Aller au contenu principal

Décisions | Chambre pénale de recours

1 resultats
P/369/2024

ACPR/902/2024 du 04.12.2024 sur ONMMP/3415/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : SOUPÇON;FAUX DANS LES CERTIFICATS;RAPPORT MÉDICAL;CERTIFICAT MÉDICAL;PLAINTE PÉNALE;DÉLAI ABSOLU;PRÉSOMPTION
Normes : CPP.310; CP.318; CP.31

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/369/2024 ACPR/902/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 4 décembre 2024

 

Entre

A______, représenté par Me Duy-Lam NGUYEN, avocat, Artes Juris, rue de Candolle 34, 1205 Genève,

recourant

 

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 31 juillet 2024 par le Ministère public

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, 6B route de Chancy, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé


EN FAIT :

A.           a. Par acte expédié le 15 août 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 31 juillet 2024, notifiée le 6 août suivant, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte contre B______.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette ordonnance, à l'annulation de la décision de "classement implicite" prise selon lui le même jour et au renvoi de la cause au Ministère public pour l'ouverture d'une "nouvelle" instruction.

b. Après que l’assistance judiciaire lui a été refusée (OCPR/51/2024), le recourant a versé les sûretés en CHF 1'500.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B.            Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.             Le 30 octobre 2023, dans le cadre d’une requête en mesures protectrices de l'union conjugale introduite devant le Tribunal de première instance, C______, épouse de A______, a produit un rapport médical, établi le 14 juillet 2023 par la Dresse B______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, en lien avec des violences domestiques qu’elle subirait.

Ce rapport – intitulé "À qui de droit" – relate en particulier ce qui suit : "[…] Cette patiente n'a aucun antécédent psychiatrique. C'est dans le contexte des conflits de couple que la patiente a développé une symptomatologie anxiodépressive. Après une première séance le 31 janvier 2020, un suivi hebdomadaire avec une psychologue est mis en place, et des conflits de couple sont rapidement mis en évidence. La patiente sera suivie de façon régulière et soutenue de février 2020 à janvier 2023. Pendant ce suivi, il sera souvent fait mention et rapporté à la thérapeute que la patiente décrit des épisodes d'hétéro-agressivité verbale et physique. Quelques séances de thérapie de couple mettent en évidence une communication interpersonnelle au sein du couple complexe […]. La patiente a rapporté être victime de violences domestiques et décrit durant l'été 2021 trois épisodes de violence : en juin 2021 [" il " aurait cassé une assiette devant les enfants, crié et insulté son épouse], juillet 2021 [" il " se serait approché de C______ et lui aurait secoué la tête violemment, alors qu'elle tenait leur fils dans les bras] et août 2021 [" il " aurait violemment jeté une bouteille de détergent contre l'estomac de son épouse]. À noter que c'est durant cet été, dans un climat de violence, que l'oncle de son ex-mari a commis un homicide par arme blanche. Ces violences physiques et verbales, notamment en présence des enfants, que la patiente décrit, ont accentué la symptomatologie anxiodépressive dont souffrait la patiente. C'est ainsi que je l'ai mise en arrêt médical à 100% du 1er au 31 juillet 2021 […]. Le 24 juin 2022 Monsieur l’aurait frappée à la tête avec une force importante, il lui aurait aussi craché dessus et insultée […] sous les yeux des enfants. Ce même jour, il lui aurait donné un coup à la tête, du sang serait sorti de son oreille […]. Le 23 juin 2023, il […] l’aurait insultée, [lui] aurait tiré [l]es cheveux, poussée et violentée devant leur fils. La patiente m'a appelé, peu de temps après les événements de violence qu'elle décrit. Elle présente alors une aggravation de la symptomatologie anxiodépressive […]. Au vu de l'évolution clinique défavorable, un traitement […] a été prescrit […] le 12 juillet 2023. La patiente a indiqué avoir peur du comportement violent de son ex-mari à son égard et à l'égard des enfants. [Elle] évoque aussi la question d'une éventuelle aliénation parentale […]. Devant l'importance de toutes ces allégations, et surtout en lien avec les enjeux concernant la sécurité de ma patiente, je rédige ce rapport […]".

