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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/12003/2022

ACPR/742/2024 du 22.10.2024 ( MP ) , ADMIS/PARTIEL

Descripteurs : TIERS;LÉSÉ;INDEMNITÉ(EN GÉNÉRAL);VÉHICULE;SÉQUESTRE(MESURE PROVISIONNELLE);LIEN DE CAUSALITÉ
Normes : CPP.434

 

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/12003/2022 ACPR/742/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 22 octobre 2024

 

Entre

A______, représenté par Me B______, avocate,

recourant,

 

contre la décision rendue le 26 juillet 2024 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte daté du 8 août 2024, mais comportant un sceau postal du lendemain, A______ recourt contre la décision du 26 juillet précédent, notifiée le 29 suivant, par laquelle le Ministère public a dit qu'il procéderait au remboursement des frais de fourrière (CHF 875.-) relatifs à l'immobilisation de son véhicule, mais a refusé de prendre en charge les frais allégués de rénovation et de dépanneuse (CHF 5'000.-).

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette ordonnance, au constat que l'immobilisation de son véhicule durant le séquestre avait mis celui-ci "hors d'état de rouler" et au remboursement, pour ce motif, de divers frais pour un total de CHF 5'457.-.

b. Sur l'enveloppe contenant le recours figurent le nom d'un témoin, avocat, ainsi que son numéro de téléphone et sa signature. Celui-ci atteste du dépôt du pli dans une boîte postale le 8 août 2024.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 28 mars 2022, le Ministère public a ouvert une instruction contre C______ pour escroquerie et faux dans les titres notamment, lui reprochant, en substance, d'avoir frauduleusement obtenu un prêt Covid-19 en qualité de titulaire de l'entreprise individuelle D______, TITULAIRE C______ (ci-après: D______) et d'avoir détourné les fonds ainsi obtenus à des fins autres que celles autorisées et convenues.

b. Pour ces faits, [le service de cautionnement] E______ a déposé plainte, à laquelle était jointe une dénonciation anonyme. À teneur de celle-ci, les gérants de D______ avaient notamment utilisé le prêt pour permettre à leur fils, F______, de rembourser la fin de son leasing, portant sur une voiture de marque G______, modèle 1______.

c. Lors de la perquisition du domicile de C______, le 2 novembre 2022, la police a découvert la clef d'un véhicule de marque G______. Interrogé à ce sujet, F______ a d'abord expliqué qu'il s'agissait d'une ancienne voiture, sans lien avec sa mère. Il a ensuite confirmé que la clef était celle d'un modèle 1______, cédé à son cousin, A______, domicilié à Saint-Gall, en remboursement de dettes qu'il avait envers ce dernier. Il restait toutefois l'utilisateur du véhicule.

d. Le 3 novembre 2022, le Ministère public a ordonné le séquestre de la G______/1______, immatriculée SG 2______, qui a été conduite à la fourrière.

Selon les informations obtenues par la police, le véhicule avait changé d'immatriculation et d'utilisateurs à de nombreuses reprises. Le dernier en date enregistré était A______.

e. Entendu par la police le 16 janvier 2023, F______ a expliqué avoir pris un leasing pour la G______/1______ en 2013, dont il avait soldé les mensualités après quarante-huit mois. Lorsqu'il ne pouvait plus payer les primes d'assurance du véhicule, il déposait les plaques, puis le ré-immatriculait dès qu'il le pouvait. Il avait finalement donné la G______/1______ à A______ en compensation de sommes prêtées par ce dernier, qu'il ne pouvait pas rembourser. Le crédit Covid-19 n'avait jamais servi à payer le leasing, lequel avait pris fin en 2017.

f. Par courriers des 14 août et 7 novembre 2023, A______ et F______ ont, respectivement et tour à tour, sollicité du Ministère public la restitution de la G______/1______.

Le premier affirmait joindre dans son pli les preuves de sa titularité du véhicule mais aucune annexe n'était contenue dans l'enveloppe. Le second expliquait que la voiture lui appartenait "légalement" mais que son cousin en était le "propriétaire actuel".

g. A______ a relancé le Ministère public par missives successives des 15 avril, 6 et 22 mai 2024.

h.a. Le 29 mai 2024, le Ministère public a émis un avis de prochaine clôture de l'instruction, annonçant l'établissement d'un acte d'accusation.

h.b. Concomitamment, il a levé le séquestre portant sur la G______/1______, en ordonnant sa restitution à A______. Le permis de circulation du véhicule avait mis en évidence le paiement de l'intégralité du leasing avant l'octroi du crédit Covid-19 à D______, de sorte que le maintien de la mesure ne se justifiait pas.

