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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/7419/2019

ACPR/280/2025 du 09.04.2025 sur OMP/593/2025 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ASSISTANCE JUDICIAIRE;PLAIGNANT
Normes : CPP.136.al1.leta

 

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/7419/2019 ACPR/280/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 9 avril 2025

 

Entre

A______, représentée par Me E______, avocat,

recourante,

 

contre l'ordonnance de refus d'octroi de l'assistance judiciaire rendue le 9 janvier 2025 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


Vu :

-          l'instruction ouverte le 4 avril 2019 contre B______, ressortissant suisse né en 1992, pour le meurtre de C______ en France ;

-          la demande d'assistance judiciaire gratuite formée le 7 octobre 2022 par A______, épouse de feu C______, et la demande de nomination de Me D______ en qualité de conseil juridique gratuit ;

-          l'ordonnance du 14 octobre 2022, par laquelle le Ministère public a refusé d'accorder l'assistance judiciaire à A______ ;

-          la demande d'assistance judiciaire gratuite formée à nouveau le 29 novembre 2024 par A______, et la demande de nomination de Me E______ en qualité de conseil juridique gratuit ;

-          le courrier adressé le 4 décembre 2024 par le Greffe de l'assistance juridique à A______ ;

-          le courrier et les pièces adressés le 20 décembre 2024 par A______ au Greffe de l'assistance juridique ;

-          le rapport du Greffe de l'assistance juridique, du 6 janvier 2025 ;

-          l'ordonnance du 9 janvier 2025, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a refusé d'octroyer l'assistance judiciaire gratuite à A______ ;

-          le recours interjeté le 20 janvier 2025 par A______ contre cette ordonnance ;

-          la lettre adressée le même jour par A______ au Ministère public, lui demandant de rectifier sa décision, car les montants retenus n'étaient pas corrects ;

-          la réponse adressée le 23 janvier 2025 par le Ministère public à A______ ;

-          le courrier et les pièces complémentaires adressés le 29 janvier 2025 par A______ à la Chambre de céans.

Attendu que :

-          à l'appui de sa seconde demande d'assistance judiciaire gratuite, A______ a produit un formulaire de demande d'assistance judiciaire pour la partie plaignante, dans lequel elle indiquait percevoir un salaire net de CHF 3'800.- et un "soutien familial" ("enfants orphelins") de l'ordre de EUR 390.- par mois ;

-          le 4 décembre 2024, le Greffe de l'assistance juridique a invité A______ à lui fournir des documents et renseignements complémentaires, soit les relevés détaillés de tous ses comptes bancaires/postaux suisses et étrangers des trois derniers mois, avec indication du solde disponible (notamment les comptes sur lesquels étaient versés son salaire et les rentes d'orphelins), ses trois dernières fiches de salaire, son dernier bordereau d'impôts et avis de taxation dans son intégralité, son contrat de bail et les justificatifs de paiement de son loyer des trois derniers mois, son certificat d'assurance LaMal 2024 et ceux de ses enfants, ainsi que les justificatifs de paiement de leurs primes des trois derniers mois ;

-          A______ a fait parvenir sa fiche de salaire du mois de septembre 2024, faisant état d'un salaire net de CHF 4'714.90, une capture d'écran de son "compte allocataire" auprès de la Caisse d'allocations familiales ("caf·fr"), exposant que des "allocations familiales modulées" par EUR 148.52 et des "allocations de soutien familial" par EUR 391.72 lui avaient été versées le 5 décembre 2024, ainsi que des pièces justifiant de ses charges mensuelles ;

-          dans son rapport, le Greffe de l'assistance juridique a retenu que les revenus mensuels de A______ s'élevaient à CHF 5'221.90 (salaire de CHF 4'714.90, allocations familiales modulées de CHF 140.- et allocations de soutien familial de CHF 367.-), tandis que ses charges mensuelles alléguées et prouvées s'élevaient à CHF 2'806.35 (loyer de CHF 522.-, entretien de base de la personne requérante et ses enfants selon les normes de l'Office des poursuites, réduit au regard du domicile en France, de CHF 1'827.50, et majoration de 25% de ce dernier montant selon la pratique constante en matière d'assistance juridique de CHF 456.85) ;

-          sur cette base, il a constaté que A______ était en mesure de régler par ses propres moyens les honoraires d'un avocat, dès lors que le disponible mensuel du ménage qu'elle formait avec ses deux enfants nés en 2017 et 2019, était supérieur au minimum vital en vigueur à Genève majoré de 25%, plus particulièrement qu'il dépassait de CHF 2'415.55 le minimum vital élargi, et de CHF 2'872.40 le minimum vital strict ;

-          dans son ordonnance querellée, le Ministère public a considéré, sur la base du rapport précité, que l'examen de la situation financière de A______ ne confirmait pas l'indigence alléguée et qu'il était ainsi loisible à la précitée de se faire assister, à ses frais, par un conseil de son choix ;

