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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/7301/2024

ACPR/565/2024 du 31.07.2024 sur ONMMP/1808/2024 ( MP ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : DÉCISION D'IRRECEVABILITÉ;LÉSION CORPORELLE;ACTION PÉNALE;PLAINTE PÉNALE;MOYEN DE DROIT;RETARD
Normes : CPP.310; CP.123

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/7301/2024 ACPR/565/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 31 juillet 2024

 

Entre

 

A______, actuellement détenu à B______, ______, agissant en personne,

recourant,

 

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 25 avril 2024 par le Ministère public,

 

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 1er mai 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 25 avril 2024, notifiée le lendemain, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte.

Le recourant, sans prendre de conclusions formelles, déclare recourir contre ladite ordonnance.

b. Le recourant a été dispensé de verser les sûretés (art. 383 CPP).

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Dans la nuit du 14 au 15 janvier 2023, une altercation est survenue aux abords de l'établissement public "C______", entre A______ et D______.

b. Selon le rapport d'expertise médicale du Centre Universitaire romand de médecine légale du 26 juin 2023, A______ avait été examiné le 15 janvier 2023, à 6h45, soit environ quatre heures après les faits. L'entretien s'était déroulé en français. Il avait donné sa version des faits, estimant être la victime. Des ecchymoses au niveau de l'hémiface gauche, associées à une tuméfaction de la paupière supérieure gauche et à des infiltrations hémorragiques de la sclère de l'œil gauche, ainsi que des dermabrasions au niveau des joues avaient été mises en évidence sur l'expertisé. Ces lésions n'avaient pas mis sa vie en danger.

c. Par suite de cet évènement, le Tribunal correctionnel a, par jugement du 14 février 2024 (P/1______/2023) – versé à la présente procédure par le Ministère public –, déclaré A______ coupable notamment de tentative de meurtre et de lésions corporelles simples pour avoir donné à D______ un coup de couteau au côté droit de l'abdomen, avec l'intention de le tuer, et des coups de pied au ventre et au dos, alors que celui-ci se trouvait au sol, lui causant des lésions ayant nécessité son hospitalisation d'urgence et une laparoscopie.

Il ressort de ce jugement que A______ avait été entendu, à plusieurs reprises, par les autorités pénales, soit : par la police, le 15 janvier 2023; puis par le Ministère public, les 16 janvier, 16 mars et 3 avril 2023; et par-devant le Tribunal correctionnel, à l'audience de jugement. À ces occasions, il s'était exprimé sur les faits reprochés.

En outre, par courriers des 22 mai et 30 juin 2023, il s'était adressé au Ministère public pour notamment exprimer ses regrets et expliquer ce dont il se souvenait de la soirée en question.

d. Le 20 mars 2024, A______ a déposé plainte contre D______ pour lésions corporelles graves à la suite de leur altercation.

Il avait été agressé et souhaitait que la lumière soit faite sur les évènements de ce jour-là et les blessures subies à cette occasion. Depuis l'incident, il avait des pertes de mémoire, ainsi que des séquelles psychiques.

C. Dans la décision querellée, le Ministère public retient que les blessures constatées sur A______ ne constituaient pas des lésions corporelles graves, de sorte que seule l'infraction de lésions corporelle simples, au sens de l'art. 123 CP, pouvait entrer en ligne de compte. Toutefois, déposée plus d'un an après les faits, la plainte du prénommé était tardive.

D. a. Dans son recours, A______ explique que dès son interpellation, il avait voulu déposer plainte contre D______ et que par-devant le Ministère public, lorsque la question lui avait été posée, il avait exprimé son souhait de le faire. Cependant, son avocat, qui devait s'en charger, n'avait pas fait le nécessaire. Il ne maîtrisait pas la langue française et ne connaissait pas les délais légaux pour un tel acte. "Ça a trainé", mais il souhaitait aujourd'hui qu'on l'écoute. Sa plainte corroborait ses déclarations et devait être prise en considération afin de lui permettre "un procès en appel juste" et que "justice soit rendue à tout le monde".

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             3.1. Une ordonnance de non-entrée en matière doit être rendue lorsqu'il existe des empêchements de procéder (art. 310 al. 1 let. b CPP), par exemple lorsque le délai pour déposer plainte prévu par l'art. 31 CP n'a pas été respecté (arrêt du Tribunal fédéral 6B_848/2018 du 4 décembre 2018 consid. 1.5).

3.2. Selon l'art. 31 CP, le droit de porter plainte se prescrit par trois mois. Le délai court du jour où l'ayant droit a connu l'auteur de l'infraction.

