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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/5524/2024

ACPR/713/2024 du 04.10.2024 ( TMI ) , REJETE

Descripteurs : PROCÉDURE PÉNALE DES MINEURS;VIOL;CONTRAINTE SEXUELLE;ADOLESCENT
Normes : CPP.310; CP.189; CP.190; CPP.118; PPMin.18; PPMin.3

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/5524/2024 ACPR/713/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 4 octobre 2024

 

Entre

A______, représentée par ses parents B______ et C______, tous domiciliés ______, agissant en personnes,

recourante,

 

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 13 mai 2024 par le Juge de mineurs,

et

LE JUGE DES MINEURS, rue des Chaudronniers 7, 1204 Genève - case postale 3686, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 23 mai 2024, A______, agissant par l'entremise de ses représentants légaux, recourt contre l'ordonnance de non-entrée en matière du 13 mai 2024, notifiée le lendemain à son père, par laquelle le Juge des mineurs a refusé d'entrer en matière sur les faits dénoncés par un tiers selon lesquels A______ aurait été victime de violences sexuelles commises par le mineur D______.

La recourante conclut au renvoi de la cause au Juge des mineurs afin qu'il poursuive l'instruction.

b. La recourante a été dispensée de verser des sûretés.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Les 9 et 14 novembre 2023, la doyenne du Cycle d'orientation - Collège E______ à Genève a signalé à la Brigade des mineurs et au Tribunal de protection de l'Adulte et de l'Enfant la situation d'une élève, A______, née le ______ 2008. Celle-ci consommait dix joints par jour, entraînée dans sa consommation par son amie F______ et financée par ses parents, qui craignaient qu'elle ne se procure l'argent nécessaire en volant ou en se prostituant. Le 25 octobre précédent, la jeune fille avait été victime d'une agression : elle avait été contrainte à un acte sexuel par un jeune homme qui avait profité de sa détresse. A______ en avait parlé à son père, puis était allée effectuer un test de grossesse. L'école en avait eu connaissance par un échange de messages figurant sur les téléphones appartenant à des élèves.

b. Nantie de ces éléments, la police a rendu un rapport le 13 février 2024.

Le jeune homme mis en cause avait été identifié comme étant D______ né le ______ 2007.

b.a. A______ a été entendue et filmée lors de son audition selon le protocole applicable. Il ressort des propos de la jeune fille les éléments essentiels suivants.

Le jour des faits, souhaitant se rendre en France chez son amie F______, elle avait accepté la proposition de D______ – l'un de ses amis qui avait essayé par le passé de l'embrasser, mais qu'elle avait repoussé, et dont elle a refusé de prononcer le nom durant l'audition –, d'utiliser son scooter pour la transporter à cet endroit. Ils s'étaient rencontrés le matin et promenés en deux-roues, avant de se rendre ensuite chez lui, au G______ [GE], de s'installer tous les deux sur son lit, de fumer une "puff" et d'utiliser leurs téléphones. Ils étaient seuls dans l'appartement, mise à part la petite sœur du prénommé qui dormait dans une chambre adjacente. Après un moment, il avait manifesté son envie d'entretenir un rapport sexuel, lui touchant la poitrine et les fesses et essayant de l'embrasser. Il s'était montré insistant pendant une heure, alors qu'elle manifestait son opposition. Il s'était mis sur elle, puis elle s'était levée et était ensuite retournée auprès de lui. Elle s'était retournée sur le ventre pour, selon elle, exprimer son refus. Puis, comme il se montrait tellement insistant, elle l'avait "laissé faire" se disant "vas-y, j'm'en fous", ayant "trop la flemme" de lui dire non, bien qu'elle fût alors vierge. Il lui avait enlevé son short, malgré qu'elle lui avait dit non. Comme elle craignait de tomber enceinte, il lui avait promis qu'il se retirerait avant d'éjaculer. Pendant l'acte, elle avait regardé le plafond, les rideaux – sur lesquels il était écrit London (sic), la fenêtre et les volets, essayant de se concentrer sur "un truc qui allait [la] distraire". Une fois qu'il eût "fini" (selon elle, il n'avait pas éjaculé), elle avait ressenti une douleur aux organes génitaux, puis s'était habillée ; il lui avait demandé de sortir silencieusement, pendant que la petite sœur se rendait aux toilettes. Il l'avait accompagnée jusqu'à la douane, mais avait refusé d'aller plus loin. Elle avait ensuite marché pour se rendre chez son amie, une dame inconnue la transportant dans sa voiture pour la dernière partie du trajet. Elle avait dormi sur place. Ses parents étaient venus la chercher le lendemain. Le troisième jour après les faits, elle avait pris une pilule du lendemain au planning familial et convenu d'un rendez-vous pour un test de grossesse. Elle a refusé de donner le nom de son agresseur, qui était selon elle connu pour avoir ce genre de comportements. Elle ne voulait pas lui créer des problèmes, car elle se considérait fautive d'être allée chez lui, et ne souhaitait pas déposer plainte. Invitée à décrire la chambre, elle a précisé qu'il possédait une photo de sa mère et de lui-même, mais pas d'ordinateur, ni de "H______" [console de jeux], alors qu'elle savait qu'il possédait ces appareils.

