Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/288/2025 du 09.04.2025 sur OPMP/122/2025 ( MP ) , REJETE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/21253/2023 ACPR/288/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du mercredi 9 avril 2025 |
Entre
A______, domicilié ______ [GE], agissant en personne,
recourant,
contre l'ordonnance de jonction rendue le 26 mars 2025 par le Ministère public,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. Par acte expédié le 31 mars 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 26 précédent, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a ordonné la jonction des procédures pénales P/286/2025 et P/21253/2023, sous ce dernier numéro.
Sans prendre de conclusions formelles, le recourant indique "former opposition à la jonction des procédures pénales".
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a.a. Dans le cadre de la procédure P/21253/2023, il a été reproché à A______ d'avoir, à Genève, le 16 septembre 2023, à l'occasion d'une dispute l'ayant opposé à sa compagne, B______, porté un coup au visage de cette dernière, lui occasionnant une blessure à la lèvre inférieure, faits pour lesquels celle-ci a déposé plainte le jour même, ainsi que d'avoir été en possession d'un pistolet soft air – pouvant être confondu avec une véritable arme à feu et sans être en mesure de justifier sa provenance – et d'une matraque télescopique non enregistrée dans les bases de données de la police.
a.b. B______ se voyait quant à elle reprocher d'avoir, dans le cadre de cette altercation, frappé A______ à la tête, lui causant une bosse sur la partie gauche du front et une plaie à l'arrière du crâne.
b.a. Entendu par la police, le 16 septembre 2023, A______ a expliqué n'avoir fait que se défendre. Il avait saisi la matraque télescopique appartenant à sa mère, par peur que cette arme ne se retournât contre elle. Quant au pistolet soft air, il l'avait acheté dans une armurerie, à Genève, en 2020, pensant que ce magasin ferait "le nécessaire".
b.b. Egalement entendue par la police, le même jour, B______ a admis avoir donné une gifle à A______.
c. Par lettre commune expédiée le 23 octobre 2023, les parties ont fait part de leur souhait de ne "pas porter plainte l'un vers l'autre" s'agissant de leurs reproches mutuels de violence domestique.
d. Entendu par le Ministère public, le 23 janvier 2024, en lien avec les deux objets retrouvés en sa possession le 16 septembre 2023, A______ a en substance confirmé ses précédentes déclarations, tout en les précisant.
e.a. Par ordonnance du 19 février 2025, le Ministère public a décidé de ne pas entrer en matière sur les faits reprochés à B______, vu l'absence de plainte et le fait que ceux-ci n'étaient pas poursuivis d'office.
e.b. Par ordonnance de non-entrée en matière partielle du même jour, cette autorité a également décidé, eu égard au retrait de plainte survenu en octobre 2023, d'abandonner les charges pesant contre A______ en lien avec l'altercation physique du 16 septembre 2023.
f. Par suite d'autres faits, le Ministère public a ouvert, le 7 janvier 2025, une nouvelle procédure contre A______, sous la référence P/286/2025.
Il lui était reproché d'avoir, à Genève, le jour même, circulé au volant d'un véhicule automobile dont le pneu avant droit était crevé et d'avoir, dans ces circonstances, refusé de se soumettre aux mesures permettant de déterminer son incapacité de conduire, à savoir à l'éthylomètre et à la prise de sang, quand bien même il présentait des signes extérieurs d'ébriété et avait précédemment effectué un test de l'éthylotest s'étant révélé positif.
g. Entendu par la police dans la foulée de son arrestation, A______ a fait usage de son droit de se taire.
h. Par ordonnance pénale datée du même jour, rendue dans le cadre de cette procédure (P/286/2025), A______ a été reconnu coupable d'entrave aux mesures de constatation de l'incapacité de conduire (art. 91a al. 1 LCR) et de conduite d'un véhicule ne répondant pas aux prescriptions (art. 93 al. 2 let. a LCR), et condamné à une peine pécuniaire de 100 jours-amende à CHF 50.- le jour, avec sursis pendant trois ans, ainsi qu'à deux amendes de CHF 1'000.- et CHF 100.-.
i. Par courrier expédié le 15 janvier 2025, A______ a formé opposition contre cette ordonnance pénale.
C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public considère que, dans la mesure où les procédures P/286/2025 et P/21253/2023 sont dirigées à l'encontre de la même personne, à savoir A______, il se justifie, en vertu du principe de l'unité de la procédure, d'instruire conjointement l'ensemble des infractions.
D. a. Dans son recours, A______ estime que la jonction des procédures n'est pas justifiée. En effet, celles-ci relevaient de faits fondamentalement distincts, sans lien "direct ni contextuel", l'une portant sur une "infraction routière administrative", l'autre sur des "éléments matériels" dont la possession était contestée et l'origine documentée et justifiée au moyen des pièces annexées au courrier qu'il avait transmis au Ministère public. Dite jonction portait atteinte à ses droits fondamentaux, plus particulièrement à son "droit à une défense individualisée, protégé par l'article 19 alinéa 4 du Code de procédure pénale suisse" et compromettait "l'appréciation impartiale et spécifique des faits dans chaque dossier".
À l'appui, il produit une attestation sur l'honneur – adressée simultanément au Ministère public – accompagnée de diverses annexes, notamment une décision de retrait du permis de conduire et du permis d'élève conducteur à titre préventif, son recours y relatif adressé au Tribunal administratif de première instance, ainsi que divers échanges avec cette autorité et l'Office cantonal des véhicules.
b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.
EN DROIT :
1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).
