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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/6988/2024

ACPR/95/2025 du 30.01.2025 sur ONMMP/5078/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;INSOUMISSION À UNE DÉCISION DE L'AUTORITÉ
Normes : CPP.310; CP.292

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/6988/2024 ACPR/95/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 30 janvier 2025

 

Entre

A______,

B______,

tous deux représentés par Me Gérard BRUTSCH, avocat, rue Prévost-Martin 5,
case postale 60, 1211 Genève 4,

recourants,

 

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 18 novembre 2024 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 29 novembre 2024, A______ et B______ recourent contre l'ordonnance du Ministère public du 18 novembre 2024, notifiée le 20 suivant, par laquelle le Ministère public a partiellement refusé d'entrer en matière sur leur plainte du 14 mars 2024 contre C______.

Les recourants concluent, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'ordonnance querellée et au renvoi de la cause au Ministère public pour instruction.

b. Les recourants ont versé les sûretés en CHF 1'000.- qui leur étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______ et B______ ainsi que C______ occupent des parcelles adjacentes à D______ [GE]. Ils sont en litige depuis plusieurs années notamment s'agissant de l'usage de servitudes, soit une de passage pour entretien (No RS 1______) et une pour usage de citernes (No RS 2______), dont ils bénéficient sur la parcelle de C______.

b. Par jugement JTPI/13076/2020 du 26 octobre 2020, confirmé par la Chambre civile (arrêt ACJC/1682/2022 du 20 décembre 2022) et le Tribunal fédéral (arrêt 5A_89/2023 du 13 octobre 2023), le Tribunal civil avait notamment fait interdiction à C______ d'entreposer, construire ou installer tout objet empêchant l'accès et l'exercice à pied ou à véhicule de la servitude de passage et lui avait ordonné de replacer les citernes de mazout à l'emplacement désigné. Ces injonctions étaient assorties de la peine prévue à l'art. 292 CP. Le tribunal civil avait cependant écarté l'existence d'un empiétement de l'avant-toit sur la servitude de passage et retenu que celle-ci n'était pas encombrée de façon à empêcher le passage d'un véhicule usuel.

c. Le 14 mars 2024, A______ et B______ ont déposé plainte pénale pour violation de l'art. 292 CP au motif, qu'à cette date, l'assiette de servitude de passage était toujours encombrée à divers endroits par des constructions fixes ou par des objets qui entravaient son exercice normal et la circulation d'un véhicule. Les citernes n'avaient quant à elles pas été replacées à l'emplacement désigné, malgré l'injonction du Tribunal de s'y conformer sous 60 jours.

Ils ont produit en annexe à leur plainte un plan d'état des lieux du 20 novembre 2023 d'un bureau géomatique, dont il ressortirait que l'assiette de la servitude était encombrée d'un muret en béton sur une longueur de près de 5 m, flanqué à son extrémité d'un poteau de 19 cm de largeur, lequel soutenait un avant-toit.

d. Dans ses observations du 15 novembre 2024, fournies à la demande du Ministère public, C______ a rappelé que le Tribunal civil avait considéré que les construction "fixes" se trouvant sur la parcelle de passage n'empêchaient pas son usage et il n'était pas contesté que des engins usuels puissent y circuler. S'agissant des citernes, les parties avaient entamé des discussions. Lors d'une séance – dont le procès-verbal était produit en annexe [étant précisé qu'il ne comporte pas la signature de C______] – les plaignants avaient affirmé qu'elles pouvaient rester à leur emplacement.

e. Par ordonnance pénale du 18 novembre 2024, entrée en force, le Ministère public a condamné C______ à une amende pour avoir refusé d'exécuter le jugement JTPI/13076/2020 du 26 octobre 2020. Le procès-verbal du 28 avril 2021, dont elle se prévalait, n'était pas signé par elle et la procédure civile parallèle avait abouti à sa condamnation à déplacer les citernes, de sorte qu'il ne pouvait être retenu que les parties avaient convenu de les laisser où elles se trouvaient.

C. Dans la décision querellée, le Ministère public retient que les plaignants avaient tu les constatations du Tribunal fédéral et n'alléguaient pas que la situation avait évolué dans l'intervalle. Au surplus, l'affaire était éminemment civile.

D. a. Dans leur recours, A______ et B______ font valoir que la problématique dénoncée dans la plainte pénale différait de celle des empiètements sur la servitude ayant pour origine l'avant-toit ou autre hangar la surplombant et concernait l'impossibilité d'usage de celle-ci. En effet, selon le constat du géomètre du 20 novembre 2023, l'assiette de servitude n'était pas libre de toute construction et était encombrée par une paroi et autres dépôts de matériaux. Il n'était ainsi pas possible de l'emprunter avec un véhicule, de sorte que C______ ne s'était pas conformée à l'obligation qui était la sienne à l'issue de la procédure civile.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner des plaignants qui, parties à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), ont qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Les recourants se plaignent d'une constatation inexacte des faits. Dès lors que la Chambre de céans jouit d'un plein pouvoir de cognition en droit et en fait (art. 393 al. 2 CPP; ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_524/2012 du 15 novembre 2012 consid. 2.1.), les éventuelles constatations incomplètes ou inexactes du Ministère public auront été corrigées dans l'état de fait établi ci-devant.

