Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/860/2024 du 21.11.2024 sur ONMMP/3339/2024 ( MP ) , REJETE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/17282/2024 ACPR/860/2024 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du jeudi 21 novembre 2024 |
Entre
A______, représenté par Me B______, avocat,
recourant,
contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 24 juillet 2024 par le Ministère public,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. a. Par acte expédié le 5 août 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 24 juillet 2024, notifiée le lendemain, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte du 1er avril 2024.
Le recourant conclut à l'annulation de l'ordonnance précitée et au renvoi de la cause au Ministère public pour qu'il ouvre une instruction et procède à divers actes d'enquête, qu'il énumère. Les frais de recours doivent être mis à la charge de l'État, l'assistance judiciaire lui être octroyée et un montant de CHF 1'333.30, TVA en sus, lui être alloué pour sa défense dans la procédure de recours.
b. Le recourant a été dispensé de verser les sûretés (art. 383 CPP).
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. Le 1er avril 2024, A______ a déposé plainte suite à une "agression" qu'il indiquait avoir subie le ______ mars 2024, vers 19h00, à proximité de la plage des Eaux-Vives. Il avait été invité ce jour-là par un dénommé "C______" pour aller se promener à ladite plage. Alors qu'ils marchaient, deux hommes, dont les visages étaient masqués, l'un par un accessoire de couleur militaire, l'autre par ses habits, s'étaient approchés d'eux et leur avaient demandé de venir vers eux. Bien qu'il ne se souvînt plus du déroulement exact de l'agression, il avait reçu un coup de poing au visage, puis chuté, sa tête ayant heurté le sol. Alors qu'il se trouvait à terre, il avait reçu plusieurs coups de pied sur le corps, ainsi que des coups de poing sur le visage. Il avait également été tiré par les cheveux. Comme il avait perdu connaissance, il ne se souvenait plus quel agresseur avait fait quoi et n'excluait pas que ses assaillants eussent pu être au nombre de trois. Quelqu'un l'avait ensuite soulevé et assis sur le banc. Lorsqu'il avait repris connaissance, une femme "étrangère" et "C______" se trouvaient à proximité de lui, les agresseurs ayant quant à eux quitté les lieux. Selon lui, cette agression s'inscrivait dans la continuité des persécutions qu'il avait vécues en Afghanistan.
À l'appui de sa plainte, A______ a produit un constat médical établi le ______ mars 2024 par les HUG, accompagné de photos, duquel il ressort qu'il présentait une plaie superficielle au niveau de la fesse droite, un hématome à l'œil gauche avec hémorragie conjonctivale, ainsi que deux pétéchies de l'œil droit, et qu'il souffrait par ailleurs de diverses douleurs, notamment au niveau du cou, des côtes, des épaules, de la gorge et du nez. Dans la section "Faits rapportés", il est indiqué: "Une personne qu'il a connu[e] depuis 2 jours lui a donné rdv à l'extérieur et cette personne a appelé 2 autres personnes et ces 3 individus ont agressé le patient. Il a été roué de coup[s] partout notamment: tête, visage, abdomen et le patient dit avoir reçu plusieurs coups partout. Il a été étranglé durant 1 min selon lui puis chute avec TC occipital, a vu tout noir durant quelques secondes et vision noir[e] durant 5-10 min, sans perte de connaissance. Une passante les a séparés et le patient est venu la veille aux urgences mais son agresseur l'a suivi et est venu aux urgences avec. Ayant eu peur, il a quitté les urgences hier sans consultation".
b. Entendu par la police le 4 mai 2024, en qualité de personne appelée à donner des renseignements, D______ a expliqué s'être rendu au bord du lac, le jour des faits, afin de retrouver A______, dont il avait fait la connaissance une semaine plus tôt. Alors qu'ils se trouvaient vers la place des Eaux-Vives, deux hommes, certainement afghans, leur avaient demandé de s'approcher. Ces derniers, dont les visages étaient dissimulés, l'avaient prié de s'en aller, dans la mesure où cela "ne [le] regardait pas", avant de demander à A______ de les rejoindre. Les deux hommes s'étaient subitement mis à rouer ce dernier de coups de poing et de pieds, le faisant chuter au sol. En s'interposant, il avait reçu un coup sur le côté gauche du visage, ce qui l'avait amené à se faire ausculter. Un troisième "agresseur", qu'il avait à peine aperçu, était alors arrivé mais n'avait toutefois pas assené de coups. Une femme s'en était également mêlée, demandant ce qu'il se passait, ce à quoi il lui avait répondu d'appeler la police. Les trois hommes avaient ensuite pris la fuite en direction du parc des Eaux-Vives.
c. Selon le rapport de renseignements du 17 juillet 2024, les auteurs n'ont pas pu être identifiés. Aucune caméra de vidéosurveillance n'a par ailleurs filmé la scène.
