Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/944/2024 du 16.12.2024 sur ONMMP/4318/2024 ( MP ) , REJETE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/18263/2024 ACPR/944/2024 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du lundi 16 décembre 2024 |
Entre
A______, représentée par Me Carole REVELO, avocate, rue des Glacis-de-Rive 23,
1207 Genève,
B______, représentée par Me Bibiane CAPELA, avocate, rue François Bellot 2,
1206 Genève,
recourantes,
contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 3 octobre 2024 par le Ministère public,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. a. Par actes séparés, expédié, respectivement déposé, le 14 octobre 2024, A______ et B______ recourent contre l'ordonnance du 3 précédent, notifiée le lendemain, à teneur de laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière, entre autres plaintes pénales, sur celles déposées par leurs soins.
Elles concluent, sous suite de frais, à l'annulation de cette décision, la cause devant être retournée au Procureur afin qu'il ouvre une instruction du chef de diverses infractions.
b. Le 11 novembre 2024, B______ a requis l'octroi de l'assistance judiciaire pour la procédure de recours, avec effet rétroactif au jour du dépôt de son acte.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. Le 14 mai 2024, une altercation est survenue, à Genève, entre quinze membres de la communauté bolivienne.
La querelle avait pour origine des différends financiers, A______ devant d'importantes sommes d'argent aux quatorze autres participants.
b. Le 28 du même mois, la prénommée s’est rendue dans un poste de police, où elle a exposé ce qui suit en lien avec cette algarade.
i. Dès 2013, elle avait emprunté de l'argent à plusieurs compatriotes pour permettre à son fils, victime d’un accident en Bolivie, lieu où il résidait, de bénéficier de dix-huit opérations. "Concernant le[s] prêt[s], avec une communauté de boliviens, nous avions un accord verbal pour nous aider financièrement chaque mois, de façon solidaire, via une cotisation en cash". Ses emprunts avaient, par la suite, été majorés d’intérêts mensuels à 5%. Jusqu'au mois de mai 2023, elle était parvenue à s’acquitter de ces intérêts, soit environ CHF 5'000.- par mois; toutefois, à cette époque, elle avait perdu son emploi et elle éprouvait, depuis lors, des difficultés à "rendre l'argent". Les prêteurs faisaient pression sur elle pour être remboursés. Elle payait trop d'intérêts et n'y "arriv[ait] pas"; c'était un "cercle vicieux". Elle avait mis en vente "sa maison en Bolivie" pour rembourser ses dettes.
ii. Le 14 mai 2024, aux alentours de 20 heures, l’une de ses créancières, C______, l'avait interpellée, alors qu’elle-même entrait dans un immeuble pour voir une amie. La précitée lui avait bloqué le passage dans l'allée, lui demandant "[son] argent". Elle-même avait souhaité partir, mais son interlocutrice s’était placée devant elle, apposant les mains sur son buste, pour l’en empêcher. Un résident de l’immeuble leur ayant demandé d’aller régler leur conflit à l’extérieur, elles s’étaient exécutées. Une fois dans la rue, d’autres créanciers, contactés par C______, étaient progressivement arrivés. Ils s’étaient positionnés en demi-cercle autour d’elle; son dos était accolé à un mur. Tous lui avaient demandé d’être remboursés. Elle leur avait dit qu’elle allait "régler ce problème", mais les quatorze protagonistes ne l’avaient pas laissée quitter les lieux. L’un d’eux avait appelé la police; des agents avaient discuté avec plusieurs personnes, dont elle-même, puis étaient repartis. Elle s’était alors rendue à un arrêt de bus pour rentrer chez elle, mais certains compatriotes l’avaient suivie et "bloquée" jusqu’à ce que tous fixent une date de réunion pour tenter de régler à l'amiable "la situation"; il était alors minuit.
Lors de l’altercation, les évènements suivants avaient eu lieu :
· six protagonistes l’avaient insultée, la traitant de voleuse et/ou d’escroc (C______, D______, E______, F______ ainsi que G______), de "pute" ("puta"; H______) et de "fille de pute" ("hija de puta"; I______);
· plusieurs personnes l’avaient menacée, lui disant qu’elles allaient lui "couper les cheveux" (J______ ainsi que D______) ou encore : "on va voir en Bolivie, je vais te dénoncer" (B______); K______ avait affirmé que s'il avait été une femme il l'aurait frappée, ajoutant qu’il se vengerait sur ses trois enfants en Bolivie; I______ avait dit qu’il allait faire tuer sa famille en Bolivie;
· E______ avait pris de force son sac à dos et y avait dérobé la somme d’EUR 320.-;
· I______ s’était approché d'elle dans l'intention de la frapper, puis s'était "retiré au dernier moment";
· une dénommée L______ lui avait asséné un coup au niveau de l’oreille droite; à cette suite, elle avait ressenti des douleurs, mais ne s’était pas rendue chez un médecin.
iii. À ces éléments s’ajoutait que l’une de ses créancières (M______), présente lors de l’algarade, avait envoyé à son fils, le 16 mai 2024, une vidéo de celle-ci [la querelle ayant été filmée par plusieurs protagonistes], en le "menaçant" de la diffuser en Bolivie.
Par ailleurs, elle avait reçu, quelques semaines/mois avant l’altercation, des messages intimidants de la part de trois des personnes présentes le 14 mai 2024 (C______, H______ et I______). De même, deux autres intervenantes avaient publié des photos d’elle sur les réseaux sociaux, assorties de propos diffamants (E______ et M______).
iv. "Pour ces faits", elle déposait plainte.
c.a. La police a entendu treize des protagonistes mis en cause par A______.
i. Ils ont, pour la plupart, déclaré connaître la plaignante depuis de nombreuses années et avoir eu confiance en elle. Cette dernière était "très respectée" dans la communauté bolivienne (M______) et y assumait "le rôle de médiatrice (…) pour les problèmes d’ordre financier" (F______).