b.             Par pli daté du 3 janvier 2024, transmis par son conseil au Ministère public le 6 suivant (selon messagerie électronique sécurisée), A______ a déclaré qu’il "souhaitait" déposer plainte pénale contre la Dresse B______ pour diffamation, voire calomnie, et faux certificat médical. Il n’a fourni aucune explication ni pièce, hormis une procuration d’avocat, du 25 juillet 2023, donnant pour motifs : "C______, procédure matrimoniale, procédure pénale".

c.              Le 6 février 2024, sous sa signature électronique d’avocat, le conseil de A______ a transmis au Ministère public un "complément" à cette plainte, visant les passages susmentionnés du rapport médical du 14 juillet 2023, qu’il tient pour faux, lacunaire et vraisemblablement "dicté" par C______.

Le dossier établit que A______ a eu connaissance de ce rapport avant une audience par-devant le Tribunal de première instance, tenue le 1er novembre 2023, et qu’il l’a contesté par déterminations écrites de ce jour-là (cf. pièces n°s 4, 5 et 6 jointes à la plainte).

d.             Le 18 mars 2024, A______ a transmis au Ministère public un autre rapport médical, rédigé le 22 février 2024 par B______ à l'attention du Service d'évaluation et d'accompagnement de la séparation parentale. Selon lui, B______ y affirmait fallacieusement que C______ n'avait pas d'antécédent psychiatrique, alors que celle-ci avait admis dans un document interne de juin 2021, aux pp. 12 et 13 (recte : pp. 6 et 7), avoir développé de l'anxiété et un burn out en raison de son travail. Or, c’étaient selon lui deux affections usuellement considérées comme des antécédents psychiatriques.

e.              Le 16 mai 2024, il a étendu sa plainte à la violation du secret professionnel. B______ avait dévoilé des informations le concernant dans son rapport du 14 juillet 2023, puisqu'elle y mentionnait sa thérapie de couple dans le passage suivant : "quelques séances de thérapie de couple [avaient mis] en évidence une communication interpersonnelle au sein du couple complexe". Il n'avait pas réagi plus tôt, car il pensait que B______ avait été déliée du secret médical par une "autorité supérieure".

f.               Entendue par la police le 12 juin 2024, B______ a confirmé suivre C______ depuis le 31 janvier 2020 et avoir rédigé des certificats médicaux en sa faveur – le premier, pour le mois de juillet 2021 –, car la patiente présentait une décompensation anxiodépressive liée à des difficultés professionnelles et à son couple. À son souvenir, la patiente avait eu des arrêts de travail entre le 1er juillet 2021 et le 31 janvier 2022, puis un mois en 2023 (sans autre précision). Les épisodes de violences physiques et verbales émanant de A______, que lui avaient rapportés sa patiente, avaient accentué une symptomatologie anxiodépressive préexistante.

Elle a contesté avoir rédigé un rapport faux, lacunaire ou soufflé par C______.

Elle n'a pas souhaité répondre aux questions sur sa prétendue violation du secret médical et sur le prétendu homicide commis par l'oncle de A______, étant relevé que C______ l’avait déliée (par écrit) de son secret médical uniquement pour les questions portant sur sa relation avec A______.

C.           Dans l’ordonnance querellée, le Ministère public constate que le rapport médical comporte des éléments susceptibles de porter atteinte à la considération de A______, pour rapporter les infractions dont l'accusait son épouse. Il ressortait toutefois clairement des termes utilisés et de l'usage du conditionnel que B______ s'était contentée de "recueillir", par écrit et en bref, ce qui lui avait été rapporté par sa patiente en lien avec ce que celle-ci qualifiait de "conflit de couple". Le rapport permettait de documenter et d'inscrire dans le temps ce que C______ rapportait à sa thérapeute. B______ s’était limitée à constater que la symptomatologie de la patiente s'était développée dans un "contexte" de "conflit de couple", mis en évidence après une première séance, le 31 janvier 2020. Elle ne mettait pas clairement les violences alléguées en lien de causalité avec l'aggravation de la symptomatologie constatée, pour avoir utilisé le verbe "présenter". Elle n'avait accusé A______ de rien et n'avait pas contribué à répandre des soupçons contre lui. Le fait qu'elle ait su ou accepté que son rapport serait transmis à une autorité judiciaire n'y changeait rien, dans la mesure où elle avait agi dans un cadre professionnel et où les autorités judiciaires étaient à même de faire la part des choses.

