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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/15435/2024

ACPR/85/2025 du 28.01.2025 sur ONMMP/5045/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;DOMMAGES À LA PROPRIÉTÉ(DROIT PÉNAL);VIOLATION DE DOMICILE
Normes : CPP.310; CP.186; CP.144

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/15435/2024 ACPR/85/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 28 janvier 2025

 

Entre

A______, représenté par Me B______, avocat,

recourant,

 

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 14 novembre 2024 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte déposé le 27 novembre 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 14 précédent, notifiée le 18 suivant, par laquelle le Ministère public a décidé de ne pas entrer en matière sur les faits visés par la procédure.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette ordonnance en tant qu'elle concerne sa plainte et à l'ouverture d'une instruction contre C______. Il sollicite en outre d'être mis au bénéfice de l'assistance judiciaire gratuite.

b. Le recourant a été dispensé de verser les sûretés (art. 383 CPP), vu son indigence attestée par le Greffe de l'assistance juridique.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 21 mai 2024, A______, actuellement domicilié au Sénégal, a déposé plainte contre C______ pour violation de domicile, dommages à la propriété, voire vol et appropriation illégitime.

Il avait conclu, le 1er décembre 2020, un contrat de sous-location d'un appartement meublé avec le précité, portant sur un appartement sis rue 1______ no. ______ (à Genève), qu'il avait occupé jusqu'à son arrestation par la police, à Genève, le 2 octobre 2023. À sa sortie de prison, le 26 mars 2024, il avait découvert que la serrure de l'appartement avait été changée. Le concierge, D______, l'avait informé que C______ s'était introduit chez lui durant son absence et avait fait évacuer ses affaires personnelles, en les jetant à la poubelle. Il n'était pas exclu que le précité eût récupéré certains biens, pour les revendre. Son dommage total s'élevait à CHF 58'428.- au minimum.

b. Parmi les pièces annexées à sa plainte figurent:

- le contrat de bail du 1er décembre 2020, d'une durée initiale d'un an et renouvelable d'année en année, sauf déclaration contraire;

- une pléthore de factures, à son nom et datées entre 2019 et 2024, pour des vêtements (de sport en particulier, de la marque E______ ou provenant de F______), des produits cosmétiques ou encore des gadgets électroniques;

- des photographies de certains biens qui lui appartenaient mais pour lesquels il ne disposait plus des preuves d'achat;

- une lettre manuscrite du 23 avril 2024, à teneur de laquelle D______ attestait que C______ avait jeté ses effets personnels.

c. Entendu par la police le 12 septembre 2024, C______ a expliqué que, selon lui, le contrat de bail portait sur une année seulement, non renouvelable. À la fin du contrat, A______ lui avait peut-être demandé de rester six mois de plus. Après cela, le précité avait persisté à rester dans le logement et se montrait menaçant. Au début du mois d'octobre 2023, il avait découvert, en se rendant sur place, que l'appartement était occupé par quatre inconnus "de type africain". Ceux-ci lui avaient relaté que A______ n'habitait plus les lieux mais vivait à G______ [GE]. Il avait alors donné aux individus un délai au lendemain pour évacuer leurs affaires, avant de faire venir une société de nettoyage, car l'appartement était dans un état insalubre. Il avait également fait installer une barre de sécurité, sans changer la serrure. Aucune des affaires de A______ ne se trouvait dans le logis lorsqu'il avait été nettoyé.

