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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/12554/2020

ACPR/528/2024 du 22.07.2024 sur OCL/627/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : CLASSEMENT DE LA PROCÉDURE;FRAIS DE LA PROCÉDURE;ORDONNANCE DE CLASSEMENT;INDEMNITÉ(EN GÉNÉRAL);DROIT DU TRAVAIL;PROTECTION DES TRAVAILLEURS
Normes : CPP.426.al2; CP.53; CO.321c; LTr.51; LTr.9; LTr.17; LTr.21; LIRT.39

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/12554/2020 ACPR/528/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 22 juillet 2024

 

Entre

A______, représentée par Me Nicolas WYSS, avocat, WLM AVOCATS, place Edouard-Claparède 5, case postale 292, 1211 Genève 12,

recourante,

contre l'ordonnance de classement rendue le 3 mai 2024 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte déposé le 21 mai 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 3 précédent, notifiée le 10 suivant, par laquelle le Ministère public a ordonné le classement de la procédure à son égard (chiffre 1 du dispositif), l'a condamnée aux frais de la procédure – arrêtés à CHF 13'968.90 – (chiffre 7) et a refusé de lui allouer une indemnité (chiffre 6).

La recourante conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation du chiffre 7 dudit dispositif, subsidiairement à l'annulation de l'ordonnance querellée. Cela fait, elle demande à ce que les frais de la procédure soient mis à la charge de l'État et à ce qu'une indemnité lui soit octroyée.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. B______ SARL (ci-après, B______), dont l'associée gérante avec signature individuelle est A______, exploite à Genève des salons de massage érotiques sous la raison C______ (ci-après, salons C______).

b. Entre les 8 novembre 2019 et 1er juillet 2022, D______, E______ et F______ se sont présentés à la police pour déposer plainte contre A______.

b.a. Les deux premiers nommés, ressortissants étrangers au bénéfice des autorisations de séjour, ont déclaré avoir travaillé, entre juillet 2017 et octobre 2020 – respectivement entre juin 2016 et août 2021 –, en tant que réceptionnistes dans les salons C______. Ils ne bénéficiaient pas de pause durant les heures de travail et leurs vacances n'étaient pas payées. Leur salaire horaire, variant entre CHF 14.30 et CHF 14.50, était inférieur au salaire minimum pour l'activité concernée. Ils ne touchaient aucune indemnisation pour les heures de nuit et celles supplémentaires, pas plus que pour le travail dominical et les jours fériés. Ils avaient tenu des décomptes précis de leurs heures de travail, lesquels ne correspondaient pas avec les fiches de salaire transmises par leur employeur. La gérante des salons était rarement présente et vivait la plupart du temps à G______ [Emirats Arabes Unis].

Annexés aux procès-verbaux des auditions figurent notamment:

- des relevés mensuels établis par les plaignants, lesquels font état des heures de travail effectuées et des montants perçus;

- des certificats de salaire établis par B______, lesquels mentionnent les déductions des charges sociales et

- un document intitulé "[c]ontrat de travail pour réceptionniste" non signé et portant le nom de l'employeur.

b.b. F______, ressortissante hongroise et assistée d'un interprète, a, quant à elle, expliqué avoir – entre juin 2018 et octobre 2019 – exercé l'activité de prostitution dans deux des salons C______. Ceux-ci prélevaient une commission fixe de 40% sur ses gains, majorée de CHF 10.- pour des revenus journaliers entre CHF 0.- et CHF 500.-, de CHF 22.- entre CHF 600.- et CHF 800.- et de CHF 42.- pour des revenus supérieurs à CHF 800.-. Par ailleurs, l'employeur facturait aux travailleuses de sexe les sommes de CHF 20.- et de CHF 100.- pour les procédures d'annonce et d'obtention du permis de séjour. Enfin, les filles travaillaient et dormaient dans les salons et "[i]l [leur était] demandé […] de pratiquer les fellations sans préservatifs".

