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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/20359/2021

ACPR/780/2024 du 28.10.2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : JONCTION DE CAUSES;TÉMOIN;TIERS APPELÉ À FOURNIR DES RENSEIGNEMENTS
Normes : CPP.29; CPP.30; CPP.177; CPP.180; CPP.181

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/20359/2021 ACPR/780/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 28 octobre 2024

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison de B______, représenté par Me Yaël HAYAT, avocate, HAYAT & MEIER, place du Bourg-de-Four 24, case postale 3504, 1211 Genève 3,

recourant,

 

contre l'ordonnance de jonction rendue le 13 septembre 2024 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 30 septembre 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 13 septembre 2024, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a joint les procédures pénales P/20582/2021 et P/20359/2021 sous ce dernier numéro de procédure.

Le recourant conclut, sous suite de dépens, à l'annulation de cette décision.

b. Par ordonnance du 3 octobre 2024 (OCPR/52/2024), la Direction de la procédure a rejeté la demande d'effet suspensif assortissant le recours.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______ est prévenu dans deux procédures :

- dans la P/20359/2021, il lui est principalement reproché d'avoir, dans la nuit du 20 au 21 octobre 2021, tué par balles son épouse, C______;

- dans la procédure P/20582/2021, ouverte sur plainte du 22 octobre 2021 de D______, ancienne employée de maison du couple A______/C______, il lui est reproché divers comportements de nature sexuelle susceptibles d'être constitutifs de contrainte sexuelle, abus de la détresse, exhibitionnisme et désagréments causés par la confrontation à un acte d'ordre sexuel, ainsi que de l'avoir insultée.

b. D______ a été entendue par le Ministère public, comme témoin, le 5 décembre 2023, dans le cadre de la P/20359/2021.

Au début de son audition, le Ministère public a informé les parties qu'il versait à la procédure le procès-verbal de son audition à la police du 9 décembre 2021 comme plaignante, tiré de la procédure P/20582/2021.

c. D______ a à nouveau été entendue comme témoin les 1er février et 1er mars 2024, dans la P/20359/2021.

d. Les 30 juin, 7 août et 19 décembre 2023, le Ministère public avait entendu la précitée comme plaignante, dans la P/20582/2021.

e. Le 29 août 2023, ainsi qu'à l'audience du 24 mai 2024, il a informé les parties qu'il versait dans cette seconde procédure plusieurs actes issus de la P/20359/2021.

f. Le Ministère public a ordonné une expertise psychiatrique du prévenu tant dans la P/20359/2021 que dans la P/20582/2021, désigné pour ce faire les deux mêmes experts et invité ceux-ci à ne rendre qu'un seul rapport.

g.a. Le 8 mai 2024, A______ a déposé plainte pénale contre D______ tant pour faux témoignage dans le cadre de la P/20359/2021, que pour dénonciation calomnieuse et induction de la justice en erreur dans le cadre de la P/20582/2021.

g.b. Le 10 juin suivant, le Ministère public a ordonné la disjonction des deux états de faits en deux procédures distinctes (P/1______/2024 et P/2______/2024), vu les statuts procéduraux différenciés de la personne mise en cause et les infractions distinctes qui en résultaient "aux yeux de la partie plaignante".

g.c. Les 26 août et 13 septembre 2024, le Ministère public a décidé de suspendre l'instruction des deux procédures en question jusqu'à droit jugé dans les P/20582/2021 et P/20359/2021.

C. Dans son ordonnance querellée, le Ministère public, se référant aux art. 29 et 30 CPP, a décidé de joindre les deux procédures ouvertes contre A______. Il indique qu'il renverra le prévenu en jugement pour l'ensemble des faits reprochés, sous réserve des infractions qui seront, le moment venu, classées.

