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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/9754/2025

ACPR/484/2025 du 25.06.2025 sur OMP/10562/2025 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : PROFIL D'ADN;PESÉE DES INTÉRÊTS;PROPORTIONNALITÉ;ANTÉCÉDENT
Normes : CPP.255.al1; CPP.255.al1bis

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/9754/2025 ACPR/484/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 25 juin 2025

 

Entre

A______, représenté par Me B______, avocat,

recourant,

 

contre l'ordonnance d'établissement d'un profil d'ADN rendue le 1er mai 2025 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte déposé le 12 mai 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 1er précédent, notifiée le même jour, par laquelle le Ministère public a ordonné l'établissement de son profil d'ADN.

Le recourant conclut, sous suite de frais, préalablement, à l'extension de son mandat d'office à la procédure de recours; principalement, à l'annulation de l'ordonnance précitée et à la destruction du prélèvement d'ADN effectué sur sa personne.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 7 juillet 2023, C______ et D______, son fils et curateur, ont déposé plainte contre inconnu pour des faits susceptibles d'être constitutifs d'usure (art. 157 CP) dont celle-là avait été victime.

Vers mars 2023, C______ – née en 1944, qui souffre d'un déficit de la mémoire à court terme et dont les troubles seraient, selon son fils, en nette aggravation – avait répondu à une petite annonce proposant des services de ménage à domicile. Des individus s'étaient présentés à son appartement afin de réaliser son ménage. Elle leur avait prêté de l'argent, devenant la "marraine" de leurs enfants. Elle avait débuté une relation téléphonique et par messages interposés – qu'elle n'avait pas conservés – avec une personne devenu son "ami", qui avait un numéro de téléphone français (ci-après, le premier numéro). Par la suite, elle avait effectué divers retraits bancaires, à intervalle régulier, expliquant à son fils que ceux-ci étaient destinés à cet "ami" qui avait besoin d'aide pour des frais financiers liés à l'AVC de sa mère. Selon D______, des retraits avaient été effectués entre les 20 et 22 mars 2023, pour un montant total de CHF 8'100.-, d'autres prélèvements tout aussi inhabituels mais pour des sommes plus modiques ayant eu lieu durant les semaines suivantes. Il avait tenté de prendre contact avec le détenteur du numéro précité, en vain, avant d'être recontacté par une personne ayant un autre numéro français, laquelle l'avait redirigé vers le premier numéro, lui expliquant n'avoir rien à voir avec cette histoire, contrairement à l'autre. D______ était finalement parvenu à joindre le détenteur du premier numéro, qui avait réfuté l'ensemble des accusations.

b. À teneur du rapport de renseignements du 12 septembre 2023, la police a pu identifier les détenteurs des deux numéros précités comme étant E______ et F______, tous deux résidents à G______, en France. Malgré l'envoi de mandats de comparution, les enquêteurs ne sont pas parvenus à les entendre, ce qui a conduit le Ministère public à émettre, le 15 février 2024, un avis de recherche et d'arrestation à l'encontre de E______, "principal suspect" à teneur du rapport de la police.

c. Le 27 septembre 2024, D______ a déposé une nouvelle plainte pour le compte de C______, à la suite d'une "escroquerie" dont celle-ci avait été victime la veille.

Lors d'une conversation téléphonique avec sa mère ce jour-là, il l'avait entendue discuter avec un homme qui présentait un "accent" et lui avait demandé CHF 280.-, ce que sa mère avait accepté. Comme cette dernière avait déjà été victime d'agissements similaires en 2023, il avait prévenu la police, laquelle avait retrouvé C______ en compagnie d'un homme que les enquêteurs n'étaient pas parvenus à identifier. Il avait rejoint sa mère sur place, laquelle n'était en possession plus que de CHF 7.- environ, malgré le fait qu'elle avait retiré CHF 200.- trois heures plus tôt.

Ces faits, tout comme ceux survenus en 2023, font l'objet d'une procédure distincte.

d. Le 30 avril 2025, D______ a déposé une nouvelle plainte pénale en lien avec des faits survenus le jour même au préjudice de sa mère, lesquels font l'objet de la présente procédure.

