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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/18095/2023

ACPR/620/2024 du 22.08.2024 sur ONMMP/2348/2024 ( MP ) , ADMIS/PARTIEL

Descripteurs : DÉCISION D'IRRECEVABILITÉ;CONTRAINTE(DROIT PÉNAL);DROIT D'ÊTRE ENTENDU;MOTIVATION
Normes : CPP.310; CP.181

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/18095/2023 ACPR/620/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 22 août 2024

 

Entre

A______, domicilié ______ [VD], agissant en personne,

recourant,

 

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 30 mai 2024 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 5 juin 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 30 mai 2024, notifiée le 4 juin 2024, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur ses deux plaintes contre Me B______.

Le recourant, sans prendre de conclusions formelles, déclare recourir contre ladite ordonnance et demande à ce que l'avocat susmentionné soit condamné pour contrainte.

b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 23 mai 2023, Me B______, avocat, a déposé plainte contre A______ pour injures, menaces et harcèlement téléphonique après que ce dernier l'avait contacté par téléphone, plus d'une dizaine de fois en moins de trente minutes, déclaré qu'il était un "escroc", un "menteur" et menacé de se rendre à son étude et de déposer contre lui une plainte pénale pour escroquerie.

a.a. Cette plainte fait l'objet de la procédure P/1______/2023, dont des extraits ont été versés à la présente procédure par le Ministère public.

Il ressort de ceux-ci qu'à l'origine, dans le cadre d'une procédure civile impliquant une cliente de MB______ et la société de A______, celle-là avait été condamnée à verser à celui-ci un montant qui, auparavant, avait fait l'objet d'un commandement de payer notifié par ce dernier.

a.b. À la suite de la plainte de Me B______, le Ministère public a, par ordonnance pénale du 9 novembre 2023, condamné A______ pour diffamation, contrainte et tentative de contrainte.

Par ordonnance, du 7 février 2024, le Tribunal de police a assimilé l'ordonnance pénale précitée a un jugement entré en force, après avoir constaté l'irrecevabilité de l'opposition formée par A______.

Par ordonnance du 29 février 2024, le Ministère public a refusé la restitution de délai sollicitée par A______.

b. En parallèle, le 13 août 2023, A______ a déposé plainte contre MB______ pour "diffamation, provocation, persécution, induction de la justice en erreur" pour avoir déposé une plainte injustifiée à son encontre, par caprice. Il n'avait jamais été menaçant ni ne l'avait jamais insulté ni menacé de quoique ce soit.

c. Le 9 novembre 2023, A______ a déposé une nouvelle plainte contre MB______, pour contrainte.

Se référant à la procédure P/1______/2023, il a expliqué que l'avocat, par lettre du 10 juillet 2023 – qui ne figure pas parmi les extraits versés à la procédure par le Ministère public –, l'avait menacé et contraint à radier la poursuite qu'il avait introduite contre sa cliente. Il s'était exécuté à "[s]on bon vouloir et pour la paix des ménages car rien ne [l]'y obligeait". Malgré cela, MB______ avait porté plainte contre lui.

d. À une date indéterminée, A______ s'est vu notifier un commandement de payer par MB______ portant sur CHF 10'000.- et CHF 2'000.- à titre, respectivement, de dommages et intérêts et tort moral dus "selon l'ordonnance pénale du Ministère public de Genève du 9 novembre 2023".

e. Le 4 avril 2024, A______ a, à nouveau, déposé plainte contre MB______, pour contrainte.

Il reprochait à MB______ de l'avoir contraint à former opposition à la poursuite susmentionnée, selon lui non justifiée, alors que l'ordonnance pénale le condamnant n'était pas encore entrée en force. L'avocat aurait d'abord dû saisir la justice civile pour faire reconnaître un éventuel préjudice.

Il a produit le courrier du 21 mars 2024, à teneur duquel Me B______ lui expliquait que son comportement lui avait causé un préjudice considérable – perte d'une importante cliente –, qu'il ne pouvait pas en l'état encore chiffrer, mais qu'il avait fait notifier un commandement de payer aux fins d'interrompre la prescription.

C. Dans la décision querellée, qui mentionne les plaintes du 13 août et 9 novembre 2023, le Ministère public expose qu'aucune des plaintes déposées par A______ ne réalisait les éléments constitutifs de dénonciation calomnieuse ou contrainte. En particulier s'agissant de cette seconde infraction, A______ avait accepté de radier la poursuite volontairement et "pour la paix des ménages".