2. La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.
3. Le recourant s'oppose à la jonction des procédures.
3.1. L'art. 29 CPP règle le principe de l'unité de la procédure pénale. Il prévoit qu'il y a lieu de poursuivre et juger, en une seule et même procédure, l'ensemble des infractions reprochées à un même prévenu. Le principe de l'unité de la procédure tend à éviter les jugements contradictoires et sert l'économie de la procédure (ATF 138 IV 29 consid. 3.2; ATF 138 IV 214 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_428/2018 du 7 novembre 2018 consid. 3.2).
De façon générale, l'art. 49 CP impose la règle de l'unité des poursuites qui veut que les infractions commises en concours doivent être réprimées dans un seul et même jugement et qu'un seul juge doive se prononcer sur l'ensemble des faits qui peuvent être reprochés à un délinquant. Cette solution permet d'éviter la multitude de jugements rendus à l'encontre du même prévenu, le prononcé d'une peine complémentaire ou peine d'ensemble, ainsi que les frais liés à toute nouvelle procédure. En ce sens, les intérêts de l'auteur sont préservés. La solution choisie par le législateur tend aussi à éviter des jugements contradictoires, que cela soit au niveau de la constatation de l'état de fait, de l'appréciation juridique ou de la fixation de la peine (ATF 138 IV 214 consid. 3; L. MOREILLON / A. PAREIN‑REYMOND, CPP, Code de procédure pénale, 2ème éd., Bâle 2016, n.3 ad art. 29).
3.2. Selon l'art. 30 CPP, si des raisons objectives le justifient, le ministère public et les tribunaux peuvent ordonner la jonction ou la disjonction de procédures pénales.
Cette disposition prévoit la possibilité de déroger au principe de l'unité de la procédure. Une telle dérogation exige toutefois des raisons objectives, ce qui exclut de se fonder, par exemple, sur de simples motifs de commodité (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 2 ad art. 30).
La disjonction des causes en vertu de l'art. 30 CPP doit cependant rester l'exception et l'unité de la procédure la règle, dans un but d'économie de procédure, d'une part, mais aussi afin de prévenir le prononcé de décisions contraires, d'autre part. Ainsi, le Tribunal fédéral a considéré qu'en vertu du principe de l'unité de procédure, le ministère public était tenu de joindre des procédures à l'encontre du même prévenu quand bien même la nature des infractions était fort différente, en l'occurrence violences domestiques et escroquerie (ATF 138 IV 214 consid. 3.6 et 3.7).
3.3. En l'espèce, le recourant soutient qu'une jonction des deux procédures en cours contre lui porterait atteinte à son "droit à une défense individualisée". Il perd toutefois de vue que la loi ne lui octroie pas un tel droit – la disposition qu'il invoque à l'appui de son recours n'existant au demeurant pas –, étant rappelé que l'unité de la procédure est la règle, conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral citée au consid. 3.2, et la disjonction des causes l'exception.
Dans la mesure où le recourant est prévenu dans les deux procédures concernées, les faits visés par celles-ci – et les infractions qui y sont associées – doivent, au vu des principes sus-rappelés, être poursuivis conjointement, quand bien même ils seraient de nature complètement différente.
Aucune raison objective ne milite pour que les infractions soient poursuivies séparément. S'il est vrai que, par suite de la jonction, un complexe de faits supplémentaire viendra s'ajouter à ceux initialement visés par la procédure P/21253/2023, cette amplification de la prévention est une conséquence inhérente à toute jonction et on ne voit pas en quoi celle-ci justifierait de s'écarter du principe de l'unité de la procédure.
L'avancement des deux causes apparait en outre similaire. Certes, les faits concernés par la procédure P/286/2025 ont déjà fait l'objet d'une décision [ordonnance pénale du 7 janvier 2025], contrairement à ceux visés par la procédure P/21253/2023 qui n'ont pas fait l'objet de la non-entrée en matière partielle du 19 février 2025. Il n'en demeure pas moins que, au vu de l'opposition formée contre l'ordonnance pénale du 7 janvier 2025, le Ministère public devra de toute manière statuer à nouveau sur ceux-ci, conformément à l'art. 355 CPP, de sorte qu'on ne voit pas en quoi une jonction des deux causes serait susceptible de retarder sensiblement leur traitement.
La jonction querellée présentera enfin l'avantage, selon ce que le Ministère public décidera, d'éviter de devoir rendre deux décisions au fond à l'encontre du recourant et, cas échéant, d'avoir à prononcer une peine complémentaire.
On peine enfin à comprendre en quoi la jonction querellée serait susceptible de mettre en péril la recherche "impartiale" de la vérité, le recourant se bornant à évoquer sa crainte à cet égard, sans fournir l'once d'un élément probant à l'appui d'une telle thèse.
Au vu de ce qui précède, l'ordonnance querellée, conforme aux réquisits des art. 29 et 30 CPP, ne prête pas le flanc à la critique.
4. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée et, partant, le recours rejeté.
5. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours.
Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.
Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant et au Ministère public.
Siégeant :
Madame Valérie LAUBER, présidente; Madame Françoise SAILLEN AGAD et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Madame Olivia SOBRINO, greffière.
La greffière : Olivia SOBRINO |
| La présidente : Valérie LAUBER |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).
P/21253/2023 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
- frais postaux | CHF | 10.00 |
Émoluments généraux (art. 4) | | |
- délivrance de copies (let. a) | CHF | |
- délivrance de copies (let. b) | CHF | |
- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
- décision sur recours (let. c) | CHF | 815.00 |
Total | CHF | 900.00 |