Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/889/2024 du 29.11.2024 sur OTMC/3415/2024 ( TMC ) , ADMIS/PARTIEL
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/25472/2024 ACPR/889/2024 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du vendredi 29 novembre 2024 |
Entre
A______, actuellement détenu à la prison de B______, représenté par Me C______, avocate,
recourant,
contre l'ordonnance de mise en détention provisoire rendue le 10 novembre 2024 par le Tribunal des mesures de contrainte,
et
LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9,
1204 Genève,
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimés.
EN FAIT :
A. Par acte expédié en personne le 14 novembre 2024, mis en conformité par son conseil le 20 novembre 2024 suivant, A______ recourt contre l'ordonnance du 10 précédent, notifiée sur le siège, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) a ordonné sa mise en détention provisoire jusqu'au 8 janvier 2025.
Le recourant conclut à l'annulation de ladite ordonnance et à sa mise en liberté immédiate, moyennant des mesures de substitution qu'il énumère.
B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :
a. A______, né le ______ 1972, est prévenu depuis le 8 novembre 2024 de dommages à la propriété (art. 144 CP), injure (art. 177 CP), diffamation voire calomnie (art. 173 - 174 CP), contrainte (art. 181 CP), discrimination et incitation à la haine raciale (art. 261bis CP), plaintes pénales ayant été déposées en raison de ces faits, ainsi qu'infractions à l'art. 33 LArm pour avoir, à Genève :
- entre le 8 et le 9 septembre 2024, rayé le véhicule [de marque] D______ immatriculé GE 1______, appartenant à la société E______ Sàrl (dont la représentante est F______), stationné à la route 2______ no. ______, [code postal] G______ [GE] (montant de la réparation: CHF 8'441.55); sprayé ledit véhicule entre les 13 et 18 septembre suivant (montant de la réparation: CHF 7'925.95), puis une nouvelle fois le 12 octobre 2024 (coût de la réparation: CHF 4'112.95);
- entre le 11 et le 12 septembre 2024, au no. ______ rue 3______, à H______ [GE], endommagé avec de la colle les serrures des portes accessibles par l'extérieur du tea room de I______;
- le 1er octobre 2024, apposé un graffiti diffamatoire [K______ PEDOPHILE] sur le mur d'entrée du garage de l'immeuble de K______ situé no. ______ chemin 4______, au J______ [GE];
- le 14 octobre 2024, apposé un graffiti injurieux et raciste [(L______ PUTE A NEGRES] sur le mur d'entrée du garage de l'immeuble de L______ sis à la route 5_____ no. ______, à G______;
- le 20 octobre 2024, apposé un graffiti diffamatoire [M______ PEDOPHILE] sur le mur extérieur de l'immeuble de M______ à la rue 3______ no. ______, à H______;
- le 27 octobre 2024, apposé un graffiti raciste [I______ UN NEZ GROS] visant I______ sur un mur de l'enceinte de l'école primaire se trouvant en face de son tea room;
- le 29 octobre 2024, sprayé les vitres de E______ Sàrl sise no.______, route 6______, au J______ (montant des travaux de réparation: CHF 1'156.65);
- le 30 octobre 2024, tagué l'inscription "L______ PUTE A BOUGNES" sur le mur d'entrée du garage de son immeuble au no. ______, route 5_____, à G______;
- importuné L______ quotidiennement, du mois de juin 2023 à début novembre 2024, en l'attendant devant son domicile ou son lieu de travail, au point où cette dernière s'est sentie menacée par son comportement et s'est vue contrainte de modifier ses habitudes afin de l'éviter;
- détenu à son domicile le 8 novembre 2024, contrairement aux prescriptions légales, un "arsenal" d'armes, dont de nombreuses armes à feu, des baïonnettes, des éléments d'armes interdits, ainsi qu'une arbalète.
