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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/16409/2024

ACPR/723/2024 du 09.10.2024 sur ONMMP/3172/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;INFRACTIONS CONTRE LE DOMAINE SECRET;APPAREIL DE PRISE DE VUE ET/OU D'ENREGISTREMENT SONORE
Normes : CPP.310.al1.leta; CP.179quater.al1

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/16409/2024 ACPR/723/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 9 octobre 2024

 

Entre

A______, représenté par Me Romain JORDAN, avocat, MERKT & Associés, rue Général-Dufour 15, case postale, 1211 Genève 4,

recourant,

 

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 12 juillet 2024 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 25 juillet 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 12 précédent, notifiée le 15 suivant, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte contre B______ et C______.

Le recourant conclut, sous suite de dépens, chiffrés à CHF 3'405.15 TTC, à l'annulation de la décision attaquée et au renvoi de la cause au Ministère public pour l'ouverture d'une instruction des chefs de violation du domaine secret ou du domaine privé au moyen d'un appareil de prise de vues et/ou usurpation de fonctions et pour qu'il procède, à tout le moins, à une audience de confrontation.

b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 22 mai 2024, la police est intervenue, à proximité des écuries de D______, sises route 1______ no. ______, [code postal] E______ [GE], à la suite d'un conflit entre, d'une part, B______ et C______, qui y promenaient leurs chiens, et d'autre part, A______, propriétaire dudit manège.

B______ et C______ ont déposé plainte, le jour-même, contre A______, notamment pour avoir été violentées par le prénommé.

b. Le 3 juin 2024, A______ a, à son tour, déposé plainte contre B______ et C______ pour violation du domaine secret ou du domaine privé au moyen d'un appareil de prise de vues (art. 179quater CP).

Il a exposé que B______ avait filmé et photographié sa propriété privée à plusieurs reprises, notamment le 22 mai 2024. Il avait vu C______ faire de même, à plusieurs reprises, soit les 24 mai 2024 à 17h33, 26 mai 2024 à 12h01 et 1er juin 2024 à 9h25. À cette suite, il avait installé des haies autour de sa propriété pour protéger sa sphère privée. Cela n'avait toutefois pas empêché C______ de continuer à filmer. Par ailleurs, B______ lui avait dit avoir l'intention de transmettre ses images au Service de la consommation et des affaires vétérinaires (ci-après, SCAV), lequel l'avait mandatée pour agir ainsi.

c. Entendue par la police le 5 juin 2024, B______ a contesté les faits reprochés. Elle avait photographié le chien de A______, qui se trouvait, non attaché, sur la propriété de ce dernier, qui n'était pas totalement grillagée. En effet, ce chien causait de nombreux problèmes dans le quartier, au vu de son comportement agressif. Son but était de transmettre ce cliché à une amie dont le chien avait été agressé par ce canidé pour qu'elle puisse ensuite le transmettre aux autorités compétentes. Elle avait encore pris une photographie de l'animal le 3 mai 2024. Elle ignorait qu'elle n'avait pas le droit de photographier une propriété privée.

À l'appui de ses déclarations, elle a produit un cliché du chien de A______, sur la propriété de ce dernier, soit les écuries de D______, visibles, en partie, en arrière-plan de la photographie, ainsi que d'un homme sur un sentier de terre.

d. Auditionnée par la police le 20 juin 2024, C______ a contesté les faits reprochés. Elle n'avait ni filmé ni photographié la propriété et/ou le chien de A______. Elle tenait souvent son téléphone dans les mains et avait passé des appels vidéo à proximité de la propriété en question, ce qui avait pu prêter à confusion. Elle avait notamment été en appel vidéo avec sa mère, le 24 mai 2024, vers 17h30.

Elle a versé à la procédure un cliché de son propre chien, pris le 26 mai 2024, à 12h03.

e. Selon le rapport de police, A______ a contacté leurs services les 24 et 26 mai 2024 pour signaler la présence d'une personne qui filmait sa propriété. Cette personne n'a toutefois pas été identifiée.

f. Par ordonnance pénale du 12 juillet 2024, le Ministère public a reconnu A______ coupable de lésions corporelles simples (art. 123 CP), voies de fait (art. 126 CP) et soustraction d'une chose mobilière (art. 141 CP), en lien avec les plaintes déposées par B______ et C______.

A______ a formé opposition.

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public retient, s'agissant de C______, qu'au vu des déclarations contradictoires de cette dernière et de A______, il n'était pas possible de déterminer laquelle de leurs versions était à privilégier. Néanmoins, compte tenu des explications et du cliché produit par la prénommée, il n'était pas possible d'exclure que le plaignant avait, à tort, pensé qu'il était filmé par celle-ci.