C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public relève que, malgré une enquête de police, les auteurs n'avaient pas pu être formellement identifiés. Aucune caméra de vidéosurveillance n'avait filmé les évènements et l'audition de D______ n'avait pas permis d'établir l'identité des agresseurs. Le Ministère public ne disposait ainsi d'aucun élément susceptible d'orienter des soupçons sur un ou des auteurs et ne pouvait procéder (art. 310 al. 1 let. b CPP).
D. a. À l'appui de son recours, A______ se plaint d'une constatation incomplète ou erronée des faits et d'une violation de l'art. 310 al. 1 let. a CPP, plus particulièrement du principe in dubio pro duriore. Alors que les faits rapportés dans le cadre des rapports médicaux mettaient en cause D______, ce dernier n'avait pas été auditionné à ce sujet et le Ministère public n'avait procédé à aucune confrontation. Aucune recherche n'avait par ailleurs été effectuée en vue d'identifier la femme ayant appelé la centrale police, quand bien même cette dernière eût pu l'être et fournir des renseignements sur le rôle joué par D______.
b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.
EN DROIT :
1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).
2. La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.
3. Le recourant déplore une constatation incomplète et erronée des faits.
Dès lors que la Chambre de céans jouit d'un plein pouvoir de cognition en droit et en fait (art. 393 al. 2 CPP ; ATF 137 I 195 consid. 2.3.2), les éventuelles constatations incomplètes ou inexactes du Ministère public auront été corrigées dans l'état de fait établi ci-devant.
Partant, ce grief sera rejeté.
4. Le recourant fait grief au Ministère public de ne pas être entré en matière sur sa plainte.
4.1. À teneur de l'art. 310 al. 1 CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis (let. a) ou qu'il existe des empêchements de procéder (let. b).
Des motifs de fait peuvent justifier la non-entrée en matière. Il s'agit des cas où la preuve d'une infraction, soit de la réalisation en fait de ses éléments constitutifs, n'est pas apportée par les pièces dont dispose le ministère public. Il faut que l'insuffisance de charges soit manifeste. De plus, le ministère public doit examiner si une enquête, sous une forme ou sous une autre, serait en mesure d'apporter des éléments susceptibles de renforcer les charges contre la personne visée. Ce n'est que si aucun acte d'enquête ne paraît pouvoir amener des éléments susceptibles de renforcer les charges contre la personne visée que le ministère public peut rendre une ordonnance de non-entrée en matière. En cas de doute sur la possibilité d'apporter ultérieurement la preuve des faits en question, la non-entrée en matière est exclue (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 9 ad art. 310).
Lorsqu'il n'existe aucun élément concret permettant d'identifier l'auteur, il faut considérer qu'il existe un empêchement de fait et la procédure doit faire l'objet d'une non-entrée en matière. Le ministère public peut toutefois également opter pour une suspension de la procédure au sens de l'art. 314 CPP. Il dispose à cet égard d'un certain pouvoir d'appréciation lui permettant de choisir la mesure la plus opportune entre une suspension et un refus d'entrer en matière, étant précisé que, dans leur résultat, les deux solutions ne se distinguent pas fondamentalement, puisque selon l'art. 323 al. 1 CPP, applicable par renvoi de l'art. 310 al. 2 CPP, la procédure pourra être reprise en cas de moyens de preuve ou de faits nouveaux (arrêts du Tribunal fédéral 6B_638/2022 du 17 août 2022 consid. 2.1.2; 1B_67/2012 du 29 mai 2012 consid. 3.1 et 3.2).
4.2. À teneur de l'art. 134 CP, quiconque participe à une agression dirigée contre une ou plusieurs personnes au cours de laquelle l'une d'entre elles ou un tiers trouve la mort ou subit une lésion corporelle, est puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
4.3. En l'espèce, il ressort des déclarations du recourant et de D______ que, le jour des faits, celui-là a été frappé à plusieurs reprises par à tout le moins deux hommes et qu'il a, des suites de cette altercation, subi plusieurs lésions telles qu'attestées par le constat médical produit.
Rien ne permet en revanche de retenir qu'un troisième assaillant y aurait participé. Si D______ a mentionné l'arrivée d'un troisième individu, il a réfuté toute implication active de ce dernier dans la bagarre à proprement dite. Quant au recourant, il n'a pas non plus pu l'affirmer. S'il a sous-entendu, aux médecins l'ayant soigné, que trois individus l'avaient agressé, il n'a pas maintenu cette version lors de son audition par la police, ne faisant qu'envisager, à cette occasion, l'éventualité que les agresseurs eussent pu être au nombre de trois.
La question du nombre exact d'assaillants peut toutefois souffrir de demeurer indécise, l'enquête n'ayant en effet permis d'en identifier aucun, étant à cet égard relevé qu'aucune caméra de vidéosurveillance n'a filmé les faits et que, selon les explications, tant du recourant que de D______, les visages des agresseurs étaient masqués.