-          dans son recours, A______ conclut, sous suite de frais, à l'annulation de cette ordonnance et à la désignation de Me E______ en qualité de conseil juridique gratuit. Elle soutient que le Ministère public s'est fondé sur des chiffres manifestement erronés pour retenir qu'elle disposait de revenus suffisants. Elle disposait d'un salaire mensuel net de CHF 3'927.05 et d'une rente d'orphelins de EUR 380.- pour ses deux enfants mineurs, soit un montant total de CHF 4'307.-, et non de CHF 5'221.90. Dès lors qu'elle était partie plaignante dans l'affaire jugeant la personne soupçonnée d'avoir tué son mari, ses conclusions civiles n'étaient pas dénuées de chances de succès. L'affaire était aussi suffisamment grave pour nécessiter l'assistance d'un conseil juridique. Les conditions de l'art. 136 al. 1 et 2 CPP étant remplies, elle se trouvait ainsi "manifestement dans un cas de défense obligatoire" ;

-          à l'appui de son recours, elle produit sa fiche de salaire du mois d'octobre 2024, faisant état d'un salaire net de CHF 3'927.05, et son procès-verbal d'audition du 18 décembre 2024 par-devant le Ministère public, où elle a déclaré percevoir, pour ses deux enfants, une rente d'orphelins de "EUR 380.-" ;

-          dans sa lettre du 23 janvier 2025, le Ministère public explique, s'agissant du revenu mensuel total retenu, qu'il s'était fondé sur la fiche de salaire du mois de septembre 2024 d'un montant de CHF 4'714.90 (qui comprenait une avance de salaire de CHF 500.-), ainsi que l'équivalent en francs suisses de ce dont elle bénéficiait en euros à titre d'allocations familiales (CHF 140.- pour EUR 148.52) et d'allocations de soutien familial (CHF 367.- pour EUR 391.72). Il n'entendait donc pas rendre de nouvelle décision ;

-          par son courrier du 29 janvier 2025, A______ produit ses fiches de salaire des mois de septembre et octobre 2024 figurant déjà au dossier et, nouvellement, celle du mois de novembre 2024, faisant état d'un salaire net de CHF 3'960.05.

Considérant que :

-          le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la partie plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP) ;

-          il en va de même de la pièce nouvelle produite avec le recours, soit la fiche de salaire du mois d'octobre 2024 (arrêt du Tribunal fédéral 1B_550/2022 du 17 novembre 2022 consid. 2.2) ;

-          tel n'est en revanche pas le cas de la pièce produite par la recourante à l'appui de son courrier du 29 janvier 2025, soit la fiche de salaire du mois de novembre 2024, dès lors qu'il est communément admis en procédure que la motivation d'un recours doit être entièrement contenue dans l'acte de recours lui-même ; elle ne saurait dès lors être complétée ou corrigée ultérieurement (ATF 134 II 244 consid. 2.4.2 et 2.4.3 arrêts du Tribunal fédéral 1B_363/2014 du 7 janvier 2015 consid. 2.1 ; 6B_688/2013 du 28 octobre 2013 consid. 4.2 et les références), qui plus est par une pièce qui était déjà en mains de la recourante au moment du dépôt de son recours, en janvier 2025, et qui lui avait été réclamée par le Greffe de l'assistance juridique début décembre 2024 (arrêt du Tribunal fédéral 1B_309/2021 du 3 septembre 2021 consid. 2.2) ;

-          selon l'art. 136 al. 1 let. a CPP, sur demande, la direction de la procédure accorde entièrement ou partiellement l'assistance judiciaire gratuite à la partie plaignante, pour faire valoir ses prétentions civiles, si elle ne dispose pas de ressources suffisantes et que l'action civile ne paraît pas vouée à l'échec ; l'assistance judiciaire comprend, notamment, la désignation d'un conseil juridique gratuit, lorsque la défense des intérêts de la partie plaignante ou de la victime l'exige (art. 136 al. 2 let. c CPP) ;

-          une personne est indigente lorsqu'elle n'est pas en mesure d'assumer les frais de la procédure sans porter atteinte au minimum nécessaire à son entretien et à celui de sa famille (ATF 144 III 531 consid. 4.1 ; 141 III 369 consid. 4.1 ; 135 I 221 consid. 5.1 ; 128 I 225 consid. 2.5.1). Il faut pour cela examiner la situation financière de la partie requérante dans son ensemble (charges, revenus et fortune) au moment de la requête (ATF 144 III 531 consid. 4.1 ; 135 I 221 consid. 5.1). La part des ressources excédant ce qui est nécessaire à la couverture des besoins personnels doit être comparée, dans chaque cas, aux frais prévisibles de la procédure pour laquelle l'assistance judiciaire est demandée. Le soutien de la collectivité publique n'est en principe pas dû, au regard de l'art. 29 al. 3 Cst., lorsque cette part disponible permet d'amortir les frais judiciaires et d'avocat en une année au plus, pour les procès relativement simples, et en deux ans pour les autres (ATF 141 III 369 consid. 4.1 ; 135 I 221 consid. 5.1). Pour déterminer les charges d'entretien, il convient de se fonder sur le minimum vital du droit des poursuites augmenté d'un certain pourcentage, auquel il sied d'ajouter le loyer, les dettes d'impôts échues, y compris les arriérés d'impôts, pour autant qu'elles soient effectivement payées, la prime d'assurance maladie obligatoire et les frais de transport nécessaires à l'acquisition du revenu, qui sont établis par pièces. L'autorité compétente doit éviter de procéder de façon trop schématique afin de pouvoir prendre en considération tous les éléments importants du cas particulier. Elle peut certes partir du minimum vital du droit des poursuites, mais elle doit tenir compte de manière suffisante des données individuelles en présence et prendre en considération l'ensemble de la situation financière du requérant pour vérifier si l'indigence alléguée existe ou non (ATF 135 I 221 consid. 5.1) ;