i.a. Par courriers des 2, 4 et 11 juillet 2024, A______ a requis du Ministère public le remboursement des frais suivants:

- CHF 875.-, correspondant à une facture de la fourrière;

- CHF 5'047.55, pour les travaux rendus nécessaires par l'immobilisation durant vingt mois de la G______/1______;

- CHF 150.-, pour le coût de la dépanneuse venue récupérer, à la fourrière, le véhicule hors d'état de rouler.

i.b. Il a notamment joint le devis du garage automobile H______ du 3 juillet 2024, duquel il ressort les éléments suivants:

- la G______/1______, mise en circulation pour la première fois le 16 décembre 2013, affichait un kilométrage de 115'637 km à son arrivée au garage;

- le coût total des travaux, comprenant le remplacement de la batterie (CHF 824.82) et des quatre pneus (CHF 1'783.60), le service climatisation et moteur (CHF 1'526.51), le lavage du châssis moteur (CHF 166.51), le contrôle général du véhicule (CHF 240.-) et le remplacement de tous les balais d'essuie-glace (CHF 127.89), s'élevait à CHF 5'047.55, TVA à 8.1% comprise.

C. Dans la décision déférée, le Ministère public accepte de procéder au remboursement des frais de fourrière (CHF 875.-) mais refuse d'en faire de même pour les autres montants. Il n'était pas établi que l'immobilisation du véhicule durant son séquestre l'avait mis hors d'état de rouler au point de justifier des travaux d'un coût supérieur à CHF 5'000.-.

D. a. Dans son recours, A______ reproche au Ministère public une violation des art. 434 et 266 CPP. L'immobilisation, durant vingt mois, de la G______/1______ avait obligatoirement dégradé l'état de la voiture, nécessitant des réparations. En particulier, il était indispensable de changer la batterie "à plat", ainsi que les pneus dégonflés et "craquelés". Le devis du garage automobile accréditait l'importance des réparations et, malgré les relances, l'autorité intimée avait tardé à lever le séquestre. Ce retard était d'autant plus fautif compte tenu de l'entretien dispendieux reconnu, de manière générale, aux véhicules.

b. Dans ses observations, le Ministère public conteste d'abord qu'une voiture ferait, en général, l'objet d'une dépréciation rapide, et que le véhicule, dans le cas d'espèce, susciterait un entretien dispendieux. Au regard de l'art. 434 CPP, il existait des soupçons suffisants pour ordonner le séquestre de la voiture, compte tenu de la dénonciation anonyme et des déclarations changeantes de F______. D'autres infractions liées à la G______/1______ étaient d'ailleurs susceptibles d'intervenir, dès lors que le précité avait déclaré changer fréquemment l'immatriculation pour ne pas payer l'impôt. Même les explications autour de la cession du véhicule à A______ restaient ambiguës, puisque son cousin n'avait pu chiffrer sa valeur, ni le montant de la dette censée être compensée par la remise du véhicule. Enfin, il n'y avait pas de lien de causalité entre les frais de réparation et de dépannage et le séquestre. La G______/1______ était en circulation depuis plus de dix ans, avec plus de 100'000 km au compteur, si bien qu'il n'était pas établi que son immobilisation avait endommagé sa batterie, ses pneus, le système de climatisation, son châssis moteur et tous ses essuie-glaces. A______ cherchait plutôt à faire supporter à l'État "des frais infondés pour permettre une remise en état du véhicule déjà nécessaire avant le séquestre".

c. Dans sa réplique, A______ produit une facture du garage H______ du 2 août 2024, de CHF 792.15 (TVA comprise), pour le remplacement de la batterie, qu'il avait payée le 5 suivant, afin d'éviter des frais supplémentaires d'entreposage du véhicule au garage. Il avait ainsi pu récupérer son véhicule pour le garer ailleurs, dans l'attente de pouvoir financer les autres travaux du devis. Il produit encore une facture du 31 juillet 2024 du même garage, d'un montant de CHF 240.- (TVA à 8.1% en sus), pour un "contrôle général du véhicule + devis". Il en requérait le remboursement, en sus de celui des montants litigieux.

Il réclame un montant de CHF 6'547.50, TVA à 8.1% en sus, correspondant à 14h33 d'activité de son conseil, au tarif horaire de CHF 450.-.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours a été interjeté selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP; ATF 147 IV 526 consid. 3.1), en tant qu'il sera admis qu'il a été déposé dans une boîte postale, sous les yeux d'un témoin, le dernier jour du délai de recours.