Eux-mêmes avaient participé à des "pasanaco" organisés par A______. Le "pasanaco" était un système d’épargne collectif qui fonctionnait comme suit : chaque participant remettait, en mains de l'organisateur, une somme mensuelle prédéfinie (in casu entre CHF 500.- et CHF 1'000.-) et, tous les mois, lors d’une réunion, l’un d’eux était tiré au sort [à une seule reprise pour un cycle de "pasanaco"]; le bénéficiaire empochait l'entier des cotisations du mois concerné, qu’il pouvait utiliser comme bon lui semblait (C______) [étant relevé que chaque participant reçoit, tôt ou tard, en fonction du tirage au sort, les montants qu’il a lui-même versés, l’intérêt de ce système consistant, soit à bénéficier rapidement d'une importante somme d’argent, pour les personnes tirées au sort en premier, soit à réaliser des économies, en évitant la tentation de dépenser, chaque mois, le montant équivalant à la cotisation].
Entre 2016 et 2023, ils avaient prêté de l'argent à A______, provenant de leurs économies et/ou des gains issus des "pasanaco". À ce dernier égard, la plaignante leur avait demandé de pouvoir conserver ces gains au lieu de les leur remettre, soutenant en avoir besoin pour son fils accidenté ou pour d’autres membres de la communauté, dont elle taisait souvent les noms, qui se trouvaient, selon elle, dans des situations urgentes/délicates. Parfois, elle leur avait affirmé ne pas être en mesure de verser immédiatement lesdits gains, au motif que certains participants n’avaient pas payé leurs cotisations. Elle leur avait proposé d’emprunter ces sommes à titre personnel.
Huit des mis en cause ont précisé que A______ avait elle-même suggéré d'assortir lesdites sommes d'intérêts mensuels et qu'elle en avait fixé les taux entre 3% et 5% (F______, G______, N______, O______, E______, P______, M______ et B______). Les autres ne se sont pas exprimés à ce sujet.
Tous ont ajouté que A______ leur avait demandé de garder "secret[s]" les emprunts à elle consentis; chacun d'eux ignorait donc l'existence des prêts accordés par les autres. La prénommée ayant cessé, courant 2023/2024, de répondre à leurs nombreux appels/relances respectifs, ils s’étaient mutuellement contactés et avaient découvert qu’elle avait "fait le [même] coup" à nombre d'entre eux. Ils avaient convenu que le premier à avoir des nouvelles de l'intéressée contacterait les autres.
ii. Le 14 mai 2024, ils avaient appris que C______ se trouvait avec la plaignante et ils avaient donc rejoint les intéressées. Certains d'entre eux avaient été présents durant toute l'algarade, tandis que d'autres étaient restés un moment seulement.
Bien qu'ils fûssent fâchés, la situation était restée calme; chacun souhaitait savoir si et quand il allait récupérer son argent.
Ils n'avaient nullement empêché A______ de partir; cette dernière aurait été libre de le faire si elle l'avait souhaité.
Cinq des mis en cause ont admis avoir traité la prénommée de voleuse et/ou d’escroc, respectivement de "fille de pute" (C______, F______, G______, E______ ainsi que I______). Deux autres ont nié l’avoir insultée (H______ et D______).
Quatre protagonistes ont contesté avoir tenu les propos menaçants que la plaignante leur imputait (J______, D______, B______ et I______). K______ a reconnu lui avoir dit : "A______ si tu veux mourir en paix, vends tes maisons en Bolivie et rends l'argent à toutes ces personnes"; par "mourir en paix", il entendait la conscience tranquille. Il lui avait également dit que si elle avait été un homme il l'aurait tapée.
E______ a expliqué avoir eu une "altercation" avec A______ dans le but de voir le contenu de son sac, pensant que l'argent dû s'y trouvait; elle avait "tiré sur le[dit] sac", en avait sorti le contenu, puis l'avait rangé, sans rien subtiliser.
I______ a nié avoir tenté de frapper la plaignante.
iii. M______ a admis avoir envoyé au fils de A______, le 14 mai 2024, une vidéo de l'algarade et dit à ce dernier qu'"ils allaient la publier dans les nouvelles en Bolivie", respectivement avoir, avant l'altercation, diffusé une photo de l'intéressée sur les réseaux sociaux avec la mention "______".
C______ a reconnu avoir envoyé un message à la plaignante, le 6 mai 2024, dans lequel elle exposait qu’elle prendrait "d’autres mesures" si elle ne lui répondait pas. Elle l'avait écrit sous le coup de l’énervement et ne pouvait expliquer ce qu’elle entendait dire par "d’autres mesures".
H______ a déclaré avoir effectivement traité A______ de voleuse et d'escroc dans des messages envoyés le 29 février 2024.
Pour sa part, I______ a admis avoir adressé deux messages à la plaignante, le 28 mars 2024, où il lui affirmait que "son heure arrivera[it]". Il faisait allusion, par-là, à la plainte pénale qu'il entendait déposer sous peu en Bolivie, et non à l'intégrité physique de l'intéressée.
E______ a reconnu avoir publié des photos de A______ sur les réseaux sociaux, en octobre 2023, avec la mention "[s]oyez prudents avec cette personne qui (…) reçoit l’argent et ne livre pas"; elle avait souhaité "alerter les gens" afin qu’ils ne fassent pas la même erreur qu’elle.
iv. Plusieurs mis en cause ont produit des reçus/reconnaissances de dettes signés par A______; certains de ces documents font état des intérêts mensuels sus-évoqués.
c.b. La dénommée L______ n’a pas été entendue, la police n’étant pas parvenue à l’identifier, ni à la joindre par téléphone, le numéro transmis par la plaignante et "certains des [mis en cause]" n’étant pas valable.
