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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/4565/2023

ACPR/633/2024 du 28.08.2024 sur ONMMP/3023/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : VIOL;COMPORTEMENT CONTRADICTOIRE;SOUPÇON;ASSISTANCE JUDICIAIRE
Normes : CPP.310; CPP.136; CP.189; CP.190; CP.191

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/4565/2023 ACPR/633/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 28 août 2024

 

Entre

A______, représentée par Me Clara SCHNEUWLY, avocate, COLLECTIF DE DEFENSE, boulevard de Saint-Georges 72, 1205 Genève,

recourante,

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 8 juillet 2024 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 15 juillet 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 8 juillet 2024, notifiée le lendemain, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur les faits dénoncés dans sa plainte.

La recourante conclut, sous suite de frais, à l'annulation de l'ordonnance entreprise et au renvoi de la cause au Ministère public, afin que ce dernier procède à tout acte d'instruction nécessaire pour établir les faits visés dans sa plainte. Elle sollicite également d'être mise au bénéfice de l'assistance judiciaire gratuite pour la procédure préliminaire et pour la procédure de recours.

b. La recourante a été dispensée de verser les sûretés (art. 383 CPP).

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. D'après le rapport de renseignements du 23 février 2023, A______ s'est présentée, le 22 décembre 2022, au poste de police B______ pour dénoncer l'agression sexuelle dont elle avait été victime de la part de C______, qu'elle avait rencontré sur l'application D______. Le 3 août 2022, elle l'avait rejoint au E______ en fin de journée, puis s'était rendue avec lui à son domicile, où elle avait bu un "shot", avant de ressentir un malaise et avoir envie de vomir. Elle n'avait aucun souvenir de ce qui s'était passé ensuite. Elle se rappelait uniquement s'être réveillée dans le lit de C______, complètement nue, alors que celui-ci ne se trouvait plus dans le logement. Elle avait quitté les lieux, puis s'était rendue à l'hôpital pour y être auscultée.

b.a. Convoquée oralement par la Brigade des mœurs, elle a été entendue le 31 janvier 2023, assistée de son conseil.

Elle avait fait la connaissance du précité sur D______ au début du mois d'août 2022. Ils s'étaient rencontrés, pour la première fois, le 3 août 2022 au E______, où ils avaient consommé deux bières chacun et avaient beaucoup discuté. Après avoir quitté la buvette, chacun par leur propre moyen, ils s'étaient retrouvés en bas de chez C______, dans la mesure où ils habitaient à proximité l'un de l'autre. Une fois sur place, le précité lui avait proposé de venir chez lui, ce qu'elle avait accepté. Arrivés dans son appartement, elle avait toutefois eu un "mauvais pressentiment" et avait voulu partir. Il lui avait demandé de rester et de prendre "un petit verre de Jägermeister", ce qu'elle avait accepté. Il s'était rendu dans la cuisine pour préparer les boissons, tandis qu'elle était restée au salon. Elle avait bu le verre qu'il lui avait servi, mais le goût de l'alcool lui avait paru étrange. Elle avait dit au précité vouloir partir, mais n'avait plus été en mesure de bouger ses jambes – se sentant très fatiguée. C______ l'avait aidée à se lever et lui avait donné ses chaussures qu'elle avait été incapable de saisir. Prise de nausées, il l'avait accompagnée aux toilettes, avant de la conduire jusqu'à la chambre à coucher en la soutenant par le bras. Elle se sentait "molle, sans aucune force" et oscillait entre des moments de conscience et d'inconscience tout en étant sujette à des hallucinations. Elle pensait qu'il avait dû lui donner un verre d'eau tout en lui disant "Après on va dormir". Elle avait fini par s'assoupir, mais ignorait à quelle heure. Lorsqu'elle s'était réveillée, elle était nue sur le lit. C______ s'était alors approché d'elle, lui avait touché le bas du corps au niveau du sexe et avait voulu introduire un godemichet dans son anus. Comme elle avait refusé, il le lui avait introduit dans le vagin. Elle se sentait très faible et incapable de bouger du lit. Elle lui avait dit vouloir dormir pour qu'il arrête. Il avait acquiescé, tout en lui disant qu'ils allaient continuer à "s'amuser" d'abord. Alors qu'elle était allongée sur le ventre, il s'était placé derrière elle, nu, et l'avait pénétrée vaginalement avec son sexe. Elle ignorait s'il avait mis un préservatif. Elle lui avait dit d'arrêter, sans succès. Elle n'arrivait pas à bouger ni à réagir. Au moment où elle avait essayé de partir, il l'avait ramenée sur le lit en lui disant "Encore un moment". Il avait fini par éjaculer sur son visage, son torse et son ventre. Ils s'étaient ensuite endormis, côte à côte. Elle croyait s'être réveillée à un moment et lui avoir demandé ce qu'il avait mis dans son verre, mais il lui avait répondu n'avoir rien fait. Elle s'était ensuite rendormie. À son réveil, C______ n'était plus là. Elle avait alors cherché d'éventuels drogues ou médicaments dans l'appartement, mais n'avait rien trouvé. La veille, lorsqu'ils avaient abordé le sujet des drogues, le précité lui avait dit qu'elle pourrait essayer un dérivé de la cocaïne, précisant que cela "faisait du bien pour soulager la tête". Pour sa part, il lui arrivait de consommer de la marijuana, mais pas souvent. Elle n'avait pas fumé le soir des faits, mais possiblement la veille. Elle ne consommait aucune autre drogue et buvait rarement.

