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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/5095/2024

ACPR/644/2024 du 29.08.2024 sur OMP/8535/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ASSISTANCE JUDICIAIRE;COMPLEXITÉ DE LA PROCÉDURE
Normes : CPP.132

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/5095/2024 ACPR/644/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 29 août 2024

 

Entre

A______, représenté par Me Samir DJAZIRI, avocat, DJAZIRI & NUZZO, rue Leschot 2, 1205 Genève,

recourant,

contre l'ordonnance de refus de nomination d'avocat d'office rendue le 22 avril 2024 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte déposé le 3 mai 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 22 avril 2024, notifiée le 24 suivant, par laquelle le Ministère public a refusé d'ordonner une défense d'office en sa faveur.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette décision et à ce que Me Samir DJAZIRI soit désigné à sa défense d'office, à compter du 27 février 2024.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Par ordonnance pénale du 23 février 2024, A______ a été condamné pour infractions aux art. 19 al. 1 et 19a LStup ainsi que 115 al. 1 let. a LEI, à une peine privative de liberté de 60 jours et à une amende de CHF 100.-.

Il lui était reproché d’avoir, le jour précédent, pénétré sur le territoire suisse, sans disposer d’un passeport valable, des autorisations nécessaires ni de moyens de subsistance suffisants, vendu 2.08 grammes de haschich contre la somme de CHF  15.- et consommé un joint de haschich.

b. Entendu seul, en présence d'un interprète, par la police et le Ministère public, il a admis les faits reprochés, précisant que la drogue qu'il détenait lors de son interpellation (0.5 grammes de haschich) était destinée à sa consommation personnelle.

c. Par lettre du 27 février 2024, Me Samir DJAZIRI s’est constitué pour la défense des intérêts de A______ et a formé opposition à l’ordonnance pénale. Quand bien même la peine prononcée par le Ministère public était inférieure à la limite de 120 jours-amende, il demandait à être nommé d'office au motif que son mandant était migrant, ne parlait pas le français et était sans instruction.

d. Par ordonnance pénale du 6 mars 2024, jointe à la présente procédure, A______ a été condamné pour infraction à l'art. 115 al. 1 let. a et b LEI, à une peine pécuniaire de 60 jours-amende.

e. Il lui était reproché d'avoir, à tout le moins, le 4 mars 2024, pénétré sur le territoire suisse et y avoir séjourné jusqu'au lendemain, sans documents d'identité, ni autorisations et moyens de subsistance.

f. Entendu seul à la police, en présence d'un interprète, il a reconnu les faits, expliquant être venu à Genève pour voir son avocat.

g. Par lettre du 7 mars 2024, Me Samir DJAZIRI s’est constitué pour la défense des intérêts de A______ dans cette nouvelle procédure et a formé opposition à l’ordonnance pénale.

h. Le 5 avril 2024, dans la P/8411/2024, jointe ensuite à la présente procédure, le Ministère public a ouvert une nouvelle instruction contre A______ pour avoir, le jour précédent, pénétré illégalement en Suisse et vendu 2.9 grammes de cannabis et 2.7 grammes de résine de cannabis contre la somme de CHF 100.- ainsi que trois pilules d'ecstasy (1.4 gramme) contre la somme de CHF 60.-.

i. Lors de son audition à la police, seul et en présence d'un interprète, l'intéressé a déclaré être arrivé le soir même à Genève dans le but de voir son avocat. Il a contesté la vente de drogue.

j. Entendu devant le Ministère public, en présence de son avocat et d'un interprète, il a confirmé ses précédentes déclarations.

k. Le 5 avril 2024, le Ministère public a statué sur les oppositions aux ordonnances pénales des 23 février et 6 mars 2024 et sur les faits du 5 avril 2024. Il a classé les faits susceptibles d'être constitutifs de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI) et condamné A______ à une peine privative de liberté de 75 jours ainsi qu'à une amende de CHF 100.-, pour infractions aux art. 19 al. 1 let. c, 19a LStup et 115 al. 1 let. a LEI.

l. Le 9 avril 2024, A______ a, sous la plume de son conseil, formé opposition à l’ordonnance pénale du 5 avril 2024.

m. Préalablement, le 28 mars 2024, le Ministère public, se référant à une ordonnance pénale – en réalité inexistante – du même jour, a refusé d'ordonner une défense d'office en faveur de A______. L'intéressé, par le biais de son avocat, a recouru le 15 avril 2024. Le Ministère public ayant par la suite retiré cette décision, la Chambre de céans a, par arrêt du 2 mai 2024 (ACPR/319/2024), déclaré le recours sans objet et dit que l'indemnité du défenseur d'office serait fixée à la fin de la procédure.

n. Par ordonnance de maintien du 22 avril 2024, le Ministère public a transmis la procédure au Tribunal de police pour qu'il statue sur l'opposition à l'ordonnance pénale du 5 avril 2024. L'audience de jugement est prévue le 4 septembre 2024.

o. À teneur de l’extrait du casier judiciaire suisse, A______ a été condamné à deux autres reprises, en 2023, essentiellement pour infractions à l'art. 115 al. 1 let. a et b LEI, la dernière fois le 4 novembre 2023 à une peine pécuniaire d'ensemble de 45 jours-amende (comprenant la révocation du sursis accordé le 18 août 2023 à la peine-pécuniaire de 40 jours-amende).

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public, se référant à l'ordonnance pénale du 5 avril 2024, considère que la cause ne présente pas de difficultés particulières juridiques ou de fait et que A______ est donc à même de se défendre efficacement seul. Au surplus, la cause était de peu de gravité et n’exigeait pas la désignation d’un défenseur d’office, dès lors que le prévenu avait été condamné à une peine privative de liberté ne dépassant pas quatre mois.

