme un représentant de la société E______, avant de se faire remettre une somme de CHF 20'000.- au titre de caution et de réservation d'un appartement dans une coopérative de F______.

b. Le jour même, le Ministère public a transmis cette dénonciation à la police pour complément d'enquête (art. 309 al. 2 CPP).

c. Après avoir été en mesure d'identifier "D______" [C______], les policiers ont établi un rapport de renseignements – daté du 18 juillet 2023, parvenu le 25 suivant au Ministère public – par lequel ils sollicitaient l'identification de ses comptes bancaires, l'émission d'ordres de dépôt auprès de diverses banques (G______, H______, I______ et J______) pour lesdits comptes à compter du 1er octobre 2022, ainsi que la délivrance de deux mandats, l'un en vue d'amener le précité, l'autre afin de perquisitionner son logement.

d. Le 7 novembre 2023, le Ministère public a adressé des ordres de dépôt à I______, G______, J______, K______ et H______, en vue de l'obtention de la documentation bancaire pour toute relation dont C______ aurait été titulaire, ayant-droit ou fondé de procuration. Les banques précitées y ont donné suite les 15, 17, 20, 21 et 22 novembre 2023.

e. Le 5 décembre 2023, B______, curatrice de A______, a été entendue par la police, en qualité de personne appelée à donner des renseignements, en lien avec les agissements dont sa protégée avait été victime.

f. Le 7 décembre 2023, par courrier de leur conseil, L______ et M______ [recte: N______] ont informé le Ministère public des deux plaintes qu'ils avaient déposées le 15 novembre précédent contre C______, lequel les avait escroqués pour un montant total de CHF 163'680.-. Ils sollicitaient l'audition de ce dernier, le séquestre de ses avoirs bancaires – notamment sur un compte ouvert auprès de la banque I______ dont ils communiquaient les coordonnées – et la perquisition de son domicile – indiquant, à cette occasion, trois adresses, dont deux en Suisse et une en France. Dans le cadre de courriers ultérieurs, ils ont réitéré leurs demandes (12 janvier 2024 et 12 mars 2024) et porté d'autres informations à la connaissance du Ministère public (26 avril 2024 et 5 juin 2024).

g. Le 21 décembre 2023, un rapport de renseignements a été établi à l'attention du Ministère public. Les policiers y faisaient état des deux plaintes sus-évoquées, déposées par L______ et N______ lors de leurs auditions par devant la police le 15 novembre précédent. Ces derniers reprochaient à C______ de leur avoir soutiré des sommes importantes après s'être fait passer pour un apporteur d'affaires immobilier. Les policiers y indiquaient que d'autres personnes – principalement des gens dans le besoin, notamment O______, A______, ainsi que plusieurs autres personnes dans le canton de Vaud – étaient susceptibles d'avoir été lésées par C______, lequel était suspecté d'avoir agi par métier dans le cadre d'une "importante affaire d'escroquerie". Les policiers sollicitaient le séquestre de tous les avoirs bancaires du prévenu et demandaient, au vu de la complexité de l'affaire et de sa "nature tentaculaire", qu'elle fût reprise par une brigade spécialisée de la police judiciaire.

h. Le 7 mars 2024, le Ministère public a ouvert une instruction contre C______ des chefs d'abus de confiance (art. 138 CP) et d'escroquerie par métier (art. 146 al. 1 et 2 CP), en lien avec les agissements commis au préjudice de N______, L______, M______ et A______.

i. Le même jour, il a émis un mandat d'arrêt à l'encontre de C______, lequel devait être auditionné par la police, puis amené devant lui.

j. Le 7 mars 2024 également, il a adressé un mandat d'actes d'enquête à la police en vue de l'analyse des pièces bancaires figurant au dossier et de l'audition du précité.

k. Toujours le même jour, le Ministère public a ordonné la jonction de la procédure P/636/2024 – qui portait sur les plaintes de L______, N______ et A______ – à la procédure P/11261/2023 – qui visait quant à elle les autres faits dont C______ était prévenu.

l. Le Ministère public a sollicité l'extrait du casier judiciaire italien du prévenu, lequel lui a été transmis le 12 mars 2024.

m. Le 24 mai 2024, un rapport de renseignements a été établi à l'attention du Ministère public. Les policiers y faisaient état de quatre nouvelles plaintes, déposées par la P______, Q______, R______ et S______, lors de leurs auditions respectives par la police les 6 mars, 3 mai, 6 mai et 10 mai 2024, en lien avec des agissements commis à leur encontre par C______.