b.b. Le père de A______, B______, a été entendu par la police. Il a déclaré que sa fille allait mal, ne se rendait pas à ses cours et faisait des "bêtises". En octobre 2023, il avait remarqué qu'elle se touchait le ventre de manière répétée et se le massait. Il lui avait demandé pourquoi et elle avait répondu espérer ne pas être enceinte, car elle avait été violée quelques jours auparavant par un garçon de sa connaissance. Il avait compris qu'elle avait voulu rejoindre celui-ci pour fumer du "shit" et qu'elle n'avait pas pu se défendre. Elle avait refusé de donner plus de détails, puis de retourner en cours. Quand elle y était allée, elle avait fugué. Un soir, elle avait vomi après une ingestion de médicaments en grande quantité ; elle avait ensuite essayé de se couper les veines. Elle expliquait ses gestes par "ses problèmes". Elle s'était déjà scarifiée par le passé, c'est-à-dire avant le viol. Il avait découvert qui en était l'auteur par des camarades de classe de sa fille.

b.c. Entendu à son tour par la police, D______, accompagné par sa mère, a admis connaître A______. Il a contesté avoir eu une relation sexuelle avec elle : il la connaissait par une amie commune, F______. Ils ne se voyaient qu'à l'extérieur, puis, en novembre 2023, elle avait coupé tout contact avec lui. Elle n'était jamais venue chez lui : il ne recevait ses petites amies que lorsque sa mère était présente. Il avait bien acheté un scooter en octobre 2023, mais ne l'avait jamais utilisé, car il avait raté l'examen théorique. Il a décrit sa chambre comme contenant un lit, une armoire pleine de vêtements, des photos de sa mère et de lui-même, ainsi qu'un autocollant avec son prénom sur l'un des murs. Le policier l'interrogeant a déclaré : "A______ nous a également décrit ta chambre en expliquant que tu avais un pc, une H______ et elle nous a surtout expliqué avoir remarqué une inscription "London" contre un mur avec plein d'images. Qu'as-tu à dire à ce sujet ?". Il a répondu qu'elle mentait, car il n'avait pas de "H______" et aucune inscription sur le mur à part son prénom. Le policier a poursuivi en déclarant : "Elle nous a également déclaré que vous avez fumé, sous-entendu, du shit. Qu'as-tu à dire à ce sujet ?" Il a contesté : il savait qu'elle fumait du "shit" avec F______, mais il n'y avait jamais touché. Confronté à une image des rideaux de sa chambre, qui comportent l'inscription "London", il a maintenu que A______ n'était jamais venue chez lui, mais que F______ avait probablement décrit sa chambre à la prénommée.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Juge des mineurs retient que A______ avait accepté la relation sexuelle avec le mis en cause, vu l'insistance de celui-ci. Elle ne lui reprochait pas d'avoir usé de menace ou de violence pour la contraindre en brisant sa résistance. Même si elle n'était pas d'accord d'entretenir des relations sexuelles, la contrainte n'était pas suffisamment caractérisée pour être pénalement relevante.