c. A______ a été mise en prévention pour usure (art. 157 CP) en lien avec les faits susmentionnés.

d. Les 9 décembre 2021 et 25 mai 2023, l'Office cantonal de l'inspection et des relations du travail (ci-après, OCIRT) a, sur demande du Ministère public, rendu des rapports – basés sur les pièces du dossier pénal – desquels il ressort en substance que D______ – et d'autres réceptionnistes de B______, engagés les dimanches – avaient, entre 2018 et 2021, été appelés à travailler plus de six jours consécutifs. Par ailleurs, dans de nombreux cas, la première nommée avait travaillé plus que dix heures par nuit et la durée de la semaine de travail avait excédé les 50 heures. Il s'ensuivait que A______ avait enfreint l'art. 59 al. 1 let. b de la loi fédérale sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et le commerce du 13 mars 1964 (LTr; RS 822.11).

e. Les 11 et 17 mars 2022, le Ministère public a ordonné la perquisition des salons C______ et de deux appartements loués par B______.

D'après le rapport du 5 mai 2022 de la brigade de lutte contre la traite des êtres humains et la prostitution illicite (ci-après, BTPI), la police a saisi plusieurs téléphones portables, du matériel informatique et des documents, tels que des "contrat[s] de travail pour aide temporaire sur appel" et "contrat[s]de réceptionniste". L'analyse du contenu du matériel informatique avait permis de constater que, dans le planning du mois de janvier 2021, les réceptionnistes étaient attribués à des salons pour l'entier du mois, sans bénéficier de jour de repos.

f. Sur mandat du Ministère public, la police a procédé, le 17 mars 2022, à l'audition – en tant que témoins – de huit autres réceptionnistes des salons C______ – ressortissants hongrois et tunisiens –.

Il ressort en substance de leurs déclarations qu'ils étaient engagés par A______, laquelle validait les plannings des heures de travail. La précitée était rarement présente dans les salons et vivait la plupart du temps à G______. Leur salaire journalier s'élevait à CHF 100.- pour sept heures de travail – que celles-ci fussent effectuées en semaine, les week-ends ou les jours fériés –. Ils avaient travaillé plusieurs semaines sans bénéficier d'un jour de congé. Ils étaient globalement satisfaits de leurs conditions de travail, lesquelles étaient meilleures qu'en Hongrie.

g. Auditionnée le 30 juin 2023 par la police sur délégation du Ministère public, A______ a contesté les faits reprochés. Elle gérait les salons C______, ainsi que deux salons à H______ [TG] et à I______ [GR]. Elle habitait à J______ (Thurgovie) et passait souvent les vacances à G______. Les plannings de janvier 2021 – contenus dans l'ordinateur saisi – n'étaient pas définitifs et ne mentionnaient pas les heures de travail réellement effectuées par les réceptionnistes. À la suite des échanges avec le SECO, les contrats de ces derniers étaient "adaptés aux salaires minimum en vigueur" et tenaient compte des exigences légales en matière d'heures de nuit et de jours fériés. Les réceptionnistes étaient indemnisés pour les vacances non prises et pouvaient bénéficier des pauses durant les jours du travail. Leur salaire net comprenait également un montant journalier de CHF 50.- correspondant à une indemnité de logement. Par ailleurs, les travailleuses du sexe n'étaient pas obligées de pratiquer des fellations sans préservatifs. Les montants prélevés sur leurs gains correspondaient à des frais administratifs, des charges d'exploitation et des bénéfices. F______ l'avait récemment contactée afin de travailler à nouveau dans les salons C______.

h. Entre les 17 juillet et 12 septembre 2023, le Ministère public a ordonné une perquisition de la maison de A______ à J______, émis un ordre de dépôt auprès de la compagnie aérienne K______ et adressé une demande d'entraide judiciaire aux Emirates Arabes Unis – demeurée sans réponse – en vue de déterminer le lieu de vie de la prévenue.