b. Selon le rapport d'arrestation du 8 novembre 2024, ces infractions étaient le fait d'une même personne (calligraphie et encre similaires des différents graffitis) et A______ avait été reconnu sur certaines images issues de caméras de vidéo-surveillance. Avaient été saisis à son domicile notamment un sachet contenant des munitions, un brassard noir avec le logo du soleil noir (symbole du mysticisme nazi), une machette, un couteau de combat, un [pistolet] S______/7______ [marque, modèle] et six munitions (ces dernières stockées dans une fausse boîte de conserve), un pistolet T______/8______, trois bombonnes de peinture en spray, outre de nombreuses autres armes (dont des fusils, un revolver avec chargeur, une carabine à plombs et munitions) dans sa cave. La veste et la sacoche noire (banane) de marque P______ étaient les mêmes que celles apparaissant sur les images précitées. La paire de ciseaux retrouvée dans la sacoche avait pu être utilisée pour rayer le véhicule [de marque] D______.
c. Entendus par la police 4 jours plus tôt:
c.a. I______ avait notamment indiqué qu'il était d'origine rwandaise. Il avait été blessé et choqué à la lecture du tag "I______ UN NEZ GROS". Il ignorait qui pouvait en être l'auteur, de même que pour la colle introduite dans les serrures de son établissement. Il avait reconnu A______ sur une photographie, lequel était un client qui avait fréquenté son tea-room presque tous les jours, jusqu'en septembre 2024. Il n'avait jamais eu de conflit avec lui. Ce client faisait souvent des remarques négatives sur M______, un autre client, alors même que tous deux ne s'étaient jamais parlé.
c.b. L______ avait en particulier remarqué depuis le mois de juin 2023, devant son lieu de travail, la bibliothèque V______, l'homme identifié comme étant A______. En octobre, dans un bar, il s'était approché de sa table alors qu'elle s'y trouvait avec un ami, qui le connaissait. Il s'était "incrusté". Elle avait refusé qu'il lui offre un verre. Il lui avait dit qu'il savait où elle habitait et où elle travaillait. Après cet événement, elle l'avait "trop régulièrement" aperçu à proximité de chez elle ou l'avait croisé sur son chemin à des endroits "improbables". Son compagnon depuis une année était indonésien. Par le passé, elle avait côtoyé des personnes de type africain. Dans la mesure où elle ne publiait pas sa vie privée, A______ avait pu le constater uniquement en l'observant [référence étant faite au tag "L______ PUTE A NEGRES"]. Le 20 octobre 2024, elle avait croisé l'intéressé et lui avait demandé de cesser ses agissements. Il avait retourné la situation en lui disant que c'était peut-être elle qui allait le tuer et qui le suivait. Elle pensait qu'il délirait et partait dans des comportements paranoïaques. Elle s'était renseignée sur lui et avait appris qu'il s'en était pris à d'autres femmes, naviguait sur le Dark Web "pour des histoires complotistes" et avait menacé un homme avec une arme à feu. Elle craignait pour sa sécurité et cela l'affectait énormément. En voyant le premier graffiti, elle avait compris que l'intéressé était passé à une étape supérieure. Elle avait donc contacté un thérapeute pour un suivi. Elle continuait d'aller au travail pour fuir son domicile, où elle ne se sentait pas en sécurité, et cherchait activement à déménager.
d. Devant la police, A______ a "protest[é] énergiquement de [s]on arrestation" qui était la résultante de la lettre qu'il avait adressée à "Mme la Conseillère d'État ces deniers jours", outre ses interpellations à deux députés et à la médiatrice de la police. Il espérait que l'enquête permettrait de déterminer qui avait causé les dégâts dont il n'était pas l'auteur. Il était un client de l'établissement de I______, lequel était très sympathique. Rien ne permettait d'établir qu'il s'agissait de lui sur les images et il ignorait si les bombonnes saisies à son domicile permettaient de faire des graffitis tels que reprochés. Il avait, en 2023, bu une bière avec une certaine L______, bibliothécaire, après avoir été invité à sa table par Q______, une connaissance commune. L______ devait être une indicatrice des services de police. Il ne l'avait pas suivie. Il n'avait jamais entendu parler des – autres – personnes ni de la société ayant déposé plainte.
