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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/4454/2025

ACPR/266/2025 du 03.04.2025 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : DISJONCTION DE CAUSES
Normes : CPP.29; CPP.30

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/4454/2025 ACPR/266/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 3 avril 2025

 

Entre

A______, représenté par Me B______, avocat,

recourant,

 

contre l'ordonnance de disjonction rendue le 19 février 2025 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.

 


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 3 mars 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 19 février 2025, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a disjoint la procédure P/1______/2025 de la procédure P/4454/2025.

Le recourant conclut à l'annulation de cette ordonnance. Préalablement, il sollicite la désignation de son conseil en qualité de défenseur d'office et l'exonération de toute avance de frais, ainsi que de pouvoir compléter son recours une fois qu'il aura pu consulter le dossier des procédures susvisées, dont il requiert la transmission par l'autorité intimée.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______ fait l'objet d'une procédure pénale P/2______/2024 ouverte contre lui pour contrainte (art. 181 CP), menaces (art. 180 CP), tentative de lésions corporelles simples (art. 123 cum 22 CP), lésions corporelles simples, tentative de lésions corporelles graves (art. 122 cum 22 CP), voies de fait (art. 126 CP), insoumission à une décision de l'autorité (art. 292 CP) et violation simple des règles de la circulation routière (art. 90 al. 1 LCR), laquelle est en cours d'instruction.

b.a. Le 18 février 2025, il a été interpellé par la police à la rue de Lausanne (GE), alors qu'il était passager d'un véhicule de location [de marque] C______ immatriculé GE 3______, loué par ses soins, et conduit par D______. Dans le coffre dudit véhicule, la police a découvert deux sacs contenant 105 flacons de MAKATUSSIN [médicament contenant un opioïde, délivré sous ordonnance, et détourné pour ses effets psychotropes].

b.b. Le lendemain, il a été prévenu, dans cette procédure ouverte sous le numéro de procédure P/4454/2025, d'infraction à l'art. 19 al. 1 LStup et de consommation de stupéfiants (art. 19a ch. 1 LStup) pour les faits susvisés, soit d'avoir, de concert avec D______, détenu 105 flacons de MAKATUSSIN en vue de sa consommation personnelle et de la vente. Il lui est également reproché, dans cette même procédure, d'avoir circulé sans permis de conduire au volant du véhicule C______ immatriculé GE 3______ entre le 29 janvier et le 18 février 2025, ainsi qu'au volant d'un autre véhicule de location C______/4______ [modèle] immatriculé GE 5______, entre le 10 et le 29 janvier 2025 (art. 95 al. 1 let. a LCR).

b.c. A______ a contesté les faits reprochés. Les flacons appartenaient à D______, qui avait une ordonnance pour ce médicament.

D______ a déclaré pour sa part avoir acheté les flacons pour sa propre consommation.

b.d. À l'issue de l'audience, A______ a été informé que la procédure serait reprise par la Procureure en charge de la P/2______/2024.

c. Par pli du 20 février 2024 adressé à ladite Procureure, A______ a sollicité la mise à disposition du dossier de la P/4454/2025, ajoutant que le Ministère public l'avait informé, lors de l'audience du 19 février 2025, que cette procédure serait jointe à la P/2______/2024.

C. Dans l'ordonnance querellée, fondée sur l'art. 30 CPP, le Ministère public expose que A______ faisait déjà l'objet d'une procédure en cours P/2______/2024 et qu'il convenait en conséquence que tous les faits qui lui étaient reprochés soient jugés ensemble.

D. a. À l'appui de son recours, A______ expose avoir été informé téléphoniquement par le Ministère public, le 26 février 2025, qu'il pourrait consulter le dossier une fois que la procédure P/1______/2025 – qui le concernait et qui avait été disjointe de la procédure de base P/4454/2025 – serait jointe à la P/2______/2024.

La disjonction ordonnée violait l'art. 30 CPP et notamment le droit à un procès équitable. Il n'avait pas été confronté à D______. Faute de décision de classement en ce qui le concernait, s'agissant des faits du 18 février 2025, il supputait que son co-prévenu n'avait pas admis l'entièreté des faits qui lui étaient reprochés et qu'un soupçon pesait toujours sur lui. La disjonction augmentait ainsi le risque de décisions contradictoires.

b. Dans ses observations, le Ministère public indique que l'ordonnance de disjonction avait pour but de procéder subséquemment à une jonction de la nouvelle procédure P/1______/2025 concernant A______ à la P/2______/2024 dans laquelle il était également prévenu.

La consultation par le prévenu de la P/1______/2025 avait été autorisée.

