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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/3250/2025

ACPR/425/2025 du 02.06.2025 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : AUDITION OU INTERROGATOIRE;MOYEN DE PREUVE;DÉPOSITIONS DES PARTIES;PREUVE ILLICITE;ADMINISTRATION DES PREUVES
Normes : CPP.143; CPP.141; CPP.158

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/3250/2025 ACPR/425/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 2 juin 2025

 

Entre

A______, représenté par Me B______, avocat,

recourant,

 

contre la décision rendue le 5 mai 2025 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 19 mai 2025, A______ recourt contre la décision du 5 précédent, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a retranché le procès-verbal de l'audience du 4 avril 2025 du dossier de la procédure.

Le recourant conclut, sous suite de frais, préalablement, à l'octroi de l'assistance judiciaire pour la procédure de recours et, au fond, à l'annulation de la décision précitée, à la constatation de la violation de son droit d'être entendu, à l'autorisation du droit d'exploiter le procès-verbal de l'audience du 4 avril 2025 et au renvoi de la cause au Ministère public.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 5 février 2025, le Ministère public a ouvert une instruction contre A______ pour divers chefs d'infraction, notamment tentative de meurtre (art. 22 cum 111 CP), subsidiairement tentative de lésions corporelles graves (art. 22 cum art. 122 CP), voire lésions corporelles simples aggravées (art. 123 ch. 2 al. 1 CP).

Il lui est à cet égard reproché d'avoir, à Genève, le 4 février 2025, au barbershop "C______", sis rue 1______ no. ______, asséné plusieurs coups de couteau à D______ au niveau du haut du corps et de la tête, le blessant de façon à mettre sa vie en danger, tout en ne pouvant qu'avoir conscience que ces coups de couteau étaient susceptibles d'entrainer sa mort, à tout le moins en tenant comme possible la réalisation de sa mort, s'accommodant au moins nécessairement d'un tel résultat et l'acceptant pour le cas où il se produirait.

Une défense d'office a été ordonnée en sa faveur dans la foulée (art. 132 al. 1 let. a ch. 1 CPP).

b. Sur les images de vidéosurveillance, on peut apercevoir A______ entrer dans le barbershop, puis se diriger directement vers D______ – alors assis et occupé par son téléphone portable – tout en sortant simultanément son couteau de sa poche afin de l'attaquer. D______ tente immédiatement de maîtriser son assaillant – essentiellement en le saisissant et en le repoussant –, lequel lui donne, respectivement tente de lui donner, de nombreux coups de couteau, tant au niveau de la tête que du buste. Les deux individus sortent ensuite de l'établissement, corps à corps, D______ se trouvant alors derrière A______. À un moment donné, les deux hommes chutent, avant de continuer à se battre, à même le sol. Alors qu'il se trouve au-dessus de A______, D______ lui donne plusieurs coups avec ses poings, avant de l'étrangler. Une des personnes présentes sur place tente d'intervenir, A______ tenant toujours son couteau en main. Les deux individus finissent par se séparer.

c. Des constats de lésions traumatiques ont été effectués sur A______ et D______.

Celui effectué sur A______ a mis en évidence diverses lésions compatibles avec sa version des faits (voir infra B.d), soit une dermabrasion avec plaie contuse de la lèvre supérieure gauche, un érythème au niveau de la région cervico-latérale droite, des ecchymoses au niveau de la racine et de la pointe du nez, de la région supra-scapulaire droite et du dos des mains, ainsi que diverses dermabrasions au niveau du front, des faces dorsales des mains et des phalanges, de la cuisse droite et des genoux.

Le constat effectué sur D______ a également permis de mettre en évidence diverses lésions pouvant entrer chronologiquement en lien avec les évènements.