D'après les rapports de la BTPI des 31 août, 20 septembre et 28 novembre 2023, la prévenue ne semblait pas habiter dans la maison précitée, laquelle servait davantage de lieu de stockage des dossiers relatifs aux salons de massage. Entre février 2017 et juin 2023, elle avait quitté la Suisse durant plusieurs mois.

i. Le 5 décembre 2023, le Ministère public a entendu A______, en présence de D______ et E______.

Les parties ont en substance confirmé leurs précédentes déclarations, les deux derniers nommés précisant avoir effectué des heures supplémentaires – lesquelles n'avaient pas été payées –, ce qui a été contesté par la prévenue.

Annexées au procès-verbal de l'audience figurent notamment des fiches de salaire de D______ et E______ pour la période de 2016 à 2021 – dont certaines font état d'indemnités pour des vacances et des jours fériés –.

j. Par avis de prochaine clôture du 3 janvier 2024, le Ministère public a informé les parties qu'il entendait dresser un acte d'accusation et leur a imparti un délai au 15 suivant – prolongé au 29 mars 2024 – pour présenter leurs éventuelles réquisitions de preuves.

k. Par courrier du 29 janvier 2024, A______ a informé le Ministère public avoir entamé des pourparlers transactionnels avec D______ et E______, ce qui a été confirmé par ces derniers, sous la plume de leurs conseils.

l. Par plis des 15 et 28 mars 2024, les prénommés ont retiré leurs plaintes, précisant ne plus avoir des prétentions civiles à l'encontre de la prévenue.

m. Par lettre du 28 mars 2024, A______ a conclu au classement de la procédure. D______ et E______ avaient retiré leur plainte, et F______ l'avait contactée récemment afin de revenir travailler, ce qui prouvait que ses griefs n'étaient pas fondés. Le salaire horaire brut des deux premiers nommés s'élevait à CHF 20.15 – correspondant à un montant de CHF 14,28, majoré des indemnités pour des vacances et jours fériés, ainsi que des déductions sociales –, ce qui n'était pas usuraire au sens de l'art. 157 CP. Par ailleurs, les anciens réceptionnistes avaient certes effectué des heures supplémentaires non rémunérées, mais cette question avait été réglée dans l'accord transactionnel. Enfin, l'OCIRT n'avait pas prononcé de sanction, ni donné d'avertissement.

n. Par nouvel avis de prochaine clôture du 8 avril 2024, le Ministère public a informé les parties qu'il entendait rendre une ordonnance de classement et condamner la prévenue aux frais de la procédure. Il leur a imparti un délai au 26 suivant pour présenter leurs réquisitions de preuve et solliciter une indemnisation.

Aucune suite n'a été donnée à ce courrier.

o. Par deux courriers du 29 avril 2024 adressés à A______, l'OCIRT a – sur la base des déclarations des employés et des documents transmis par le fiduciaire de l'employeur – constaté que les rémunérations des réceptionnistes – pour la période de novembre 2020 à avril 2024 – étaient inférieures au salaire minimum cantonal, ce qui était passible d'une sanction administrative. Par ailleurs – entre les 1er mars et 31 août 2023 –, plusieurs dispositions de la LTr – à l'instar des art. 17 al. 1 LTr (durée maximale du travail de nuit), 15 al. 2 LTr (pause et enregistrement du temps de travail) et 9 LTr (durée maximale de la semaine) – avaient été violées. Un avertissement à l'encontre de l'employeur était dès lors prononcé (art. 51 al. 1 LTr).