4.             Les recourants reprochent au Ministère public de ne pas être entré en matière sur leur plainte s'agissant d'une violation de l'art. 292 CP en lien avec la servitude de passage.

4.1.       Selon l'art. 310 al. 1 CPP, le Ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis (let. a) ou qu'il existe des empêchements de procéder (let. b).

Au moment de statuer sur l'ouverture éventuelle de l'instruction, le ministère public doit examiner si les conditions d'exercice de l'action publique sont réunies, c'est-à-dire si les faits qui sont portés à sa connaissance sont constitutifs d'une infraction pénale et si la poursuite est recevable. Il suffit que l'un des éléments constitutifs de l'infraction ne soit manifestement pas réalisé pour que la non-entrée en matière se justifie (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 8 ad art. 310).

Des motifs de fait peuvent justifier la non-entrée en matière. Il s'agit des cas où la preuve d'une infraction, soit de la réalisation en fait de ses éléments constitutifs, n'est pas apportée par les pièces dont dispose le ministère public. Il faut que l'insuffisance de charges soit manifeste. De plus, le ministère public doit examiner si une enquête, sous une forme ou sous une autre, serait en mesure d'apporter des éléments susceptibles de renforcer les charges contre la personne visée. Ce n'est que si aucun acte d'enquête ne paraît pouvoir amener des éléments susceptibles de renforcer les charges contre la personne visée que le ministère public peut rendre une ordonnance de non-entrée en matière. En cas de doute sur la possibilité d'apporter ultérieurement la preuve des faits en question, la non-entrée en matière est exclue (Y. JEANNERET/ A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 9 ad art. 310).

La non-entrée en matière peut également résulter de motifs juridiques. La question de savoir si les faits qui sont portés à sa connaissance constituent une infraction à la loi pénale doit être examinée d'office par le ministère public. Des motifs juridiques de non-entrée en matière existent lorsqu'il apparaît d'emblée que le comportement dénoncé n'est pas punissable (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 10 ad art. 310).

Une non-entrée en matière s'impose lorsque le litige est de nature purement civile (ATF 137 IV 285 consid. 2.3).

4.2.       Aux termes de l'art. 292 CP, quiconque ne se conforme pas à une décision à lui signifiée, sous la menace de la peine prévue au présent article, par une autorité ou un fonctionnaire compétents est puni d'une amende.

L'insoumission à une décision de l'autorité n'est punissable que si la commination a été signifiée sous la menace de la peine prévue par l'article 292 CP. Une simple référence à cette disposition ou la mention de sanctions pénales ne suffit pas ; il faut indiquer précisément la menace de l'amende (ATF 124 IV 297 consid. 4e ; 105 IV 248 consid. 1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_388/2018 du 13 septembre 2018 consid. 2).

4.3.       En l'espèce, les recourants se prévalent d'un état des lieux effectué par un géomètre postérieurement aux décisions rendues en matière civile. Le Tribunal fédéral avait retenu que le contenu de la servitude litigieuse n'était plus contesté et qu'elle pouvait être empruntée à pied, mais aussi avec un véhicule usuel et n'avait pas pour but de permettre l'accès à des engins lourds ou de chantier. Aucune autre construction de nature à bloquer le passage ne devait cependant être érigée.

Rien n'indique, et les recourants ne le soutiennent pas, que depuis la fin de la procédure civile, de nouveaux éléments auraient été construits ou déposés sur la servitude, entravant le passage. En effet, les recourants reprochent l'existence, sur le terrain grevé, d'un muret en béton et d'un poteau soutenant un avant-toit, constructions déjà existantes lorsque le Tribunal civil avait rendu son jugement. Ainsi, la situation qui prévalait au moment où cette juridiction a rendu son jugement, confirmé jusqu'à notre plus haute instance, semble être identique à la situation actuelle. En n'érigeant pas de nouvelle construction sur la parcelle litigieuse et en laissant les lieux tels qu'ils étaient, la mise en cause s'est ainsi conformée au jugement JTPI/13076/2020 du 26 octobre 2020 et il ne peut lui être reproché de ne pas s'être soumise à la décision d'une autorité.

C'est ainsi à juste titre que le Ministère public a refusé d'entrer en matière, faute de prévention pénale suffisante, dès lors qu'aucune modification n'est intervenue sur le terrain grevé depuis le rendu de sa décision et qu'il y avait été retenu que cette servitude pouvait alors être utilisée conformément à son but (soit avec le passage à pied ou avec un véhicule).

5.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

6.             Les recourants, qui succombent, supporteront solidairement les frais envers l'État (art. 418 al. 2 CPP), qui seront fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours, dans la mesure où il est recevable.

Condamne A______ et B______, conjointement et solidairement, aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, aux recourants, soit pour eux leur conseil, ainsi qu'au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Valérie LAUBER et
Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Olivia SOBRINO, greffière.

 

La greffière :

Olivia SOBRINO

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).


 

P/6988/2024

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

915.00

- demande sur récusation (let. b)

CHF

Total

CHF

1'000.00