À la question de savoir si elle avait été en contact avec le prénommé depuis les faits, elle a répondu qu'il lui avait écrit pour savoir si elle était bien rentrée. Elle avait alors été "dans le jeu avec lui", faisant semblant que tout allait bien, ajoutant "Je ne me souviens plus, peut-être que c'est moi qui lui ai écrit en premier. En fait, je vérifie dans mon téléphone, c'est moi qui lui ai fait deux vocaux le 04.08.2022, à 7h51 et à 8h18". Confrontée ensuite auxdites notes vocales, à teneur desquelles elle lui disait avoir apprécié la soirée en sa compagnie, le remerciait de son soutien, que c'était vraiment bien, qu'il l'avait "rendu comme une folle" – sous-entendu qu'elle avait eu du plaisir sexuel avec lui – et lui proposait à cet égard "un second round", elle a répondu : "Je suis en train de faire l'actrice avec lui, parce qu'il habite à côté de chez moi et que j'ai très peur. Vu qu'il est narcissique au maximum, je me suis dit que j'allais faire tous les compliments possibles". Elle était "entrée dans son jeu".

En rentrant chez elle, elle avait pris une douche car elle se "sentai[t] sale". Plus tard dans la journée, elle s'était rendue aux Hôpitaux Universitaires de Genève (ci-après: HUG), car elle éprouvait des douleurs au niveau du bas-ventre et du sexe. Elle n'avait pas parlé de pénétration sexuelle aux médecins ni aux premiers policiers car elle se trouvait encore sous le choc et ne comprenait pas ce qui lui était arrivé: "J'étais vraiment sous le choc, je ne me souvenais pas du tout. J'étais dans la lune. Je sais qu'il m'avait pénétrée, mais je n'arrivais pas à le dire à tout le monde". Depuis les faits, elle était suivie par une psychologue de l'Unité G______, à laquelle elle s'était confiée.

À l'issue de son audition, elle a déposé plainte à l'encontre de C______.

b.b. À teneur du compte-rendu de sa consultation aux HUG du 4 août 2022, A______ a expliqué s'être rendue, la veille, chez un homme qu'elle avait connu sur un site de rencontres. Au cours de la soirée, ce dernier lui avait proposé de consommer de la cocaïne, ce qu'elle avait refusé, avant qu'il ne lui offre un verre de liqueur. Elle avait éprouvé des difficultés à marcher après avoir bu ce verre. Elle avait voulu partir à plusieurs reprises, tandis qu'il lui proposait de façon insistante de rester. Elle rapportait ensuite une amnésie. À son réveil le lendemain matin, elle était seule et nue dans le lit. Elle ignorait s'il l'avait pénétrée, mais avait constaté des traces sur son visage et son abdomen qui lui avaient fait penser à du sperme.