Aux dires de B______, présente lors de l'algarade, L______ avait été contactée par C______, le 14 mai 2024. Après être arrivée sur place, L______ avait attrapé les cheveux de A______, qui prétendait ne rien lui devoir, en lui disant d’"arrête[r] de mentir". La plaignante avait "répondu en se débattant avec les bras". Elles avaient été rapidement séparées par le groupe. A______ n'avait pas reçu de coup.
c.c. D’après le rapport de renseignements établi par la police le 29 juillet 2024, la somme due par A______ aux mis en cause totalise CHF 621'900.-. Nombre de ces derniers s’étaient "effondré[s] en pleurs" lors de leurs dépositions, exprimant leur colère et leur désespoir. Huit autres personnes s’étaient spontanément manifestées, signalant avoir été lésées par des "pasanaco" organisés par la plaignante, cette dernière leur devant CHF 484'000.-.
c.d. Dans les vidéos de l’algarade, jointes audit rapport, l’on voit A______ discuter, en espagnol, avec un groupe d'individus; tous les protagonistes présents sont disposés en cercle sur un trottoir; la précitée occupe, dans ce cercle, une place située à quelques centimètres du mur d’un immeuble; elle ne manifeste pas, de façon perceptible, l’intention de partir. L’on voit également E______ essayer de regarder dans le sac à dos de la plaignante, laquelle refuse et se débat, puis accepte de la laisser faire.
d.a. En été 2024, onze des mis en cause ont porté plainte contre A______ du chef d'escroquerie (art. 146 CP), parmi lesquels B______.
Cette dernière a exposé – avec l’aide d’un interprète de langue espagnole et en présence de son avocate – avoir participé à différents "pasanaco" organisés par A______. Entre 2015 et 2019, ceux-là avaient été "bien gérés" par celle-ci. Toutefois, à partir de 2020, A______ n'avait plus respecté "les accords" et avait trouvé le moyen de régulièrement conserver ses gains. Lorsqu’elle-même avait été tirée au sort, la précitée lui disait avoir besoin de ceux-ci "pour aider des proches ou des connaissances"; elle lui avait donc demandé de les lui prêter, affirmant qu’elle la rembourserait avec des intérêts mensuels. Elle-même avait accepté, ayant confiance en A______, qui était une amie. Cette dernière ne lui avait jamais rendu les sommes concernées, pas plus que d'autres montants, qu'elle lui avait prêtés, issus de ses économies. La dette de la précitée à son égard totalisait CHF 77'000.-, sans les intérêts. Elle disposait de reçus pour deux des emprunts (CHF 10'000.- et CHF 7'000.-).
Par ailleurs, en 2015, elle-même avait acheté à A______ un terrain en Bolivie, au prix de CHF 30'000.-, immeuble dont elle n'était jamais entrée en possession, celui-ci étant "aujourd’hui encore au nom du fils" de la prénommée.
A______ lui avait également emprunté CHF 5'701.- [à une date non précisée] pour acheter des bijoux qu’elle comptait revendre avec une plus-value, somme qui ne lui avait jamais été restituée.
d.b. B______ a aussi déposé plainte pour diffamation (art. 173 CP), au motif que A______ l’avait faussement accusée, devant la police, le 28 mai 2024, d’avoir commis des infractions.
C. Dans sa décision déférée, le Ministère public a considéré qu'il n'y avait pas lieu de poursuivre les faits dénoncés par A______, dès lors que : il résultait des déclarations convergentes des mis en cause et des vidéos filmées le jour de l'algarade que la plaignante était restée libre de ses mouvements, de sorte que l’existence d’une contrainte (art. 181 CP) devait être niée (art. 310 al. 1 let. a CPP); deux des protagonistes avaient contesté avoir insulté la précitée (art. 310 al. 1 let. a CPP); l’application de l’art. 52 CP s'imposait s'agissant des injures (art. 177 CP) effectivement proférées par divers intervenants, avant ou pendant l'altercation, A______ ayant cessé de répondre à leurs appels/sollicitations, alors qu'elle leur devait d'importantes sommes d'argent (310 al. 1 let. c cum 8 CPP); les propos admis par certains des mis en cause ne revêtaient point de caractère menaçant (art. 180 CP; art. 310 al. 1 let. a CPP); C______ et I______ avaient nié avoir, respectivement, dérobé EUR 320.- à la plaignante et tenté de la frapper (art. 310 al. 1 let. a CPP); enfin, il n’était pas établi que la dénommée L______ aurait asséné un coup au niveau de l’oreille droite de sa débitrice, la prénommée n’ayant, du reste, pas pu être identifiée, ni entendue.
Les actes reprochés par onze des mis en cause à A______ ne tombaient sous le coup, ni de l’art. 146 CP, ni de l’art. 138 CP (art. 310 al. 1 let. a CPP). Le litige qui opposait ceux-là, en possession de reconnaissances de dettes, à celle-ci était donc d’ordre civil.
D. a.a.a. À l'appui de ses recours et réplique, A______ invoque une violation du principe in dubio pro duriore pour cinq principaux motifs.
Premièrement, elle avait déposé plainte, le 28 mai 2024, non seulement pour les faits survenus le 14 précédent, mais aussi "et surtout" pour usure, les mis en cause ayant profité de la situation de détresse dans laquelle elle se trouvait, du fait de l’accident de son fils, pour assortir les prêts qu’ils lui avaient consentis de taux d’intérêts de 4% à 5% mensuels – soit l'équivalent de 50% par année –. Ces taux rendaient quasi-impossible le remboursement de ses dettes, qui augmentaient de manière exponentielle. Le Ministère public aurait donc dû ouvrir une instruction pour infraction à l’art. 157 CP et entendre les mis en cause sur ce point.
Deuxièmement, le fait, pour les protagonistes présents le 14 mai 2024, d’avoir formé un demi-cercle autour d’elle alors qu’elle était adossée à un mur – agissements "corroboré[s] par la vidéo (…) produite" – et de l’avoir empêchée de quitter les lieux entre 20 heures et minuit, était constitutif de contrainte. Il en allait de même des propos tenus par B______, laquelle avait affirmé qu'elle allait la poursuivre en justice en Bolivie, quand bien même le contrat de prêt les liant était nul, eu égard au taux d’intérêts usuraire fixé.