n. Le 4 juin 2024, le Ministère public a adressé un nouveau mandat d'actes d'enquête à la police, à charge pour celle-ci de prendre connaissance des nouvelles plaintes, de se coordonner avec lui en amont de l'arrestation de C______, en vue de potentielles perquisitions, et d'entendre le précité.

o. Le 8 août 2024, le Ministère public a adressé une demande d'entraide judiciaire au Ministère public du canton du Valais en vue de l'arrestation de C______ – lequel devait être ultérieurement transféré à Genève –, de la perquisition de ses lieux de résidence et de travail, ainsi que de la saisie de tout moyen de preuve utile.

p. En exécution de cette demande d'entraide, deux mandats – l'un d'arrêt et d'amener, l'autre de perquisition, de fouille et de séquestre – ont été émis le 13 août 2024 par le Ministère public du canton du Valais.

q. Le 12 septembre 2024, la police valaisanne a procédé à l'arrestation de C______, ainsi qu'aux perquisitions de son chalet, du restaurant et de la boutique où il travaillait, lesquelles ont permis la saisie de plusieurs montres et de divers documents dont le précité a dans la foulée demandé la mise sous scellés.

r. Le 13 septembre 2024, C______ a été auditionné par la police genevoise, en qualité de prévenu, en présence de N______, M______, L______ et la représentante de la P______, avant d'être libéré le lendemain. Un rapport d'arrestation a été établi le jour même à l'attention du Ministère public.

s. Le 16 septembre 2024, L______ et N______ ont sollicité le séquestre de plusieurs véhicules appartenant à C______, leur audition, ainsi que celle de la compagne du précité.

t. À teneur du rapport de renseignements du 10 octobre 2024, les policiers genevois se sont rendus à T______ [VS], le 27 septembre 2024, en vue de récupérer des mains de leurs homologues valaisans les documents et objets saisis lors des perquisitions du 12 septembre 2024.

u. Par courrier de son conseil du 15 octobre 2024, A______ s'est étonnée que le Ministère public n'eût toujours pas "formellement mis en prévention" C______ des chefs d'escroquerie, voire abus de confiance, qu'elle suspectait par ailleurs de s'être rendu coupable d'obtention illicite de prestations d'une assurance sociale, soit en l'occurrence de l'assurance-invalidité (art. 148a al. 1 CP), et qu'il n'eût toujours pas jugé opportun de l'auditionner. Elle sollicitait la "mise en prévention formelle" du précité, ainsi que leur confrontation, et demandait par ailleurs que celui-ci fût dénoncé auprès de l'assurance-invalidité et de l'administration fiscale cantonale.

v. Le 12 novembre 2024, le Ministère public a adressé un ordre de dépôt à I______, en vue de l'obtention de diverses pièces bancaires relatives à un compte dont C______ était titulaire auprès de cet établissement. La banque précitée y a donné suite le 21 suivant.

w. Par courrier de son conseil du 23 avril 2025, A______ s'est plainte de ce qu'aucune suite n'avait été donnée à son précédent envoi du 15 octobre 2024. Elle réitérait ses réquisitions de preuve et informait le Ministère public que, faute de nouvelles de sa part, elle introduirait un recours pour déni de justice.

x. Le 2 mai 2025, la Procureure nouvellement chargée de l'affaire a informé A______ qu'elle avait succédé à un de ses collègues, "que tout acte d'enquête nécessitera[it] la prise de connaissance préalable de ce dossier" et qu'elle ne "manquerait pas de [lui] revenir dans les meilleurs délais".

y. Par courrier de son conseil du 6 juin 2025, A______ a rappelé au Ministère public que ses réquisitions de preuves avaient été formulées le 15 octobre 2024, soit huit mois plus tôt. Elle priait donc cette autorité de bien vouloir se déterminer à cet égard d'ici au 16 juin 2025, faute de quoi elle "saisirait la Chambre pénale de recours pour déni de justice".

C. a. Dans son recours, A______ dénonce un déni de justice. Alors qu'elle avait requis un certain nombre d'actes d'instruction simples, le 15 octobre 2024, comme la mise en prévention formelle de C______ et sa confrontation à ce dernier, le Ministère public n'y avait donné aucune suite, sans par ailleurs rendre de décision de refus à cet égard, se contentant de répondre qu'il devait prendre connaissance du dossier, ce qu'il n'avait toujours pas fait le 2 mai 2025.