À l'issue de son audition, C______ a déposé plainte contre A______ pour dommages à la propriété notamment.

d. C______ a notamment fourni à la police une vidéo de l'appartement, lequel présente un état avancé d'insalubrité et d'encombrement. On y aperçoit de nombreux cartons empilés, sans qu'il soit possible, pour la plupart, de savoir s'ils sont vides ou non, mais également une dizaine de sacs poubelles pleins et nombre d'immondices.

e. Selon le rapport de renseignements du 7 octobre 2024, A______ était au bénéfice d'une autorisation de séjour du 10 octobre 2018 au 30 septembre 2021. Son statut était celui d'une personne partie à l'étranger et il n'avait pas pu être convoqué, ni entendu, à la suite de la plainte de C______.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public relève le caractère contradictoire des déclarations des parties et l'absence d'élément objectif permettant de favoriser une version plutôt que l'autre. Les factures de A______ dataient de plusieurs années et ne permettaient pas d'établir que ses effets se trouvaient dans l'appartement lorsque C______ s'y était rendu. Ce dernier avait contesté "avoir fait débarrasser des effets personnels appartenant à A______". Le litige relevait exclusivement du droit civil.

D. a. Dans son recours, A______ reproche au Ministère public de n'avoir pas tenu compte de l'attestation de D______, élément objectif qui permettait d'étayer ses déclarations selon lesquelles C______ avait jeté ses effets personnels. En outre, ce dernier avait admis avoir installé une barre de sécurité sur la porte de l'appartement, ce qui réalisait les éléments constitutifs d'une violation de domicile, même à supposer que la sous-location aurait pris fin, ce qui était contesté au demeurant. Lors de son audition, C______ avait admis "avoir débarrassé" l'appartement d'effets personnels lui appartenant.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant fait grief au Ministère public de ne pas être entré en matière sur sa plainte.

2.1. Le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis (art. 310 al. 1 let. a CPP).

Il doit ainsi être certain que les faits ne sont pas punissables, ce qui est notamment le cas lorsque le litige est d'ordre purement civil (ATF 137 IV 285 consid. 2.3; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1076/2014 du 7 octobre 2015 consid. 2.6; 1B_111/2012 du 5 avril 2012 consid. 3.1). 

2.2. Aux termes de l'art. 186 CP, se rend coupable de violation de domicile quiconque, notamment, d'une manière illicite et contre la volonté de l'ayant droit, pénètre dans un espace, cour ou jardin clos et attenant à une maison.

Le droit au domicile appartient à la personne qui a le pouvoir de disposer des lieux, en vertu d'un droit contractuel, d'un droit réel ou d'un rapport de droit public (ATF 128 IV 81 consid. 3a; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1056/2013 du 20 août 2014 consid. 1.1). En concluant un contrat de bail, le bailleur renonce à son droit au domicile, de sorte que, pendant la durée du contrat, seul le locataire, respectivement le sous-locataire, dispose de la qualité d'ayant droit au sens de l'art. 186 CP. Au terme du contrat, le droit ne passe pas automatiquement du locataire au propriétaire, celui-là demeurant, aussi longtemps qu'il conserve la maîtrise effective des lieux qu'il occupe, seul titulaire du droit au domicile, droit qui ne cesse donc qu'à son départ. La violation du contrat de bail à loyer par le locataire touche aux prétentions de droit civil du bailleur et du propriétaire, mais n'empiète pas sur la sphère privée qui est l'objet de la liberté de domicile protégée par le droit pénal. Dans de tels cas, le bailleur ne pourra avoir recours qu'aux moyens offerts par la procédure civile et le droit de la poursuite pour dettes et faillite (ATF 112 IV 31 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 6B_940/2021 du 9 février 2023 consid. 2.1.2; ACPR/578/2023 du 26 juillet 2023 consid. 2.2.2).

2.3. L'art. 144 al. 1 CP punit quiconque, sans droit, endommage, détruit ou met hors d'usage une chose appartenant à autrui ou frappé d'un droit d'usage ou d'usufruit au bénéfice d'autrui.

Sur le plan subjectif, l'infraction est intentionnelle. Le dol éventuel suffit (ATF 116 IV 145 consid. 2b; A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), Commentaire romand, Code pénal II, 1ère éd., Bâle 2017, n. 11 ad art. 144 CP).

2.4. En l'espèce, les circonstances entourant la fin de la sous-location de l'appartement sis rue 1______ no. ______ entre le recourant et le mis en cause demeurent incertaines. Hormis le contrat de bail initial, la procédure ne contient aucun autre document (comme des quittances de loyer) qui permettrait d'éclaircir ce point.