D. a. Dans son recours, A______, se référant à sa plainte du 9 novembre 2023, rappelle que Me B______ l'avait contraint à radier la poursuite qu'il avait introduite contre une cliente de ce dernier, après qu'elle avait été soldée. Il s'était exécuté selon son bon vouloir.

Quant à sa plainte du 4 avril 2024, elle avait "carrément été oubliée" par le Ministère public.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

1.2. Le recours ne porte pas sur la plainte du 13 août 2023, de sorte que la décision est définitive sur ce point.

2.             Le recourant fait grief au Ministère public de ne pas être entré en matière sur sa plainte du 9 novembre 2023 et de ne pas avoir traité celle du 4 avril 2024.

2.1.  À teneur de l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis.

Au moment de statuer sur l'ouverture éventuelle de l'instruction, le ministère public doit examiner si les conditions d'exercice de l'action publique sont réunies, c'est-à-dire si les faits qui sont portés à sa connaissance sont constitutifs d'une infraction pénale et si la poursuite est recevable. Il suffit que l'un des éléments constitutifs de l'infraction ne soit manifestement pas réalisé pour que la non-entrée en matière se justifie (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 8 ad art. 310).

2.2. Se rend coupable de contrainte, au sens de l'art. 181 CP, quiconque, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d'un dommage sérieux, ou en l'entravant de quelque autre manière dans sa liberté d'action, l'oblige à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte.

Selon cette disposition, les moyens de contrainte utilisés à l’endroit d’une personne doivent avoir obligé cette dernière à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte et ceci contre sa volonté (ATF 101 IV 167, c. 3, JdT 1976 IV 50; A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), Commentaire romand, Code pénal II, vol. II, Partie spéciale : art. 111-392 CP, Bâle 2017, n. 22 ad art. 181).

2.3. En l'occurrence, l'infraction dénoncée par le recourant dans sa plainte du 9 novembre 2023 n'est manifestement pas réalisée.

Si, le recourant reproche certes au mis en cause de l'avoir contraint à radier la poursuite qu'il avait auparavant déposée contre sa cliente, il explique, tant dans sa plainte que dans son recours, qu'il s'était exécuté volontairement et selon "[s]on bon vouloir et pour la paix des ménages car rien ne [l]'y obligeait". Dans ces circonstances, on ne saurait retenir qu'il aurait agi contrairement à sa volonté, ni, qui plus est, sur la base d'un quelconque moyen de contrainte de la part du mis en cause.

Partant, en l'absence de la réalisation des éléments constitutifs objectifs de l'infraction, la décision attaquée ne prête pas le flanc à la critique.

2.4. Le recourant reproche également au Ministère d'avoir "oublié" sa plainte du 4 avril 2024.

La décision attaquée ne mentionne effectivement pas la plainte en question, qui figure pourtant au dossier. Ainsi, ce grief, soulevé par un justiciable en personne, équivaut à se plaindre d'une violation du droit d'être entendu.

Au regard de la nature procédurale du grief, il convient de procéder au renvoi de la cause au Ministère public sur cet aspect, sans ordonner préalablement un échange d'écritures (ATF 133 IV 293 consid. 3.4.2; arrêts du Tribunal fédéral 6B_662/2020 du 18 août 2020 consid. 2 et 6B_30/2020 du 6 avril 2020 consid. 2).

3.             Compte tenu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis et la cause renvoyée au Ministère public en ce qui concerne la plainte du 4 avril 2024. Pour le surplus, le recours est rejeté, en tant qu'il est manifestement mal fondé, ce que la Chambre de céans pouvait constater d'emblée sans échange d'écritures ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

4.             Le recourant, qui obtient gain de cause sur l'un des deux griefs invoqués, sera dispensé des frais de la procédure dans cette mesure (art. 428 al. 1 CP). Pour le grief pour lequel il succombe, il se justifie de le condamner à la moitié des frais de la procédure, fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03), soit CHF 500.-.

Ce montant sera prélevé sur les sûretés versées (CHF 1'000.-) et le solde (CHF 500.-) restitué.

Le solde des frais sera laissé à la charge de l'État (art. 428 al. 4 CPP).

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Admet partiellement le recours.

Renvoie la cause au Ministère public pour qu'il statue sur la plainte du 4 avril 2024.

Rejette le recours pour le surplus.

Condamne A______ à la moitié des frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-, soit au paiement de CHF 500.-, l'autre moitié étant laissée à la charge de l'État.

Dit que ce montant (CHF 500.-) sera prélevé sur les sûretés versées (CHF 1'000.-).

Invite les services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer CHF 500.- à A______.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/18095/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

915.00

CHF

Total

CHF

1'000.00