A______ reproche également à cette autorité d'avoir violé le principe de la célérité. Alors qu'elle avait déposé plainte le 5 décembre 2023 contre C______, ce dernier n'avait été entendu par la police que le 13 septembre 2024, avant d'être libéré le lendemain par le Ministère public, lequel n'avait par ailleurs rien entrepris depuis lors. Il était choquant que, vingt mois après le dépôt de sa plainte, cette autorité n'eût toujours pas pris connaissance du dossier, lequel n'était ni compliqué ni volumineux. Elle n'avait eu de cesse de la relancer, le 23 avril 2025, puis encore le 6 juin 2025, en l'avertissant que, faute de réaction de sa part, elle interjetterait recours.

b. Le Ministère public s'en rapporte à justice. Il indique avoir fait procéder à l'arrestation et l'audition de C______ entre les 12 et 14 septembre 2024, puis avoir adressé un ordre de dépôt à la banque I______ le 12 novembre 2024. Il comptait convoquer prochainement une audience de confrontation. Deux autres procédures dirigées à l'encontre du prévenu depuis les 17 et 23 janvier 2025 (P/1433/2025 et P/2019/2025) devraient être instruites, cas échéant jointes à la présente procédure.

c. A______ réplique et persiste. C______ n'avait toujours pas été mis en prévention malgré l'accumulation des procédures dirigées à son encontre. Le Ministère public s'obstinait à ne toujours pas fixer d'audience de confrontation, se bornant à relater ses intentions à cet égard. Le principe de la célérité persistait ainsi à être violé – ce que cette autorité ne remettait pas en cause dans le cadre de ses observations –, de sorte que la Chambre de céans devait lui fixer un "très bref délai" pour convoquer cette audience à "brève échéance".

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours, formé pour déni de justice et violation du principe de la célérité, soit des griefs invocables en tout temps (art. 396 al. 2 CPP), a été interjeté selon la forme prescrite (art. 393 et 396 al. 1 CPP), par la partie plaignante, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), qui dispose d'un intérêt juridiquement protégé à ce qu'il soit statué sur ses requêtes, et ce dans un délai raisonnable (art. 382 CPP).

1.2. Les conclusions de la recourante tendant à la dénonciation par le Ministère public de certains faits auprès de l'assurance-invalidité et de l'administration fiscale cantonale sont toutefois irrecevables. En effet, le Ministère public n'était pas tenu, à ce stade, de les dénoncer (art. 3 ch. 22 de l'Ordonnance réglant la communication des décisions pénales prises par les autorités cantonales; art. 70 de la Loi fédérale sur l'assurance-invalidité; art. 90 de la Loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants et
art. 29 al. 3 de la Loi genevoise relative à l'office cantonal des assurances sociales). Dans tous les cas, la recourante n'a pas d'intérêt juridiquement protégé à contester cette absence de dénonciation, étant précisé que rien ne l'empêcherait, si elle s'y estime fondé, de dénoncer elle-même ces faits.

2.             La recourante dénonce un déni de justice, le Ministère public n'ayant toujours pas informé C______ des charges qui pèsent sur lui, ni convoqué d'audience de confrontation, quand bien même elle lui en avait fait la demande à réitérées reprises.

2.1.       Une autorité se rend coupable d'un déni de justice formel prohibé par
l'art. 29 al. 2 Cst. lorsqu'elle refuse de statuer sur une requête qui lui a été adressée, soit en l'ignorant purement et simplement, soit en refusant d'entrer en matière, ou encore omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à prendre (ATF 138 V 125 consid. 2.1; 135 I 6 consid. 2.1; arrêts du Tribunal fédéral 6B_868/2016 du 9 juin 2017 consid. 3.1, 5A_578/2010 du 19 novembre 2010 et 5A_279/2010 du 24 juin 2010 consid. 3.3; G. PIQUEREZ/ A. MACALUSO, Procédure pénale suisse : Manuel, 3e éd., Zurich 2011, n. 187).