d. Entendu par la police le 4 février 2025, puis par le Ministère public le lendemain, A______ a indiqué avoir eu une première altercation avec D______ deux jours plus tôt, dans la discothèque "E______". Celui-ci l'avait frappé avec son sac – qui contenait quelque chose de lourd – le blessant au niveau du front, lui occasionnant une marque sur le nez et brisant ses lunettes, avant de le menacer de mort. Le 4 février 2025, il s'était rendu au barbershop, pour obtenir l'identité de D______. Comme il avait eu peur de rencontrer ce dernier, il s'était muni du couteau à huître se trouvant dans son véhicule. Une fois dans l'établissement, il s'était dirigé vers D______ pour obtenir des explications. Ce dernier s'était levé, avait menacé de le tuer et l'avait frappé au niveau de la bouche. Lui-même l'avait tapé au même moment avec son poing – possiblement avec le couteau qu'il tenait dans sa main – et il y avait eu un échange de coups, alors que son couteau se trouvait toujours dans sa main. Il ne se rappelait pas du nombre de coups qu'il avait donnés à D______. Ce dernier lui avait donné des coups au visage et sur le buste, avant de le saisir au cou et de l'étrangler – avec sa main [à lui] qui tenait le couteau –, ce qui l'avait empêché de respirer et fait chuter, tout en le menaçant de mort. Lui-même avait redonné des coups de couteau à D______, qui se trouvait derrière lui, sans viser ni savoir s'il l'avait touché. D______ s'était déplacé, ce qui lui avait permis de se lever et de partir.

e. Divers témoins, présents tantôt lors de l'altercation du 2 février 2025, tantôt lors de celle survenue le 4 suivant – F______, G______, H______ et I______ –, ont été entendus par la police.

f. Le 1er avril 2025, le Ministère public a adressé des mandats de comparution à A______ et D______, en vue d'une audience appointée au 4 suivant lors de laquelle tous deux devaient être entendus tant en qualité de "prévenu", que de "plaignant".

g. Dans le procès-verbal d'audience du 4 avril 2025, A______ et D______ sont tous deux désignés à la fois comme "prévenu" et "partie plaignante".

A______, assisté de son défenseur d'office, n'a été avisé de ses droits et obligations qu'en sa qualité de prévenu.

Quant à D______, qui comparaissait seul, il ne l'a été qu'en sa qualité de plaignant, le procès-verbal indiquant à cet égard: "Je vous confirme vouloir participer à la procédure pénale comme partie plaignante au pénal et au civil. Je prends note que je suis entendu en qualité de personne appelée à donner des renseignements. Vous me rendez attentif à mon obligation de déposer ainsi qu'aux conséquences pénales possibles d'une dénonciation calomnieuse, d'une déclaration induisant la justice en erreur ou d'une entrave à l'action pénale (art. 303 à 305 CPP). Vous me donnez connaissance de mes droits au sens de l'article 107 CPP. Vous me donnez connaissance de mes droits au sens de l'article 117 CPP. Vous me rendez attentif à mon droit de refuser de déposer au sens des articles 168 à 173 CPP, ainsi qu'au contenu de l'article 175 CPP. Vous m'informez que j'ai le droit d'être assisté, à mes frais, d'un avocat de mon choix. Je renonce en l'état à être assisté d'un avocat. Vous m'informez que si je suis indigent et que mes prétentions civiles ne paraissent pas vouées à l'échec, je peux demander la désignation d'un conseil juridique gratuit. Je renonce en l'état à demander la désignation d'un conseil juridique gratuit".

Lors de l'audience, après avoir demandé à A______ comment cela se passait en prison, la Procureure s'est enquise auprès de D______ de savoir comment il allait. Celui-ci lui a notamment répondu: "A______ a dit que nous avions eu un problème dimanche et que c'est pour cela qu'il est venu quelques jours plus tard au Barbershop me poignarder. Ce que je ne comprends pas c'est pourquoi, s'il était avec quatre autres personnes, qui m'ont menacé et manqué de respect, étant précisé que j'ai donné un coup avec sac banane en bandoulière pour me défendre, si je lui ai fait une blessure si grande au niveau du front, pourquoi il est venu me poignarder comme il l'a fait. Sur question, je l'ai tapé avec le sac. Je n'ai pas vu parce que je suis partie en courant. Ils étaient quatre, je suis parti vers les escaliers. Deux m'ont suivi, un certain J______ m'a pris et je lui ai aussi donné un coup avec mon sac".

La Procureure a ensuite montré une photo de la blessure de A______ à D______, ce à quoi ce dernier lui a répondu: "Je ne l'ai pas vu, d'ailleurs je ne l'ai jamais vu avant".