-          il incombe au requérant de prouver les faits qui permettent de constater qu'il remplit les conditions de la mesure qu'il sollicite. S'il ne fournit pas des renseignements suffisants (avec pièces à l'appui) pour permettre d'avoir une vision complète de la situation financière et que la situation demeure confuse, la requête doit être rejetée (ATF 125 IV 161 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_347/2018 du 10 janvier 2019 consid. 3.1) ;

-          en l'espèce, il sera en premier lieu relevé que, contrairement à ce que soutient la recourante, l'autorité intimée ne s'est pas fondée sur des valeurs erronées pour arrêter le montant de ses revenus mensuels nets, dans la mesure où elle a retenu celles figurant sur les documents produits par cette dernière. Il sied plutôt de constater que la recourante n'a pas produit l'ensemble des pièces requises par le Greffe de l'assistance juridique et qu'il lui incombait de fournir pour permettre l'établissement de sa situation financière, en particulier ses trois dernières fiches de salaire, ses relevés de compte détaillés et son dernier bordereau d'impôts et avis de taxation dans son intégralité ;

-          si la fiche de salaire du mois d'octobre 2024, nouvellement produite, permet de constater que le salaire mensuel net moyen de la recourante était effectivement inférieur à celui retenu par l'autorité précédente, elle ne suffit toutefois pas encore à démontrer que l'intéressée serait indigente. En effet, il ressort de ses fiches de salaire des mois de septembre et octobre 2024 que son salaire mensuel net moyen s'élevait à CHF 4'321.- (CHF 4'714.90 + CHF 3'927.05 / 2), et non seulement à CHF 3'927.05 comme elle le prétend. Elle n'explique au demeurant pas pour quelle raison l'autorité intimée devrait se fonder sur ce seul salaire pour déterminer son revenu mensuel net ;

-          à bien la comprendre, la recourante contesterait par ailleurs les montants retenus à titre d'allocations familiales par l'autorité intimée, dans la mesure où elle se borne à répéter qu'elle dispose d'une "rente d'orphelins de EUR 380.- pour ses deux enfants". Elle a toutefois produit des pièces démontrant qu'elle perçoit des allocations familiales modulées par EUR 148.52 et des allocations de soutien familial par EUR 391.72, soit un montant total de EUR 540.24, de sorte que ceux-ci ne peuvent, faute de motivation plus étendue à leur sujet, qu'être intégrés dans le calcul de son revenu mensuel ;

-          ces montants, qui ont valablement été pris en compte et convertis en francs suisses par l'autorité précédente, au taux de change en vigueur au jour de la décision querellée (pour un total de CHF 507.63, arrondis à CHF 507.-), ne peuvent par conséquent qu'être confirmés. Il s'ensuit que le revenu mensuel total de la recourante s'élève à CHF 4'828.- (CHF 4'321 + CHF 507.-), et que le disponible mensuel du ménage qu'elle forme avec ses deux enfants dépasse de CHF 2'021.65 le minimum vital élargi, et de CHF 2'478.10 le minimum vital strict. La recourante ne conteste au surplus pas les montants déterminants retenus par le Greffe de l'assistance juridique pour établir ses charges mensuelles, aucun des éléments évoqués à l'appui de son recours ne permettant en tout état de les remettre en question. Les soldes disponibles – qui correspondent à des montants annualisés de CHF 24'259.80, respectivement CHF 29'737.20 – apparaissent ainsi suffisants pour permettre à la recourante d'amortir les frais judiciaires et d'avocat que la présente cause est susceptible de lui occasionner ;

-          la première condition, cumulative, de l'art. 136 al. 1 let. a CPP n'étant pas remplie, point n'est besoin d'examiner la seconde, soit les chances de succès de l'action civile de la recourante ;

-          partant, le recours, infondé, sera rejeté, ce que la Chambre de céans pouvait décider sans échange d'écritures ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP) ;

-          les frais de la procédure de recours resteront à la charge de l'État (art. 20 RAJ).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante, soit pour elle son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Catherine GAVIN, juges; Monsieur Sandro COLUNI, greffier.

 

Le greffier :

Sandro COLUNI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).