Elle avait consommé de la marijuana le matin avant les faits, mais pas après. Le questionnaire mentionnait également qu'elle avait eu un précédent rapport sexuel vaginal avec un tiers le 31 juillet 2022, sans préservatif.

D'après le compte-rendu, l'examen gynécologique ne présentait aucune particularité, hormis une suspicion d'infection pelvienne pour laquelle des antibiotiques ont été prescrits.

Quant à l'examen toxicologique, il a mis en évidence des traces de cocaïne dans son organisme.

c. Entendu par la police le 3 février 2023, C______ a contesté les faits reprochés.

Il avait rencontré A______ sur l'application D______ et l'avait vue à une seule reprise. Au E______, il avait bu un cocktail ou une bière, mais ne se rappelait pas ce que A______ avait commandé. Puis, aux alentours de 21h30, ils étaient allés chez lui où ils avaient continué à discuter et à fumer des cigarettes. Il ne pensait pas qu'ils y avaient consommé de l'alcool, mais uniquement de l'eau. Ils avaient "flirt[é]" dans le salon, s'étaient embrassés, puis avaient engagé des "préliminaires" lors desquels ils s'étaient déshabillés mutuellement. A______ était consentante tout du long et se trouvait dans un état normal, "joyeuse après deux verres". Lors de leurs ébats, il avait introduit un "jouet phallique" à l'intérieur du sexe de sa partenaire et utilisé un vibromasseur à usage externe. A______ s'en était également servi. Elle avait apprécié ces pratiques et accepté d'utiliser ces accessoires. Ils avaient ensuite entretenu un rapport sexuel lors duquel il avait mis un préservatif. Ce dernier avait toutefois dû se rompre, ce qu'il avait dit à la précitée, qui avait accepté de continuer sans. Il avait fini par éjaculer sur son ventre ou sur son dos à elle. Après cela, ils avaient chacun pris une douche, puis A______ avait fumé un joint et lui une cigarette. Après coup, elle ne s'était pas sentie bien et avait eu la tête qui tournait. Elle l'avait alors accusé de l'avoir filmée pendant leurs ébats, lui demandant où il avait caché les caméras. Il s'était dit qu'elle avait peut-être trop fumé parce qu'elle ne le croyait pas lorsqu'il lui disait qu'il n'y" avait rien". Peu après, elle avait eu envie de vomir, de sorte qu'il l'avait accompagnée aux toilettes, puis au lit pour qu'elle puisse dormir. À leur réveil, il l'avait questionnée sur son état de la veille. Elle lui avait répondu se sentir mieux et s'était excusée. Ils s'étaient embrassés à nouveau et avaient entretenu un second rapport sexuel avec préliminaires et emploi de "sextoys". Cette fois-ci, ils n'avaient pas utilisé de préservatif. Il avait éjaculé une seconde fois sur elle. Elle s'était ensuite rhabillée, puis était rentrée chez elle. Au moment de se quitter, ils s'étaient embrassés, tout en émettant le souhait de se revoir. Il n'avait quitté l'appartement à aucun moment.

Après son départ, A______ lui avait envoyé un message audio pour lui manifester toute sa "satisfaction sexuelle". Quelques jours plus tard, il lui avait envoyé une photo depuis F______ [Italie] car elle était originaire de cette région. Elle lui avait répondu : "Waouh, c'est magnifique". À son retour à Genève, il lui avait réécrit, mais n'avait pas eu de réponse. En novembre 2022, il lui avait envoyé un autre message auquel elle n'avait pas non plus donné suite.

Il lui arrivait de consommer des stupéfiants occasionnellement, soit notamment de la cocaïne. Il était possible qu'il ait consommée "une ligne" le soir des faits, lorsque A______ avait fumé un joint. Si c'était le cas, la précitée n'en avait pas pris, car elle lui avait dit ne pas aimer cela.

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur les faits dénoncés par A______ aux motifs que ceux-ci s'étaient déroulés à huis clos, que les déclarations des deux parties étaient contradictoires, qu'aucun acte d'enquête ou d'instruction supplémentaire n'apparaissait propre à confirmer l'une ou l'autre version, pas plus qu'il n'existait de raison légitime de considérer la version de la plaignante comme étant la plus crédible.