Il n'était, par ailleurs, pas possible de retenir que B______ aurait établi un faux rapport médical. La lecture attentive du texte permettait de comprendre que C______ n'avait pas consulté initialement pour des conflits de couple, mais que ceux-ci avaient été rapidement mis en évidence, étant relevé qu'il n'était question de "violences" de A______ qu'à partir de juin 2021, d’une gravité encore relative à cette date (cris, insultes et bris d'une assiette). B______ n'affirmait pas que ces conflits ou actes auraient causé, ou conduit à, une mise en arrêt médical de sa patiente à 100% en juillet 2021, mais se bornait à constater une accentuation d'une souffrance de celle-ci, soit d'une symptomatologie anxiodépressive. Rien n'indiquait que ces éléments fussent entachés de fausseté, même par omission. Le fait que C______ ait pu connaître d'autres sources d'anxiété ou de dépression ou ait dû, pour d'autres causes (un climat professionnel difficile), être placée en arrêt de travail ou prendre congé (pour une maternité) n'avait pas à être développé plus avant. B______ n'avait fait que donner un exemple d'accentuation de la souffrance de sa patiente, localisé dans le temps (un certificat pour juillet 2021), sans prétendre à l'exhaustivité.

Le fait qu'un homicide à l'arme blanche eût été ou non commis par un parent de A______ était sans importance. B______ n'avait, ici encore, fait que mentionner ce qu'elle avait retenu ou compris des dires de sa patiente, soit un élément du contexte présenté ou évoqué par celle-ci et, apparemment, une source d'angoisse pour elle. Elle ne se prononçait pas sur le bien-fondé de cette angoisse et ne suggérait aucun lien quelconque entre l'acte attribué à l’oncle et le potentiel danger que A______ pourrait présenter pour la patiente.

Si le rapport médical du 14 juillet 2023 faisait état de "quelques séances de thérapie de couple" et d'une "communication interpersonnelle au sein du couple complexe", rien n'était expliqué sur ce qui avait pu être discuté lors desdites séances. Seul était révélé le fait que A______ y avait participé. À supposer cette information couverte par le secret professionnel, et non retenu un cas d’application de l'art. 52 CP, la plainte déposée sur ce point le 16 mai 2024 était, quoi qu'il en soit, tardive.

D. a. Dans son recours, A______ reproche au Ministère public d'avoir, à tort, considéré que le rapport médical du 17 juillet 2023 n'était pas attentatoire à son honneur.

B______ y accusait faussement et "sans nuance" (sic) son oncle d'avoir commis un homicide. Comme elle n’avait pas confirmé à la police que cette assertion lui aurait été rapportée par sa patiente, l’accusation émanait donc d'elle.

En omettant sciemment des informations comme l'épuisement professionnel de son épouse, tout en formulant des accusations de violences conjugales contre lui, B______ insinuait qu'il était le seul à l'origine de la symptomatologie anxiodépressive et de l’arrêt de travail de son épouse [en juillet 2021], tout en sachant que le rapport médical du 14 juillet 2023 serait divulgué et atteindrait son honneur et sa réputation.