D. a. Les écritures de recours consistent en trois documents distincts.

Le premier émane des parents de A______ et est signé par l'un d'eux uniquement, la signature étant illisible. Ils soulignent les difficultés que leur fille avait eu à parler du viol dont elle avait été victime. Il existait, en possession de la doyenne du Cycle d'orientation, des messages d'amies de leur fille qui confirmaient que le mis en cause était un "forceur" et que leur fille allait mal. Ils ont joint en annexe une photographie d'un téléphone portable sur lequel apparaît un échange de messages entre une certaine F______ et le propriétaire du téléphone, dans lequel est évoqué le viol, la situation difficile de A______ et D______, sans patronyme, comme "le plus gros des forceurs". Il existait aussi une vidéo dans laquelle on voyait A______ et D______ sur le scooter de celui-ci, mais qui n'avait jamais été produite. Ils se sont référés au témoignage écrit qui va être résumé ci-après. En conclusion, ils soutiennent que la contrainte était suffisamment présente, au vu du fait qu'il s'agissait du premier rapport sexuel de leur fille, ainsi que de la tentative de suicide survenue le 15 novembre 2023. Le nouveau droit redéfinissant le viol, et entré en vigueur en 2024, devait être appliqué.

Le deuxième document est au nom de A______ et daté du 21 mai 2024, mais n'est pas signé. Elle s'était sentie comme paralysée lorsque D______ lui avait enlevé son short. Elle était déconnectée durant l'acte. Elle ne sortait plus de chez elle, restait dans son lit et avait peur de sortir.

Le troisième document consiste en un "témoignage" émanant prétendument de F______, qui n'est ni daté, ni signé. L'auteur écrit connaître les deux protagonistes et avoir vécu une expérience similaire à celle de A______ avec D______. Le 18 septembre 2023, celui-ci l'avait conduite chez lui, où ils étaient seuls. Elle avait mangé avec lui, puis accepté sa proposition de dormir sur place. Elle n'avait pas osé refuser de dormir dans sa chambre. Elle s'était installée dans le lit superposé du haut, mais il lui avait fait comprendre qu'elle devait dormir dans son lit, en bas. Il avait commencé à lui palper la poitrine et à l'embrasser, malgré qu'elle lui dît que cela la gênait. Il avait insisté jusqu'à ce qu'elle accepte d'avoir un rapport sexuel, se sentant contrainte et acceptant seulement pour mettre fin à la situation. Comme il était tard, elle ne disposait pas d'un autre choix. Elle avait malgré tout gardé contact avec lui, préférant croire à un "malentendu". Lorsqu'il avait rencontré A______, en sa présence, il n'avait eu de cesse de faire des allusions sexuelles grossières à la prénommée. Le jour de son agression, A______ lui avait tout raconté et apparaissait vide et épuisée, pleurant sans cesse. Elle lui avait conseillé de porter plainte, ce que A______ avait refusé, et l'avait accompagnée au planning familial.

b. Le Juge des mineurs rappelle que ni la mineure, ni le père de celle-ci n'avaient souhaité déposer plainte pénale. Il s'est référé pour le surplus à son ordonnance.

c. Les recourants n'ont pas répliqué.

EN DROIT :

1. 1.1. Le recours a été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 390 al. 2 CPP cum 3 al. 1 et 39 al. 1 PPMin) et concerne une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 3 al. 1, 7 al. 1 let. c et 39 al. 1 et 3 PPMin cum 128 al. 2 LOJ).