1.2.1. Ont qualité de parties à la procédure, les tiers touchés par des actes de procédure (art. 105 al. 1 let. f CPP) soit, en particulier, par des mesures de contrainte ou une confiscation (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 23-24 ad art. 105), mais pour autant qu'ils soient directement touchés dans leurs droits par des actes ou décisions de l'autorité (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op.cit., n. 2 ad art. 105). La qualité de partie, et donc, en principe, aussi la qualité pour recourir (art. 382 CPP), est alors reconnue à ces participants, dans la mesure nécessaire à la sauvegarde de leurs intérêts (art. 105 al. 2 CPP).

1.2.2. Même si le Ministère public soulève, dans ses observations, une certaine ambiguïté sur le réel possesseur du véhicule initialement saisi, il ne semble pas contesté que le recourant en soit le détenteur. C'est en tous cas à lui que la voiture a été restituée après la levée de la mesure, si bien que l'intéressé revêt la qualité de tiers touché par un acte de procédure et dispose, à ce titre, d'un intérêt juridiquement protégé à recourir contre la décision querellée.

1.3.1. Le recours est recevable contre les décisions et les actes de procédure de la police, du ministère public et des autorités pénales compétentes en matière de contraventions (art. 393 al. 1 let. a CPP).

En principe, les prétentions des tiers en indemnisation sont réglées dans le cadre de la décision finale. Lorsque le cas est clair, le ministère public peut les régler déjà au stade de la procédure préliminaire (art. 434 al. 2 CPP). Si la loi ne définit pas la notion de cas clair, elle doit surtout être envisagée pour une situation dans laquelle l'existence d'un dommage ainsi que sa réparation ne sauraient être discutées. Si les prétentions doivent être rejetées, cela doit se faire dans tous les cas dans le cadre de la décision finale (M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER (éds), Basler Kommentar StPO / JStPO, 3ème éd., Bâle 2023, n. 11 ad art. 434; L. MOREILLON / A. PAREIN‑REYMOND, Petit commentaire CPP, Bâle 2016, n. 10 ad art. 434).

1.3.2. En l'occurrence, le Ministère public rejette, dans sa décision déférée, plusieurs postes de l'indemnisation sollicitée par le recourant. Ce refus exclut – en principe – l'application du cas clair au sens de l'art. 434 CPP et, par extension, la possibilité, pour l'autorité intimée, de statuer dans le cadre de la procédure préliminaire. En d'autres termes, le Ministère public devait réserver le sort – contesté – de l'indemnisation du recourant pour la décision finale, étant rappelé qu'il a annoncé son intention de dresser un acte d'accusation.

Cela étant dit, par économie de procédure, il se justifie – en l'occurrence – de ne pas se montrer trop strict quant aux obligations formelles susmentionnées et de considérer que la décision querellée est sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP).

Le recours est donc recevable.

2.             Sont également recevables les pièces nouvelles produites dans le cadre de la procédure de recours (arrêt du Tribunal fédéral 1B_550/2022 du 17 novembre 2022 consid. 2.2).

3.             Le recourant reproche au Ministère public de lui avoir refusé l'indemnité sollicitée.

3.1. Aux termes de l'art. 434 al. 1 CPP, les tiers qui, par le fait d'actes de procédure ou du fait de l'aide apportée aux autorités pénales, subissent un dommage ont droit à une juste compensation si le dommage n'est pas couvert d'une autre manière, ainsi qu'à une réparation du tort moral.

La notion de juste compensation du dommage se réfère aux principes généraux du droit de la responsabilité civile, à l'instar de ce qui prévaut pour l'indemnisation du prévenu (art. 429 ss CPP). Il s'agit en principe d'une pleine indemnité pour les inconvénients subis. Le dommage susceptible d'être compensé consiste dans une diminution du patrimoine du tiers lésé, qui pourra être matérielle, économique ou encore provoquée par les frais de défense et de procédure engagés pour faire valoir ses droits (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1210/2017 du 10 avril 2018 consid. 4.1).  

3.2. Le tiers lésé doit apporter la preuve du dommage qu'il allègue et de son lien de causalité avec un acte de procédure de l'autorité pénale ou du fait de l'aide apportée à cette dernière (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 11 ad art. 434).