Contrairement à ce que le Ministère public avait retenu, ce rapport était un faux certificat, au sens de l’art. 318 CP. Preuve en étaient les courriels échangés entre C______ et son avocat [à elle] entre juillet et décembre 2021 [produits à l'appui du recours] : il en ressortait que l’avocat avait conseillé à son épouse de transmettre un certificat médical à l’employeur afin de souligner les impacts néfastes de son travail sur sa santé, avait transmis des certificats médicaux à l’employeur pour le compte de sa mandante, l'avait encouragée à solliciter des prolongations de son arrêt maladie et avait pré-rédigé le contenu d’un certificat du 27 décembre 2021, repris tel quel par B______.

L'assureur perte de gain de son épouse avait, en outre, contactée celle-ci pour obtenir des informations complémentaires sur son arrêt maladie, à quoi elle avait répondu être en arrêt en raison de son emploi et qu'une enquête interne était en cours. Il avait lui-même reçu copie de nombre de ces courriels, ce qui n’eût certainement pas été le cas si la cause de l’arrêt de travail était de supposées violences domestiques ; cette circonstance démontrait, à l'inverse, que le couple était soudé à cette époque.

Le délai pour déposer plainte en violation du secret professionnel était respecté, car il n’avait compris qu'en mai 2024 que B______ n'avait pas été déliée de son secret médical par une "autorité supérieure" : il avait alors immédiatement déposé plainte. En tout état, la violation du secret professionnel devait être sanctionnée en vertu de la loi genevoise sur la santé. Aucun délai de plainte n’était applicable sur ce point, que le Ministère public avait classé à tort par une ordonnance "implicite".

De plus, B______ avait refusé de transmettre son dossier médical [à lui] à son nouveau médecin-psychiatre, contrevenant là encore à ladite loi. Il avait ainsi été empêché d'utiliser pendant la procédure civile des éléments contenus dans ce dossier, ce qui lui avait causé un dommage et un tort moral, qu'il entendait faire valoir à titre de conclusions civiles.

Il fallait à tout le moins entendre C______ et demander à l’assurance perte de gain de cette dernière de produire son dossier.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT :

1.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

2.             2.1. Le recours a été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerne une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émane du plaignant, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP). Il est donc recevable sous ces aspects.

2.2. Reste à examiner si le recourant dispose de la qualité pour recourir.

2.3. La partie dont émane le recours doit pouvoir se prévaloir d'un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

Revêt la qualité de partie plaignante, le lésé qui déclare expressément vouloir participer à la procédure comme demandeur au civil ou au pénal (art. 104 al. 1 let. b et 118 al. 1 CPP). Le lésé est celui dont les droits sont directement touchés par une infraction (115 al. 1 CPP).

En règle générale, seul peut se prévaloir d'une atteinte directe le titulaire du bien juridique protégé par la disposition pénale qui a été enfreinte (ATF 147 IV 269 consid. 3.1 ; 145 IV 491 consid. 2.3 ; 143 IV 77 consid. 2.2). Les droits touchés sont les biens juridiques individuels tels que la vie et l'intégrité corporelle, la propriété, l'honneur, etc. (ATF 141 IV 1 consid. 3.1 et la réf. citée). Pour être directement touché, le lésé doit en outre subir une atteinte en rapport de causalité directe avec l'infraction poursuivie, ce qui exclut les dommages par ricochet (ATF 147 IV 269 consid. 3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_140/2022, 6B_841/2022 du 9 mai 2023 consid. 3.3 ; 6B_1067/2022 du 17 janvier 2023 consid. 4).

2.4. En l'occurrence, en tant qu'il se plaint de propos susceptibles de porter atteinte à son honneur propre, le recourant doit se voir reconnaître la qualité de partie plaignante et, partant, celle pour recourir.

En revanche, l'on ne voit pas en quoi il serait personnellement et directement touché par les accusations portées contre son oncle. Il ne l’explique d’ailleurs même pas. Tout au plus éprouverait-il un préjudice indirect, ou par ricochet, qui ne lui confère pas la qualité pour recourir.

Partant, faute d'intérêt juridique personnel, son recours est irrecevable sur ce point.