Concernant B______, les photographies prises par celle-ci ne visaient "clairement" pas la propriété de A______ mais son chien, dans le but de dénoncer certains faits aux autorités compétentes. D'ailleurs, seule une partie de la propriété était visible sur la photographie, au demeurant depuis le domaine public, de sorte que le cliché ne retenait pas un fait ne pouvant être perçu sans autre par chacun ni relevant de la sphère secrète de A______.

Il était, par conséquent, décidé de ne pas entrer en matière sur la plainte (art. 310 al. 1 let. a CPP).

D. a. À l'appui de son recours, A______ reproche au Ministère public une violation de l'art. 310 al. 1 let. a CPP et du principe "in dubio pro duriore".

En premier lieu, une audience de confrontation était susceptible d'apporter des éléments de preuve objectifs et aurait dû être ordonnée. De plus, aucun élément du dossier ne permettait, à ce stade de la procédure, de dénier tout crédit à ses déclarations et de retenir la version la plus favorable aux mises en cause.

En second lieu, sa propriété, entourée par des barrières, n'était pas destinée à être visible par tous. Il était, dès lors, en droit de s'y sentir à l'abri des regards indiscrets. Le fait que B______ avait dû s'y reprendre à plusieurs reprises, tout en augmentant le zoom de ses photographies, afin d'obtenir le cliché voulu, démontrait bien que l'intérieur de sa propriété n'était pas destiné à être visible par tout un chacun. Les prévenues avaient agi intentionnellement, B______ ayant même prétendu avoir été mandatée par le SCAV pour ce faire – élément n'ayant lui aussi pas été instruit (cf. art. 287 CP) –. Il n'avait en aucun cas donné son accord pour être filmé ou photographié dans l'enceinte de sa propriété. Les éléments constitutifs de l'infraction à l'art. 179quater CP étaient ainsi bien réunis.

L'ordonnance querellée ne se justifiait donc pas.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

2. 2.1. En tant que le recourant reproche à B______, pour la première fois dans son recours, une infraction d'usurpation de fonction (art. 287 CP), laquelle n'a pas fait l'objet de l'instruction ni n'a été analysée dans l'ordonnance querellée, son recours est irrecevable, faute de décision préalable sujette à recours (art. 393 al. 1 let. a CPP).

2.2. Pour le surplus, le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

3. Le recourant reproche au Ministère public de ne pas avoir ouvert une instruction.

3.1. Le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis (art. 310 al. 1 let. a CPP).

Conformément à cette disposition, la non-entrée en matière est justifiée lorsque la situation est claire sur le plan factuel et juridique. Tel est le cas lorsque les faits visés ne sont manifestement pas punissables, faute, de manière certaine, de réaliser les éléments constitutifs d'une infraction, ou encore lorsque les conditions à l'ouverture de l'action pénale font clairement défaut. Au stade de la non-entrée en matière, on ne peut admettre que les éléments constitutifs d'une infraction ne sont manifestement pas réalisés que lorsqu'il n'existe pas de soupçon suffisant conduisant à considérer un comportement punissable ou lorsqu'un éventuel soupçon initial s'est entièrement dissipé. En revanche, si le rapport de police, la dénonciation ou les propres constatations du ministère public amènent à retenir l'existence d'un soupçon suffisant, il incombe en principe à ce dernier d'ouvrir une instruction (art. 309 al. 1 let. a CPP). Cela implique que les indices de la commission d'une infraction soient importants et de nature concrète, ce qui n'est pas le cas de rumeurs ou de suppositions. Le soupçon initial doit reposer sur une base factuelle plausible, laissant apparaître la possibilité concrète qu'une infraction ait été commise (ATF 141 IV 87 consid. 1.3.1). Dans le doute, lorsque les conditions d'une non-entrée en matière ne sont pas réalisées avec une certitude absolue, l'instruction doit être ouverte (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 ; ATF 138 IV 86 consid. 4.1 ; ATF 137 IV 219 consid. 7).

3.2. Selon l'art. 179quater al. 1 CP, quiconque, sans le consentement de la personne intéressée, observe avec un appareil de prise de vues ou fixe sur un porteur d'images un fait qui relève du domaine secret de cette personne ou un fait ne pouvant être perçu sans autre par chacun et qui relève du domaine privé de celle-ci, est, sur plainte, puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

3.2.1. Le caractère répréhensible de l'acte réprimé par l'art. 179quater CP consiste ainsi dans l'absence de consentement de la part des personnes qui sont, dans des faits relevant du domaine secret ou du domaine privé, observées à l'aide d'un appareil de prise de vue ou dont l'image est fixée sur un support (arrêt du Tribunal fédéral 6B_630/2017 du 16 février 2018 consid. 1.2.1).