3.2.1. Le lien de causalité s'apprécie selon les principes de la causalité naturelle et adéquate et selon le degré de la haute vraisemblance (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1246/2022 du 11 octobre 2023 consid. 9.1.4; 6B_740/2016 du 2 juin 2017 consid. 3.1). Un fait est la cause naturelle d'un résultat dommageable s'il en constitue l'une des conditions sine qua non; il n'est pas nécessaire que l'événement considéré soit la cause unique ou immédiate du résultat. Il y a causalité adéquate lorsque le comportement incriminé était propre, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience générale de la vie, à entraîner un résultat du genre de celui qui s'est produit (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1180/2019 du 17 février 2020 consid. 3.1).

3.2.2. Le devoir d'indemnisation de l'État en vertu de l'art. 434 CPP peut être réduit, notamment en cas de non-respect par le lésé du devoir de diminution du dommage, voire complétement supprimé lorsque la faute du lésé est si importante qu'elle interrompt le lien de causalité adéquate entre le dommage et l'acte de procédure considérée (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 12 ad art. 434).

3.3. L'autorité pénale qui prononce un séquestre a pour obligation première de veiller à la conservation des biens saisis jusqu'à droit connu sur leur sort définitif (arrêt du Tribunal fédéral 1B_461/2017 du 8 janvier 2018 consid. 2.1). Le séquestre n'étant pas une sanction économique, l'autorité doit éviter des pertes de valeur occasionnées par la mesure de contrainte (arrêt du Tribunal fédéral 1B_671/2011 du 20 février 2012 consid. 2.3). De manière générale, l’autorité pénale, en accord avec, le cas échéant, les autorités de police et les services administratifs, doit assurer la mise en place d’un système de conservation efficace. Dans ce cadre, le propriétaire a tout intérêt à se déterminer en temps utile sur les modalités de stockage choisies par l’autorité pénale (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 5a ad art. 266).

3.4. En l'espèce, le Ministère public a, le 3 novembre 2022, saisi la G______/1______, sur la base de la dénonciation anonyme accompagnant la plainte à l'origine de l'instruction.

Nul n'est besoin d'examiner le bien-fondé du séquestre au moment où il a été ordonné, ni de son maintien par la suite. Quoiqu'il en fût, une fois la mesure prononcée et jusqu'à sa levée, la valeur du bien devait être maintenue, cela tant dans l'intérêt de l'ayant droit que celui de l'autorité (ACPR/806/2020 du 13 novembre 2020 consid. 3.4; ACPR/839/2017 du 7 décembre 2017 consid. 2.3).

Même s'il est patent que l'immobilisation d'un véhicule automobile est susceptible d'entrainer des problèmes mécaniques ou électriques, la majorité des prétentions élevées par le recourant à ce titre ne réunissent cependant pas les conditions de l'art. 434 CPP.

Le véhicule a été libéré et restitué au recourant après certes presque vingt mois passés à la fourrière. À défaut d'information, on peut supputer que la voiture a été, durant ce laps de temps, entreposée en ce lieu, sans avoir bénéficié d'un quelconque entretien. Ce délai apparaît long, surtout compte tenu – a posteriori – de l'issue de la mesure, et appelait quelques précautions pour conserver le bien. Cela étant, il convient de souligner, à titre liminaire, que le recourant a attendu environ dix mois avant de demander, pour la première fois, la restitution du véhicule. En outre, s'il a, par la suite, maintes fois sollicité la restitution du bien, il ne s'est jamais enquis des conditions d'entreposage de la voiture, ni n'a requis des mesures d'entretien particulières.

Ensuite, le devis du garage fait état d'un remplacement des quatre pneus. Cela ne suffit pas à établir que ceux-ci étaient "craquelés" lorsque la mesure de séquestre a été levée et la voiture restituée. Surtout que l'état des roues au moment de la saisie du véhicule (de même qu'après la première demande de restitution du recourant), qui avait été mis en circulation depuis dix ans environ et affichait plus de 100'000 km au compteur, demeure inconnu. Comme, en outre, le recourant n'a jamais démontré – ni même allégué – avoir équipé la voiture d'un jeu de pneus neuf avant la mesure, toute éventuelle altération des roues et de leurs composants ne saurait être considérée, avec certitude, comme consécutive à l'immobilisation du véhicule. Le lien de causalité entre le dommage et la mesure n'est ainsi pas établi.

Pour la climatisation et le changement des balais d'essuie-glace, il apparaît également tout à fait probable, vu l'ancienneté de la voiture et en l'absence de preuve contraire, que ces éléments étaient d'ores et déjà vétustes au moment de la saisie. D'autant que l'usure, en particulier des essuie-glaces, est naturelle, que le véhicule soit utilisé ou immobilisé. Leur changement est d'ailleurs courant lors des services d'entretien, de sorte que là encore, le lien de causalité ne peut pas être retenu.