Il l'est également, s'agissant des faits invoqués pour la première fois dans le cadre du recours, à savoir que la mise en cause aurait refusé de transmettre son dossier médical à son nouveau médecin-psychiatre et qu'il en résulterait une violation de l'art. 134 al. 1 let. g de la loi sur la santé (LS ; K 1 03). Ces allégations ne font pas l'objet de la décision attaquée.

2.5. Le recours est recevable pour le surplus, tout comme les pièces nouvelles produites par le recourant avec son recours (arrêt du Tribunal fédéral 1B_550/2022 du 17 novembre 2022 consid. 2.1).

3.             Le recourant reproche au Ministère public d'avoir écarté sa plainte pour violation du secret médical au motif que celle-ci serait tardive.

3.1.       Le ministère public rend une ordonnance de non-entrée en matière en cas d'empêchement de procéder (art. 310 al. 1 let. b CPP), par exemple lorsque le délai pour déposer plainte prévu par l'art. 31 CP n'a pas été respecté (arrêt du Tribunal fédéral 6B_848/2018 du 4 décembre 2018 consid. 1.5).

Selon cette disposition, le droit de porter plainte se prescrit par trois mois. Il court dès le jour où l'ayant droit a connaissance de l'auteur et de l'acte délictueux, c'est-à-dire des éléments constitutifs objectifs et subjectifs de l'infraction (ATF 126 IV 131 consid. 2; 121 IV 272 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral 7B_385/2023 du 24 mai 2024 consid. 3.1). Le délai ne commence à courir que lorsque le lésé a connu l'infraction – soit les éléments de fait qui la constituent (ATF 126 IV 131 consid. 4.3) – et l'auteur de celle-ci (ATF 130 IV 97 consid. 2).

Un justiciable ne peut pas se prévaloir d'un dies a quo correspondant au moment où son conseil a eu connaissance des faits constitutifs de l'infraction et de leur auteur (cf. ATF 130 IV 97 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1255/2019 du 23 décembre 2019 consid. 2.4).

3.2.       La violation du secret professionnel, au sens de l'art. 321 ch. 1 CP, et les atteintes à l’honneur, au sens des art. 173 s. CP, sont poursuivies sur plainte.

3.3.       En l'espèce, le recourant a en tout cas eu connaissance du rapport médical litigieux le 1er novembre 2023, puisqu’il y fait une référence expresse dans ses déterminations du même jour à l’attention du Tribunal de première instance. Dès cette date, il était par conséquent à même de se déterminer sur toute éventuelle violation du secret professionnel et toute éventuelle atteinte à l’honneur commises par la mise en cause. Qu'en matière de secret professionnel, il ait choisi de ne pas réagir immédiatement, en supputant qu'une "autorité supérieure" aurait approuvé cette divulgation, n'y change rien. Seule est déterminante, pour le dies a quo du délai de plainte, la connaissance des éléments constitutifs de l'infraction, soit la divulgation d'informations confidentielles par un tiers identifiable ; l'autorisation de divulguer constituerait le cas échéant un motif justificatif levant l'illicéité de l'acte, mais resterait sans effet sur la connaissance par le lésé de la prétendue violation et de son auteur possible.

Le secret professionnel étant conçu pour protéger les droits personnels de l'individu, il appartient à celui-ci d'agir avec diligence en cas de doute, en particulier lorsque celui-ci est – comme en l’espèce – assisté d'un avocat. En supposant qu'une autorité ait pu autoriser la levée du secret médical sans l'en informer – alors même qu'il disposerait en principe du droit d'être entendu (cf. M. DUPUIS / B. GELLER / G. MONNIER / L. MOREILLON / C. PIGUET / C. BETTEX / D. STOLL (éds), Petit commentaire Code pénal, 2e éd. 2017, n. 48 ad art. 321 CP) –, le recourant a adopté une attitude passive, assimilable à une acceptation tacite ou à une renonciation à défendre la confidentialité des informations le concernant, contenues dans le rapport médical du 14 juillet 2023.

Partant, c'est à juste titre que le Ministère public a décidé de ne pas entrer en matière sur la plainte du 16 mai 2024, faute de réalisation d’une des conditions posées à l'art. 310 al. 1 let. b CPP.

