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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/19785/2022

ACPR/659/2024 du 10.09.2024 sur OMP/15370/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : PERSONNE PROCHE;FRÈRES ET SOEURS
Normes : CPP.116.al1; CPP.116.al2; CPP.118.al1

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/19785/2022 ACPR/659/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 10 septembre 2024

 

Entre

A______, représenté par Me B______, avocate,

recourant,

 

contre l'ordonnance de refus du statut de partie plaignante rendue par le Ministère public le 19 juillet 2024,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.

 

 


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 9 août 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 19 juillet 2024, notifiée le 30 suivant, par laquelle le Ministère public lui a refusé le statut de partie plaignante.

Le recourant conclut à ce que soit constatée une violation de ses droits de partie plaignante, à l'annulation de ladite ordonnance et à ce qu'il soit ordonné au Ministère public de rendre des décisions lui reconnaissant la qualité de partie plaignante ainsi que lui accordant l'assistance juridique et nommant Me B______ à cet effet, avec effet rétroactif au 25 novembre 2022; subsidiairement lui reconnaissant la qualité de partie plaignante et lui accordant l'assistance juridique. Les frais de recours devaient être mis à la charge de l'État et un montant de CHF 1'200.- lui être alloué pour sa défense pour la procédure de recours.

b. Le recourant, eu égard au rapport du service de l'assistance juridique du 21 août 2024, a été dispensé de verser des sûretés (art. 383 al. 1 CPP).

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. C______, né le ______ 1987, ressortissant tunisien, domicilié en France, est décédé le ______ 2022, alors qu'il était incarcéré à la prison de D______, en cellule d'isolement.

Sa mort a donné lieu à l'ouverture de la présente procédure, dans le cadre de laquelle les premiers actes d'enquête ont été entrepris et une autopsie ordonnée.

b. Le 16 décembre 2022, A______, né le ______ 1973, demi-frère de C______, a déposé plainte contre inconnu pour meurtre (art. 111 CP), subsidiairement homicide par négligence (art. 117 CP), lésions corporelles graves (art. 122 CP), exposition (art. 127 CP), omission de prêter secours (art. 128 CP) et toute autre infraction pertinente, à la suite du décès du précité.

Dans sa plainte, A______ a notamment détaillé la nature de ses relations avec son demi-frère et le soutien qu'il lui avait apporté durant les dernières années, difficiles, de sa vie. Il s'est constitué partie plaignante au pénal et au civil. Il a par ailleurs sollicité l'assistance juridique et formulé diverses réquisitions de preuve.

Cette plainte a donné lieu à l'ouverture de la P/26790/2022, jointe par la suite à la présente procédure.

Il a expliqué qu'il résidait en Suisse, au bénéfice d'un permis C. Il était très proche de C______, qui résidait en France depuis de nombreuses années. Il était pour ce dernier non seulement son grand frère, mais un confident, une personne de confiance et en particulier la personne que C______ appelait lorsqu'il avait besoin d'aide.

C______ vivait à E______, dans les Hauts-de-France. Il était père de trois enfants, nés de mères différentes. Il souffrait de "soucis psychologiques" et avait commencé à consommer des stupéfiants, en particulier du crack, depuis trois ou quatre mois. En décembre 2021, C______ l'avait appelé pour qu'il l'aide à sortir de cette addiction. Il s'était donc rendu en France et avait accompagné C______ à l'hôpital de F______ [France], où il était resté hospitalisé pendant environ un mois. À sa sortie, C______ s'était installé à G______, avec sa nouvelle compagne, H______, enceinte de leur enfant I______. Il avait un travail dans un magasin J______. H______ avait accouché à l'hôpital de K______ [France], par césarienne, ce qui avait choqué C______, au point qu'il lui avait demandé de venir l'y chercher. Vu l'heure tardive de l'appel, lui-même avait commandé un "UBER" et tous deux étaient restés au téléphone jusqu'à l'arrivée de C______ chez lui. Suite à la naissance de I______, la relation de couple de l'intéressé s'était compliquée et H______ était allée vivre chez ses parents. C______ avait disparu pendant quelques jours et l'avait contacté pour lui dire qu'il était retombé dans la consommation de stupéfiants.