Le principe d'unité de la procédure justifiait de poursuivre et juger conjointement les faits reprochés à l'intéressé et de joindre ainsi les deux procédures le concernant.

Les actes concernant D______ ne nécessiteraient probablement que peu d'actes d'instruction, le seul acte en cours consistant à attendre le résultat de sa prise de sang. Tel n'était pas le cas pour A______, dès lors que plusieurs auditions de témoins avaient été sollicitées par lui dans le cadre de la P/2______/2024, de sorte que la cause n'était pas sur le point d'être jugée. La disjonction se justifiait ainsi également pour garantir la célérité de la procédure s'agissant des faits reprochés à D______.

Enfin, les co-prévenus ne s'incriminaient pas et une copie de leurs procès-verbaux d'audition avait été versée dans les deux procédures dirigées à leur encontre.

c. Le recourant réplique. Il confirme avoir pu consulter "le dossier de la procédure" en date du 17 mars 2025, de sorte que sa conclusion préalable sur ce point était devenue sans objet. Il comprenait enfin les motifs ayant conduit à la décision querellée, ce qui devrait avoir un impact sur les frais et dépens. Cependant, ces motifs peinaient à le convaincre. L'audition de témoins avait été requise postérieurement à l'ordonnance querellée, de sorte qu'elle ne saurait la justifier. Ensuite, le Ministère public admettait que les faits reprochés à D______ ne nécessiteraient que "peu" d'actes d'instruction, ce qui signifiait donc encore des actes dont il ignorait "la quantité et l'ampleur". À cela s'ajoutait qu'il ignorait ce que le Ministère public entendait faire avec le résultat de la prise de sang attendu, dont il était "à présumer" qu'il "appeller[ait] à l'administration de nouvelles preuves". À l'inverse, D______ aurait déjà été jugé. Il y avait dès lors un risque qu'il se voie opposer des nouvelles preuves parallèles dans une procédure à laquelle il n'avait pas accès ni n'avait participé. Si les deux co-prévenus ne s'incriminaient effectivement pas, il peinait à comprendre pourquoi il n'avait pas encore faire l'objet d'un classement pour ce volet – D______ ayant admis être le propriétaire des fioles de MAKATUSSIN. Enfin, rien ne s'opposait à ce que les procédures soient jointes à l'issue de l'administration de toutes les preuves.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) – les formalités de notification (art. 85 al. 2 CPP) n'ayant pas été observées –, concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénales suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 4 in fine ad art. 30) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant ayant pu consulter le dossier de la P/1______/2025 auprès du Ministère public, sa conclusion visant à ce qu'il soit ordonné à cette autorité de le transmettre à la Chambre de céans est devenue sans objet.

3. De jurisprudence constante, la motivation d'un recours doit être entièrement contenue dans l'acte de recours lui-même et ne saurait être complétée ou corrigée ultérieurement (arrêt du Tribunal fédéral 1B_183/2012 du 20 novembre 2012 consid. 2).

Le recourant ayant pu développer ses arguments dans sa réplique, soit postérieurement à la consultation des dossiers demandées, sa conclusion préalable sollicitant de pouvoir compléter son recours n'a plus lieu d'être.

4. Le recourant estime que la disjonction n'est pas justifiée.

4.1. À teneur de l'art. 29 al. 1 CPP, les infractions sont poursuivies et jugées conjointement lorsqu'un prévenu a commis plusieurs infractions (let. a) ou lorsqu'il y a plusieurs coauteurs ou participation (let. b).

Le principe d'unité de la procédure découle déjà de l'art. 49 CP et, sous réserve d'exceptions, s'applique à toutes les situations où plusieurs infractions, respectivement plusieurs personnes, doivent être jugées ensemble (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 1 ad art. 29). Ce principe tend à éviter les jugements contradictoires quant à l'état de fait, l'appréciation juridique ou la quotité de la peine. Il sert en outre l'économie de la procédure (ATF 138 IV 214 consid. 3; 138 IV 29 consid. 3.2).

4.2. Selon l'art. 30 CPP, si des raisons objectives le justifient, le Ministère public et les tribunaux peuvent ordonner la disjonction de procédures pénales. Elle sert, avant tout, à garantir la rapidité de la procédure et à éviter un retard inutile. Ces raisons objectives excluent en revanche de se fonder sur de simples motifs de commodité (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds.), op. cit., n. 2 ad art. 30).

À titre d'exemples de cas d'application de l'exception de l'art. 30 CPP, l'on peut citer la violation du principe de célérité ou le fait que certains prévenus soient sur le point d'être jugés et pas d'autres (ATF 138 IV 214 consid. 3.2; L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, Code de procédure pénale - Petit commentaire, 2ème édition, Bâle 2016, n. 3 ad art. 30 CPP).