Reste à examiner s'il émane d'une partie à la procédure ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

1.2. La partie plaignante est de plein droit partie à la procédure (art. 18 let. c PPMin).

Revêt la qualité de partie, le lésé qui déclare expressément vouloir participer à la procédure comme demandeur au civil ou au pénal (art. 104 al. 1 let. b et 118 al. 1 CPP). Selon l'art. 118 al. 1 CPP, on entend par partie plaignante (art. 104 al. 1 let. b CPP) le lésé qui déclare expressément vouloir participer à la procédure pénale. La déclaration doit être faite devant une autorité de poursuite pénale avant la clôture de la procédure préliminaire (art. 118 al. 3 CPP). Si le lésé n'a pas fait spontanément de déclaration, le ministère public attire son attention dès l'ouverture de la procédure préliminaire sur son droit d'en faire une (art. 118 al. 4 CPP). Cette règle s'applique à la procédure pénale des mineurs (art. 3 al. 1 PPMin).

Le CPP n'envisage pas la sanction d'une omission par le ministère public – ou par le juge des mineurs – de son obligation d'informer la partie plaignante. Il convient de faire application du principe de la bonne foi et d'admettre que le lésé n'a pas à pâtir d'une telle omission, pour autant cependant qu'on ne puisse lui reprocher d'avoir omis d'agir en temps utile en dépit de l'inaction du ministère public (ainsi, le lésé représenté par un avocat ne pourra pas se prévaloir de sa bonne foi). Le cas échéant, la "sanction" consistera à faire en sorte que l'attention du lésé soit finalement attirée sur ce point et que la possibilité lui soit alors donnée de se constituer partie plaignante, même postérieurement à la clôture de la procédure préliminaire. Cette réparation au profit du lésé de bonne foi ne saurait aller au-delà de ses droits procéduraux : l'inobservation d'un délai de droit matériel (par exemple la prescription) compromet irrémédiablement la situation juridique du lésé. On doit toutefois admettre au titre d'exception à ce qui précède que le lésé puisse se constituer partie plaignante à l'occasion d'un recours dirigé contre la décision mettant un terme à la procédure préliminaire lorsque ce dernier n'a pas eu la possibilité de se constituer partie plaignante antérieurement, ce qui pourra être le cas – outre la violation par le ministère public de son obligation d'informer – lorsque l'autorité d'instruction rend d'entrée de cause une ordonnance de non-entrée en matière. Dès lors, ce n'est qu'en cas d'abus manifeste et de violation grave du principe de la bonne foi que l'autorité d'instruction devra s'interdire de rouvrir la procédure sur la base d'éléments provenant de la partie plaignante ou de la victime non partie plaignante, les deux situations étant d'ailleurs différentes puisque la partie plaignante a manifesté sa volonté de participer à la procédure alors que la victime non-partie plaignante s'en est abstenue jusqu'au moment où elle change d'avis. Dans les deux cas, toutefois, il y a un changement d'attitude qui ne doit pas heurter brutalement le principe de la bonne foi (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand du Code de procédure pénale, 2ème éd. Bâle 2019, n. 22 ad art. 323).

La notion de lésé est définie à l'art. 115 CPP. Il s'agit de toute personne dont les droits ont été touchés directement par une infraction (art. 115 al. 1 CPP), c'est-à-dire le titulaire du bien juridique protégé par la disposition pénale qui a été enfreinte (arrêt du Tribunal fédéral 7B_11/2023 du 27 septembre 2023 consid. 3.2.1). Sont également considérées comme des lésés les personnes qui ont qualité pour déposer plainte pénale (art. 115 al. 2 CPP).