D. a. Dans son acte de recours, A______ reproche au Ministère public d'avoir refusé d'entrer en matière sur les faits dénoncés dans sa plainte, alors même que plusieurs actes d'enquête pouvaient amener des éléments utiles à la procédure. En présence de versions contradictoires entre l'auteur présumé et la victime et en l'absence de témoins directs, l'autorité de poursuite se devait d'élargir son terrain d'enquête à toutes les personnes à qui la victime avait pu se confier, en particulier aux médecins ou autres professionnels spécialisés consultés dans ce contexte. Or, elle était suivie, depuis les faits litigieux, par une psychologue auprès de l'Unité G______ à qui elle avait parlé des événements. Elle s'était également confiée à une amie, de sorte que le Ministère public devait procéder à leur audition. En outre, les résultats toxicologiques – à savoir le fait qu'elle avait été testée positive à la cocaïne – corroboraient les déclarations selon lesquelles elle avait été droguée à son insu. Au demeurant, le précité admettait que son état de santé s'était subitement dégradé durant la soirée. Or, ce changement d'état pouvait être la conséquence de l'ingérence, à son insu, d'une substance psychotrope. Ces faits auraient, partant, dû faire l'objet d'une instruction par le Ministère public, lequel se devait, à tout le moins, de procéder à la confrontation des parties et à l'audition de l'auteur du rapport toxicologique ou d'un expert médical sur la question d'une possible soumission chimique.

Elle émargeait à l'Hospice général et l'assistance judiciaire devait lui être accordée.

Elle produit en outre un document médical non daté émanant des HUG qui indiquait qu'elle souffrait d'un trouble du déficit de l'attention/hyperactivité (TDA-H) et une attestation médicale de sa psychologue, datée du 12 juillet 2024, qui confirmait la suivre depuis le 9 août 2022 dans un "contexte de violences sexuelles alléguées".

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

1.2. Les faits et moyens de preuve nouveaux sont recevables devant l'instance de recours (arrêt du Tribunal fédéral 1B_550/2020 du 19 novembre 2022 consid. 2.1).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             La recourante reproche au Ministère public de ne pas être entré en matière sur les faits dénoncés dans sa plainte.

3.1.       À teneur de l'art. 310 al. 1 let. a CPP, une ordonnance de non-entrée en matière est immédiatement rendue s’il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs d’une infraction ou les conditions à l’ouverture de l’action pénale ne sont manifestement pas réunis.

3.2.       Conformément à cette disposition, la non-entrée en matière est justifiée lorsque la situation est claire sur le plan factuel et juridique. Tel est le cas lorsque les faits visés ne sont manifestement pas punissables, faute, de manière certaine, de réaliser les éléments constitutifs d'une infraction, ou encore lorsque les conditions à l'ouverture de l'action pénale font clairement défaut. Au stade de la non-entrée en matière, on ne peut admettre que les éléments constitutifs d'une infraction ne sont manifestement pas réalisés que lorsqu'il n'existe pas de soupçon suffisant conduisant à considérer un comportement punissable ou lorsqu'un éventuel soupçon initial s'est entièrement dissipé. En revanche, si le rapport de police, la dénonciation ou les propres constatations du ministère public amènent à retenir l'existence d'un soupçon suffisant, il incombe en principe à ce dernier d'ouvrir une instruction (art. 309 al. 1 let. a CPP). Cela implique que les indices de la commission d'une infraction soient importants et de nature concrète, ce qui n'est pas le cas de rumeurs ou de suppositions. Le soupçon initial doit reposer sur une base factuelle plausible, laissant apparaître la possibilité concrète qu'une infraction ait été commise (ATF 141 IV 87 consid. 1.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_196/2020 du 14 octobre 2020
consid. 3.1). Dans le doute, lorsque les conditions d'une non-entrée en matière ne sont pas réalisées avec une certitude absolue, l'instruction doit être ouverte
(ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1; 138 IV 86 consid. 4.1; 137 IV 219 consid. 7; arrêt du Tribunal fédéral 6B_196/2020 précité).