À teneur d'une note de la Procureure figurant audit procès-verbal, D______ "s'est énervé car il a vu A______ rigoler, et s'est adressé à lui directement en espagnol et en le menaçant. Madame l'interprète [n'a pas souhaité] continuer l'audience dans ces conditions et [a indiqué qu'elle commençait] à avoir peur de D______. Il [a] donc [été] mis fin à l'audition de ce dernier. Sous le contrôle de l'interprète, A______ [a indiqué] que D______ [avait] dit qu'il allait s'en prendre à lui à la sortie de prison".

h. Par courrier du 4 avril 2025, le Ministère public a informé D______ du fait qu'il se trouvait en situation de défense obligatoire, un délai lui étant à cette occasion imparti pour lui faire connaître le nom de son éventuel défenseur privé.

i. Par lettre du 8 avril 2025, se référant au courrier précité, le conseil de D______ a prié le Ministère public de bien vouloir lui confirmer que son mandant était également prévenu dans la procédure et, dans l'affirmative, le nommer à la défense des intérêts de celui-ci et lui communiquer les faits desquels il était prévenu.

j. Par courrier du 29 avril 2025, le conseil de D______, se référant à ses lignes du 8 précédent, a réitéré sa demande visant notamment à obtenir les éléments dont son mandant était prévenu.

k. Par courrier du 2 mai 2025, D______ a requis du Ministère public que le procès-verbal de l'audience du 4 avril 2025 – entachée selon lui de nombreuses irrégularités et consacrant des violations des art. 130, 131, 143 al. 1 let. b et 158 al. 1 let. a CPP, ainsi que de l'art. 5 al. 3 Cst. – fût retranché du dossier de la procédure.

À l'appui, il expliquait y avoir été qualifié de prévenu, alors qu'aucune mise en prévention ne lui avait été communiquée, ni lors de l'audience, ni à la suite de ses demandes. Alors qu'il y était désigné comme tel, il lui avait été indiqué qu'il serait entendu en qualité de personne appelée à donner des renseignements, les droits y afférents lui ayant été rappelés – à l'exclusion de ceux du prévenu –, et il l'avait été, hors présence d'un avocat. Son audition avait porté, non pas sur l'agression dont il avait été victime, mais sur ses propres agissements contre A______, ceci sans qu'il n'eût été prévenu des faits qui lui étaient reprochés. Il avait donc été traité comme un prévenu, en contradiction des informations lui ayant été transmises, sans être assisté d'un avocat, alors qu'il aurait dû l'être, le Ministère public semblant alors en effet considérer qu'il se trouvait déjà en situation de défense obligatoire, ce que paraissait à tout le moins suggérer le courrier lui ayant été adressé le même jour que l'audience par cette autorité.

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public transmet au défenseur de A______ une copie du courrier du conseil de D______ du 2 mai 2025, tout en l'informant que le procès-verbal de l'audience du 4 avril 2025 était retranché du dossier et qu'une nouvelle audience serait agendée sous peu.

D. a. Dans son recours, A______ s'oppose au retrait du procès-verbal de l'audience du 4 avril 2025 du dossier de la procédure, considérant qu'il n'y avait pas eu de violation des art. 143 al. 1 let. b, 158 al. 1 et 131 al. 3 CPP. D______ avait été convoqué comme partie plaignante. Certes, le procès-verbal indiquait que celui-ci comparaissait comme "prévenu et partie plaignante", mais il s'agissait manifestement d'une erreur de plume. Le procès-verbal litigieux mentionnait que celui-ci était entendu en qualité de personne appelée à donner des renseignements, les droits y relatifs lui avaient été lus et il avait été libre de ne pas répondre aux questions. Les faits de l'agression que lui-même avait subie avaient été évoqués dans un "discours libre" par D______ et étaient en rapport direct avec l'infraction principale à élucider. Les dispositions sur la défense obligatoire n'avaient pas été violées, dès lors que ce n'était que suite à l'audience du 4 avril 2025 que les conditions requises pour sa mise en œuvre avaient été remplies, en raison des faits survenus au cours de celle-ci, soit les menaces proférées à son endroit par D______. Le procès-verbal litigieux ne pouvait être retranché, dès lors que cela impliquerait une violation de son droit d'être entendu, puisque ledit procès-verbal contenait ses propres affirmations, que les déclarations de D______ comportaient des éléments à sa propre décharge – l'art. 141 al. 2 CPP n'étant applicable qu'aux preuves à charge –, et que c'était au juge du fond qu'il appartenait de déterminer si une preuve était inexploitable.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et, à défaut de notification respectant les réquisits de l'art. 85 al. 2 CPP, dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une décision sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le recourant soutient que le procès-verbal de l'audience du 4 avril 2025 ne pouvait être retranché du dossier de la procédure, à tout le moins pas à ce stade de la procédure.