Au contraire, certains éléments au dossier apparaissent contradictoires, comme les affirmations du recourant selon lesquelles il occupait encore les lieux jusqu'à son arrestation, le 2 octobre 2023, alors que son permis de séjour a visiblement pris fin le 30 septembre 2021.

De son côté, le mis en cause a affirmé s'être rendu sur place "au début du mois d'octobre [2023]" – qui correspond à l'arrestation du recourant – et y avoir trouvé le logement occupé non pas par celui-ci, mais par quatre individus, lesquels lui auraient déclaré que l'intéressé vivait dorénavant à G______.

Face à ces éléments, dont aucun n'est établi, rien ne permet de retenir que le mis en cause savait, lorsqu'il a fait poser une barre de sécurité sur la porte et débarrasser toutes les affaires restantes, que le recourant aurait encore vécu dans l'appartement que les effets entreposés – composés surtout de sacs poubelles, de cartons disséminés pêle-mêle et de détritus – dans le lieu insalubre appartenaient au recourant, ni, a fortiori, auraient eu une quelconque valeur. Ce dernier se prévaut d'ailleurs d'une lecture erronée de l'ordonnance querellée pour soutenir l'inverse: Le mis en cause a bien contesté, lors de son audition à la police, avoir jeté des effets personnels lui appartenant. Si, par son attestation manuscrite, le concierge semble indiquer l'inverse, ce document ne saurait suffire à démontrer que le mis en cause savait à qui appartenait les affaires débarrassées, ni la nature exacte de celles-ci.

Compte tenu de ce qui précède, il ne peut être reproché au mis en cause d'avoir entrepris des démarches pour nettoyer et récupérer l'appartement, dont il n'est pas contesté qu'il en est le locataire principal. Pour le surplus, rien ne permet de considérer qu'il se serait approprié certains des effets du recourant. Partant, comme l'a retenu le Ministère public, il apparaît donc que le litige relève exclusivement du droit civil.

3.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée. Infondé, le recours pouvait être d'emblée traité sans échange d'écritures ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

4.             Le recourant sollicite le bénéfice de l'assistance judiciaire pour la procédure de recours.

4.1. À teneur de l'art. 136 al. 1 CPP, la direction de la procédure accorde entièrement ou partiellement l’assistance judiciaire gratuite, sur demande, à la partie plaignante, pour faire valoir ses prétentions civiles, si elle ne dispose pas de ressources suffisantes et que l’action civile ne paraît pas vouée à l’échec (let. a), et à la victime, pour lui permettre de faire aboutir sa plainte pénale, si elle ne dispose pas de ressources suffisantes et que l'action pénale ne paraît pas vouée à l'échec (let. b).

4.2. La cause du plaignant ne doit pas être dénuée de toute chance de succès. L'assistance judiciaire peut donc être refusée lorsqu'il apparaît d'emblée que la démarche est manifestement irrecevable, que la position du requérant est juridiquement infondée ou que la procédure pénale est vouée à l'échec (arrêts du Tribunal fédéral 1B_173/2014 du 17 juillet 2014 consid. 3.1.1 et 1B_254/2013 du 27 septembre 2013 consid. 2.1.1).

4.3. En l'espèce, quand bien même le recourant serait indigent, force est de retenir que le recours était voué à l'échec pour les motifs exposés plus haut, de sorte que les conditions pour l'octroi de l'assistance judiciaire pour la procédure de recours ne sont pas remplies.

Sa demande sera donc rejetée.

5.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en intégralité à CHF 600.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).

Le refus d'octroi de l'assistance juridique gratuite est, quant à lui, rendu sans frais (art. 20 RAJ).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Rejette la demande d'assistance judiciaire gratuite pour la procédure de recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 600.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Valérie LAUBER, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).


 

P/15435/2024

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

515.00

Total

CHF

600.00