Troisièmement, certains des mis en cause avaient admis l’avoir insultée le 14 mai 2024, de sorte que le Procureur devait entrer en matière sur les assertions concernées, susceptibles de violer l’art. 174 CP (calomnie), celles-ci ayant été proférées en présence de tous les participants.
Quatrièmement, rien ne permettait, s’agissant des menaces, de privilégier la thèse des protagonistes de l’altercation plutôt que la sienne. Un examen minutieux et une traduction complète des discussions enregistrées sur les vidéos auraient dû être effectués afin de déterminer si des termes intimidants avaient bien été employés.
Cinquièmement, B______ avait déclaré que C______ avait discuté, au téléphone, avec L______ le 14 mai 2024, puis que cette dernière, une fois sur place, avait tiré ses cheveux [i.e. ceux de la recourante] au niveau de l’oreille droite. Il convenait donc de demander à C______ les coordonnées de L______, de façon à pouvoir l'entendre.
a.a.b. À l’appui de son acte, A______ produit des factures médicales établies en 2018, semble-t-il en Bolivie, au nom de Q______.
a.b. Invité à se déterminer, le Ministère public conclut au rejet du recours. Il persiste dans son ordonnance, ajoutant, après avoir examiné les réquisits de l’art. 157 CP, que ceux-ci n'étaient pas réunis.
b.a. À l'appui de son recours, B______ soutient [à bien la comprendre] que les "pasanaco" organisés par A______ – avec laquelle elle-même avait développé un "lien d’amitié, semblable à une relation mère-fille" – l’avaient été, dès 2020, dans le but d'obtenir frauduleusement les cotisations des participants. La précitée avait trompé ses compatriotes, en prétextant devoir conserver tout ou partie de ces sommes pour les besoins de tiers. Persuadés qu'elle disait vrai, tous avaient accepté de différer le paiement de leurs gains. Pour achever de les convaincre, A______ avait signé nombre de reçus/reconnaissances de dettes et proposé d'assortir les emprunts d’intérêts mensuels, sans toutefois avoir jamais l'intention d'honorer ses engagements. Après que sa supercherie avait été découverte, elle "s’était volatilisée" avec le fruit des "pasanaco", soit un peu plus de CHF 1 million, dont CHF 77'000.- lui appartenaient. Ces actes étaient susceptibles d’être réprimés par l’art. 146/138 CP.
La cause devait, en conséquence, être retournée au Procureur afin qu'il investigue le "montage financier" mis en œuvre par la prénommée, qu'il entende cette dernière ainsi que les diverses personnes lésées par ses agissements et qu'il saisisse, à son domicile, les potentiels gains des "pasanaco" qui s’y trouveraient encore.
b.b. Le Ministère public propose le rejet du recours comme étant mal fondé.
b.c. Dans sa réplique, B______ relève que les faits dénoncés pourraient également tomber sous le coup de l'art. 158 CP (gestion déloyale). En s’étant appropriée les cotisations dont elle avait la gestion, via les "pasanaco", A______ avait violé ses obligations, lui causant, de ce fait, le préjudice sus-évoqué.
b.d. À l’appui de sa demande d’assistance judiciaire, B______ fait valoir que ses revenus mensuels (CHF 3'400.-) ne lui permettent pas de couvrir ses charges, qu'elle justifie par pièces (CHF 3'690.40, au titre d’entretien de base "OP" [CHF 1'200.-], de loyer [CHF 1'660.-], de frais d’électricité [CHF 45.-] et de téléphone [CHF 185.40], de primes d’assurance-maladie [CHF 324.-], d’abonnement de bus [CHF 70.-] ainsi que d’impôts [CHF 206.-]).
Au 1er novembre 2024, elle disposait d'économies de CHF 3'703.-.
EN DROIT :
1. Interjetés contre la même décision et ayant trait à des faits connexes, les recours seront joints et traités dans un seul arrêt.
Recours de A______
2. Cet acte est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance de non-entrée en matière, sujette à contestation (art. 310 al. 2 et 322 al. 2 cum 393 al. 1 let. a CPP), et émaner de la plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé (art. 382 CPP) à voir poursuivre les infractions dénoncées par ses soins (art. 115 CPP).
3. 3.1. La Chambre de céans revoit uniquement les points de la décision attaqués devant elle (art. 385 al. 1 let. a CPP), les autres aspects, non remis en cause, demeurant tels que fixés par le premier juge (ACPR/896/2023 du 13 novembre 2023, consid. 3.3.1; A. KUHN/ Y. JEANNERET/ C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 9 ad art. 385).
3.2. En l'espèce, si la recourante récapitule, dans la partie en fait de son acte, la totalité des agissements dénoncés par ses soins, elle n'émet toutefois aucune critique juridique quant à la clôture de la procédure concernant les points suivants : l'attitude prétendument adoptée par C______ dans l'allée de l'immeuble; les insultes que deux des mis en cause ont nié avoir proférées (H______ et D______); le vol allégué d’EUR 320.- par E______; la tentative, imputée à I______, de la frapper; les comportements décrits à la lettre B.b.iii ci-avant.
Ces sujets ne seront donc pas abordés.
4. La recourante sollicite l'ouverture d'une instruction des chefs d'usure, contrainte, atteintes à l'honneur, menaces et voies de fait.
4.1. Le prononcé d'une non-entrée en matière s'impose dans les cas suivants :
a) Les conditions de l'infraction dénoncée ne sont manifestement pas réunies (art. 310 al. 1 let. a CPP).
Il suffit, pour rendre une telle décision, qu'une seule desdites conditions ne soit pas réalisée (Y. JEANNERET/ A. KUHN/ C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 8 ad art. 310).
b) La preuve des actes litigieux n'est pas apportée par les éléments du dossier, ni n'est susceptible de l'être moyennant une enquête (ACPR/873/2024 du 26 novembre 2024, consid.3.1; Y. JEANNERET/ A. KUHN/ C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 9 ad art. 310).