D. a. À l'appui de son recours, A______ excipe d'une violation des art. 29 et 30 CPP. Tout d'abord, les procédures P/20359/2021 et P/20582/2021 n'étaient pas au même stade d'avancement. La seconde serait en état d'être jugée à l'issue de la reddition du rapport d'expertise et de l'audition éventuelle des experts, aucun acte d'instruction complémentaire n'ayant été annoncé depuis la dernière audience du 24 mai 2024. L'instruction de la P/20359/2021 se poursuivait par contre. En outre, les faits et infractions visés par chacune des deux procédures ne présentaient aucune connexité; du reste, le Ministère public avait versé dans l'une les moyens de preuves administrés dans l'autre, sans qu'une jonction ne s'impose. Ensuite, le statut procédural de D______ n'était pas le même dans les deux procédures; une "ouverture de ses droits procéduraux à la P/20359/2021" aurait pour conséquence de lui donner accès à l'intégralité de celle-ci et de lever son obligation de témoigner et de dire la vérité. Par ailleurs, la clôture sans retard de la P/20582/2021 permettrait l'instruction de la P/1______/2024 [pour dénonciation calomnieuse et induction de la justice en erreur], suspendue, étant précisé que l'issue de cette dernière aurait des conséquences sur l'appréciation du témoignage de D______ dans le cadre de la P/20359/2021. À cela s'ajoutait que le Ministère public avait marqué sa circonspection face aux déclarations de la témoin lors de l'audience du 1er mars 2024, pour lui avoir demandé si elle se "moqu[ait] du monde", de sorte qu'il était "d'autant plus insoutenable" de joindre la P/20582/2021 à la procédure principale. Enfin, la P/20359/2021 visait des faits touchant à sa sphère intime et celle de sa famille qui n'avaient pas à être portés à la connaissance de leur ancienne employée de maison; son intérêt de voir ces faits privés protégés devait l'emporter sur la jonction des deux procédures.

b. À réception, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             3.1. L'art. 29 CPP règle le principe de l'unité de la procédure pénale. Il prévoit qu'il y a lieu de poursuivre et juger, en une seule et même procédure, l'ensemble des infractions reprochées à un même prévenu. Le principe de l'unité de la procédure tend à éviter les jugements contradictoires et sert l'économie de la procédure (ATF 138 IV 29 consid. 3.2; ATF 138 IV 214 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_428/2018 du 7 novembre 2018 consid. 3.2).

3.2. L'art. 30 CPP prévoit la possibilité de déroger au principe de l'unité de la procédure. Une telle dérogation exige toutefois des raisons objectives, ce qui exclut de se fonder, par exemple, sur de simples motifs de commodité (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 2 ad art. 30).

La disjonction des causes en vertu de l'art. 30 CP doit cependant rester l'exception et l'unité de la procédure la règle, dans un but d'économie de procédure, d'une part, mais aussi afin de prévenir le prononcé de décisions contraires, d'autre part. Ainsi, le Tribunal fédéral a considéré qu'en vertu du principe de l'unité de procédure, le ministère public était tenu de joindre des procédures à l'encontre du même prévenu quand bien même la nature des infractions était fort différente, en l'occurrence des violences domestiques et une escroquerie (ATF 138 IV 214 consid. 3.6 et 3.7).

Des procédures pourront être disjointes, par exemple, lorsque plusieurs faits sont reprochés à un auteur et que seule une partie de ceux-ci est en état d'être jugée, la prescription s'approchant (ATF 138 IV 214 consid. 3.2). Elles pourront également l'être en présence de difficultés liées à un grand nombre de coauteurs dont certains seraient introuvables, lorsqu'une longue procédure d'extradition est mise en œuvre ou encore en cas de violation du principe de la célérité (arrêts du Tribunal fédéral 1B_230/2019 du 8 octobre 2019 consid. 3.4; 1B_428/2018 du 7 novembre 2018 consid. 3.2). Des raisons d'organisation des autorités de poursuite pénale ne suffisent pas (ATF 138 IV 214 consid. 3.2).

3.3. En l'espèce, le recourant est prévenu dans les deux procédures concernées. Conformément au principe de l'unité de la procédure, ces faits – et les infractions qui y sont associées – doivent donc en principe être poursuivis conjointement, quand bien même ils sont de nature différente.