2.2.       En l'espèce, la recourante a sollicité du Ministère public, par courrier du 15 octobre 2024, "la mise en prévention formelle" de C______ et la convocation d'une audience de confrontation, requête qu'elle a réitérée le 23 avril 2025, puis le 6 juin 2025, tout en l'informant, lors de chacune de ses relances, que, faute de réaction de sa part, elle saisirait la Chambre de céans pour déni de justice. Force est d'admettre, avec la recourante, que le Ministère public ne s'est pas prononcé sur sa requête, malgré les deux relances qu'elle lui avait adressées. Peu importe à cet égard que cette autorité n'entendît pas y réserver une suite favorable, elle se devait de prendre position sur celle-ci, afin de permettre à la recourante, cas échéant, de recourir contre la décision y relative.

Certes, la Procureure a indiqué, dans le cadre de ses observations, qu'elle "comptait convoquer prochainement une audience de confrontation". La communication d'une telle intention est toutefois insuffisante. Dans la mesure où, après avoir sollicité une première fois la tenue d'une telle audience, la recourante avait réitéré sa requête à deux autres reprises, le Ministère public se devait, s'il estimait qu'une telle audience se justifiait, de la convoquer ou, dans le cas contraire, de refuser de l'appointer tout en motivant sa décision. Faute de décision rendue à cet égard, le silence de cette autorité consacre un déni de justice, lequel sera constaté. Un délai au 15 septembre 2025 sera dès lors imparti au Ministère public afin qu'il convoque une audience de confrontation dans le courant de l'automne 2025.

3.             La recourante dénonce une violation du principe de la célérité.

3.1.       À teneur de l'art. 5 al. 1 CPP, les autorités pénales engagent les procédures pénales sans délai et les mènent à terme sans retard injustifié. Cette disposition concrétise le principe de la célérité, et prohibe le retard injustifié à statuer, posé par l'art. 29 al. 1 Cst., qui garantit notamment à toute personne, dans une procédure judiciaire ou administrative, le droit à ce que sa cause soit traitée dans un délai raisonnable. Comme on ne peut pas exiger de l'autorité pénale qu'elle s'occupe constamment d'une seule et unique affaire, il est inévitable qu'une procédure comporte quelques temps morts. Lorsqu'aucun d'eux n'est d'une durée vraiment choquante, c'est l'appréciation d'ensemble qui prévaut; des périodes d'activités intenses peuvent donc compenser le fait que le dossier a été laissé momentanément de côté en raison d'autres affaires. Selon la jurisprudence, apparaît comme une carence choquante une inactivité de treize ou quatorze mois au stade de l'instruction (arrêt du Tribunal fédéral 6B_172/2020 du 28 avril 2020 consid. 5.1). Le principe de la célérité peut être violé même si les autorités pénales n'ont commis aucune faute; elles ne sauraient exciper des insuffisances de l'organisation judiciaire (ATF 130 IV 54 consid. 3.3.3; arrêt du Tribunal fédéral 6B_545/2015 du 10 février 2016 consid. 4.1). Seul un manquement particulièrement grave, faisant au surplus apparaître que l'autorité de poursuite n'est plus en mesure de conduire la procédure à chef dans un délai raisonnable, pourrait conduire à l'admission de la violation du principe de célérité. En cas de retard de moindre gravité, des injonctions particulières peuvent être données, comme par exemple la fixation d'un délai maximum pour clore l'instruction (cf. ATF 128 I 149 consid. 2.2, rendu en matière de détention préventive).

3.2.       Si le justiciable veut pouvoir ensuite soulever ce grief devant l'autorité de recours, il lui appartient toutefois d'entreprendre ce qui est en son pouvoir pour que l'autorité fasse diligence, par exemple en l'invitant à accélérer la procédure et à statuer à bref délai (ATF 130 I 312 consid. 5.2 ; 126 V 244 consid. 2d). Il serait en effet contraire au principe de la bonne foi, qui doit présider aux relations entre organes de l'État et particuliers en vertu de l'art. 5 al. 3 Cst., qu'un justiciable se plaigne d'un déni de justice devant l'autorité de recours, alors qu'il n'a entrepris aucune démarche auprès de l'autorité concernée pour remédier à la situation (ATF 149 II 476 consid. 1.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_4/2023 du 27 février 2023 consid. 2.2).