À teneur de l'art. 30 al. 1 CP, si une infraction n'est punie que sur plainte, toute personne lésée peut porter plainte contre l'auteur. Si le lésé n'a pas l'exercice des droits civils, le droit de porter plainte appartient à son représentant légal (art. 30 al. 2 1ère phr. CP).

Le représentant légal d'un mineur au sens de l'art. 30 al. 2 1ère phr. CP est le parent détenteur de l'autorité parentale (art. 304 al. 1 CC ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_323/2009 du 14 juillet 2009 consid. 3.1.2 ; M. NIGGLI / H. WIPRÄCHTIGER, Basler Kommentar Strafrecht, 4ème éd., Bâle 2019, n. 32 ad art. 30 CP ; K. AFFOLTER / U. VOGEL, Berner Kommentar Die Wirkungen des Kindes-verhältnisses : elterliche Sorge / Kindesschutz / Kindesvermögen, Berne, 2016, n. 41 ad 304 CC).

L'art. 116 al. 2 CPP confère aux proches de la victime – soit notamment au père et à la mère de la personne lésée qui, du fait d'une infraction, a subi une atteinte directe à son intégrité physique, psychique ou sexuelle (art. 116 al. 1 CPP et 110 al. 1 CP) – un statut de victime indirecte. Le droit du proche de se constituer personnellement partie plaignante implique, ce que confirme la combinaison des art. 117 al. 3 et 122 al. 2 CPP, qu'il fasse valoir des prétentions civiles propres dans la procédure pénale (ATF 139 IV 89 consid. 2.2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1105/2016 du 14 juin 2017 consid. 2.1 et 2.2 ainsi que les références citées). Dites prétentions doivent apparaître fondées, sous l'angle de la vraisemblance (ATF 139 IV 89 précité). La jurisprudence est restrictive quant à l'allocation d'une indemnité pour tort moral (art. 49 CO) aux parents d'un enfant lésé, exigeant qu'ils soient touchés avec la même intensité qu'en cas de décès de ce dernier (ATF 139 IV 89 précité consid 2.4; ATF 125 III 412 consid. 2a).

1.3. En l'espèce, le recours est composé de plusieurs documents, dont l'un signé par les parents de la recourante et l'autre établi au nom de la recourante elle-même, mais non signé. Il convient donc de déterminer si le recours a été déposé par une partie légitimée à le faire.

Aucune des personnes susmentionnées n'a déposé plainte pénale, ni exprimé sa volonté de participer à la procédure comme demandeur au pénal ou au civil. Cela étant, il ne ressort pas du dossier que l'autorité précédente aurait attiré leur attention sur ce point avant de rendre la décision litigieuse. Les intéressés, qui comparaissent en personne, ne doivent donc pas subir de préjudice faute d'avoir plus tôt manifesté leur volonté de participer à la procédure. Il s'ensuit qu'il est admissible d'interpréter le recours lui-même comme l'expression d'une telle volonté.

Reste à déterminer qui, des parents ou de leur fille, est partie plaignante et donc habilité, en qualité de partie, à recourir. L'interprétation des actes de recours, dont il faut rappeler qu'ils émanent de personnes qui ne sont pas assistées d'un avocat, ne permet pas de retenir que les parents auraient souhaité se constituer eux-mêmes partie plaignante au titre de proches de la victime d'une infraction à l'intégrité sexuelle. Il apparaît au contraire qu'ils souhaitent, en tant que représentants légaux de la mineure lésée directement par l'infraction, faire valoir les intérêts de leur fille.

À cette aune, le recours de A______, représentée par ses parents, est recevable. Peu importe dès lors que le recours interjeté par la prénommée en personne ne soit pas dûment signé. Par souci de clarté, A______ sera désignée ci-après comme la recourante.

2. 2.1. À teneur des art. 310 al. 1 CPP cum 3 al. 1 PPMin, une ordonnance de non-entrée en matière est immédiatement rendue s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs d'une infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis (let. a) ou qu'il existe des empêchements de procéder (let. b).