Il avait été un passionné de tir et s'était rendu souvent dans des stands de tir, ce qu'il n'avait plus fait depuis en tout cas 15 ans. Le brassard noir devait faire partie d'un déguisement et il ignorait la signification de son logo. Il n'autorisait pas l'analyse des divers objets électroniques saisis à son domicile. Il s'agissait de sa vie privée. Il reconnaissait en substance avoir détenu des armes sans avoir d'autorisation, soit qu'il avait tardé à en demander, soit qu'aucune déclaration n'était nécessaire à l'époque de leur acquisition.
e. Devant le Ministère public le lendemain, A______ est revenu sur sa thèse du "Kompromat", notamment en lien avec R______, dont la police avait retrouvé la trace dans ses dossiers, qui était l'un de ses anciens amis avec lequel il s'était fâché en raison de problèmes d'alcool. S'agissant des sprays de peinture qu'il détenait à son domicile, il tentait d'apprendre le dessin à ses nièces de 4 et 6 ans. Il s'apprêtait "incessamment" à régulariser sa détention d'armes et s'était renseigné auprès de la Brigade des armes, de la sécurité privée et des explosifs.
f. Devant le TMC, A______ a indiqué vouloir collaborer. Comme attesté par sa sœur, il s'occupait tous les mercredis de ses nièces, dont il était "un peu" le père. Ses armes étaient enfermées à clé chez lui et les munitions conservées séparément. Il n'y avait aucun risque de récidive. Il avait l'intention de chercher un nouveau travail, avec l'aide de sa famille. Il était sorti d'un burn-out mais d'accord d'être suivi par un psychologue ou un psychiatre. Il allait demander une telle aide à la prison s'il devait y rester.
g. Dans un courrier du 16 novembre 2024, L______ a demandé au Ministère public le prononcé d'une mesure d'éloignement à l'encontre du prévenu. Elle redoutait constamment une rencontre avec ce dernier, qui résidait à proximité immédiate de son domicile, et souhaitait déménager en raison de cette situation.
h. S'agissant de sa situation personnelle, le prévenu a expliqué qu'il était employé de commerce, mais en "convalescence d'un burn out". Il n'était suivi par aucun médecin. Sa famille l'aidait financièrement. Il était revenu à Genève le 8 mars 2024, se trouvant auparavant "surtout dans l'Union européenne". Son père, sa petite sœur et ses deux nièces vivaient à Genève. Il avait par ailleurs de la famille en Espagne, en Suisse allemande, en France, au Portugal et en Italie.
C. Dans sa décision querellée le TMC a retenu, outre des charges suffisantes et graves, des risques de collusion et de réitération, qu'aucune mesure de substitution n'était à même de pallier. S'agissant de ce second risque, le TMC a retenu qu'il était tangible malgré l'absence d'antécédents et le fort soutien familial dont le prévenu semblait disposer. Ses agissements étaient sérieux et dénotaient un acharnement particulier, étant relevé qu'en insultant désormais nommément les personnes visées, il franchissait une nouvelle étape, une escalade. Un passage à l'acte imminent était à craindre, ce d'autant qu'il ne semblait pas stable sur le plan psychologique vu ses propos persécutoires et complotistes. Des suivis auprès d'un psychologue ou d'un psychiatre et du Service de probation et d'insertion (ci-après, SPI), s'ils apparaissaient être certainement indiqués, n'étaient en l'état pas suffisants pour pallier ce risque. Une expertise psychiatrique semblait s'imposer.
D. a. À l'appui de son recours, A______ fait valoir une absence de risques de collusion et de réitération. Tant L______ que I______ avaient été entendus par la police. Celui-ci n'avait aucun grief contre lui et avait déclaré avoir toujours eu de bonnes relations avec lui. Les déclarations de L______ étaient à prendre avec beaucoup de retenue dans la mesure où, bien que prétendant avoir été régulièrement suivie pendant une année, elle n'avait jamais signalé les faits à la police. Il était surprenant qu'elle se sente soudainement en danger. D'autres altérations de preuves ne semblaient pas possibles étant donné que la police avait déjà perquisitionné son domicile et que l'un des plaignants avait déposé des extraits de vidéo-surveillance destinés à identifier l'auteur des dommages à la propriété.
Il n'y avait aucun risque de passage à l'acte, dans la mesure où il n'avait menacé personne et où les reproches qui lui étaient faits ne relevaient pas d'un crime grave. Son casier judiciaire était vierge et il n'était pas connu des services de police. Le TMC avait violé la présomption d'innocence en retenant qu'il aurait insulté des personnes.