Une semaine plus tard, C______ l'avait encore appelé à l'aide. Il l'avait conduit à l'hôpital de F______. Le lendemain, on l'avait informé que son frère en était parti. Entre la mi-mars et juin 2022, il avait perdu contact avec C______, ne recevant aucune nouvelle et son numéro de téléphone ne fonctionnant pas. Il l'avait cherché partout. H______ lui avait dit que l'intéressé se trouvait à Genève. Il avait entrepris de le chercher dans plusieurs lieux. Il avait appris en avril 2022 que son frère avait été arrêté par la police, puis relâché. Il l'avait cherché pendant des nuits entières dans le quartier des Pâquis, avant d'apprendre le 24 avril 2022 son incarcération à la prison de D______. Il avait donc formé une demande d'autorisation de visite qui n'avait pas reçu de réponse.

Le 27 mai 2022, il avait été contacté par une avocate qui défendait son frère. Elle lui avait demandé de venir témoigner au tribunal, ce qu'il avait fait le 31 mai 2022. Il avait alors pu voir son frère, au début du mois de juin 2022, puis à sa sortie de prison le 25 juin 2022. Il n'avait plus eu de contact avec lui depuis fin juillet 2022 et avait été informé le ______ septembre 2022 de son décès.

c. Par lettres des 9 février et 31 mars 2023, A______ s'est enquis auprès du Ministère public du sort réservé à sa plainte et de l'état d'avancement de la procédure, précisant n'avoir obtenu aucune information concernant l'ouverture d'une enquête approfondie sur les circonstances et causes du décès de son demi-frère.

d. L'Inspection générale des services (ci-après, IGS) a rendu son rapport le 25 avril 2023.

e. Par courrier de son conseil du 2 mai 2023, A______ a relancé le Ministère public au sujet de sa plainte et de sa demande d'assistance judiciaire, se plaignant également de n'avoir pas encore eu la possibilité de consulter le dossier.

f. Par trois courriers distincts du 23 suivant, le Procureur général a :

- informé H______, qui s'était présentée comme la compagne de C______ et mère de leur enfant, qu'il ne disposait toujours pas du rapport d'autopsie;

- relancé le Centre universitaire romand de médecine légale (ci-après, CURML) pour obtenir ledit rapport, en spécifiant que l'enquête conduite par l'IGS ne pouvait pas progresser sans ce document;

- informé A______ qu'il n'avait pas attendu le dépôt de sa plainte – survenu trois mois après les faits – pour mener une enquête approfondie, comme il était d'usage lors d'un décès en milieu carcéral. Il attendait néanmoins d'obtenir le rapport d'autopsie avant de statuer sur la suite à donner à la procédure, précisant avoir relancé, le même jour, le CURML à ce sujet.

g. Le rapport d’autopsie médico-légale a été rendu le 8 septembre 2023.

h. Par missive de son conseil du 11 octobre suivant, A______ a relancé le Ministère public, l'invitant à faire diligence, en particulier à se prononcer sur ses demandes de renseignements, d'assistance juridique et d'accès au dossier.

i. Par pli du 7 novembre 2023, le Procureur général lui a répondu qu'il disposait "à présent" de l'ensemble du dossier. Se posait toutefois la question de sa qualité de proche de la victime selon l'art. 116 al. 2 CPP, de sorte qu'il était invité à fournir toute information utile à ce sujet.

j. Par lettre du 28 suivant, A______ s'est déterminé sur cette question.

Il ne pouvait être contesté qu'il était un proche de la victime au sens de l'art. 116 al. 2 CPP. La notion de proche était réglée à l'art. 110 CP et englobait notamment les frères et sœurs. C______ et lui-même étaient nés de la même mère, mais de pères différents.