2.2. Des motifs de fait peuvent justifier la non-entrée en matière. Il s'agit des cas où la preuve d'une infraction, soit de la réalisation en fait de ses éléments constitutifs, n'est pas apportée par les pièces dont dispose le ministère public. Il faut que l'insuffisance de charges soit manifeste. De plus, le Procureur doit examiner si une enquête, sous une forme ou sous une autre, serait en mesure d'apporter des éléments susceptibles de renforcer les charges contre la personne visée. Ce n'est que si aucun acte d'enquête ne paraît pouvoir amener des éléments susceptibles de renforcer les charges contre la personne visée que le ministère public peut rendre une ordonnance de non-entrée en matière. En cas de doute sur la possibilité d'apporter ultérieurement la preuve des faits en question, la non-entrée en matière est exclue (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 9 ad art. 310).

2.3. Selon l'art. 190 CP, qui réprime le viol, dans sa teneur en vigueur depuis le 1er juillet 2024, quiconque, contre la volonté d'une personne, commet sur elle ou lui fait commettre l'acte sexuel ou un acte analogue qui implique une pénétration du corps ou profite à cette fin d'un état de sidération d'une personne, est puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus (al. 1). Selon l'al. 2 de cette disposition, quiconque, notamment en usant de menace ou de violence à l'égard d'une personne, en exerçant sur elle des pressions d'ordre psychique ou en la mettant hors d'état de résister, la contraint à commettre ou à subir l'acte sexuel ou un acte analogue qui implique une pénétration du corps, est puni d'une peine privative de liberté d'un à dix ans.

La teneur de l'art. 190 al. 1 aCP en vigueur en 2023 était : "Celui qui, notamment en usant de menace ou de violence, en exerçant sur sa victime des pressions d'ordre psychique ou en la mettant hors d'état de résister, aura contraint une personne de sexe féminin à subir l'acte sexuel, sera puni d'une peine privative de liberté de un à dix ans".

L'art. 190 aCP tendait à protéger la libre détermination en matière sexuelle (ATF 131 IV 167 consid. 3 ; 122 IV 97 consid. 2b), en réprimant l'usage de la contrainte aux fins d'amener une personne de sexe féminin à subir l'acte sexuel, par lequel on entendait l'union naturelle des parties génitales d'un homme et d'une femme. Pour qu'il y eût contrainte en matière sexuelle, il fallait que la victime ne fût pas consentante, que l'auteur le sût ou acceptât cette éventualité et qu'il passât outre en profitant de la situation ou en utilisant un moyen efficace (ATF 122 IV 97 consid. 2b). L'art. 190 CP ne protégeait des atteintes à la libre détermination en matière sexuelle que pour autant que l'auteur ait surmonté ou déjoué la résistance que l'on pouvait raisonnablement attendre de la victime (ATF 148 IV 234 consid. 3.3 ; 133 IV 49 consid. 4 et l'arrêt cité).

Le viol et la contrainte sexuelle supposaient ainsi l'emploi d'un moyen de contrainte. Il s'agissait notamment de l'usage de la violence. La violence désigne l'emploi volontaire de la force physique sur la personne de la victime dans le but de la faire céder (ATF 122 IV 97 consid. 2b). Il n'était pas nécessaire que la victime fût mise hors d'état de résister ou que l'auteur la maltraitât physiquement. Une certaine intensité était néanmoins requise. La violence supposait non pas n'importe quel emploi de la force physique, mais une application de cette force plus intense que ne l'exigait l'accomplissement de l'acte dans les circonstances ordinaires de la vie. Selon le degré de résistance de la victime ou encore en raison de la surprise ou de l'effroi qu'elle ressentait, un effort simplement inhabituel de l'auteur pouvait la contraindre à se soumettre contre son gré (ATF 87 IV 66 consid. 1). Selon les circonstances, un déploiement de force relativement faible pouvait suffire. Ainsi, pouvait déjà suffire le fait de maintenir la victime avec la force de son corps, de la renverser à terre, de lui arracher ses habits ou de lui tordre un bras derrière le dos (ATF 148 IV 234 consid.3.3).