Une banque l'avait contacté car sa mère avait souhaité retirer la somme de CHF 1'200.-. Il avait demandé à la collaboratrice de l'établissement de ne pas lui remettre l'argent et prévenu la police. Sa mère lui avait expliqué avoir besoin de CHF 1'200.- pour aider l'homme qui venait nettoyer ses vitres. Elle le connaissait depuis plus de dix ans et était la marraine de sa fille qui souffrait d'un grave problème au cerveau. Elle lui avait confirmé qu'il s'agissait de la même personne que celle à qui elle avait donné les CHF 8'000.- en 2023. L'individu s'était présenté chez elle le matin pour lui demander de l'argent, sous prétexte d'aider sa fille malade. Elle lui avait remis la somme de CHF 100.-, avant de se rendre à la banque dans le but de retirer CHF 1'200.-. Comme la transaction ne passait pas, elle s'était ensuite rendue à une autre succursale. Sa mère souffrait de perte de mémoire à court terme, à tel point que l'IMAD devait lui rendre visite plusieurs fois par semaine pour s'assurer qu'elle s'alimentât et prît correctement ses médicaments. En raison de ces troubles, les propos de sa mère pouvaient varier et être parfois incohérents.

e. Selon le rapport d'arrestation du 30 avril 2025, la police était intervenue ce jour-là, suite au signalement d'une arnaque sur le point d'être commise au préjudice de C______. Selon les images de vidéosurveillance et le dispositif mis en place, cette dernière et un homme de type roumain – ultérieurement identifié comme étant A______, résidant de G______ – étaient descendus à l'arrêt de tram à proximité de la banque. Ils avaient discuté brièvement, puis s'étaient dirigés ensemble vers l'établissement, où C______ était entrée. L'homme avait ensuite été aperçu faisant les cent pas devant la banque, visiblement en train d'attendre quelqu'un. Quelques minutes plus tard, C______ était sortie de l'établissement bancaire, avant de se diriger vers les arrêts de tram. A______, qui avait entre-temps changé de trottoir, surveillait toujours la sortie de la banque. Après que C______ fut montée dans le tram en direction de son domicile, A______ s'était mis à courir dans la même direction. Il était monté dans le véhicule à l'arrêt suivant et avait discuté brièvement avec elle, avant de descendre deux arrêts plus loin et d'être interpellé par la police.

f. Entendu par la police le même jour, A______ a expliqué avoir rencontré C______ [prénom] quelques mois plus tôt, alors qu'il vendait des journaux "sans abri". Elle lui avait proposé d'aller chez elle, ce qu'il avait dans un premier temps refusé. Il l'avait revue à quelques reprises et s'était rendu deux ou trois fois chez elle. Il ne lui avait pas dit que son enfant était malade, étant précisé que c'était elle qui lui avait demandé des nouvelles de sa fille et de son travail. Il ne se souvenait plus de l'argent que celle-ci lui avait donné à ces occasions, "parfois CHF 10.- ou CHF 20.-", mais pas des "centaines de francs". Le matin des faits, il s'était rendu au domicile de C______. Elle lui avait fait remarquer que cela faisait longtemps qu'ils ne s'étaient pas vus et l'avait invité à monter. Elle lui avait offert un café et il l'avait aidée à faire la vaisselle. Sur proposition de C______, ils s'étaient rendus en ville. Elle était entrée dans la banque et il l'avait attendue. À un moment donné, il l'avait aperçue dans le tram. Comme elle lui avait précédemment indiqué qu'elle lui donnerait CHF 20.- ou CHF 30.- environ – et non pas CHF 1'200.-, somme que C______ avait tenté de retirer à la banque – il l'avait rejointe dans le tram. Elle lui avait dit qu'elle n'avait pas pu retirer d'argent et ne lui donnerait rien. Il était donc descendu du tram. Sans revenus ni fortune, il lui arrivait de vendre des journaux et de travailler comme intérim pour subvenir à ses besoins. Il ne se souvenait plus quand il était arrivé pour la première fois en Suisse. Il y était venu pour mendier ou faire les poubelles.

g. Le 1er mai 2025, le Ministère public a ouvert une instruction contre A______ du chef d'usure (art. 157 CP), lui reprochant d'avoir exploité la faiblesse de la capacité de jugement de C______, qui souffrait de perte de mémoire à court terme, en tentant de se faire remettre la somme de CHF 1'200.- en échange du nettoyage de ses vitres, soit un avantage pécuniaire en disproportion évidente avec une telle prestation sur le plan économique.

h. Une audience de confrontation s'est tenue par devant le Ministère public le 1er mai 2025.

C______ a expliqué que A______ venait parfois l'aider gratuitement à la maison. Elle ne se souvenait pas qu'il lui eût demandé de l'argent, ni d'être allée à la banque la veille. Elle le connaissait depuis longtemps et il était bien l'une des personnes s'étant rendues chez elle en mars 2023 pour des services de ménage à domicile. Il était honnête et ce n'était pas un voleur.