3.3.       En l'espèce, contrairement à ce que semble penser la recourante, le Ministère public n'est pas resté inactif. À réception de la dénonciation du TPAE, le 24 mai 2023, il a aussitôt transmis la procédure à la police pour complément d'enquête, laquelle lui a fait parvenir son rapport le 25 juillet 2023. Trois mois et demi plus tard, le 7 novembre 2023, il a adressé des ordres de dépôt à plusieurs banques, lesquels ont permis d'obtenir diverses pièces bancaires. À réception d'un nouveau rapport de la police, fin décembre 2023, le Ministère public a, le 7 mars 2024, soit deux mois et demi plus tard, ouvert une instruction à l'encontre de C______. Il a par ailleurs sollicité l'extrait du casier judiciaire de ce dernier, émis un mandat d'arrêt en vue de son arrestation et de son audition et adressé un mandat d'actes d'enquête à la police afin d'analyser les diverses pièces bancaires sus-évoquées. Le 4 juin 2024, une semaine seulement après avoir reçu un nouveau rapport de la police – lequel faisait état de quatre nouvelles plaintes –, le Ministère public a adressé un mandat d'actes d'enquête à la police en lien avec celles-ci. Deux mois plus tard, le 8 août 2024, il a envoyé une demande d'entraide judiciaire au Ministère public du canton du Valais en vue de l'arrestation et de l'audition de C______, ainsi que de la perquisition de ses lieux de résidence et de travail, actes ayant été exécutés les 12 et 13 septembre 2024. Le 12 novembre 2024, soit deux mois plus tard, le Ministère public a adressé un nouvel ordre de dépôt à une banque, lequel a permis d'obtenir d'autres pièces bancaires. Le Ministère public ne semble ensuite plus rien avoir entrepris dans le cadre de cette procédure, laquelle a ultérieurement été reprise par une nouvelle Procureure, ce dont cette dernière a informé la recourante le 2 mai 2025, tout en lui précisant qu'elle devait prendre connaissance du dossier et ne manquerait pas de lui revenir dans les meilleurs délais.

Bien que le Ministère public eût omis de statuer sur certaines requêtes de la recourante, omissions pour lesquelles un déni de justice a dû être constaté (cf supra consid. 2.2), l'instruction de la procédure n'a pas connu de période d'inactivité. En effet, durant les deux années qui ont suivi la dénonciation du TPAE, seul un temps mort de neuf mois et demi – correspondant à la période entre le 12 novembre 2024 et la date du prononcé du présent arrêt – est à déplorer, lequel paraît trouver son origine dans le changement de magistrat survenu en 2025. S'il est vrai qu'un changement de procureur ne saurait excuser des retards dans l'instruction d'une procédure, dès lors que le Ministère public est "un et indivisible", selon la formule consacrée, et que des raisons tenant à l'organisation judiciaire n'ont pas à entrer en ligne de compte (cf supra consid. 3.1), un tel temps mort, en deçà de ce que la jurisprudence considère comme une carence choquante, ne saurait toutefois emporter une violation du principe de la célérité. Un tel constat s'impose d'autant plus au regard de l'ensemble des actes accomplis au cours de l'instruction et de la complexité de l'affaire, que la police a qualifiée de "tentaculaire" au point d'en solliciter la reprise par une brigade spécialisée. La Procureure nouvellement chargée de l'affaire, qui ne saurait exciper de la nécessité de prendre connaissance du dossier pour les raisons exposées plus haut, sera toutefois enjointe à faire diligence, non seulement en appointant une audience de confrontation dans le courant de l'automne 2025 (cf supra consid. 2.2), mais également en accomplissant tout autre acte qu'elle jugera en l'état pertinent d'effectuer.

Il s'ensuit que le grief de violation du principe de la célérité doit, à ce stade, être rejeté.

4.             En conclusion, le recours sera partiellement admis, en tant que doit être constaté un déni de justice, et rejeté pour le surplus, dans la mesure de sa recevabilité.

5.             L'admission partielle du recours ne donnera pas lieu à la perception de frais (art. 428 al. 1 CPP).

6.             L'activité de Me B______, curatrice de la recourante, sera indemnisée par l'autorité qui l'a nommée (art.  4, 6 et 10 du Règlement fixant la rémunération des curateurs [RRC; E 1.05.16]; ACPR/374/2025 du 16 mai 2025 consid. 4; ACPR/762/2021 du 10 novembre 2021 consid. 5).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Admet partiellement le recours.

Constate un déni de justice, en tant que le Ministère public a omis de statuer sur la demande de A______ tendant à la convocation d'une audience de confrontation, et invite cette autorité, d'ici au 15 septembre 2025, à fixer celle-ci dans le courant de l'automne 2025.

Rejette le recours pour le surplus, dans la mesure de sa recevabilité.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante, soit pour elle sa curatrice, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Madame Catherine GAVIN et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).