Le dégonflement des pneus est inévitable en cas d'inutilisation prolongée, même s'ils sont neufs. Toutefois, le diagnostic et les réparations pour ce problème peuvent être aisément réalisés manuellement, sans l'intervention d'un spécialiste.

C'est donc à raison que le Ministère public a refusé d'indemniser le recourant pour tous ces postes.

En revanche, il est notoire que la batterie d'un véhicule automobile se décharge lorsqu'elle n'est pas utilisée pendant une certaine période. Dans un tel cas, il est nécessaire de la recharger, voire de la remplacer, pour pouvoir démarrer. Un examen global – et avisé – de l'état de la voiture, en particulier du moteur, apparaît également nécessaire avant de réutiliser une voiture restée longtemps immobilisée, ceci afin d'écarter tous risques mécaniques et sécuritaires.

À cet égard, le recourant explique avoir déjà dû remplacer la batterie et effectuer un "contrôle général" du véhicule, avant de pouvoir en reprendre possession et le garer ailleurs pour éviter tout nouveau frais. Les factures produites pour ces deux prestations, respectivement de CHF 792.15 et CHF 259.45, réglées le 5 août 2024, couvrent ainsi les seules dépenses établies et effectives du recourant, rendues nécessaires pour que sa voiture soit à nouveau en état de rouler après son immobilisation. À cela s'ajoutent encore les frais de la dépanneuse venue chercher le véhicule à la fourrière après la levée du séquestre pour l'amener au garage (CHF 150.-), qui paraissent indispensables, la batterie étant déchargée.

Au total, le recourant a ainsi démontré avoir subi un dommage de CHF 1'201.60 (CHF 792.15 + CHF 259.45 + CHF 150.-) découlant directement de la mesure de contrainte dont il a fait l'objet, que le Ministère public ne pouvait se dispenser d'indemniser.

4.             En définitive, le recours s'avère partiellement fondé. La décision déférée sera partiellement annulée en ce sens que le recourant doit se voir encore allouer CHF 1'201.60 (en sus des CHF 875.- déjà octroyés), à titre de juste compensation pour le dommage subi, en vertu de l'art. 434 CPP.

5.             Le recourant, qui n'obtient que partiellement gain de cause, supportera la moitié des frais de la procédure, fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP; art. 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03), soit CHF 500.-, le solde étant laissé à la charge de l'État.

6.             Le recourant sollicite le versement d'une juste compensation (CHF 6'547.50), fondée sur l'art. 434 CPP, eu égard à l'activité déployée par son conseil devant la Chambre de céans (14h33 d'activité, au tarif horaire de CHF 450.-).

6.1. De telles prétentions sont, en principe, réglées dans le cadre de la décision finale (art. 434 al. 2 1ère phr. CPP) mais, compte tenu du contexte particulier du recours (cf. consid. 1.3.2 supra), il fait sens de traiter ce point.

6.2. Eu égard à ses écritures, soit un recours de dix-neuf pages (page de garde et conclusions comprises) et une réplique de cinq pages, à l'absence de complexité de la cause et à l'issue du recours, le montant de CHF 6'547.50 réclamé paraît excessif. Il sera ramené à CHF 2'432.25, correspondant à 5h d'activité, au tarif horaire annoncé, TVA (8.1%) comprise.

7. Conformément à l'art. 442 al. 4 CPP, la créance de l'État fondée sur les frais de la procédure de recours sera compensée à due concurrence avec le montant alloué au recourant à titre d'indemnité.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Admet partiellement le recours.

Annule l'ordonnance querellée en tant qu'elle porte sur le refus de prendre en charge certains frais allégués en sus des CHF 875.- alloués.

Alloue à A______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 1'201.60 en vertu de l'art. 434 CPP.

Arrête les frais de la procédure de recours à CHF 1'000.-.

Condamne A______ à la moitié de ces frais, soit CHF 500.-, le solde étant laissé à la charge de l'État.

Alloue à A______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 2'432.25 (TVA 8.1% incluse) (art. 434 CPP).

Dit que les frais de la procédure de recours mis à la charge de A______ (CHF 500.-) sont compensés (art. 442 al. 4 CPP), à due concurrence, avec les indemnités dues à ce dernier (CHF 2'432.25).

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Valérie LAUBER, juges; Madame Séverine CONSTANS, greffière.

 

La greffière :

Séverine CONSTANS

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 


 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).

 

 

 

 

P/12003/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

915.00

Total

CHF

1000.00