Il proposait les mesures de substitution déjà formulées devant le TMC, à savoir qu'il lui soit fait interdiction de contacts avec tous les plaignants et de s'approcher de moins de 50 mètres de leur personne ainsi que de leurs lieux de domicile et de travail, de même que de fréquenter le tea-room de I______, la bibliothèque U______ et le Bibliobus, et qu'il lui soit fait obligation d'un suivi auprès du SPI ainsi que d'un psychologue ou d'un psychiatre.
b. Le Ministère public conclut au rejet du recours. Une audience était fixée pour confronter les parties, après quoi des témoins seraient entendus. Il était primordial que le recourant ne puisse approcher et tenter d'influencer notamment L______ et I______, d'autant plus qu'il avait indiqué vouloir parler à ce dernier. Le comportement qui lui était reproché devait être objectivement qualifié de menaçant, étant rappelé que s'y ajoutait la présence d'un "arsenal" à son domicile.
c. Le TMC maintient les termes de son ordonnance.
d. A______ a indiqué persister dans son recours.
EN DROIT :
1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).
2. Le recourant ne conteste pas l'existence de charges suffisantes et graves, au sens de l'art. 221 al. 1 CPP, de sorte qu'il peut être renvoyé, en tant que de besoin, à la motivation adoptée par le premier juge (art 82 al. 4 CPP; ACPR/747/2020 du 22 octobre 2020 consid. 2 et les références), qui expose les indices graves et concordants pesant sur le prévenu.
3. Le recourant conteste le risque de réitération.
3.1. En vertu de l'art. 221 al. 1 let. c CPP, la détention provisoire peut être ordonnée lorsqu'il y a sérieusement lieu de craindre que le prévenu compromette sérieusement la sécurité d'autrui par des crimes ou des délits graves après avoir déjà commis des infractions du même genre.
Bien qu'une application littérale de cette disposition suppose l'existence d'antécédents, le risque de réitération peut être également admis dans des cas particuliers alors qu'il n'existe qu'un antécédent, voire aucun dans les cas les plus graves. La prévention du risque de récidive doit en effet permettre de faire prévaloir l'intérêt à la sécurité publique sur la liberté personnelle du prévenu (ATF 137 IV 13 consid. 3-4 p. 18 ss; cf. arrêt du Tribunal fédéral 1B_133/2011 du 12 avril 2011 consid. 4.7). Le risque de récidive peut également se fonder sur les infractions faisant l'objet de la procédure pénale en cours, si le prévenu est fortement soupçonné – avec une probabilité confinant à la certitude – de les avoir commises (ATF 137 IV 84 consid. 3.2).
3.2. Le nouvel al. 1 bis de l'art. 221 CPP – entré en vigueur le 1er janvier 2024 – prévoit le risque de récidive qualifié comme motif de mise en détention. Selon cette disposition, la détention provisoire peut exceptionnellement être ordonnée si le prévenu est fortement soupçonné d’avoir porté gravement atteinte à l’intégrité physique, psychique ou sexuelle d’autrui en commettant un crime ou un délit grave (let. a) et s'il y a un danger sérieux et imminent qu’il commette un crime grave du même genre (let. b).
Avec l'adoption de l'art. 221 al. 1 bis CPP, le législateur a introduit un motif légal exceptionnel de mise en détention provisoire ou pour des motifs de sûreté, à savoir un risque de récidive qualifié. Ce motif de détention découle de la jurisprudence du Tribunal fédéral, en particulier de celle publiée aux ATF 146 IV 136, 143 IV 9 et 137 IV 13, qui continue pour l'essentiel à s'appliquer (arrêt du Tribunal fédéral 7B_583/2024 du 25 juin 2024 consid. 3.2.2, destiné à la publication, et les références citées).