Il avait expressément fait part de sa volonté de participer à la procédure, et il était vraisemblable qu'il avait subi une atteinte propre du fait du décès de son frère, soit un préjudice moral ou un dommage matériel, qui pouvait justifier l'allocation d'une somme d'argent appropriée à titre de réparation morale (art. 47 CO).

k. Par courrier du 2 février 2024, A______ a relancé le Ministère public sur le sort réservé à sa plainte ainsi qu'à ses diverses requêtes.

l. Par pli de son conseil du 19 avril 2024 à l'attention du Ministère public, A______ a produit une clé USB contenant des photographies le montrant en compagnie de C______, ainsi que des messages (écrits et vocaux) échangés entre eux.

A______ devait se voir reconnaître la qualité de partie plaignante, puisqu'il était manifeste qu'il disposait de la qualité de proche de la victime.

m. À teneur de la base de données de l'Office cantonal de la population et des migrations, A______ est domicilié à L______ [GE] depuis le 1er août 2009. Il est marié avec M______, depuis le ______ 2007. Tous deux sont les parents de deux filles, nées en 2005 et 2009.

n. La Chambre de céans a procédé au visionnement des captures d'écran et à l'écoute des fichiers transmis par le recourant à l'appui de ses observations du 19 avril 2024.

Les captures d'écran d'échanges, dont seulement certains en langue française, mais néanmoins difficilement compréhensibles, entre divers membres de la famille, évoquent des vœux, des photos des enfants, des nouvelles de chacun ou encore une aide financière ponctuelle.

Il n'est pas possible de dater les fichiers audio. Ils sont regroupés sous les intitulés "échanges durant l'hospitalisation", au nombre de trois, "Messages audio C______", au nombre de six, "Message informateur prison", et comportent des conversations ou messages très brefs, pour grande partie en langue étrangère. L'un de ces messages évoque une libération par le "TAPEM". Dans un autre, la dernière compagne du défunt, se présentant comme "H______", dit à son interlocuteur à quel point elle est fâchée que C______ n'ait pas honoré un rendez-vous chez le pédiatre, ni mis de l'essence dans la voiture.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public a retenu que A______ ne rendait pas vraisemblable l'existence avec son demi-frère de contacts très étroits, seuls susceptibles d'occasionner des souffrances morales exceptionnelles au sens de la jurisprudence. On ignorait tout d'une éventuelle vie commune de C______ et de A______ auprès de leur mère, N______, qui remonterait en tout état à de nombreuses années. Durant la période ayant précédé le décès de C______, A______ ne faisait pas état de relations ou de contacts réguliers. Les démarches qu'il avait entreprises pour l'aider ne sortaient pas du cadre des devoirs fraternels usuels. Au contraire, il ressortait du récit de A______ que C______ n'était pas particulièrement enclin à maintenir des relations étroites avec lui, rompant régulièrement tout contact. A______ ne pouvait dès lors pas être considéré comme un proche de la victime au sens de l'art. 116 al. 2 CPP, ce qui excluait qu'il participe à la procédure en qualité de partie plaignante.

D. a. À l'appui de son recours, A______ fait valoir qu'il avait grandi avec C______ en Tunisie, auprès de leur mère. Ils avaient passé ensemble toute l'enfance et l'adolescence. Dans la mesure où il était le fils aîné, il avait quitté le premier la Tunisie, à l'issue de ses études. Son frère l'avait rejoint en Suisse en 2011 et il l'avait accueilli pendant cinq mois, avant que celui-là n'aille s'établir en France, où il avait des chances d'obtenir du travail. Ce parcours migratoire des deux frères impliquait inévitablement une séparation de la famille, sans pour autant que cela aboutisse à une rupture totale des liens. C'était le lien fort existant entre eux deux, maintenu avec la distance, qui avait motivé C______ à le rejoindre dès qu'il avait pu, ce qui apportait une crédibilité supplémentaire à l'étroitesse de la relation fraternelle, même en dehors du cocon familial.