Ainsi en va-t-il quand les parties fournissent des versions contradictoires, dont aucune ne peut être privilégiée, et que l'on ne peut escompter de résultat d'une instruction (arrêt du Tribunal fédéral 7B_630/2023 du 20 août 2024 consid. 3.2.1).
c) La culpabilité du prévenu et les conséquences de l’infraction litigieuse sont peu importantes au sens de l'art. 52 CP (art. 8 al. 1 cum 310 al. 1 let. c CPP).
Tel est le cas si, dans l'affaire concernée, la culpabilité et le résultat se trouvent être en deçà de ceux ordinairement envisagés pour l'infraction dénoncée (arrêt du Tribunal fédéral 6B_197/2023 du 2 avril 2024 consid. 6.1.1).
4.2. Se rend coupable d'usure, au sens de l'art. 157 CP, quiconque exploite, entre autres situations de faiblesse, la gêne d’une personne en se faisant accorder ou promettre par elle, pour lui-même, en échange d’une prestation, des avantages pécuniaires en disproportion évidente avec celle-ci sur le plan économique.
4.2.1. Pour admettre un état de gêne financière, la victime doit se trouver dans l'impossibilité de repousser le contrat qui lui est proposé ou les conditions qui lui sont faites. Elle se trouve ainsi réduite à une telle extrémité, soit à la "merci" de l'auteur (ACPR/31/2024 du 19 janvier 2024, consid. 3.2; M. DUPUIS/ L. MOREILLON/ C. PIGUET/ S. BERGER/ M. MAZOU/ V. RODIGARI (éds), Petit commentaire du CP, 2ème éd., Bâle 2017, n. 5 ad 157).
Cette condition s'apprécie de manière objective (arrêt du Tribunal fédéral 7B_84/2023 du 27 septembre 2023 consid. 3.2.2), en ce sens que l'on doit admettre qu'une personne placée dans les mêmes circonstances aurait également été entravée dans sa liberté de décision (arrêt du Tribunal fédéral 6S.6/2007 du 19 février 2007 consid. 3.2.1).
4.2.2. En matière de prêt, le taux d'intérêts auquel celui-là est consenti est qualifié d'usuraire dès qu'il excède 18%-20% l'an (AARP/142/2022 du 19 mai 2022, consid. 2.3.1).
4.3. Viole l'art. 181 CP quiconque, en usant de violence envers une personne, en la menaçant d’un dommage sérieux ou en l’entravant de quelque autre manière dans sa liberté d’action, l’oblige à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte.
Le moyen utilisé par l'auteur doit être propre à impressionner un individu de sensibilité moyenne et à l'entraver de manière substantielle dans ses choix et/ou mouvements (arrêt du Tribunal fédéral 6B_208/2024 du 7 octobre 2024 consid. 3.1).
4.4. Les art. 174 et 177 CP répriment les atteintes à l'honneur.
Le premier de ces délits est passible d'une sanction plus sévère (peine privative de liberté de trois ans) que le second (peine-pécuniaire de 90 jours-amende au plus).
4.5. Quiconque, par une menace grave, alarme ou effraie une personne se rend coupable d'infraction à l'art. 180 CP.
4.6. Les voies de fait, réprimées par l'art. 126 CP, se définissent comme des atteintes physiques qui excèdent ce qui est socialement toléré et qui ne causent ni lésions corporelles, ni dommages à la santé. Ainsi en va-t-il, notamment, d'une gifle, d'un coup de poing/pied ou encore de fortes bourrades avec les mains/coudes (arrêt du Tribunal fédéral 6B_652/2023 du 11 décembre 2023 consid. 1.1.4).
4.7.1. In casu, il est douteux que la recourante ait entendu porter plainte pour usure le 28 mai 2024, jour de son audition par la police.
En effet, elle s'est contentée d'exposer, de manière générale, ne plus être en mesure de rembourser différents prêts, au sujet desquels elle n'a fourni aucune explication (nombre d'emprunts concernés, identité de ses créanciers ainsi que quotité des sommes dues à chacun d'eux, dates desdits emprunts et conditions spécifiques auxquelles ils ont été consentis). Elle ne s'est pas non plus exprimée sur la ou les personnes qui ont fixé les taux d'intérêts mensuels litigieux.
Quoi qu'il en soit, le Ministère public s'est prononcé sur cette infraction dans le cadre de ses observations au recours.
L'on examinera donc si les réquisits de l'art. 157 CP sont, ou non, réalisés.
4.7.2. La recourante soutient avoir été dans l'obligation de contracter les prêts querellés pour permettre à son fils, accidenté en Bolivie, de bénéficier de plusieurs opérations.
L'on ignore quels étaient, à l'époque de chacun des emprunts souscrits, aussi bien les coûts afférents à la ou aux opération(s) concernée(s) que les revenus et charges de la recourante, respectivement ceux des membres de sa famille à l'étranger, faute d'indication fournie sur ces points.
La recourante et sa parenté ne semblent pas être dépourvues de toutes ressources, puisqu'elles disposent, aux dires de celle-là et de certains des mis en cause, de maison(s) et terrain(s) en Bolivie – au sujet desquels aucune estimation n'a été présentée –.
La recourante n'explique pas pourquoi elle a privilégié, pour assumer les frais desdites opérations, la formule de l'emprunt auprès des mis en cause plutôt que celle de la vente ou de la mise en gage de tout/partie des immeubles sus-évoqués.
L'on ne peut donc déduire de ses allégués qu'elle n'aurait eu d'autre choix que de contracter des emprunts aux taux d'intérêts mensuels litigieux et, partant, qu'elle se serait trouvée dans un état de gêne.
À cela s'ajoute que nombre des mis en cause ont affirmé que la recourante avait elle-même fixé lesdits taux.
Les éléments du dossier ne permettent pas de tenir cette dernière thèse pour moins crédible que celle avancée par la recourante.