L'art. 221 al. 1 bis CPP prévoit un risque de récidive qualifié par rapport à l'art. 221 al. 1 let. c CPP, qui a été introduit dans le but de compenser le fait qu'il est renoncé à l'exigence d'infractions préalables à celle (s) qui fonde (nt) la mise en détention provisoire ou pour des motifs de sûreté; cela étant, ce motif exceptionnel de détention ne peut être envisageable qu'aux conditions strictes, cumulatives, énumérées aux let. a et b de l'art. 221 al. 1 bis CPP (arrêt du Tribunal fédéral 7B_583/2024 précité consid. 3.2.2).
L'art. 221 al. 1 bis let. b CPP exige, dans l'examen du pronostic, qu'il y ait un danger sérieux et imminent que le prévenu commette un crime grave du même genre. La jurisprudence du Tribunal fédéral ne parlait à l'époque pas littéralement de l'exigence d'un danger "sérieux et imminent" (de nouveaux crimes graves) dans sa jurisprudence; cependant, il existait déjà, à cet égard, une pratique restrictive sous l'ancien droit, dès lors que le Tribunal fédéral avait expressément souligné que le risque qualifié de récidive n'entrait en ligne de compte que si le risque de nouveaux crimes graves apparaissait comme "inacceptablement élevé" ("untragbar hoch"); sur ce point, il y a lieu de continuer à tenir compte de la jurisprudence du Tribunal fédéral. Les crimes graves du même genre redoutés au sens de l'art. 221 al. 1 bis let. b CPP mettent en effet directement en danger la sécurité tant au regard de l'ancien droit (art. 221 al. 1 let. c aCPP) qu'à la lumière du nouveau droit (arrêt du Tribunal fédéral 7B_830/2024 du 4 septembre 2024, consid. 2.2.2 et les références citées).
La notion de crime grave au sens de l'art. 221 al. 1 bis let. b CPP se rapporte aux biens juridiques protégés cités à l'art 221 al. 1 bis let. a CPP, à savoir l'intégrité physique, psychique et sexuelle d'autrui; si la notion de crime est définie à l'art. 10 al. 2 CP et qu'il s'agit donc des infractions passibles d'une peine privative de liberté de plus de trois ans, il n'existe pas de critère clair permettant de délimiter un crime grave au sens de l'art. 221 al. 1 bis let. b CPP d'un crime moins grave. Afin de distinguer les crimes graves des crimes moins graves, il convient en premier lieu de tenir compte de la peine menace; dans ce contexte, toute infraction passible d'une peine maximale d'au moins cinq ans de privation de liberté ne peut pas constituer un crime grave, car cela s'applique à toutes les infractions constitutives de crimes prévues par le CP.
En ce qui concerne l'aspect temporel du risque d'infraction dans le cadre du risque de récidive qualifié au sens de l'art. 221 al. 1 bis CPP, l'ajout du terme "imminent" permet de préciser que le prévenu doit représenter une lourde menace, que des crimes graves risquent de se produire dans un avenir proche et que, de ce fait, la détention doit être ordonnée de toute urgence, la détention préventive paraissant justifiée seulement si ces conditions sont réunies (arrêt du Tribunal fédéral 7B_830/2024 précité, consid. 2.2.2 et les références citées).
La prévention du risque de récidive doit permettre de faire prévaloir l'intérêt de la sécurité publique sur la liberté personnelle du prévenu (ATF 137 IV 13 consid. 3 et 4). Pour établir le pronostic de récidive, les critères déterminants sont la fréquence et l'intensité des infractions poursuivies. Cette évaluation doit prendre en compte une éventuelle tendance à l'aggravation telle qu'une intensification de l'activité délictuelle, une escalade de la violence ou une augmentation de la fréquence des agissements. Les caractéristiques personnelles du prévenu doivent en outre être évaluées (ATF
146 IV 326 consid. 3.1). En général, la mise en danger de la sécurité d'autrui est d'autant plus grande que les actes redoutés sont graves. En revanche, le rapport entre gravité et danger de récidive est inversement proportionnel. Cela signifie que plus l'infraction et la mise en danger sont graves, moins les exigences seront élevées quant au risque de réitération. Lorsque la gravité des faits et leurs incidences sur la sécurité sont particulièrement élevées, on peut ainsi admettre un risque de réitération à un niveau inférieur. Il demeure qu'en principe, le risque de récidive ne doit être admis qu'avec retenue comme motif de détention. Un pronostic défavorable est nécessaire (et en principe également suffisant) pour admettre l'existence d'un tel risque (ATF