Le Ministère public s'était fondé sur une constatation incomplète ou erronée des faits, voire une interprétation des faits versant dans l'arbitraire, pour lui nier la qualité de proche de la victime et refuser de lui octroyer la qualité de partie plaignante. Il n'avait nullement pris en considération les nombreux éléments exposés concernant la relation entretenue avec son frère, à tout le moins depuis que ce dernier l'avait rejoint en Europe en 2011, pourtant longuement étayés et démontrés. Or, les nombreux échanges écrits et vocaux qu'il avait eus avec son frère, ainsi que des photographies prises notamment en famille, à tout le moins depuis 2012, prouvaient leur proximité constante et le rôle que lui-même occupait dans la vie de son frère, de confident et de seule personne de confiance dans son entourage proche. Il connaissait par ailleurs les différentes compagnes de son frère et était intervenu pour les soutenir moralement, mais aussi financièrement, lorsque son frère vivait des périodes difficiles liées à sa santé psychique et à son addiction. Il les soutenait encore.

Enfin, ces démarches constantes et soutenues pour participer à la procédure pénale ouverte à la suite du décès de son frère, notamment ses contacts avec le centre LAVI, en vue d'un accompagnement psychologique et juridique, attestaient de sa relation particulière avec lui et le choc énorme subi du fait de son décès.

Les circonstances du décès, alors que son frère se trouvait en cellule d'isolement, de même que l'absence d'explications sur les causes exactes de ce décès, exacerbaient sa douleur et son incompréhension. S'y ajoutait une période de plus d'une année et demi sans que le Ministère public ne l'informe des suites qu'il donnerait à sa plainte. Cette autorité n'invoquait aucun élément découlant de l'enquête qui serait un obstacle à sa participation à celle-ci et à son droit de connaître les causes du décès, de même que les démarches effectuées par les autorités dans ce contexte. Elle n'alléguait pas non plus que ses prétentions civiles apparaîtraient d'emblée dépourvues de tout fondement, voire étaient fantaisistes.

Vu sa qualité de partie plaignante, son indigence, la gravité de la cause au fond, les nombreuses démarches juridiques difficiles qu'il avait eues à accomplir, ainsi qu'une action civile qui n'était pas vouée à l'échec, il pouvait prétendre à l'octroi de l'assistance juridique avec effet rétroactif au 25 novembre 2022, droit que le Ministère public lui avait refusé de manière implicite dans l'ordonnance querellée. Il pouvait prétendre à ce même droit pour la procédure de recours.

b. La cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 90 al. 2, 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance de refus de qualité de partie plaignante, sujette à contestation auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP), et émaner d'une personne qui s'est vu refuser un tel statut, laquelle a qualité pour agir (art. 382 CPP; arrêt du Tribunal fédéral 1B_669/2021 du 8 mars 2022 consid. 1 et 3).

1.2. Tel n'est en revanche pas le cas de la conclusion tendant à l'octroi de l'assistance juridique avec effet rétroactif au 25 novembre 2022, puisqu'elle excède l'objet du recours, expressément limité, à teneur de l'ordonnance querellée, à la question de l'admissibilité de la qualité de partie plaignante du recourant. Ainsi, faute de décision préalable du Ministère public sur le fond de la cause, le recours est irrecevable sur ce point (art. 393 al. 1 let. a CPP; ACPR/536/2023 du 18 juillet 2023 consid. 6.2.1).

2.             Le recourant se prévaut d'une constatation inexacte ou incomplète de certains faits par le Ministère public.

Dès lors que la juridiction de recours jouit d'un plein pouvoir de cognition (art. 393 al. 2 let. b CPP), d'éventuelles inexactitudes entachant la décision querellée auront été corrigées dans l’état de fait établi ci-avant.