D______ a déclaré ne pas pouvoir reconnaître A______. S'il avait aperçu une fois, en juin ou juillet 2023, une personne qui sonnait chez elle à travers le Juda, il ne pouvait pas dire que c'était lui.

A______ a en substance confirmé ses précédentes déclarations. Il lui était arrivé de faire des commissions pour C______ ou de lui rendre un service gratuitement. Il ne lui avait pas demandé EUR 1'200.- en raison du cancer au cerveau de sa fille. Il habitait chez ses beaux-parents, qui subvenaient à ses besoins. Il vendait des journaux, ce qui lui rapportait un peu d'argent, et il percevait également le chômage.

i. Son casier judiciaire suisse est vierge. Il ressort toutefois de l'extrait de son casier judiciaire français qu'il a été condamné le 18 décembre 2013, à une peine d'emprisonnement de 15 jours avec sursis, pour vol en réunion, puis le 25 janvier 2024, à une peine d'emprisonnement de 6 mois avec sursis et à une amende de EUR 300.-, pour violence suivie d'incapacité n'excédant pas 8 jours, en présence d'un mineur, par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité.

C. Le Ministère public motive l'ordonnance querellée par le fait que le policier avait indiqué dans son rapport qu'un prélèvement d'ADN se justifiait car A______ pourrait avoir commis d'autres délits similaires en ciblant et se rendant chez des personnes âgées, particulièrement vulnérables en raison de leur âge, afin de s'enrichir de manière disproportionnée en profitant de leur faiblesse.

D. a. Dans son recours, A______ dénonce une violation de l'art. 255 al. 1bis CPP. Alors que l'établissement de son profil d'ADN avait été ordonné en vue de résoudre "d'autres cas potentiels", ni la police, ni le Ministère public à sa suite, n'invoquaient d'indices permettant de rendre vraisemblable son implication dans le cadre d'autres faits à élucider, le dossier ne comportant aucun élément à cet égard. La mesure querellée relevait ainsi de la "fishing expedition", ce d'autant que son casier judiciaire était vierge. Il n'était pas clair que les "autres cas potentiels" fissent référence aux faits dénoncés par C______ datant de 2023 et 2024 et, si tant est que tel fût bien le cas, la mesure querellée n'était pas adéquate pour élucider les faits portés à la connaissance du Ministère public. Les faits qui lui étaient reprochés n'atteignaient pas le seuil de gravité requis pour ordonner une telle mesure, tant s'agissant de l'infraction en cause – soit l'usure, qui n'impliquait aucune atteinte à l'intégrité physique ou sexuelle et se distinguait d'autres infractions bien plus graves contre le patrimoine, à l'instar du brigandage ou du vol par effraction –, que du montant en jeu (CHF 1'200.-). La mesure était ainsi disproportionnée et rien ne justifiait de faire primer l'intérêt à la sécurité publique sur sa liberté personnelle et son droit d'être protégé contre l'emploi abusif de ses données personnelles.

b. Le Ministère public conclut à la confirmation de son ordonnance. L'établissement du profil d'ADN de A______ avait été ordonné, non pas pour élucider l'infraction en cours d'instruction, mais d'autres infractions contre le patrimoine, dès lors qu'il avait déjà été soupçonné de faits similaires par la police, compte tenu en particulier de la plainte du 7 juillet 2023, mais également de sa condamnation en 2013, en France, pour vol en réunion – selon l'extrait du casier judiciaire français qu'il produit à l'appui de ses observations–, antécédent spécifique justifiant à lui seul d'ordonner un prélèvement au sens du chiffre 4.3 de la directive A5 du Ministère public. A______ avait fourni des explications variables et inconsistantes s'agissant de sa rencontre et de ses échanges avec C______, admettant s'être rendu à plusieurs reprises chez elle et avoir reçu de l'argent de sa part, tout en prétextant avoir travaillé gratuitement pour elle, ceci quand bien même il se disait sans ressources. Ces éléments, pris conjointement avec le fait que C______ avait déjà été abusée par un individu non identifié se trouvant également à G______, permettaient de fonder des soupçons suffisants qu'il eût pu agir de manière similaire à l'égard d'autres personnes âgées et vulnérables, chez lesquelles il aurait pu laisser des traces ADN.

c. Le recourant réplique et persiste. Les faits commis en 2023 et 2024 ne lui avaient jamais été reprochés, preuve en était le fait que l'ordonnance d'ouverture d'instruction ne visait que ceux survenus le 30 avril 2025. Le Ministère public n'étayait nullement les indices sérieux et concrets quant au fait qu'il pourrait être impliqué dans d'autres infractions. Ses déclarations n'avaient nullement fluctué et, quand bien même elles l'auraient, cela ne légitimait aucunement l'ordonnance querellée. Le Ministère public ne pouvait se fonder sur l'extrait de son casier judiciaire français pour justifier l'établissement de son profil d'ADN, dès lors que cette autorité n'en avait eu connaissance que postérieurement au prononcé de l'ordonnance litigieuse. Il ignorait tout des faits à l'origine de cette condamnation, laquelle remontait à 2013 et n'avait débouché que sur le prononcé d'une peine "infiniment faible" ne pouvant suffire à ordonner l'établissement de son profil d'ADN.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant s'oppose à l'établissement de son profil d'ADN.