3.1.       L'art. 143 CPP règle l'exécution des auditions. Son alinéa premier prévoit qu'au début de l'audition, le comparant, dans une langue qu'il comprend, est interrogé sur son identité (let. a), informé de l'objet de la procédure et de la qualité en laquelle il est entendu (let. b) et avisé de façon complète de ses droits et obligations (let. c). L'observation de ces dispositions doit être consignée au procès-verbal (al. 2).

3.2.       Il revient à celui qui mène l'audition de décider en quelle qualité une personne doit être entendue. La décision y relative est prise au regard de l'état de fait et de la situation juridique au moment de l'audition (ATF 144 IV 97 consid. 2.1.3; A. DONATSCH / V. LIEBER / S. SUMMERS / W. WOHLERS (éds.), Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung (StPO), 3ème éd., Zürich 2020, n. 11 ad art. 178).

3.3.       Aux termes de l'art. 141 CPP, les preuves administrées en violation de l’art. 140 ne sont en aucun cas exploitables. Il en va de même lorsque le présent code dispose qu’une preuve n’est pas exploitable (al. 1). Les preuves qui ont été administrées d’une manière illicite ou en violation de règles de validité par les autorités pénales ne sont pas exploitables, à moins que leur exploitation soit indispensable pour élucider des infractions graves (al. 2). Les pièces relatives aux moyens de preuves non exploitables doivent être retirées du dossier pénal, conservées à part jusqu’à la clôture définitive de la procédure, puis détruites (al. 5).

3.4.       Conformément à l'art. 158 al. 1 CPP, au début de la première audition, la police ou le ministère public informent le prévenu, dans une langue qu'il comprend: qu'une procédure préliminaire est ouverte contre lui et pour quelles infractions (let. a) ; qu'il peut refuser de déposer et de collaborer (let. b) ; qu'il a le droit de faire appel à un défenseur ou de demander un défenseur d'office (let. c) ; qu'il peut demander l'assistance d'un traducteur ou d'un interprète (let. d).

Le prévenu doit être informé, de manière générale et selon l'état actuel de la procédure, de l'acte délictueux qui lui est reproché. Il ne s'agit pas d'en opérer une description au sens des dispositions pénales, mais de relever les circonstances concrètes de l'acte reproché (ATF 141 IV 20 consid. 1.3.3 p. 29 et les références).

L’al. 2 de cet article précise que les auditions effectuées sans que ces informations aient été données ne sont pas exploitables. L'information sur les charges et les droits constitue dès lors une règle de validité et non une simple prescription d'ordre; il s'agit même d'une règle de validité qualifiée. On doit dès lors considérer cette disposition comme une lex specialis en matière de preuves illicites, si bien que l'art. 141 CPP n'est pas applicable en tant que tel lors d'un défaut d'information. On peut ainsi constater que l'art. 158 CPP, à la différence de l'art. 141 al. 2 CPP, ne consacre pas d'exception pour les infractions graves, et qu'il n'y a pas de place pour une pesée d'intérêts entre la poursuite pénale et les droits fondamentaux du prévenu; il s'agit là d'un silence qualifié du législateur, ce que confirme très clairement le Message. En résumé, quelle que soit l'infraction commise et sa gravité, lorsque l'information n'a pas été donnée, les informations recueillies sont inexploitables (A. KUHN / Y. JEANNERET / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 26 ad art. 158).