L'on ne voit pas quel acte d'enquête permettrait d'étayer l'une ou l'autre de ces versions. Il y a, en effet, tout lieu de penser que les protagonistes maintiendraient leurs déclarations respectives lors d'une confrontation devant le Procureur. La recourante ne suggère, au demeurant, aucun autre moyen de preuve.
À cette aune, une infraction à l'art. 157 CP ne peut être envisagée.
4.8. La recourante estime avoir été victime de contrainte le 14 mai 2024.
4.8.1. D'après les vidéos produites, l'ensemble des protagonistes était, au moment de l'algarade, disposé en cercle sur un trottoir. Le fait que la recourante occupait, dans ce cercle, une place située à quelques centimètres du mur d’un immeuble ne permet pas (encore) de retenir qu'elle aurait été empêchée de quitter les lieux si elle l'avait souhaité. Elle n'en manifeste du reste pas l'intention sur ces vidéos.
Par ailleurs, la recourante ne soutient pas avoir demandé aux policiers arrivés sur place d'intervenir auprès des mis en cause pour qu'ils la laissent partir (dans l'hypothèse où elle n'aurait pas osé montrer aux intéressés que telle était sa volonté).
L'allégation selon laquelle plusieurs intervenants l'auraient, en deuxième partie de soirée, "bloquée" à un arrêt de bus est trop imprécise pour pouvoir apprécier si et comment elle aurait été entravée dans sa liberté, en cette occasion.
Il s'ensuit que l'existence d'une contrainte doit être niée pour ces épisodes.
4.8.2. B______ conteste avoir dit à la plaignante, le jour de l'altercation, qu'elle allait l'actionner en justice en Bolivie.
Cette dénégation est de crédibilité équivalente à l'accusation de la recourante.
Aucune mesure d'instruction ne paraît apte à étayer l'une ou l'autre de ces versions, qu'il s'agisse d'une confrontation entre les intéressées – pour les mêmes raisons que celles exposées au considérant 4.7.2 ci-avant, applicables mutatis mutandis – ou de la traduction des discussions filmées – dès lors que la recourante, qui est hispanophone et a visionné ces films (auxquels elle se réfère dans son acte), ne prétend pas y avoir entendu les propos tenus par la précitée, ce qu'elle n'aurait pas manqué de signaler si tel avait été le cas –.
4.8.3. À cette aune, les réquisits de l'art. 181 CP ne sont pas réunis.
4.9. Cinq des mis en cause ont reconnu avoir, le 14 mai 2024, tenu des propos attentatoires à l'honneur de la recourante ("escroc", "voleuse" et "fille de pute").
Le Ministère public a appliqué l'art. 52 CP à ces faits.
La norme précitée concernant tous types d'infractions, quel que soit leur degré de gravité (R. ROTH/ L. MOREILLON (éds), Commentaire romand, Code pénal I, art. 1-110 CP, 2ème éd., Bâle 2021, n. 3 et ss ad art. 52), le fait que lesdits propos doivent être qualifiés de calomnieux (art. 174 CP) ou d'injurieux (art. 177 CP) n'est, en lui-même, pas déterminant.
Seule l'est la réalisation des conditions posées par l'art. 52 CP. Or, la recourante, assistée d'un conseil, ne dit mot, dans son acte, des raisons pour lesquelles elle considère que celles-là ne seraient pas remplies.
Faute de motivation, cette problématique ne sera donc pas abordée (cf. à cet égard consid. 3.1 supra).
4.10. La recourante estime, s'agissant de l'infraction de menaces, contestée par les mis en cause, qu'une traduction des discussions filmées permettrait d'établir si des termes intimidants ont bien été employés.
Comme déjà dit (cf. considérant 4.8.2 supra), l'intéressée est hispanophone et a visionné ces films. Or, elle ne prétend pas y avoir entendu les assertions objets de sa plainte, ce qu'elle n'aurait pas manqué de signaler si tel avait été le cas.
L'existence d'une infraction à l'art. 180 CP ne peut donc être établie.
4.11. Concernant les faits reprochés à L______, B______ a déclaré avoir vu cette dernière tirer les cheveux de la recourante, qui prétendait ne rien lui devoir, en lui disant d’"arrête[r] de mentir".
À supposer que L______ ait pu être identifiée et entendue, l'application de l'art. 52 CP aurait dû alors être envisagée.
En effet, l'acte litigieux, susceptible d'être réprimé par l'art. 126 CP, doit être replacé dans son contexte.
L______ est a priori l'une des créancières de la recourante (puisqu'elle était présente le jour de l'algarade).
Or, la recourante, qui admet avoir emprunté d'importantes sommes d'argent aux mis en cause, avait, aux dires de ces derniers, cessé de répondre à leurs nombreuses demandes/sollicitations depuis 2023/2024.
À cette situation, de nature à susciter un énervement croissant au fil du temps, s'ajoute que la recourante a affirmé à la précitée, le 14 mai 2024, ne rien lui devoir.
La culpabilité de l'intéressée du chef de voies de fait, si elle était admise, devrait donc être sensiblement relativisée, chacune des deux protagonistes semblant avoir une part de responsabilité dans leur survenance.
Les conséquences de l'acte devraient, elles aussi, être qualifiées de peu importantes, au vu des circonstances, dès lors que la recourante n'a pas ressenti le besoin d'aller consulter un médecin par la suite et que les deux intervenantes ont été rapidement séparées par des membres du groupe (d'après B______).
À cette aune, le prononcé d'une non-entrée en matière se serait imposé.
5. En conclusion, le recours se révèle infondé et doit être rejeté.
6. La plaignante succombe (art. 428 al. 1 CPP).
Elle supportera, en conséquence, les frais afférents à son acte, fixés à CHF 1'000.- (art. 3 cum 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).
Recours de B______
7. Cet acte est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance de non-entrée en matière, sujette à contestation (art. 310 al. 2 et 322 al. 2 cum 393 al. 1 let. a CPP), et émaner de la plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé (art. 382 CPP) à voir poursuivre les infractions alléguées contre son patrimoine (art. 115 CPP).