3.4.       Pour ce qui relève d’éventuelles atteintes à l’honneur, la plainte datée du 3 janvier 2024 ne comporte aucun état de fait, bien qu’elle ait été transmise par avocat avec lettre d’accompagnement et procuration, le 6 suivant. Or, une plainte pénale doit exposer le déroulement des faits sur lesquels elle porte, afin que l'autorité pénale sache pour quel état de fait l'ayant droit demande une poursuite pénale ; elle doit contenir un exposé des circonstances concrètes, sans qu'il soit nécessaire qu'elles soient absolument complètes (arrêt du Tribunal fédéral 7B_18/2022 du 28 juin 2024 consid. 3.3.2).

À cet égard, c’est la plainte expédiée un mois plus tard, le 6 février 2024, qui formule des accusations factuelles précises, avec des pièces à l’appui. Or, le 6 février 2024 est une date postérieure à l’expiration du délai de plainte. Un rapide examen de ce "complément" montre que les pièces produites étaient en possession du recourant, sans exception, le 1er novembre 2023 au plus tard et qu’elles sont, pour la plupart, tirées de la procédure civile alors en cours et du contenu de l’audience tenue ce jour-là par-devant le Tribunal de première instance.

En d’autres termes, le recourant disposait dès le 1er novembre 2023 de tout élément utile pour saisir l’autorité pénale. C’est d’autant plus vrai que, selon la procuration, il était conseillé par avocat dès le 25 juillet 2023.

Par identité de motif avec l’accusation de violation du secret professionnel, le Ministère public n’aurait pas eu là non plus à entrer en matière sur les accusations d’atteintes à l’honneur formées le 6 février 2024, puisqu’elles se trouvaient, elles aussi, frappées à cette date d’un empêchement de procéder. Dans son résultat sur ce point, l’ordonnance querellée est cependant conforme au droit.

4.             La péremption du délai de plainte au sens de l’art. 31 CP ne rend pas le droit cantonal subitement applicable, à titre supplétif, comme le recourant paraît le croire lorsqu’il invoque, en instance de recours, l’art. 134 al. 1 let. h. LS.

Cette disposition réprime celui qui, sans droit, n’aura pas respecté le secret professionnel "au sens de la présente loi", c’est-à-dire dans les relations de droit public entre le patient, les professionnels de la santé et les autorités de régulation.

Ces relations ne sont pas en cause ici.

Pour le surplus, on ne voit pas comment l’application de la disposition susmentionnée aurait reçu, en l’espèce, un classement (recte : un refus d’entrer en matière) "implicite" (sur cette notion, ATF 138 IV 241 consid. 2.4), quand bien même la poursuite et le jugement de l’infraction s’exercent conformément au CPP (art. 134 al. 4 LS).

5.             Reste à examiner si le Ministère public était fondé à ne pas entrer en matière sur l’accusation de faux certificat médical.

5.1.       Conformément à l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis.

Conformément à cette disposition, la non-entrée en matière est justifiée lorsque la situation est claire sur le plan factuel et juridique. Tel est le cas lorsque les faits visés ne sont manifestement pas punissables, faute, de manière certaine, de réaliser les éléments constitutifs d'une infraction, ou encore lorsque les conditions à l'ouverture de l'action pénale font clairement défaut. Au stade de la non-entrée en matière, on ne peut admettre que les éléments constitutifs d'une infraction ne sont manifestement pas réalisés que lorsqu'il n'existe pas de soupçon suffisant conduisant à considérer un comportement punissable ou lorsqu'un éventuel soupçon initial s'est entièrement dissipé. En revanche, si le rapport de police, la dénonciation ou les propres constatations du ministère public amènent à retenir l'existence d'un soupçon suffisant, il incombe alors à ce dernier d'ouvrir une instruction (art. 309 al. 1 let. a CPP). Les indices relatifs à la commission d'une infraction impliquant l'ouverture d'une instruction doivent toutefois être importants et de nature concrète. De simples rumeurs ou de simples suppositions ne suffisent pas. Le soupçon initial doit au contraire reposer sur une base factuelle plausible, laissant apparaître la possibilité concrète qu'une infraction ait été commise (ATF 141 IV 87 consid. 1.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_212/2020 du 21 avril 2021 consid. 2.2 ; 6B_196/2020 du 14 octobre 2020 consid. 3.1 et les arrêts cités). Dans le doute, lorsque les conditions d'une non-entrée en matière ne sont pas réalisées avec une certitude absolue, l'instruction doit être ouverte (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 ; 138 IV 86 consid. 4.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_488/2021, 6B_496/2021 du 22 décembre 2021 consid. 5.3 et les arrêts cités).