3.5.       Au stade de l'instruction, la question de la légalité et de l'exploitabilité des moyens de preuve doit en principe être laissée à l'appréciation du juge du fond (art. 339 al. 2 let. d CPP), autorité dont il peut être attendu qu'elle soit en mesure de faire la distinction entre les moyens de preuve licites et ceux qui ne le seraient pas, puis de fonder son appréciation en conséquence (ACPR/319/2025 du 30 avril 2025 consid. 3.4; ATF 144 IV 127 consid. 1.3.1; 143 IV 387 consid. 4.4). Cette approche se justifie également au regard du principe "in dubio pro duriore", lequel interdit au ministère public, confronté à des preuves non claires, d'anticiper sur l'appréciation des preuves par le juge du fond (ATF 143 IV 241 consid. 2.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_127/2019 du 9 septembre 2019 consid. 4.1.2 non publié aux ATF 145 IV 462).

Cette règle comporte toutefois des exceptions. Tel est le cas lorsque la loi prévoit expressément la restitution immédiate, respectivement la destruction immédiate, des preuves illicites (cf. notamment l'ancien art. 248 CPP dans sa teneur en vigueur au 31 décembre 2023 [RO 2010 1881], art. 271 al. 3, 277 et 289 al. 6 CPP). Il en va de même quand, en vertu de la loi ou de circonstances spécifiques liées au cas d'espèce, le caractère illicite des moyens de preuve s'impose d'emblée (ATF 143 IV 475 consid. 2.7).

3.6.       En l'espèce, il ressort du mandat de comparution adressé à D______, en vue de l'audience du 4 avril 2025, que le Ministère public envisageait de l'entendre, à cette occasion, en qualité tant de plaignant que de prévenu, et non exclusivement comme plaignant comme l'affirme à tort le recourant.

Or, lors de l'audience précitée, le Ministère public ne l'a avisé que de ses droits et obligations en lien avec sa qualité de plaignant, à l'exclusion de ceux liés à sa qualité de prévenu. Il ne l'a pas non plus informé des faits qui lui étaient reprochés. Malgré cela, lors de l'audience en question, D______ a livré des éléments à sa propre charge, admettant avoir tapé A______ avec un sac, à l'occasion de la première altercation survenue le 2 avril 2025. Il s'est par ailleurs vu présenter une photo de la blessure de celui-ci et a été invité à se déterminer à cet égard, ce qui signifie bien que cette audience avait aussi pour objet d'instruire les faits pour lesquels il était susceptible d'être prévenu. Dans la mesure où, en violation des art. 143 al. 1 et 158 al. 1 CPP, cette autorité ne l'avait préalablement informé, ni des faits pour lesquels il était prévenu, ni des droits dont il disposait en cette qualité, les déclarations qu'il a faites lors de cette audience doivent être considérées comme inexploitables, conformément à l'art. 158 al. 2 CPP, sans qu'il ne soit nécessaire de déterminer si certaines l'ont été à charge ou à décharge.

La question de savoir si D______ se trouvait déjà en situation de défense obligatoire au début de l'audience du 4 avril 2025 – au vu des gestes dont A______ l'accuse de s'être rendu coupable lors des altercations survenues les 2 et 4 février 2025 et dont le Ministère public avait déjà connaissance – et, partant, si l'art. 131 CPP a également été violé, dans la mesure où il n'était assisté d'aucun défenseur, ou s'il ne l'est devenu qu'au terme de ladite audience – au vu des menaces qu'il aurait proférées à cette occasion – peut ainsi souffrir de demeurer indécise.

Eu égard à l'inexploitabilité manifeste du procès-verbal litigieux, c'est à juste titre que le Ministère public a décidé de le retrancher du dossier de la procédure, sans laisser cette question à l'appréciation du juge du fond. Peu importe à cet égard que d'autres déclarations aient été faites à cette occasion, à charge ou à décharge de l'une ou l'autre des parties. Cette pièce devra être conservée à part jusqu'à la clôture définitive de la procédure, puis détruite, conformément à l'art. 141 al. 5 CPP.

Ce retranchement ne viole pas le droit d'être entendu du recourant. Celui-ci sera libre de réitérer ses propres affirmations lors d'une prochaine audience.

4.             Justifiée, la décision querellée sera donc confirmée.

5.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03). En effet, l'autorité de recours est tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).

6.             Le recourant plaide au bénéfice d'une défense d'office.

Dans la mesure où la procédure se poursuit, l'indemnité de son défenseur d'office sera fixée à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Le communique, pour information, à D______, soit pour lui son conseil.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Madame Valérie LAUBER et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).


 

P/3250/2025

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

Total

CHF

900.00