8. La recourante ne revient pas, dans son acte, sur l'inexécution, par A______ (ci-après : la mise en cause), de deux contrats, à savoir celui de la vente du terrain en Bolivie et celui afférent au prêt de CHF 5'701.- pour l'achat de bijoux, inexécution constitutive, d'après sa plainte, d'escroquerie.
Elle ne s'exprime pas davantage sur l'infraction de diffamation dénoncée par ses soins.
Ces aspects ne seront donc pas examinés (cf. à cet égard consid. 3.1 ci-dessus).
9. La recourante estime qu'il existe une prévention suffisante, contre la mise en cause, du chef d'infraction, alternativement, à l'art. 146, 138 ou 158 CP.
9.1. La première de ces trois normes réprime quiconque induit astucieusement en erreur une personne, par des affirmations fallacieuses ou la dissimulation de faits vrais, et la détermine, de la sorte, à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires.
9.1.1. L'escroquerie implique que l'erreur ait déterminé le lésé à disposer de son patrimoine (ATF 150 IV 169 consid. 5.2.1).
L'acte de disposition peut consister en la renonciation à une prétention due (M. DUPUIS/ L. MOREILLON/ C. PIGUET/ S. BERGER/ M. MAZOU/ V. RODIGARI (éds), op. cit., n. 25 ad art. 146). Il doit être la cause directe du préjudice; l'exigence d'une telle immédiateté découle de la définition même de l'escroquerie (arrêt du Tribunal fédéral 6S.263/2003 du 10 octobre 2003 consid. 3.3.1).
Cet élément constitutif n'est pas réalisé lorsque le dommage résulte d'un acte subséquent, effectué par l'auteur de son propre chef. En particulier, l'on ne se trouve pas en présence d'une escroquerie quand la dupe ne fait qu'ouvrir au prévenu la possibilité de lui causer un préjudice par un acte postérieur : il s'agit alors uniquement d'une certaine mise en danger du patrimoine, qui ne suffit en principe pas à constituer un dommage (ibidem).
9.1.2. Une tromperie portant sur la volonté d'exécuter un contrat n'est pas systématiquement astucieuse. Il est, en effet, trop schématique d'affirmer que l'intention affichée est un phénomène intérieur invérifiable. Ainsi, l'emprunteur qui a l'intention de rembourser son bailleur de fonds n'agit pas astucieusement lorsqu'il ne l'informe pas spontanément de son insolvabilité. Il en va, en revanche, différemment lorsque l'auteur présente une fausse vision de la réalité de manière à dissuader le prêteur de se renseigner sur sa situation financière ou lorsque des circonstances particulières font admettre au prévenu que le lésé ne posera pas de question sur ce point (arrêt du Tribunal fédéral 6B_817/2018 du 23 octobre 2018 consid. 2.4.1).
L'astuce n'est pas réalisée si la dupe pouvait éviter l'erreur avec le minimum d'attention et de prudence que l'on pouvait attendre d'elle. Il n'est cependant pas nécessaire qu'elle ait fait preuve de la plus grande diligence ou qu'elle ait recouru à toutes les mesures possibles pour éviter d'être trompée. L'astuce n'est exclue que si l'intéressée n'a pas procédé aux vérifications élémentaires qui s’imposaient au vu des circonstances (ATF 150 IV 169 précité, consid. 5.1.2).
9.2. Viole l'art. 138 CP quiconque, sans droit, emploie à son profit ou à celui d’un tiers des valeurs patrimoniales qui lui ont été confiées.
Un abus de confiance peut exceptionnellement entrer en ligne de compte dans le contexte d'un prêt (arrêt du Tribunal fédéral 6B_972/2022 du 12 janvier 2024 consid. 3.1.5).
9.2.1. L’on admet que la somme empruntée est confiée lorsque son affectation est clairement prédéfinie et sert en même temps à assurer la couverture du risque du prêteur ou, à tout le moins, à diminuer le risque de perte (ibidem).
9.2.2. L'emploi de cette somme est illicite si elle a été remise dans un but déterminé, qui correspond à l'intérêt du lésé, et que l'auteur en fait une autre utilisation, dès lors que l'on peut déduire de l’accord liant les intéressés un devoir de ce dernier de conserver constamment la contre-valeur de ce qu'il a reçu (ibidem).
9.3. L'art. 158 CP sanctionne toute personne qui, en vertu d’un acte juridique, est tenue de gérer les intérêts pécuniaires d’autrui ou de veiller sur leur gestion et qui, en violation de ses devoirs, porte atteinte à ces intérêts ou permet qu’ils soient lésés.
9.4.1. En l'occurrence, la recourante se fait, au travers de son acte, la porte-parole de l’ensemble des créanciers lésés par la mise en cause.
Elle est toutefois la seule, parmi les onze protagonistes ayant porté plainte contre cette dernière, à avoir querellé le refus d’entrer en matière prononcé le 3 octobre 2024.
Les faits litigieux ne seront donc examinés qu'en tant qu'ils la concernent.
9.4.2. La recourante reproche à la mise en cause de lui avoir occasionné un dommage de CHF 77'000.-.
i. Une partie de cette somme, qu’elle ne chiffre pas, consiste en des gains issus de divers "pasanaco".
La recourante considère que le versement, par ses soins, de cotisations pour participer auxdits "pasanaco" serait à l'origine de son dommage.
Tel n'est toutefois pas le cas.
En effet, son préjudice ne résulte pas directement de ces versements. Il découle du fait que l'intéressée a accepté les requêtes successives de la mise en cause de lui prêter ses
gains, montants qui ne lui ont jamais été restitués. Il s’agit là d’actes de disposition de son patrimoine (renonciations aux paiements immédiats des prétentions dues) postérieurs au règlement desdites cotisations.
Autrement dit, en remettant ces mêmes cotisations à la mise en cause, la recourante n’a fait qu’ouvrir à cette dernière la possibilité de lui causer un dommage ultérieur, via l’emprunt des gains concernés.