3.3.       Une configuration dans laquelle l'accusation repose essentiellement sur les déclarations de la victime, auxquelles s'opposent celles du prévenu, exclut en principe une décision de non-entrée en matière, lorsqu'il n'est pas possible d'estimer que certaines dépositions sont plus crédibles que d'autres (ATF 143 IV 241
consid. 2.2.2; arrêts du Tribunal fédéral 6B_766/2018 du 28 septembre 2018
consid. 3.1; 6B_1177/2017 du 16 avril 2018 consid. 2.1). Cela vaut en particulier lorsqu'il s'agit de délits commis typiquement "entre quatre yeux" pour lesquels il n'existe souvent aucune preuve objective. Il peut toutefois exceptionnellement être renoncé à une mise en accusation lorsque la partie plaignante fait des dépositions contradictoires, rendant ses accusations moins crédibles, qu'aucun résultat n'est à escompter d'autres moyens de preuve, ou encore lorsqu'une condamnation apparaît au vu de l'ensemble des circonstances a priori improbable pour d'autres motifs
(ATF 143 IV 241 consid. 2.2.2; arrêts du Tribunal fédéral 6B_174/2019 du 21 février 2019 consid. 2.2 et 6B_874/2017 du 18 avril 2018 consid. 5.1).

3.4.1. Enfreint l'art. 189 al. 1 aCP, dans sa version en vigueur au moment des faits (art. 2 al. 2 CP a contrario), celui qui, notamment en usant de menace ou de violence envers une personne, en exerçant sur elle des pressions d’ordre psychique ou en la mettant hors d’état de résister l’aura contrainte à subir un acte analogue à l’acte sexuel ou un autre acte d’ordre sexuel.

3.4.2. Commet un viol au sens de l'art. 190 al. 1 aCP, celui qui, notamment en usant de menace ou de violence, en exerçant sur sa victime des pressions d’ordre psychique ou en la mettant hors d’état de résister, aura contraint une personne de sexe féminin à subir l’acte sexuel.

3.4.3. Selon l'art. 191 aCP, se rend coupable d'acte d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance, celui qui, sachant qu’une personne est incapable de discernement ou de résistance, en aura profité pour commettre sur elle l’acte sexuel, un acte analogue ou un autre acte d’ordre sexuel.

3.5.  En l'espèce, les parties livrent chacune une version – des actes sexuels entretenus et des circonstances dans lesquelles ils se seraient déroulés – en opposition l'une avec l'autre. En particulier, leurs déclarations sont contradictoires sur la question décisive du consentement de la recourante et de son état psychique et physique au moment des faits.

Lorsqu'il s'agit d'infractions commises "entre quatre yeux", pour lesquelles il n'existe aucune preuve objective, comme c'est le cas en l'occurrence – aucun témoin n'ayant assisté à la scène – la jurisprudence impose la mise en accusation du prévenu, sauf si les déclarations de la partie plaignante sont contradictoires au point de les rendre moins crédibles.

Or, l'analyse du dossier met précisément en lumière des contradictions et incohérences dans la version de la recourante, en opposition avec le discours constant du mis en cause. En effet, si elle a initialement – lors de la consultation aux HUG le 4 août 2022, puis au poste de police B______ le 22 décembre 2022 – expliqué, en substance, souffrir d'une amnésie partielle et ne pas se souvenir de ce qui avait pu se passer entre le moment où elle avait bu le verre d'alcool que lui avait servi le mis en cause chez lui et son réveil dans le lit de ce dernier le lendemain matin, elle a, lors de son dépôt de plainte le 31 janvier 2023, pu détailler les actes sexuels dont elle aurait été victime (pénétration vaginale par un godemichet puis par le sexe du mis en cause, position, éjaculation sur son corps). Or, si l'explication de l'intéressée selon laquelle elle était encore sous le choc lors de sa consultation aux HUG est plausible, elle est plus difficilement concevable lorsqu'elle s'adresse à la police, quatre mois plus tard. Le déroulement détaillé des faits livrés par l'intéressée lors de son audition du 31 janvier 2023 laisse ainsi perplexe.

Le récit de la recourante, selon lequel elle aurait été droguée et abusée sexuellement par le mis en cause, est par ailleurs fortement mis à mal par les messages vocaux qu'elle lui a adressés en quittant son domicile, à teneur desquels elle avait apprécié leurs ébats et souhaitait le revoir pour un "second round". Les explications fournies par l'intéressée à la police pour justifier le contenu de ces messages – soit qu'elle avait peur du mis en cause et voulait "entrer dans son jeu" –, outre qu'elles ne sont corroborées par aucun élément du dossier, n'apparaissent ainsi pas crédibles.