5.2.1. L'art. 318 CP punit les médecins, les dentistes, les vétérinaires et les sages-femmes qui, intentionnellement, dressent un certificat contraire à la vérité, alors que ce certificat est destiné à être produit à l'autorité ou à procurer un avantage illicite, ou qu'il est de nature à léser les intérêts légitimes et importants de tierces personne.

Un certificat médical est contraire à la vérité ("unwahr") lorsqu'il dresse un tableau inexact de l'état de santé de la personne, des mesures à ordonner ou des conclusions à en tirer (arrêts du Tribunal fédéral 6B_416/2013 du 5 novembre 2013 consid. 4.3 ; 6B_1004/2008 du 9 avril 2009 consid. 4.2 ; 4C.156/2005 du 28 septembre 2005 consid. 3.5.2 et les réf. citées). Tel est également le cas lorsque le certificat passe sous silence des circonstances essentielles (arrêt du Tribunal fédéral 6B_99/2008 du 18 mars 2008 consid. 3.1 et la réf. citée). Lors de l'examen de la conformité du certificat médical à la vérité, il faut prendre en compte qu'il repose sur un état de fait interprété par le médecin et comporte dès lors nécessairement une composante subjective. Le point de référence pour la vérité n'est pas objectivement l'état de santé du patient, mais subjectivement l'avis ou le diagnostic du médecin à ce sujet (arrêt du Tribunal fédéral 6B_656/2022 du 23 juin 2023 consid. 1.2 et les réf. citées).

L'art. 318 CP constitue une disposition spéciale qui l'emporte sur l'art. 251 CP (ACPR/779/2017 du 14 novembre 2017 consid. 3.3.) comme sur l’art. 252 CP (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI (éds), Code pénal - Petit commentaire, 2e éd., Bâle 2017, n. 25 ad art. 252).

Du point de vue subjectif, il faut que l'acte soit intentionnel, le dol éventuel étant suffisant. La disposition présuppose la connaissance du caractère non véridique de ce qui est certifié, ainsi que d'au moins l'une des destinations du certificat (arrêt du Tribunal fédéral 6B_656/2022 du 23 juin 2023 précité consid. 1.3 et les réf. citées).

5.2.2. En l'espèce, on peut partir de l’idée, notamment en raison de la mention "à qui de droit" et de l’absence de démenti par la mise en cause lors de son audition par la police, que le rapport médical du 14 juillet 2023 était destiné à être produit en justice et que son auteur le savait et l’acceptait.

À cet égard, la réalité de l’arrêt de travail prescrit à la femme du recourant le 1er juillet 2021 pour la totalité du mois qui s’ouvrait n’est pas contestée, tel que cet arrêt est relaté dans ledit rapport médical. Le recourant soutient uniquement que la raison de cette interruption résidait dans les difficultés pré-existantes rencontrées par son épouse sur le plan professionnel, et non pas dans des violences de sa part, qu’il nie en totalité ; il reproche à la doctoresse de l’avoir "omis" dans le rapport litigieux.

Il se garde cependant bien de dire comment il aurait su mieux que le médecin les motifs et les maux confiés par la patiente lors de la consultation du 1er juillet 2021.