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public considère que les éléments constitutifs de l'infraction d'usure – à tout le moins au préjudice de D______ et E______ – étaient réalisés, dans la mesure où la différence entre le salaire minimum cantonal – respectivement le salaire de référence dans le secteur d'hôtellerie – et celui effectivement perçu par les réceptionnistes était supérieur à 20%. Il existait toutefois un motif de renoncer à toute poursuite pénale en vertu de l'art. 53 CP, dès lors que la prévenue, en ayant conclu un accord transactionnel avec les plaignants, avait fourni tous les efforts que l'on pouvait attendre d'elle pour compenser le tort causé. Il convenait par ailleurs de classer la plainte de F______, dans la mesure où cette dernière s'était désintéressée de la procédure et avait contacté la prévenue afin de revenir travailler pour elle.

Les frais de procédure devaient être mis à la charge de A______, car elle avait de manière illicite et fautive provoqué l'ouverture de la procédure. Aucune indemnité ne devait lui être accordée pour le même motif, bien qu'elle n'eût pris aucune conclusion dans ce sens.

D. a. Dans son recours, A______ reprend en substance les termes de son courrier du 28 mars 2024, précisant que – faute de contre-prestation disproportionnée – les éléments constitutifs de l'infraction d'usure n'étaient pas réunis. Le Ministère public avait dès lors violé le principe de la présomption d'innocence en l'ayant condamnée aux frais de la procédure. Par ailleurs, les plaignants n'avaient jamais fait valoir de prétentions civiles à son encontre, de sorte qu'aucune violation d'une norme de comportement ne pouvait lui être reprochée. En outre, elle n'avait pas provoqué l'ouverture de la procédure pénale dirigée contre elle, ni n'en avait entravé le cours. Au contraire, les autorités étaient intervenues par excès de zèle, dans la mesure où les actes d'instruction entrepris s'apparentaient à une recherche indéterminée de preuves ("fishing expedition").

b. Dans ses observations, le Ministère public conclut au rejet du recours. La mise des frais de procédure à la charge de la recourante se justifiait, dès lors que celle-ci avait violé l'art. 59 al. 1 let. b LTr, ce qui ressortait également des rapports de l'OCIRT. Par ailleurs, au regard des éléments mis en évidence durant la procédure, il existait des soupçons fondés d'usure, de sorte que les autorités pénales n'avaient pas procédé par excès de zèle. Enfin, le principe de la présomption d'innocence n'avait pas été violé, dans la mesure où le classement avait été prononcé sur la base de l'art. 53 CP.

c. Dans sa réplique, A______ persiste dans les termes de son recours.

 

 

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la prévenue qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La recourante conteste la mise à sa charge de l'intégralité des frais de la procédure et, partant, le refus d'indemnisation conformément à l'art. 429 CPP.

2.1.       Aux termes de l'art. 429 al. 1 let. a CPP, le prévenu acquitté totalement ou en partie ou au bénéfice d'un classement a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure.

La question de l'indemnisation selon l'art. 429 CPP doit être tranchée après celle des frais, selon l'art. 426 CPP (arrêts du Tribunal fédéral 6B_565/2019 du 12 juin 2019 consid. 5.1; 6B_373/2019 du 4 juin 2019 consid. 1.2). Dans cette mesure, la décision sur ceux-ci préjuge du sort de celle-là (ATF 144 IV 207 consid. 1.8.2).

Si le prévenu supporte les frais en application de l'art. 426 al. 1 ou 2 CPP, une indemnité est en règle générale exclue. En revanche, si l'État supporte les frais de la procédure pénale, le prévenu a en principe droit à une indemnité selon l'art. 429 CPP (ATF 137 IV 352).