Le compte-rendu des HUG ne permet quant à lui ni d'infirmer, ni de confirmer la version des faits de la recourante. L'examen gynécologique était en effet sans particularité et les résultats toxicologiques n'ont pas révélé la présence d'une drogue pouvant asseoir la thèse d'une éventuelle soumission chimique. Dans ces circonstances, il n'apparaît pas utile ni pertinent d'entendre l'auteur du rapport toxicologique ou un expert médical sur cette question.

Les autres actes d'instruction sollicités ne sont pas non plus susceptibles d'apporter d'élément complémentaire probant. En effet, rien n'indique qu'une confrontation permettrait de faire avancer l'instruction car il y a tout lieu de penser que les parties maintiendraient leurs versions. De même, on ne voit pas quel élément pertinent pourrait être obtenu de l'audition de la psychologue et/ou de l'amie de la recourante, dès lors qu'elles n'ont pas été témoins des faits. Tout au plus pourraient-elles rapporter ce que la plaignante leur a confié, ce qui n'est pas déterminant.

Il ressort de ce qui précède que rien ne permet de fonder un soupçon suffisant d'une quelconque infraction de nature sexuelle.

Partant, c'est à juste titre que le Ministère public n'est pas entré en matière sur les faits dénoncés.

4.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

5.             La recourante sollicite l'octroi de l'assistance judiciaire gratuite pour la procédure préliminaire, ainsi que pour la procédure de recours.

5.1. À teneur de l'art. 136 al. 1 CPP, la direction de la procédure accorde entièrement ou partiellement l'assistance judiciaire gratuite à la partie plaignante pour lui permettre de faire valoir ses prétentions civiles lorsqu'elle ne dispose pas des ressources suffisantes et que l'action civile ne paraît pas vouée à l'échec (let. a) et à la victime, pour lui permettre de faire aboutir sa plainte pénale, si elle ne dispose pas de ressources suffisantes et que l’action pénale ne paraît pas vouée à l’échec (let. b). L'assistance judiciaire comprend, notamment, l'exonération des frais de procédure (art. 136 al. 2 let. b CPP).

5.2. La cause du plaignant ne doit pas être dénuée de toute chance de succès. L'assistance judiciaire peut être refusée lorsqu'il apparaît d'emblée que la démarche est manifestement irrecevable, que la position du requérant est juridiquement infondée (par exemple en raison du dépôt tardif de la plainte ou d'une infraction ne protégeant pas les intérêts privés) ou si la procédure pénale est vouée à l'échec, notamment lorsqu'une ordonnance de non-entrée en matière ou de classement doit être rendue (arrêt du Tribunal fédéral 1B_49/2019 du 20 mai 2019 consid. 3.1).

5.3. En l'occurrence, sans même examiner la question de l'indigence, force est de retenir que le recours était voué à l'échec pour les motifs exposés plus haut, de sorte que les conditions pour l'octroi de l'assistance judiciaire pour la procédure de recours ne sont pas remplies.

La demande sera, partant, rejetée.

Quant à la demande d'octroi de l'assistance judiciaire pour la procédure préliminaire, celle-ci a fait l'objet d'une ordonnance de refus rendue le 8 juillet 2024 par le Ministère public. Partant, la recourante aurait dû recourir directement contre cette décision si elle souhaitait la contester, étant rappelé qu'il n'appartient pas à la Chambre de céans de statuer sur l'octroi de l'assistance judiciaire dans le cadre de la procédure préliminaire.

6.             La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront réduits pour tenir compte de sa situation financière et fixés en intégralité à CHF 600.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

Le refus d'octroi de l'assistance juridique gratuite est, quant à lui, rendu sans frais (art. 20 RAJ).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Rejette la demande d'assistance juridique gratuite pour la procédure de recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 600.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, à A______, soit pour elle son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Valérie LAUBER et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Selim AMMANN, greffier.

 

Le greffier :

Selim AMMANN

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/4565/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

515.00

Total

CHF

600.00