Le grief sera ainsi rejeté.

3.             Le recourant conclut à ce que soit constatée une violation de ses droits de partie plaignante.

Selon un principe général de procédure, les conclusions constatatoires ont un caractère subsidiaire et ne sont recevables que lorsque des conclusions condamnatoires ou formatrices sont exclues (ATF 135 I 119 consid. 4 p. 122; arrêt du Tribunal fédéral 1C_79/2009 du 24 septembre 2009 consid. 3.5 publié in ZBl 2011 p. 275). Dans la mesure où le recourant demande que lui soit reconnu le statut de partie plaignante, sa conclusion en constatation d'une violation de ses droits comme telle est irrecevable.

4.             Le recourant estime revêtir la qualité de partie plaignante en lien avec le décès de son demi-frère alors que celui-ci était détenu à la prison de D______.

4.1. On entend par partie plaignante le lésé qui déclare expressément vouloir participer à la procédure comme demandeur au pénal ou au civil (art. 118 al. 1 CPP).

Selon l'art. 116 al. 1 CPP, on entend par victime, le lésé qui, du fait d'une infraction, a subi une atteinte directe à son intégrité physique, psychique ou sexuelle. Le proche de la victime est défini à l'art. 116 al. 2 CPP, disposition qui correspond à l'art. 1 al. 2 de la loi du 23 mars 2007 sur l'aide aux victimes d'infractions (LAVI; RS 312.5) : sont ainsi considérés comme tels son conjoint, ses enfants, ses père et mère et les autres personnes ayant avec elle des liens analogues. Cette dernière catégorie regroupe des personnes qui côtoient étroitement la victime, sans qu'un lien de parenté existe nécessairement. Les relations ("Lebensverhältnisse") concrètement entretenues sont déterminantes, ce qui permet d'appréhender par exemple le concubinat, dans certaines circonstances des relations d'amitié très étroites, ainsi que des liens fraternels particulièrement étroits. Sont alors déterminantes les circonstances concrètes, l'intensité du lien entretenu avec la victime ("Lebensverhältnissen"; arrêt du Tribunal fédéral 1B_594/2012 du 7 juin 2013 consid. 3.4.2, qui examine l'intensité de la relation unissant le petit-fils à ses grands-parents) et/ou la fréquence des rencontres, éléments que ceux alléguant être des proches au sens de l'art. 116 al. 2 in fine CPP devront rendre vraisemblables afin de démontrer qu'ils ont, avec la victime, des liens analogues aux premières personnes mentionnées dans cette disposition (arrêt du Tribunal fédéral 1B_137/2015 du 1er septembre 2015 consid. 2.1 et jurisprudence citée).

4.2.1. S'agissant du cas particulier des frères et sœurs, ils comptent parmi les membres de la famille qui peuvent prétendre à une indemnité pour tort moral (ATF 118 II 404 consid. 3b/cc p. 409). Cependant, ce droit dépend des circonstances et la pratique en la matière est plutôt restrictive (arrêts du Tribunal fédéral 6B_714/2013 du 25 mars 2014 consid. 4.2; 6B_369/2012 du 28 septembre 2012 consid. 2.1.2; 1B_15/2012 du 23 mars 2012 consid. 1.4 publié in SJ 2012 I 458 et les références citées). Le fait de vivre sous le même toit est cependant un indice important de l'intensité de la relation pouvant exister dans une fratrie, ce qui peut ainsi ouvrir le droit à une indemnisation (arrêts du Tribunal fédéral 6B_714/2013 consid. 4.2 et 1B_15/2012 susmentionnés; en droit de la responsabilité civile, cf. WEBER/MÜNCH, Die Genugtuung und ihre Bestimmung, in (édit.), Haftung und Versicherung, Beraten und Prozessieren im Haftplicht- und Versicherungsrecht, 2ème éd. 2015, n. 11.24 p. 506). Si tel n'est pas le cas au moment du décès du frère ou de la sœur, l'allocation d'une indemnité pour tort moral n'est envisageable qu'en présence de contacts très étroits, seuls susceptibles d'occasionner des souffrances morales exceptionnelles (arrêts du Tribunal fédéral 1B_137/2015, 6B_714/2013 et 1B_15/2012 susmentionnés; 1B_272/2011 du 22 mars 2012 consid. 2.3).