En introduisant par ailleurs la notion de "pressions psychiques", le législateur avait voulu viser les cas où la victime se trouvait dans une situation sans espoir, sans pour autant que l'auteur eût recouru à la force physique ou à la violence. Les pressions d'ordre psychique concernaient les cas où l'auteur provoquait chez la victime des effets d'ordre psychique, tels que la surprise, la frayeur ou le sentiment d'une situation sans espoir, propres à la faire céder (ATF 128 IV 106 consid. 3a/bb ; ATF 122 IV 97 consid. 2b). En cas de pressions d'ordre psychique, il n'était pas nécessaire que la victime eût été mise hors d'état de résister (ATF 124 IV 154 consid. 3b). La pression psychique générée par l'auteur et son effet sur la victime devaient néanmoins atteindre une intensité particulière (ATF 131 IV 167 consid. 3.1 et les références citées). Pour déterminer si l'on se trouvait en présence d'une contrainte sexuelle, il fallait procéder à une appréciation globale des circonstances concrètes déterminantes (ATF 148 IV 234 consid. 3.3 ; 131 IV 107 consid. 2.2).

Selon le nouveau droit – par le truchement de l'art. 190 al. 1 CP –, la notion de "contrainte" est abandonnée dans la définition du viol, ce qui implique une extension considérable du champ d'application de l'art. 190 CP. Cette modification relevait de la compétence du législateur, en vertu du principe de la légalité (C. PERRIER DEPEURSINGE / J. ARNAL, Révision du viol en droit suisse, in RPS 142/2024 p. 21 et suivantes, p. 26 ; M. MAZOU / F. BURGENER, La pratique judiciaire du Tribunal fédéral en 2021 et 2022 en matière de droit pénal matériel, JdT 2023 IV p. 327 et suivantes, p. 340).

2.4. En vertu du principe de la lex mitior, les faits doivent être appréciés à l'aune de l'ancien droit en vigueur à l'époque. Quoi qu'en dise la recourante, il ne peut être donné un effet rétroactif à la novelle entrée en vigueur en juillet 2024, ce alors que les faits se sont déroulés en octobre 2023.

En l'espèce, il ne peut être retenu comme déterminant pour la poursuite des faits l'absence de plainte pénale formée par la recourante ou par ses représentants légaux, l'infraction à l'art. 190 CP étant poursuivie d'office.

Les faits dénoncés se sont déroulés en l'absence de témoins. Il n'existe aucun élément objectif, tels des constats médicaux, permettant de renforcer l'une des versions des protagonistes plutôt que l'autre. Sur ce point, la recourante a à plusieurs reprises promis de fournir certaines preuves (par exemple, une vidéo où elle se trouvait sur le scooter du mis en cause), mais elle ne les a jamais produites, si tant est qu'elles existent. Les extraits de messages versés à la procédure et cités ne sont que des indices indirects des faits dénoncés, qui ne peuvent qu'être appréciés comme tels. Enfin, l'attestation non datée et non signée de F______, qui n'a d'ailleurs pas assisté aux faits dénoncés, est sans pertinence.

La version du mis en cause selon laquelle la recourante ne serait jamais allée chez elle est mise à mal par le fait que cette dernière a décrit sa chambre qui comprenait une photographie où il posait avec sa mère, des rideaux portant l'inscription "London" et l'absence d'une console de jeux vidéo, qu'il a confirmée. La mécompréhension de certains propos de la recourante par les policiers qui ont cru que, selon celle-ci, l'inscription "London" était sur le mur (non sur les rideaux), que le mis en cause possédait une console de jeux vidéo dans sa chambre (alors que tel n'était pas le cas) et qu'ils avaient fumé du "shit" ensemble (alors qu'il s'agissait d'une "puff"), complique l'interprétation des propos du mis en cause. Ces complications sont néanmoins sans importance au vu de ce qui suit.