2.1.       Comme toute mesure de contrainte, le prélèvement d'un échantillon d'ADN et l'établissement d'un profil d'ADN sont de nature à porter atteinte au droit à la liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst.) et à la protection contre l'emploi abusif de données personnelles (art. 13 al. 2 Cst. et 8 CEDH; ATF 147 I 372 consid. 2.2; 145 IV 263 consid. 3.4). Ces mesures doivent ainsi être fondées sur une base légale suffisamment claire et précise, être justifiées par un intérêt public et être proportionnées au but visé (cf. art. 36 al. 1 à 3 Cst.; ATF 147 I 372 consid. 2.3.3).

L'art. 197 al. 1 CPP rappelle ces principes en précisant que des mesures de contrainte ne peuvent être prises que si elles sont prévues par la loi (let. a), si des soupçons suffisants laissent présumer une infraction (let. b), si les buts poursuivis ne peuvent pas être atteints par des mesures moins sévères (let. c) et si elles apparaissent justifiées au regard de la gravité de l'infraction (let. d).

2.2.       Selon l'art. 255 CPP, l'établissement d'un tel profil peut être ordonné sur le prévenu pour élucider un crime ou un délit, qu'il s'agisse de celui pour lequel l'instruction est en cours (al. 1) ou d'autres infractions (al. 1bis), passées ou futures, qui sont encore inconnues des autorités (ATF 147 I 372 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 7B_152/2023 du 2 juillet 2024 consid. 2.1.2).

2.3.       L'établissement d'un profil d'ADN, lorsqu'il ne sert pas à élucider une infraction pour laquelle une instruction pénale est en cours, est conforme au principe de la proportionnalité uniquement s'il existe des indices sérieux et concrets que le prévenu pourrait être impliqué dans d'autres infractions, mêmes futures. Il doit toutefois s'agir d'infractions d'une certaine gravité (ATF 147 I 372 consid. 4.2; 145 IV 263 consid. 3.4; arrêts du Tribunal fédéral 1B_259/2022 du 23 juin 2023 consid. 4.3; 1B_217/2022 du 15 mai 2023 consid. 3.1). Il convient à cet égard également de prendre en considération les éventuels antécédents du prévenu; l'absence d'antécédents n'empêche pas encore de prélever un échantillon et d'établir le profil d'ADN de celui-ci, mais il faudra tenir compte de cet élément dans la pesée d'intérêts à réaliser (ATF 145 IV 263 consid. 3.4 et les références citées; arrêts du Tribunal fédéral 1B_259/2022 du 23 juin 2023 consid. 4.3; 1B_230/2022 du 7 septembre 2022 consid. 2.2).

2.4.       À teneur des art. 4.1. et 4.3 de la Directive A.5 du Procureur général sur la gestion et la conservation des données signalétiques et des profils d'ADN, lorsque la police a procédé au prélèvement d'un échantillon d'ADN, le procureur en charge de la procédure pénale ordonne l'établissement d'un profil d'ADN (art. 4.1.), en cas d'infraction(s) passée(s) (art. 255 al. 1bis CPP), lorsque (i) le prévenu a déjà été soupçonné d'avoir commis une infraction susceptible d'être élucidée au moyen de l'ADN – notamment un vol (art. 139 CP) –, (ii) le prévenu a été interpellé en flagrant délit de cambriolage, de brigandage ou d'incendie intentionnel; (iii) le prévenu est soupçonné d'avoir commis une infraction de nature sérielle (art. 4.3).

2.5.       En l'espèce, l'établissement du profil d'ADN a été ordonné pour élucider, non pas les infractions en cours d'instruction, mais des infractions passées, dès lors que le Ministère public soupçonnait le recourant d'avoir commis, à l'égard d'autres personnes âgées et vulnérables, des faits similaires à ceux qu'il lui reproche dans le cadre de la présente procédure.