En d'autres termes, déterminer si une personne est un proche de la victime au sens de l'art. 116 al. 2 in fine CPP s'examine au regard des circonstances d'espèce; il s'agit donc d'une question d'appréciation délicate, puisque la problématique peut varier au gré d'un cas à l'autre (arrêts du Tribunal fédéral 1B_137/2015 consid. 2.1 et 1B_594/2012 susmentionné consid. 3.4.3).

4.2.2. Dans un arrêt de principe ACPR/126/2015 du 2 mars 2015, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 1B_137/2015 du 1er septembre 2015, la Chambre de céans a dénié la qualité de partie plaignante à trois sœurs d'une femme abattue par balles par son ex-conjoint, père de leurs deux enfants mineurs.

Elle a ainsi été retenu que des conditions strictes régissaient l'admission de la participation au procès pénal des frères et sœurs de la victime d'un homicide. La loi avait délibérément exclu ceux-ci du cercle des proches dont la participation était automatique, de sorte qu'il fallait examiner si les relations que les recourantes entretenaient avec leur sœur revêtaient une intensité telle que leur participation au procès en qualité de partie plaignante était conforme à l'art. 116 al. 2 CPP.

Il ressortait du dossier que les recourantes ne vivaient plus avec la défunte depuis 1994, voire 1995, soit depuis environ vingt ans au moment du décès. Elles ne partageaient donc pas de domicile commun, ce qui excluait en principe, sauf circonstances particulières, l'allocation d'un tort moral et, par extension, la qualité de proches au sens de l'art. 116 al. 2 CPP. Les recourantes avaient fait état de quelques visites après 1998, sans en préciser la date, ni le nombre, aux États-Unis, ainsi qu'une visite au Mexique en 2002. Il semblait que cette occasion fût la dernière où la défunte était réunie avec ses sœurs, bien que les photos représentant les enfants de la défunte avec une de leur tante laissaient penser qu'elles auraient pu se rencontrer après 2006, voire après 2008. Il était allégué que des échanges semestriels de cadeaux et des téléphones hebdomadaires existaient. Que les sœurs de la recourante se soient proposées pour aider et assister leurs nièce et neveu après le décès de leur sœur ne paraissait pas pertinent, car cela ne constituait pas un indice des relations existant auparavant. Le fait que les rapports que la défunte entretenait avec sa mère, admise en qualité de partie plaignante, aient été d'intensité semblable était aussi irrelevant, dès lors que le législateur avait pris le parti d'admettre comme proches, sans égard à l'intensité des relations, les parents des victimes (art. 116 al. 2 CPP).

Les relations entre la défunte et ses sœurs n'étaient dans ce cas de figure pas particulièrement soutenues, quelles qu'en fussent les causes. Elles semblaient ne pas s'être vues depuis des années et la fréquence d'un téléphone hebdomadaire ne paraissait pas suffire à admettre qu'elles entretinssent des relations d'une intensité particulière pour une fratrie. Bien qu'il soit indéniable qu'elles aient souffert suite au décès de leur sœur, cela ne suffisait pas à considérer les conditions sus-évoquées comme étant réalisées.

4.3. En l'espèce, près de quatorze ans séparaient le recourant, l'aîné, de feu son demi-frère. Ainsi, s'ils avaient vécu auprès de leur mère en Tunisie sous le même toit, cela n'avait duré que quelques années, avant que le recourant ne parte pour l'Europe, selon ses dires à l'issue de ses études, à une date qu'il n'a pas précisée. Autrement dit, le recourant n'a partagé sa vie avec son demi-frère qu'alors que celui-ci était très petit.