146 IV 136 consid. 2; 143 IV 9 consid. 2.9; arrêt du Tribunal fédéral 7B_830/2024 précité, consid. 2.2.3).
3.3. En l'espèce, le casier judiciaire du recourant est vierge. Le comportement qui lui est reproché depuis le début du mois de septembre 2024 est toutefois préoccupant. Durant ledit mois, puis les 12 et 29 octobre 2024, il est soupçonné d'avoir à trois reprises endommagé systématiquement le même véhicule [de marque] D______, alors qu'il était stationné dans un parking à G______ [GE], et d'avoir "sprayé" les vitres de l'entreprise détentrice dudit véhicule, sise au J______ [GE]. Il y a dès lors lieu de se demander pour quelle raison il s'en est ainsi pris aux biens de cette société à laquelle il est soupçonné d'avoir causé des dommages pour des milliers de francs et qui lui apparait totalement étrangère. Entre les 11 et 12 septembre 2024, il est mis en cause pour avoir introduit de la colle dans les serrures du tea-room de I______. Outre ces atteintes au patrimoine d'autrui, il est soupçonné de s'en être pris par cinq fois à l'honneur d'autrui par des inscriptions (tags) bien visibles sur des murs d'entrée de garages, d'un immeuble et d'un établissement d'école primaire situés à proximité du domicile des personnes visées, respectivement du tea-room précité. Dans ces inscriptions, il était question de traiter deux des plaignants de pédophiles, en mentionnant leurs prénom et nom, et, dans deux autres, L______, dont les prénoms et noms étaient également inscrits, de "pute à nègres", puis de "pute à bougnes" et enfin I______, dont cette fois seul le nom était inscrit, "un nez gros". Ces comportements sont susceptibles de tomber sous le coup des art. 144, 173, 174 et 261bis CP, soit autant d'infractions passibles de peines-menace privatives de liberté maximales de 3 ans (la diffamation n'étant passible que d'une peine pécuniaire). Aussi, quand bien même il est effectivement reproché au recourant, à l'occasion des infractions les plus récentes, d'avoir insulté nommément les personnes visées, la gravité des infractions en cause ne revêt pas le seuil exigé par la jurisprudence pour admettre un risque de récidive qualifié, qui ne peut l'être qu'avec retenue comme motif de détention.
Reste l'infraction de contrainte en lien avec la plainte déposée par L______. Dite infraction est également punissable d'une peine privative de liberté de 3 ans au maximum. Aussi, et quand bien même le ressenti de la plaignante, qui dit être épiée, voire traquée, depuis de nombreux mois par le recourant, aux abords de son domicile et de son lieu de travail notamment, au point qu'elle cherche à déménager, ne saurait être minimisé, ce comportement reproché au recourant ne suffit pas non plus à fonder un risque de récidive qualifié.
In casu, si un passage à l'acte est effectivement à craindre, ce d'autant que le recourant, bien que disant collaborer, conteste en l'état les charges pesant à son encontre et ne semble pas stable sur le plan psychologique, vu ses propos persécutoires et complotistes, les infractions en cause ne permettent pas, vu la jurisprudence très restrictive en la matière, encore récemment durcie, s'agissant pourtant d'une mise en cause pour deux brigandages (voir l'arrêt 7B_830/2024 précité), de retenir un risque de réitération qualifié. La possession par le recourant de nombreuses armes à son domicile interpelle assurément. Elles ont néanmoins été saisies le 8 novembre 2024.