C'est ce même principe, ajouté à celui d'économie de la procédure, qui a du reste guidé le Ministère public lorsqu'il a décidé d'ordonner, dans chacune des procédures P/20359/2021 et P/20582/2021, l'expertise psychiatrique du prévenu, laquelle a été confiée aux mêmes experts et devait appréhender les deux complexes de faits en résultant.

Bien que l'instruction de la P/20582/2021 apparaisse plus avancée selon le recourant, il n'est pas exclu que d'autres actes d'enquête – que l'expertise [rendue le 7 octobre 2024] et l'éventuelle audition des experts – soient sollicités dans celle-ci.

Que le statut procédural de D______ ne soit pas identique dans les deux procédures ne saurait en outre faire obstacle à la jonction de celles-ci. Le recourant ne s'est nullement opposé à l'audition de la précitée comme témoin dans la P/20359/2021 alors qu'il avait été averti, au début de sa première audition, le 5 décembre 2023, que seraient versées à la procédure ses déclarations à la police comme plaignante dans la P/20582/2021. Par la suite, le Ministère public a encore versé à la P/20359/2021 d'autres actes de procédure issus de la P/20582/2021, sans susciter la moindre réaction du recourant. Le fait que le Ministère public ait procédé de la sorte dans un premier temps, par économie de procédure, ne signifie pas qu'une jonction ne pouvait plus intervenir ultérieurement.

Ensuite, tant la partie plaignante entendue à titre de renseignements que le témoin sont tenus de déposer (art. 180 al. 2, 181 al. 1 et 177 al. 1 CPP). La première sera incitée à dire la vérité tandis que la personne entendue comme témoin y sera exhortée (art. 177 al. 1 CPP). Si la partie plaignante n'est certes pas obligée de dire la vérité, elle demeure punissable si elle accuse sciemment un innocent, ce à quoi elle sera rendue attentive (art. 181 al. 2 CPP; cf. aussi Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE, Commentaire romand du Code de procédure pénale, 2ème éd., Bâle 2019, n. 7a et 8 ad art. 181). Partant, on ne décèle pas quelle incidence concrète aurait la jonction querellée sur les obligations de témoigner, respectivement de déposer, de D______.

Par ailleurs, on ne voit pas en quoi le traitement plus rapide de la P/20582/2021, et par là la reprise de l'instruction de la plainte pour dénonciation calomnieuse et induction de la justice en erreur actuellement suspendue (P/1______/2024), aurait une incidence sur le témoignage de D______ dans la P/20359/2021. Même si les soupçons de commission de ces infractions devaient se révéler fonder, il appartiendra au juge du fond saisi de la P/20359/2021 d'apprécier la crédibilité des déclarations de l'intéressée. Que le Ministère public ait marqué sa circonspection à l'occasion d'une réponse de la précitée à une question du conseil du recourant à l'audience du 1er mars 2024 (cf. PP 50'327) n'est donc pas déterminant à ce stade.

Enfin, la jonction critiquée n’entraîne pas par elle-même d'accès aux informations relevant de la sphère privée et familiale du recourant par la partie plaignante constituée dans la P/20582/2021, car les conditions de consultation d’un dossier pénal en cours sont régies par des normes spécifiques et distinctes (cf. art. 101, 102 al. 1 et 108 CPP; ACPR/628/2021 du 23 septembre 2021 consid. 2.2).

Il résulte de ce qui précède que la jonction querellée est conforme aux réquisits des art. 29 et 30 CPP et sera confirmée.

4. Le recours est donc rejeté, ce que la Chambre de céans pouvait constater d'emblée sans échange d'écritures, ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

5. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui comprennent un émolument de CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, qui comprennent un émolument de CHF 1'000.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Valérie LAUBER, juges; Monsieur Xavier VALDES TOP, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES TOP

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/20359/2021

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'000.00

Total

CHF

1'085.00