Ce n'est qu'en 2011, soit alors que le recourant était âgé de 38 ans et son demi-frère de 24 ans, que celui-ci l'aurait retrouvé à Genève et aurait vécu auprès de lui pour une courte période de cinq mois, avant d'aller s'installer en France, où il aurait eu plus de chances de trouver du travail. Il s'est ainsi écoulé près d'une vingtaine d'années sans que les deux frères n'aient fait toit commun, ni qu'il ne soit démontré des contacts fréquents et réguliers entre eux. Le fait de dire que leur lien, fort, aurait été maintenu avec la distance ne suffit pas, pas plus que quelques vacances ou journées passées ensemble en famille en Tunisie, ou dans la région genevoise, à voir les quelques photos produites, non datées.

Depuis 2011-2012, les deux demi-frères n'ont donc pas fait domicile commun. Le recourant habite à L______ depuis l'année 2009, tandis que son demi-frère vivait à E______, à plusieurs centaines de kilomètres, avant de s'installer à la fin de l'année 2021, après une hospitalisation à F______, à G______, avec sa nouvelle compagne, H______.

Chacun a fondé sa famille, C______ ayant eu trois enfants, nés de mères différentes, en dernier lieu I______, avec H______. Le recourant est marié depuis 2007 et le père de deux filles nées en 2005 et 2009. Ainsi ils n'étaient pas l'un pour l'autre pas les seuls membres de la famille. Chacun d'eux avait au contraire construit sa propre famille, fût-elle évolutive.

Il n'est pas allégué qu'ils se soient durant toutes ces années par exemple parlé plusieurs fois par semaine, que ce soit par téléphone ou tout autre moyen de communication. Les quelques captures d'écran d'échanges, dont seulement certains en langue française, mais néanmoins difficilement compréhensibles, entre divers membres de la famille, que la Chambre de céans a pu visionner sur la clé USB produite par le recourant, ne vont pas au-delà de ce qui se fait usuellement dans une famille qui se transmet des vœux, des photos des enfants, donne des nouvelles de chacun ou encore vient ponctuellement en aide financièrement à l'un ou l'une d'entre eux.

Quant aux fichiers audio, qu'il n'est pas possible de dater, il s'agit de messages ou de conversations brefs, au nombre d'une petite dizaine, pour majeure partie en langue étrangère. L'un de ces messages évoque une libération par le "TAPEM". Sur un autre, la dernière compagne du défunt, se présentant comme "H______", dit à son interlocuteur à quel point elle est fâchée que l'intéressé n'ait pas honoré un rendez-vous chez le pédiatre ni mis de l'essence dans la voiture. Il ne s'agit pas là d'éléments fondant des contacts réguliers entre le recourant et son demi-frère.

Il ne ressort ainsi pas de ces éléments que le recourant et son demi-frère aient été en contact de manière soutenue et pérenne. Si le recourant était au courant dans les grandes lignes de la vie de son frère et aurait gardé contact avec ses trois neveux/nièces et leur mère respective, il ne ressort pas de la procédure que tous deux partageaient régulièrement leurs préoccupations, leurs craintes, leurs joies, leurs peines et leur intimité. Le recourant n'a ainsi pu donner de précisions que sur les difficultés ponctuelles rencontrées par son demi-frère, dans leur phase aigüe. Il en est allé ainsi de la mésentente avec sa compagne après la naissance de leur fils I______, de sa dépendance au crack, de ses deux hospitalisations, nécessitées en raison de ses difficultés psychologiques et de cette addiction, à la fin de l'année 2021 et au début de l'année 2022, à F______, de lui avoir apporté son témoignage devant le tribunal le 31 mai 2022, d'être allé le voir en prison puis à sa sortie le 25 juin 2022. Le fait que le recourant ait à ces occasions répondu aux appels à l'aide de son frère cadet ne suffit pas à retenir une régularité de contacts et une force de liens telles qu'exigées par la jurisprudence.