3.2.2. Est un fait au sens de cette disposition tout ce qui existe et qui est observable, peu importe qu'il soit ou non compromettant. Les faits sont des évènements ou des situations actuels ou passés perceptibles de quelque manière que ce soit et qui sont en relation avec la sphère privée protégée (M. NIGGLI / H. WIPRÄCHTIGER, Basler Kommentar Strafrecht II : Art. 137-392 StGB, Jugendstrafgesetz, 4ème éd., Bâle 2019, n. 7 ad art. 179quater). Il faut entendre par fait ce qui se produit réellement et peut être observé au moins en théorie (ATF 118 IV 41, JdT 1994 IV 79).

3.2.3. Le domaine protégé par cette disposition ne comprend pas seulement les évènements se déroulant dans une maison, mais également ce qui se passe dans les environs immédiats, qui sont considérés et reconnus sans autre par les occupants et par les tiers comme faisant encore pratiquement partie de l'espace appartenant à la maison (ATF 118 IV 41 consid. 4). La licéité du comportement dépend toutefois essentiellement de la question de savoir si le lieu était publiquement observable par tout un chacun (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), Commentaire romand, Code pénal II, vol. II, Partie spéciale : art. 111-392 CP, Bâle 2017, n. 7 ad art. 179quater).

3.2.4. En particulier, le Tribunal fédéral a jugé que les activités quotidiennes d'une personne sur son balcon, que chacun pouvait observer sans difficulté depuis la rue, n'étaient pas couvertes par l'article 179quater CP (ATF 137 I 327 consid. 6.1 et 6.2).

3.3. En l'espèce, la mise en cause C______ soutient n'avoir en aucun cas filmé ou photographié la propriété du plaignant. Les soupçons contraires du recourant à cet égard ou le fait que la mise en cause se serait déjà rendue à proximité du manège ne sont pas des éléments suffisants pour fonder une prévention pénale contre elle.

De surcroît, elle a expliqué fréquemment tenir son téléphone dans les mains et avoir passé des appels vidéos à proximité du manège du recourant, notamment le 24 mai 2024, vers 17h30, soit alors que celui-ci affirme l'avoir vue filmer ou photographier sa propriété. Elle a également versé au dossier une photographie de son chien, prise le 26 mai 2024, à 12h03, soit au même moment que le plaignant déclare l'avoir observée en train de filmer ou photographier son manège. Ces éléments objectifs corroborent ainsi les propos de la prévenue, de sorte qu'il ne semble guère possible d'exclure que le plaignant ait pu, à tort, penser qu'il avait été photographié ou filmé par celle-ci.

Partant, la décision querellée ne prête pas le flanc à la critique sur ce point.

La mise en cause B______, quant à elle, a pris la photographie litigieuse depuis un chemin, accessible à tous, ce que le recourant ne conteste pas. Ce cliché, pris depuis le téléphone portable de l'intéressée, montre au premier plan un chien, derrière une barrière blanche, partiellement grillagée, et en arrière-plan, partiellement visible, un bâtiment rouge comportant plusieurs fenêtres, qui laisse penser à des écuries, l'intérieur du bâtiment n'étant pas visible. Il appert dès lors que chacun pouvait observer ce fait, sans difficulté, depuis le domaine public, ce d'autant qu'un manège est un lieu ouvert et accessible, à tout le moins, à ses membres (cf., en ce sens ACPR/334/2020 du 19 mai 2020 consid. 3.8 in fine).

Le recourant argue toutefois que la prévenue aurait excessivement "zoomé" pour obtenir cette image. Or, aucun élément du dossier ne vient étayer ses dires, en particulier pas les constatations policières qui ne font état d'aucun élément en ce sens.

Dans ces circonstances, la scène observée ne revêt pas de caractère spécialement personnel ni n'a de rapport étroit avec la sphère privée du recourant, de sorte que c'est à bon droit que le Ministère public a retenu que les éléments constitutifs de l'infraction à l'art. 179quater CP n'étaient pas réunis.

Au surplus, aucune mesure d'instruction ne paraît propre à modifier les constats qui précèdent. En particulier, une audience de confrontation – telle que requise par le recourant – apparait inutile, dès lors que les parties persisteraient assurément dans leurs allégués.

4. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

5. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

6. Corrélativement, aucune indemnité valant participation équitable aux honoraires de son avocat ne sera allouée au recourant (art. 436 al. 2 CPP a contrario).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours dans la mesure de sa recevabilité.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, à A______, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Valérie LAUBER et
Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Xavier VALDES TOP, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES TOP

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/16409/2024

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

915.00

Total

CHF

1'000.00