Il convient dès lors de déterminer s'il existait, au moment du prononcé de l'ordonnance querellée, des indices sérieux et concrets de la commission, par le recourant, de tels actes punissables. La question de savoir si l'on peut s'appuyer, lors de cet examen, sur les condamnations figurant à l'extrait de son casier judiciaire français, dès lors que celles-ci n'ont été portées à la connaissance du Ministère public que postérieurement au prononcé de l'ordonnance litigieuse, peut demeurer indécise, au vu de ce qui suit.

Il existait, au moment du prononcé de cette ordonnance, des soupçons suffisants que le recourant eût pu se rendre coupable d'autres agissements similaires, ceci quand bien même l'extrait de son casier judiciaire suisse ne faisait état d'aucune condamnation. Si le recourant réfute tout comportement répréhensible, il ressort des images de vidéosurveillance et des déclarations concordantes de C______ et de D______ qu'il pourrait être impliqué, non seulement dans les faits survenus le 30 avril 2025, mais également dans ceux ayant donné lieu aux plaintes des 7 juillet 2023 et 27 septembre 2024. Certes, les explications de C______ peuvent paraître incohérentes, puisqu'elle a indiqué, lors de son audition par le Ministère public, le 1er mai 2025, ne pas se souvenir que le recourant lui eût demandé de l'argent ou d'être allée à la banque la veille, ceci quand bien même les autres éléments au dossier – images de vidéosurveillance, déclarations de D______ et du recourant – démontrent qu'elle s'y est bien rendue en sa compagnie. Malgré son récit parfois incohérent – qui peut toutefois s'expliquer par les troubles de la mémoire à court terme dont elle souffre et qui se sont péjorés avec le temps –, C______ a déclaré, lors de son audition par le Ministère public, connaître le recourant depuis longtemps et qu'il était l'une des personnes s'étant rendues chez elle en mars 2023 pour ses services de ménage. À teneur des explications de son fils, elle lui avait d'ailleurs rapporté la veille que l'individu s'étant présenté chez elle le matin du 30 avril 2025 était le même que celui à qui elle avait donné les CHF 8'000.- en 2023. Au vu de ces éléments, ainsi que ceux que l'enquête menée dans la procédure parallèle a permis de révéler, il existait, au moment où l'ordonnance querellée a été rendue, des soupçons suffisants que le recourant ait commis des malversations au préjudice de personnes âgées et vulnérables.

Ces éléments, auxquels s'ajoute la situation personnelle du recourant, laissent craindre un ancrage dans la délinquance, plus particulièrement en lien avec des infractions contre le patrimoine, lesquelles sont susceptibles d'avoir été commises de manière sérielle, et permettent de penser qu'il pourrait être impliqué dans d'autres infractions similaires encore inconnues des autorités, qui pourraient lui être attribuées si l'on était en mesure de comparer son profil d'ADN à des traces prélevées sur les lieux de leur commission.

Bien que l'art. 4.3 de la Directive A5 du Procureur général ne fasse pas mention de l'infraction d'usure (art. 157 CP), il prévoit l'établissement d'un profil d'ADN lorsque cela se justifie pour élucider des infractions passées ou encore lorsque le prévenu est soupçonné d'avoir commis une infraction de nature sérielle, ce qui est précisément le cas en l'espèce. Si la Directive précitée n'a pas force de loi, elle est fondée sur l'art. 255 al. 1bis CPP, lequel autorise l'établissement d'un profil d'ADN pour des crimes et délits passés.

Contrairement à ce que soutient le recourant, les faits reprochés atteignent le seuil de gravité requis pour ordonner une telle mesure, étant précisé que ce ne sont pas que les faits du 30 avril 2025 et visés par la présente procédure qui sont susceptibles de lui être imputés, mais également ceux survenus en 2023 et 2024 et faisant l'objet d'une procédure parallèle.

Le prélèvement de l'ADN du recourant – qui repose sur une base légale, est proportionné et dicté par un intérêt public – est enfin une mesure impliquant une atteinte légère à ses droits personnels, proportionnée par rapport à l'infraction grave – un crime – dont il est soupçonné.

En définitive, l'ordonnance querellée ne prête pas le flanc à la critique, les réquisits pour le prononcé de l'établissement du profil d'ADN du recourant étant réunis.

3.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

4.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 600.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03). En effet, l'autorité de recours est tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).

5.             Le recourant plaide au bénéfice d'une défense d'office.

Dans la mesure où la procédure se poursuit, l'indemnité de son défenseur d'office sera fixée à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 600.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Madame Françoise SAILLEN AGAD et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Monsieur Sandro COLUNI, greffier.

 

Le greffier :

Sandro COLUNI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).


 

P/9754/2025

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

515.00

Total

CHF

600.00