Ceci est d'autant plus vrai que le recourant concède avoir perdu tout contact avec son demi-frère dès la mi-mars 2022, jusqu'au début du mois de juin 2022, puis dès fin juillet 2022, où il l'aurait apparemment revu, sans qu'il n'en précise les circonstances, avant d'apprendre son décès le ______ septembre 2022.

Le fait que le recourant dise avoir recherché en divers endroits son demi-frère à la suite de "disparitions" n'y change rien.

Il ne résulte ainsi pas des éléments précités que leur relation fraternelle était manifestement solide, leurs contacts très étroits et leurs relations particulièrement soutenues, seuls susceptibles d'occasionner des souffrances morales exceptionnelles.

Cette situation est comparable à celle examinée dans l'arrêt du Tribunal fédéral 1B_137/2015 susmentionné.

Partant, c'est à juste titre que le Ministère public a dénié au recourant la qualité de proche, au sens de l'art. 116 al. 2 CPP, de C______, de sorte qu'il n'est pas en mesure de faire valoir des conclusions civiles propres en réparation du tort moral au sens de l'art. 122 al. 2 CPP, ce que la Chambre de céans pouvait trancher sans échange d'écritures ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

5.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera confirmée.

6.             Le recourant sollicite l'assistance judiciaire pour la procédure de recours.

6.1. Conformément à l'art. 136 al. 1 CPP, sur demande, la direction de la procédure accorde entièrement ou partiellement l'assistance judiciaire gratuite: à la partie plaignante, pour faire valoir ses prétentions civiles, si elle ne dispose pas de ressources suffisantes et que l'action civile ne paraît pas vouée à l'échec (let. a) ; à la victime, pour lui permettre de faire aboutir sa plainte pénale, si elle ne dispose pas de ressources suffisantes et que l'action pénale ne paraît pas vouée à l'échec (let. b). Cette dernière disposition, entrée en vigueur le 1er janvier 2024, formalise la jurisprudence du Tribunal fédéral (cf. ATF 138 IV 86 consid. 3.1.1).

Selon l'art. 136 al. 2 CPP, l'assistance judiciaire comprend: l'exonération d'avances de frais et de sûretés (let. a), l'exonération des frais de procédure (let. b) et la désignation d'un conseil juridique gratuit, lorsque la défense des intérêts de la partie plaignante ou de la victime l'exige (let. c, entrée en vigueur le 1er janvier 2024).

Le législateur a ainsi sciemment limité l'octroi de l'assistance judiciaire aux cas où le plaignant peut faire valoir des prétentions civiles (Message du Conseil fédéral du 21 décembre 2005 relatif à l'unification du droit de la procédure pénale, FF 2006 1057, p. 1160 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_522/2020 du 11 janvier 2021 consid. 5.1 et références citées).

Lors de la procédure de recours, l’assistance judiciaire gratuite doit faire l’objet d’une nouvelle demande (art. 136 al. 3 CPP, entré en vigueur le 1er janvier 2024).

6.2. En l'espèce, le recourant remplit les conditions de l'indigence, à teneur du rapport de l'assistance juridique du 21 août 2024. Toutefois, ses prétentions civiles étant d'emblée vouées à l'échec, pour les raisons exposées ci-dessus (consid. 4.3), il ne remplit pas les conditions à l'octroi de l'assistance judiciaire dans le cadre de son recours.

La requête ne peut dès lors qu'être rejetée.

7. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

Le refus de l'assistance juridique sera, quant à lui, rendu sans frais (art. 20 RAJ).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours de A______, dans la mesure de sa recevabilité.

Rejette la demande d'assistance juridique gratuite pour la procédure de recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Valérie LAUBER et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/19785/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

 

 

Total

CHF

900.00