Que le rapport du spécialiste retienne, sur ce point, d’autres causes ou explications que celles que le recourant eût préférées – ou qu’il les écarte, comme on le verra ci-après avec le rapport médical du 22 février 2024 – n’en fait pas encore un titre faux ou fallacieux. Les pièces sur lesquelles le recourant se fonde à cet égard ne sont pas des certificats médicaux et ne portent, au demeurant, pas sur le mois de juillet 2021.

La phrase "c'est dans ce contexte que je l'ai mise à l'arrêt entre le 1er et le 31 juillet 2021" renvoie sans ambiguïté à la phrase immédiatement précédente, à teneur de laquelle une aggravation de la symptomatologie anxio-dépressive était constatée chez la patiente. Cette phrase ne permet pas de conjecturer qu'auraient existé d'autres arrêts de travail en raison du conflit de couple ou de violences conjugales.

Rien, dans le texte du rapport du 14 juillet 2023, n’étaye directement que la mise en cause elle-même aurait délivré, avant ou après juillet 2021, plusieurs certificats médicaux en raison de problèmes ou difficultés professionnels de sa patiente. Ceux qu’elle a signés à d’autres dates et pour d’autres périodes, et qui sont au dossier, ne comportent aucune explication. Quoi qu’il en soit, un conflit professionnel et un conflit conjugal ne sont pas exclusifs l’un de l’autre et pourraient se superposer ou se cumuler, justifiant par là un ou plusieurs arrêt(s) de travail.

Par ailleurs, il n'est pas surprenant que la patiente n'ait jamais évoqué ses conflits de couple ou de possibles violences conjugales dans des échanges de courriels avec son avocat, puisque le recourant en recevait copie et qu’elle craignait celui-ci, comme relevé dans le rapport litigieux. Il est également compréhensible que la patiente n'ait pas abordé cette problématique éminemment personnelle, voire intime, avec son employeur, qui n’était en rien concerné.

On ne saurait rien tirer de différent du rapport médical du 22 février 2024, que le recourant a mis en cause par lettre du 18 mars 2024 (let. B.c. supra). La doctoresse confirme ou maintient dans ce rapport, à l’instar du premier, que sa patiente ne présente pas d’antécédent psychiatrique ; elle ajoute n’avoir pas posé non plus de diagnostic psychiatrique à l’égard de celle-ci. On ne voit pas, là encore, ce qui permet au recourant d’affirmer, péremptoirement et mieux qu’un spécialiste en psychiatrie, que de l’anxiété et un burn out seraient "usuellement considérés" comme des antécédents psychiatriques. Que, dans un document prétendu rédigé par sa femme, il pointe la mention de deux "breakdowns" en novembre 2019 et en août 2020, ainsi que la mention d’"anxiety attacks diagnosed by my doctor" n’y change rien. La mention d’un épuisement professionnel n’est, au demeurant, pas niée par la doctoresse dans le rapport du 22 février 2024 ; et l’on comprend aisément que, n’en déplaise au recourant, elle n’en a pas inféré de diagnostic psychiatrique, la problématique principale de sa patiente étant explicitement rattachée au conflit au sein du couple.

Il ne peut, dès lors, pas être retenu que la mise en cause aurait rédigé ses rapports dans le but de donner une fausse image de la réalité de sa patiente ni qu'elle aurait fait de fausses constatations. Elle semble plutôt, comme elle s’en est expliquée, avoir concentré son analyse sur les éléments qu'elle jugeait cliniquement pertinents pour comprendre les "enjeux concernant la sécurité de sa patiente" et étayer son évaluation, qualifiée de "défavorable", soit en l'occurrence l'aggravation de la symptomatologie anxiodépressive constatée.

Partant, les éléments constitutifs de l'art. 318 CP ne sont manifestement pas réalisés, et le recours est rejeté sur ce point.

6.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, arrêtés en totalité à CHF 1'500.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours, dans la mesure où il est recevable.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'500.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

 

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Madame Valérie LAUBER, Madame Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/369/2024

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'415.00

Total

CHF

1'500.00