4. Le recourant conteste tout risque de collusion.
4.1. Conformément à l'art. 221 al. 1 let. b CPP, la détention provisoire ne peut être ordonnée que lorsque le prévenu est fortement soupçonné d'avoir commis un crime ou un délit et qu'il y a sérieusement lieu de craindre qu'il compromette la recherche de la vérité en exerçant une influence sur des personnes ou en altérant des moyens de preuve. Pour retenir l'existence d'un risque de collusion, l'autorité doit démontrer que les circonstances particulières du cas d'espèce font apparaître un danger concret et sérieux de manœuvres propres à entraver la manifestation de la vérité, en indiquant, au moins dans les grandes lignes et sous réserve des opérations à conserver secrètes, quels actes d'instruction doivent être encore effectués et en quoi la libération du prévenu en compromettrait l'accomplissement. Dans cet examen, entrent en ligne de compte les caractéristiques personnelles du détenu, son rôle dans l'infraction ainsi que ses relations avec les personnes qui l'accusent. Entrent aussi en considération la nature et l'importance des déclarations, respectivement des moyens de preuve susceptibles d'être menacés, la gravité des infractions en cause et le stade de la procédure. Plus l'instruction se trouve à un stade avancé et les faits sont établis avec précision, plus les exigences relatives à la preuve de l'existence d'un risque de collusion sont élevées (ATF 137 IV 122 consid. 4.2; 132 I 21 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_577/2020 du 2 décembre 2020 consid. 3.1).
4.2. En l'occurrence, une audience de confrontation vient d'être fixée au 2 décembre prochain. Il existe à l'évidence des zones d'ombre sur les motivations du recourant s'agissant des diverses atteintes contre le patrimoine, l'honneur et la liberté pour lesquelles il est mis en cause. Il conteste l'intégralité des faits, se posant comme victime des agissements de L______, et s'affirmant en si bons termes avec I______ qu'il voudrait lui parler. Comme déjà relevé, il y a lieu d'enquêter sur les motifs pour lesquels il s'en serait pris à plusieurs reprises à la même voiture, respectivement aux locaux abritant la société détentrice de ce véhicule, mais aussi à un client du tea-room de I______ avec lequel il ne se serait, selon celui-ci, pas même entretenu. À tout le moins jusqu'aux confrontations agendées, étant relevé qu'il n'est pas certain que toutes les personnes concernées puissent déférer à la convocation, mais aussi dans l'attente du résultat de l'analyse du contenu des divers objets électroniques saisis – dont le recourant a refusé de donner les codes l'accès –, il subsiste un risque concret qu'il ne prenne contact avec les plaignants, voire d'autres personnes auxquelles il aurait causé pénalement du tort et susceptibles d'être entendues dans la procédure, et entrave ainsi la manifestation de la vérité.
Dans ces conditions, une interdiction de contact avec les plaignants telle que proposée apparaît insuffisante – et même illusoire concernant en particulier L______, compte tenu de la nature du comportement qu'elle a dénoncé –, pour pallier ce risque concret de collusion.
Le risque de collusion peut donc être confirmé.
5. Sous l'angle du principe de la proportionnalité (art. 197 al. 1 let. c CPP), la prévention retenue en l'état ne nécessite, outre l'audience de confrontation à venir, voire l'auditions de personnes non encore identifiées, une fois en particulier le contenu des objets électroniques connus, pas d'investigations de grande ampleur. La question d'une expertise psychiatrique se pose, mais une telle expertise peut intervenir hors de la prison. Dans ces circonstances, la nécessité d'une prolongation fixée, comme en l'espèce, à deux mois n'est pas évidente. Il convient, au contraire, de la ramener à six semaines, soit jusqu'au 20 décembre 2024, le temps pour le Ministère public d'envisager, avancer et lancer les investigations nouvelles que pourrait appeler l'issue de l'audience du 2 décembre 2024.
6. Le recours s'avère fondé sous cet aspect. Il sera donc admis partiellement.
7. Le recourant, qui obtient partiellement gain de cause, ne supportera pas de frais envers l'État.
8. Il n'y a pas lieu d'indemniser à ce stade (cf. art. 135 al. 2 CPP) le défenseur d'office, qui ne l'a du reste pas demandé.
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Admet partiellement le recours.
Annule l'ordonnance querellée en tant qu'elle prononce la détention provisoire de A______ jusqu'au 8 janvier 2025.
Autorise la détention provisoire de A______ jusqu'au 20 décembre 2024.
Laisse les frais de l’instance à la charge de l’État.
Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit, pour lui, son défenseur), au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte.
Siégeant :
Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Valérie LAUBER et
Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Olivia SOBRINO, greffière.
La greffière : Olivia SOBRINO |
| Le président : Christian COQUOZ |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.