S'agissant plus particulièrement de l'éventuel rôle joué par ce dernier dans l'agression, aucun élément du dossier ne permet de retenir qu'il aurait participé à celle-ci, à tout le moins autrement que dans un but purement pacificateur. Bien que le recourant sous-entende désormais que D______ puisse être l'un des agresseurs, il se garde toutefois bien de l'accuser formellement. Ses explications sur le déroulement de l'agression ont par ailleurs été fluctuantes. S'il a indiqué, lors de son examen médical, que trois individus s'en étaient pris à lui, y compris l'homme dont il avait fait connaissance deux jours plus tôt, il n'a nullement fait mention, lors de son audition par la police, du fait que D______ pourrait être l'un d'eux. Ses explications semblent au contraire l'exclure, puisqu'il a déclaré, à cette occasion, qu'une femme étrangère et "C______" se trouvaient à proximité, ajoutant que les agresseurs avaient quitté les lieux. Quant au principal intéressé, il a clairement indiqué n'avoir fait que s'interposer et que seuls deux hommes s'en étaient pris au recourant.
On ne voit pas ce qu'une nouvelle audition de D______ ou son éventuelle confrontation au recourant pourrait apporter d'utile. Si les policiers ne lui ont certes pas expressément demandé s'il s'en était pris physiquement au recourant, il a implicitement réfuté l'avoir fait et on conçoit mal, en l'absence d'élément objectif, qu'il vienne aujourd'hui avouer ce qu'il n'aurait pas concédé lors de sa première audition.
La même conclusion s'impose s'agissant d'une éventuelle audition de la femme ayant appelé la centrale police. Quand bien même celle-ci pourrait être identifiée par la police, rien n'indique qu'elle serait à même de fournir des éléments utiles à l'enquête. Il ressort en effet des explications de D______ qu'elle lui aurait demandé ce qu'il se passait, ce qui semble exclure qu'elle ait vu quoi que ce soit, raison ayant sans doute conduit les policiers à ne pas chercher à l'entendre.
5. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée et, partant, le recours rejeté.
6. Le recourant sollicite l'assistance judiciaire pour la procédure de recours.
6.1. Conformément à l'art. 136 al. 1 CPP, sur demande, la direction de la procédure accorde entièrement ou partiellement l'assistance judiciaire gratuite: à la partie plaignante, pour faire valoir ses prétentions civiles, si elle ne dispose pas de ressources suffisantes et que l'action civile ne paraît pas vouée à l'échec (let. a) ; à la victime, pour lui permettre de faire aboutir sa plainte pénale, si elle ne dispose pas de ressources suffisantes et que l'action pénale ne paraît pas vouée à l'échec (let. b).
Selon l'art. 136 al. 2 CPP, l'assistance judiciaire comprend: l'exonération d'avances de frais et de sûretés (let. a), l'exonération des frais de procédure (let. b) et la désignation d'un conseil juridique gratuit, lorsque la défense des intérêts de la partie plaignante ou de la victime l'exige (let. c, entrée en vigueur le 1er janvier 2024).
Le législateur a ainsi sciemment limité l'octroi de l'assistance judiciaire aux cas où le plaignant peut faire valoir des prétentions civiles (Message du Conseil fédéral du 21 décembre 2005 relatif à l'unification du droit de la procédure pénale, FF 2006 1057, p. 1160 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_522/2020 du 11 janvier 2021 consid. 5.1 et références citées).
Lors de la procédure de recours, l’assistance judiciaire gratuite doit faire l’objet d’une nouvelle demande (art. 136 al. 3 CPP, entré en vigueur le 1er janvier 2024).
6.2. En l'espèce, le recourant remplit les conditions de l'indigence, à teneur du rapport de l'assistance juridique du 6 septembre 2024. Toutefois, tant ses prétentions civiles que l'action pénale étant d'emblée vouées à l'échec, pour les raisons exposées ci-dessus (consid. 4.3), il ne remplit pas les conditions à l'octroi de l'assistance judiciaire dans le cadre de son recours.
La requête ne peut dès lors qu'être rejetée.
7. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).
Le refus de l'assistance juridique sera, quant à lui, rendu sans frais (art. 20 RAJ)
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours de A______.
Rejette la demande d'assistance judiciaire gratuite pour la procédure de recours.
Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.
Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.
Siégeant :
Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Madame Valérie LAUBER et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.
Le greffier : Julien CASEYS |
| La présidente : Daniela CHIABUDINI |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).
P/17282/2024 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
- frais postaux | CHF | 10.00 |
Émoluments généraux (art. 4) | | |
- délivrance de copies (let. a) | CHF | |
- délivrance de copies (let. b) | CHF | |
- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
- décision sur recours (let. c) | CHF | 915.00 |
Total | CHF | 1'000.00 |