D. a. À l’appui de son recours, A______ fait valoir que lors du dépôt de sa demande d'assistance judiciaire, il avait été condamné par ordonnances pénales des 23 février et 6 mars 2024, frappées d'opposition, à une peine totale de 121 unités pénales – y compris 1 jour de peine privative de liberté de substitution –, de sorte que l'affaire n'était pas de peu de gravité. En outre, il fallait prendre en considération le fait qu'il n'était pas familiarisé avec la pratique judiciaire, ne parlait pas couramment le français et était domicilié à l'étranger.

b. Dans ses observations, le Ministère public conclut au rejet du recours et persiste dans son ordonnance.

Au surplus, même une peine de 121 jours ne justifierait pas automatiquement la nomination d'un avocat d'office. En effet, les infractions retenues dans les ordonnances pénales frappées d'opposition étaient circonscrites, facilement compréhensibles et sans complexité particulière. Le prévenu avait été en mesure de s'exprimer devant les autorités, en présence d'un interprète et de donner sa version des faits.

c. A______ n'a pas répliqué.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             2.1. En dehors des cas de défense obligatoire visés à l'art. 130 CPP, l'art. 132 al. 1 let. b CPP soumet le droit à l'assistance d'un défenseur d'office aux conditions que le prévenu soit indigent et que la sauvegarde de ses intérêts justifie une telle assistance. S'agissant de la seconde condition, elle s'interprète à l'aune des critères mentionnés à l'art. 132 al. 2 et 3 CPP.

2.2. Les intérêts du prévenu justifient une défense d'office lorsque la cause n'est pas de peu de gravité et qu'elle présente, sur le plan des faits ou du droit, des difficultés que le prévenu seul ne pourrait pas surmonter (art. 132 al. 2 CPP), ces deux conditions étant cumulatives (arrêt du Tribunal fédéral 1B_477/2011 du 4 janvier 2012 consid. 2.2 et 1B_138/2015 du 1er juillet 2015 consid. 2.1).

En tout état de cause, une affaire n'est pas de peu de gravité lorsque le prévenu est passible d'une peine privative de liberté de plus de 4 mois ou d'une peine pécuniaire de plus de 120 jours-amende (art. 132 al. 3 CPP).

2.3. Pour évaluer si l'affaire présente des difficultés que le prévenu ne pourrait pas surmonter sans l'aide d'un avocat, il y a lieu d'apprécier l'ensemble des circonstances concrètes. La nécessité de l'intervention d'un conseil juridique doit ainsi reposer sur des éléments objectifs, tenant principalement à la nature de la cause, et sur des éléments subjectifs, fondés sur l'aptitude concrète du requérant à mener seul la procédure. La jurisprudence impose de se demander si une personne raisonnable et de bonne foi – qui présenterait les mêmes caractéristiques que le requérant mais disposerait de ressources suffisantes – ferait ou non appel à un avocat. Pour apprécier la difficulté subjective d'une cause, il faut aussi tenir compte des capacités du prévenu, notamment de son âge, de sa formation, de sa plus ou moins grande familiarité avec la pratique judiciaire, de sa maîtrise de la langue de la procédure (arrêt du Tribunal fédéral 1B_257/2013 du 28 octobre 2013 consid. 2.1 publié in SJ 2014 I 273 et les références citées) et des mesures qui paraissent nécessaires, dans le cas particulier, pour assurer sa défense, notamment en ce qui concerne les preuves qu'il devra offrir (ATF 115 Ia 103 consid. 4).

2.4. À teneur de l’art. 3 al. 2 let. a CPP, les autorités pénales doivent se conformer au principe de la bonne foi.

2.5. En l'espèce, le recourant s'exposait, par ordonnances pénales des 23 février et 6 mars 2024, à une peine pécuniaire totale de 120 jours-amende ainsi qu'à une amende de CHF 100.- [la peine privative de liberté d'1 jour n'a pas, à ce stade, à être ajoutée].

Partant, la peine ne dépassait pas le seuil légal à partir duquel une affaire n'est plus considérée comme étant de peu de gravité.

Cela étant et quand bien même, la procédure ne recèle pas de difficultés particulières, même pour une personne dépourvue de connaissances juridiques. Les faits, dépourvus de complexité, sont en grande partie admis. Le recourant, qui a été entendu essentiellement seul [à trois reprises à la police et à une reprise au Ministère public] en présence d'un interprète, a parfaitement compris ce qui lui était reproché et s'est exprimé de manière circonstanciée, également en lien avec les ventes de stupéfiants contestées. Il sera aussi apte, le cas échéant, devant le juge du fond, à questionner seul les acheteurs qui le mettent en cause et à contester la peine requise par le Ministère public, étant souligné qu'il fait déjà l'objet de deux condamnations inscrites à son casier judiciaire et n'est donc pas novice. L'absence de domicile en Suisse ne rend pas non plus la cause complexe.

Pour ces motifs, le recourant ne remplit pas les conditions d'une défense d'office dans le cadre des procédures jointes ayant donné lieu finalement au prononcé de l'ordonnance pénale du 5 avril 2024 et de son opposition subséquente à celle-ci.

3.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée et le recours, rejeté.

4.             La procédure de recours contre le refus de l'octroi de l'assistance juridique ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 20 RAJ).

 


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, à A______, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Le communique pour information au Tribunal de police.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Selim AMMANN, greffier.

 

Le greffier :

Selim AMMANN

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).