4.3. En l'espèce, il ressort de l'ordonnance querellée et des observations du Ministère public que celui-ci a décidé de disjoindre de la procédure P/4454/2025 les faits reprochés au recourant sous une nouvelle procédure P/1______/2025, laquelle serait ensuite jointe à la P/2______/2024 dirigée également contre lui, afin qu'il puisse être jugé pour l'ensemble de ces faits.

En substance, le recourant y voit là un procédé contraire à l'art. 30 CPP, dès lors qu'en le dissociant de la procédure P/4454/2025 visant désormais son co-prévenu, il se voyait écarté de l'administration des preuves y relative.

Le Ministère public expose que le seul acte de procédure encore attendu dans cette procédure était le résultat d'analyse de sang de D______ (et l'extraction des images de vidéosurveillance en ce qui concerne les infractions à la LCR reprochées au recourant). D______ admet au demeurant être le propriétaire des flacons de MAKATUSSIN retrouvés dans le coffre du véhicule et n'incrimine aucunement le recourant – ce que ce dernier reconnaît –. On ne voit dès lors pas bien quelles nouvelles preuves devraient être administrées dans ce contexte, et le recourant – qui n'en cite aucune – manifestement non plus. Que le recourant soit encore prévenu de cette infraction à la LStup ne signifie par ailleurs pas que des investigations complémentaires seraient nécessaires dans ce volet.

Cela étant, si la P/4454/2025 devait néanmoins connaître de nouveaux développements, le droit du recourant à un procès équitable resterait préservé, même s'il lui est reproché d'avoir agi en coactivité. Si le recourant perd effectivement sa qualité de partie dans la procédure disjointe, ses droits procéduraux demeurent intacts puisqu'il peut formuler ses propres réquisitions de preuves et requérir l'audition de l'autre prévenu lors du procès.

La crainte qu'une disjonction conduise à des jugements contradictoires ne repose sur aucun fondement.

On peut dès lors, à l'instar du Ministère public, considérer que les faits reprochés à D______ dans la procédure P/4454/2025 sont quasiment sur le point d'être jugés, ce qui n'est pas le cas de ceux visant le recourant dans la P/2______/2024, celui-ci ayant dans l'intervalle requis l'audition de plusieurs personnes. Partant, la disjonction des faits le concernant dans la P/4454/2025 n'est pas critiquable sous l'angle de la célérité.

Dans la mesure où la disjonction querellée permettra, après jonction subséquente des causes dans lesquelles le recourant est prévenu (P/2______/2024 et P/1______/2025), de poursuivre et juger conjointement les faits reprochés à l'intéressé, elle apparaît justifiée.

Partant, compte tenu du large pouvoir d'appréciation qui est le sien en la matière, le Ministère public n'a pas violé la loi en l'ordonnant.

5. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

6. Le recourant sollicite l'assistance judiciaire et la désignation de son conseil comme défenseur d'office pour le recours.

6.1. L'art. 29 al. 3 Cst féd. soumet l'octroi d'une telle assistance à la condition que le procès soutenu par l'indigent qui la réclame ne paraisse pas dépourvu de toute chance de succès.

Tel n'est pas le cas quand les perspectives de gagner ce procès sont notablement plus faibles que les risques de le perdre, et qu'elles ne peuvent donc pas être considérées comme sérieuses, de sorte qu'une personne raisonnable et de condition aisée renoncerait à s'y engager en raison des frais qu'elle s'exposerait à devoir supporter (arrêt du Tribunal fédéral 7B_68/2022 du 6 mars 2024 consid. 4.2).

6.2. En l'occurrence, on ne peut pas dire que les griefs du recourant étaient d'emblée dénués de chance de succès.

L'intéressé bénéficiant d'une défense d'office dans le cadre de la procédure P/2______/2024 à laquelle la P/1______/2025 disjointe de la présente procédure devrait être jointe, il y a lieu d'admettre l'assistance judiciaire pour le recours et de désigner à ce titre son conseil comme défenseur d'office.

La procédure n'étant pas terminée, il n'y a pas lieu de d'indemniser ce conseil à ce stade (cf. art. 135 al. 2 CPP).

7. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, arrêtés à CHF 600.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03). En effet, l'autorité de recours est tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Admet l'assistance judiciaire pour recours et désigne Me B______ en qualité de défenseur d'office pour l'instance de recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 600.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Catherine GAVIN et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).


 

P/4454/2025

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

515.00

Total

CHF

600.00