3.3. Sont poursuivies d'office, les lésions corporelles qualifiées de graves, soit si l'auteur a blessé une personne de façon à mettre sa vie en danger (art. 122 let. a CP), a mutilé le corps d'une personne, un de ses membres ou un de ses organes importants ou causé à une personne une incapacité de travail, une infirmité ou une maladie mentale permanentes, ou a défiguré une personne d'une façon grave et permanente (art. 122 let. b CP) ou encore a fait subir à une personne toute autre atteinte grave à l'intégrité corporelle ou à la santé physique ou mentale (art. 122 let. c CP).

3.4. En revanche, les lésions corporelles simples, à savoir toutes celles qui ne peuvent être qualifiées de graves au sens de l'art. 122 CP, mais qui vont au-delà de l'atteinte physique ne causant pas de dommage à la santé qui caractérise les voies de fait (art. 126 CP), sont poursuivies sur plainte (art. 123 CP).

Un hématome – qui résulte de la rupture de vaisseaux sanguins et laisse normalement des traces pendant plusieurs jours – constitue en principe une lésion corporelle simple (ATF 119 IV 25 consid. 2a; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1405/2017 du 10 juillet 2018 consid. 2.1 in fine). Il en va de même de blessures, meurtrissures, écorchures ou griffures, sauf si elles n’ont pas eu d'autres conséquences qu'un trouble passager et sans importance du sentiment de bien-être, auquel cas il s'agit de voies de fait (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1283/2018 du 14 février 2019 consid. 2.1).

3.5. En l'espèce, une altercation est survenue entre les parties, dans la nuit du 14 au 15 janvier 2023, à l'issue de laquelle le recourant a présenté plusieurs blessures, constatées médicalement.

Cela étant, aucun élément au dossier ne rend vraisemblable que ces lésions auraient causé une atteinte grave à sa santé, au sens de l'art. 122 CP. Au contraire, l'expertise médicale réalisée quelques heures après les faits constate que l'intéressé présentait des dermabrasions, des ecchymoses, des infiltrations hémorragiques de la sclère et une tuméfaction, principalement sur le côté gauche du visage, qui n'avaient pas mis en danger sa vie. En outre, rien ne permet de relier ces lésions corporelles aux pertes de mémoire et séquelles psychiques alléguées.

Partant, conformément à la jurisprudence précitée, seules des lésions corporelles simples pourraient être retenues.

Or, l'infraction en question est poursuivie sur plainte (art. 123 al. 1 CP).

Le recourant a été entendu, à tout le moins, à quatre reprises, par les autorités pénales, dans les trois mois suivant les évènements du 14 et 15 janvier 2023 – les 15 et 16 janvier, le 16 mars et le 3 avril 2023 –. À ces occasions, il a pu s'exprimer et donner sa version des faits, y compris en français aux experts chargés de l'examiner. Par la suite, il s'est adressé, par écrit, à deux reprises, au Ministère public et a rédigé l'acte de recours. Il n'allègue pas avoir eu besoin de l'assistance d'un conseil pour leur rédaction. Il en va de même pour la plainte finalement déposée le 20 mars 2024. La concernant, il ne prétend d'ailleurs pas non plus avoir été dans l'impossibilité de la déposer plus tôt, sous cette forme.

L'allégation, qui ne trouve aucune assise au dossier, selon laquelle son avocat devait entreprendre une telle démarche et aurait failli, n'est pas pertinente. D'une part, au vu de la plainte du 20 mars 2024, le recourant était en mesure de la déposer lui-même, ne serait-ce même que par oral, lors de ses auditions par-devant les autorités pénales. D'autre part, le recourant revêtant la qualité de partie plaignante, toute omission de son conseil lui est imputable, n'étant pas, en cette qualité, au bénéfice d'une défense obligatoire (ATF 143 I 284 consid. 1.3).

Partant, faute d'élément laissant supposer une incapacité d'agir dans les délais de l'art. 31 CP, la plainte déposée le 20 mars 2024, soit plus d'une année après les faits et la connaissance de l'auteur, est tardive.

L'infraction n’étant poursuivie que sur plainte, il existe un empêchement de procéder et la décision de non-entrée en matière est donc justifiée.

4.             Le recours sera par conséquent rejeté.

5.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 300.- compte tenu de sa situation personnelle (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 300.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Valérie LAUBER et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Xavier VALDES TOP, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES TOP

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/7301/2024

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

215.00

Total

CHF

300.00