En effet, même à suivre la description des faits de la recourante, il ne saurait être retenu qu'une infraction pénale ait pu être commise contre elle. S'étant rendue librement au domicile du mis en cause, puis installée, toujours librement, dans le lit de ce dernier, à ses côtés, elle y est demeurée lorsque le prévenu a clairement manifesté son intention d'entretenir un rapport sexuel avec elle. Bien qu'il insistât avec lourdeur, elle est restée sur place, n'exprimant pas avoir ressenti de la peur ou une menace quelconque de la part de l'intéressé. Elle s'est levée à un moment donné, après que le mis en cause s'était couché sur elle et alors qu'elle exprimait son refus d'entretenir un rapport sexuel, pour revenir immédiatement après à sa position initiale auprès de lui. Elle n'a évoqué aucun élément qui l'aurait empêchée de quitter l'appartement et de rentrer chez elle, les faits s'étant déroulés dans la matinée, en pleine ville. Elle s'est retournée sur le ventre pour manifester, selon elle, son refus, mais devant l'insistance du mis en cause elle lui aurait finalement cédé par paresse, comme elle l'a exprimé en ces termes. Il lui a retiré son short, malgré son refus verbal, mais sans qu'elle ne manifeste physiquement d'opposition, ni lui de violence. Les deux jeunes gens auraient alors convenu de certaines modalités de l'acte – soit que le mis en cause n'éjaculerait pas en elle –, puis il l'aurait pénétrée, sans éjaculer. Elle a certes clairement exprimé lors de son audition n'avoir pas ressenti l'acte comme un moment plaisant, évoquant même le besoin de se distraire, mais, sur le moment, elle s'est montrée totalement passive en ne tentant pas d'interrompre le mis en cause. Puis, tous deux ont quitté l'appartement.

Ainsi, aucune contrainte caractérisée par de la violence ni des pressions psychiques n'ont été exercées. La lourde insistance du mis en cause n'y correspond pas. En effet, il n'est pas allégué que le mis en cause se serait montré violent, menaçant ou tentant de restreindre de toute autre manière la capacité de résistance de la recourante. Il n'a ni agi par surprise, ni en l'effrayant, ni fait en sorte que la situation lui apparaisse désespérée, de sorte que l'existence de pressions psychiques est exclue. Même si la recourante n'avait pas envie d'actes de cette nature et avait, selon ses dires, commencé par manifester son refus, elle a finalement "laissé faire" le mis en cause. Qu'elle ait cédé par lassitude – le mis en cause n'ayant quant à lui jamais usé de violence, mais, à teneur des déclarations de la recourante, été insistant – ne change rien au fait qu'elle n'a pas opposé de résistance, alors qu'il demeurait toujours possible, sans dommage et sans difficultés particulières, de refuser de manière reconnaissable, voire de s'en aller. L'acte litigieux n'a ainsi pas été obtenu par la contrainte.

Quant à l'existence d'un état de détresse de la recourante, lié à sa situation personnelle et à sa consommation de stupéfiants, il n'est ni établi, ni évoqué par elle, ni non plus soutenu que le mis en cause en aurait eu connaissance et en aurait abusé.

Il découle de ce qui précède que la contrainte fait défaut et que, par conséquence, l'infraction de viol ne peut être retenue.

3. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

4. La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 500.- (art. 428 al. 1 CPP cum 44 al. 2 PPMin et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, fixés en totalité à CHF 500.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, à A______, soit pour elle ses parents, et au Juge des mineurs.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, juges; Madame Séverine CONSTANS, greffière.

 

La greffière :

Séverine CONSTANS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/5524/2024

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

415.00

Total

CHF

500.00