Les arguments de la recourante tirés de la mise en œuvre et de la gestion frauduleuses des "pasanaco" par sa débitrice, sont donc dénués de pertinence.
Seule est déterminante la question de savoir si une infraction peut être admise en lien avec les contrats de prêt passés entre les intéressées.
ii. Une autre partie de la somme de CHF 77'000.- provient des montants que la recourante a prêtés à la mise en cause, issus de ses économies personnelles.
La question sus-évoquée est donc également topique pour ce volet.
9.4.3. Afin d’y répondre, l’on examinera, successivement, chacune des trois normes pénales invoquées.
i. Concernant l'art. 146 CP, la recourante reproche à la mise en cause de l'avoir trompée, lors de la conclusion des contrats de prêts litigieux, sur son intention de la rembourser.
Il semble avoir existé un rapport de confiance entre les intéressées.
En effet, la mise en cause jouissait, d’après les déclarations faites par ses créanciers à la police, d’une certaine aura au sein de la communauté bolivienne. La recourante expose, de surcroît, avoir développé, avec sa débitrice, un "lien d’amitié, semblable à une relation mère-fille".
Il sied de déterminer si, nonobstant ce rapport de confiance, la tromperie imputée à la mise en cause pouvait/devait être décelée par la recourante, au vu des circonstances de l’espèce.
L’on déduit de la plainte pénale que les emprunts litigieux ont été consentis après 2020. Or, la recourante savait, depuis 2015, que la mise en cause ne respectait pas
systématiquement ses engagements, puisqu’à cette dernière époque, elle lui avait acheté un terrain en Bolivie dont la propriété ne lui avait toujours pas été transférée. Cet élément était de nature à éveiller sa méfiance.
Le fait que la mise en cause s'est régulièrement adressée à la recourante afin de lui demander des prêts laissait entendre qu'elle ne disposait pas de liquidités (immédiatement disponibles), en particulier pour remettre, elle-même, aux proches ou connaissances prétendument bénéficiaires de ces prêts, les sommes concernées. Une certaine prudence s'imposait donc lors de la conclusion des contrats. La recourante n'a cependant posé aucune question à la mise en cause, que ce soit au sujet de sa situation financière personnelle – puisque les emprunts ont été contractés en son nom – ou de celle desdits proches/connaissances.
La recourante a sciemment continué de prêter de l’argent à la mise en cause, quand bien même cette dernière ne lui a jamais remboursé les montants précédemment empruntés. De tels manquements ne pouvaient que susciter des doutes quant à la capacité/volonté de l'intéressée d’honorer ses dettes.
À cette aune, l’existence d'une astuce, et partant d'une infraction à l'art. 146 CP, doit être niée.
ii. S’agissant de l’art. 138 CP, l'affectation des prêts litigieux (soutien financier à des membres de la communauté bolivienne) n'avait point pour vocation d'assurer la couverture du risque financier encouru par la recourante.
Par ailleurs, la mise en cause n’avait pas le devoir de conserver constamment la contre-valeur des montants reçus, selon les contrats conclus.
Il s’ensuit que les réquisits de la disposition précitée ne sont pas réunis.
iii. La recourante n’ayant nullement remis à sa débitrice les sommes litigieuses dans l’optique qu’elle les gère pour son compte, une infraction à l’art. 158 CP ne peut être envisagée.
9.4.4. À cette aune, les agissements de la mise en cause ne sont pas pénalement répréhensibles.
Partant, le recours se révèle infondé et doit être rejeté.
10. B______ sollicite le bénéfice de l'assistance judiciaire pour la procédure de recours (art. 136 al. 3 CPP).
10.1. Dite assistance est accordée à la partie plaignante lorsque celle-ci est indigente, d'une part, et que son action civile n'est pas vouée à l'échec, d'autre part (art. 136 al. 1 let. a CPP).
L'octroi de cette assistance est sciemment limité aux cas où l'intéressée peut faire valoir des prétentions civiles (arrêt du Tribunal fédéral 7B_541/2024 du 22 juillet 2024 consid. 2.2.3).
10.2. Dans la présente affaire, la recourante semble se trouver dans une situation financière délicate, au vu des pièces produites par ses soins (cf. lettre D.b.d).
Cela étant, le refus d'entrer en matière sur les infractions litigieuses a été confirmé. Il s'ensuit que ses prétentions civiles, déduites desdites infractions, étaient vouées à l'échec.
À cette aune, les conditions de l'art. 136 CPP ne sont pas remplies.
11. B______ succombe (art 428 al. 1 CPP).
Elle supportera, en conséquence, les frais afférents à son acte, fixés à CHF 500.- pour tenir compte de sa situation financière (art. 3 cum 13 al. 1 RTFMP).
La décision relative à l'assistance judiciaire sera rendue sans frais (art. 20 RAJ).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Joint les recours interjetés par A______ et B______.
Les rejette.
Arrête les frais de la procédure, s'agissant du recours de A______, à CHF 1'000.- et condamne cette dernière à leur prise en charge intégrale.
Rejette la demande d'assistance judiciaire gratuite formée par B______ pour la procédure de recours.
Arrête les frais de la procédure, s'agissant du recours de B______, à CHF 500.- et condamne cette dernière à leur prise en charge intégrale.
Notifie le présent arrêt, en copie, aux recourantes, soit pour elles leurs conseils respectifs, et au Ministère public.
Siégeant :
Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Madame Valérie LAUBER et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.
La greffière : Arbenita VESELI |
| La présidente : Corinne CHAPPUIS BUGNON |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).
P/18263/2024 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
- frais postaux | CHF | 20.00 |
Émoluments généraux (art. 4) | | |
- délivrance de copies (let. a) | CHF | |
- délivrance de copies (let. b) | CHF | |
- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
- décision sur recours (let. c) | CHF | 1'405.00 |
Total | CHF | 1'500.00 |