2.2.       Selon la jurisprudence relative à l'art. 426 al. 2 CPP, mais applicable par analogie à l'art. 430 al. 1 let. a CPP (cf. arrêt du Tribunal fédéral 6B_77/2013 du 4 mars 2013 consid. 2.3), la condamnation d'un prévenu acquitté à supporter tout ou partie des frais, respectivement le refus de lui allouer une indemnisation à raison du préjudice subi par la procédure pénale, doit respecter la présomption d'innocence, consacrée par les art. 32 al. 1 Cst. et 6 par. 2 CEDH. Celle-ci interdit de rendre une décision défavorable au prévenu libéré en laissant entendre que ce dernier serait néanmoins coupable des infractions qui lui étaient reprochées. Une condamnation aux frais, respectivement un refus d'indemnisation, n'est ainsi admissible que si le prévenu a provoqué l'ouverture de la procédure pénale dirigée contre lui ou s'il en a entravé le cours. À cet égard, seul un comportement fautif et contraire à une règle juridique, qui soit en relation de causalité avec les frais imputés, entre en ligne de compte (ATF 119 Ia 332 consid. 1b p. 334; ATF 116 Ia 162 consid. 2c; arrêts 6B_556/2017 du 15 mars 2018 consid. 2.1; 6B_301/2017 du 20 février 2018 consid. 1.1).

Pour déterminer si le comportement en cause est propre à justifier l'imputation des frais, le juge peut prendre en considération toute norme de comportement écrite ou non écrite résultant de l'ordre juridique suisse pris dans son ensemble, dans le sens d'une application par analogie des principes découlant de l'art. 41 CO. Le fait reproché doit constituer une violation claire de la norme de comportement
(ATF 119 Ia 332 consid. 1b; arrêt 6B_301/2017 consid. 1.1). Une condamnation aux frais ne peut se justifier que si, en raison du comportement illicite du prévenu, l'autorité était légitimement en droit d'ouvrir une enquête. Elle est en tout cas exclue lorsque l'autorité est intervenue par excès de zèle, ensuite d'une mauvaise analyse de la situation ou par précipitation (ATF 116 Ia 162 consid. 2c; arrêt 6B_301/2017 précité consid. 1.1). La mise des frais à la charge du prévenu doit en effet rester l'exception (ATF 144 IV 202 consid. 2.2).

2.3. L'art. 53 CP règle le sort de la procédure pour le cas où l'auteur aura réparé le "dommage" ou compensé le "tort" causé. Cette disposition repose donc sur la prémisse selon laquelle l'auteur a commis un acte illicite, pour lequel il porte une part de culpabilité. À cet égard, la loi prévoit certes que le Ministère public et les tribunaux rendent, le cas échéant, une ordonnance de non-entrée en matière ou de classement (cf. art. 8 al. 4 CPP). Cette décision, en ce qu'elle n'emporte pas condamnation et ne se prononce pas sur la culpabilité, ne porte pas atteinte à la présomption d'innocence dont bénéficie le prévenu. Néanmoins, compte tenu de l'acte illicite nécessairement commis et en dépit duquel une non-entrée en matière ou un classement est prononcé, une mise à sa charge des frais s'avère en tous les cas justifiée (ATF 144 IV 202 consid. 2.3).

2.4. Aux termes de l'art. 9 al. 1 let. b LTr, sous réserve de la let. a, la durée maximale de la semaine de travail est de 50 heures.

La durée du travail de nuit du travailleur n'excédera pas neuf heures, ou dix heures, pauses incluses (art. 17a al. 1 LTr).

Lorsque le travail hebdomadaire est réparti sur plus de cinq jours, l'employeur est tenu de donner au travailleur une demi-journée de congé par semaine, sauf dans les semaines comprenant un jour chômé (art. 21 al. 1 LTr).

Selon l'art. 21 al. 3 de l'ordonnance relative à la loi sur le travail du 10 mai 2020 (OLT1-RS 822.111), le travailleur occupé le dimanche ne peut être appelé à travailler plus de six jours consécutifs.

L'art. 51 LTr, qui traite de l'intervention préalable de l'autorité en cas d'infraction, prévoit qu'en cas d'infraction à la loi, à une ordonnance ou à une décision, l'autorité cantonale signale l'infraction au contrevenant et l'invite à respecter la prescription ou décision qu'il a enfreinte (al. 1). Si le contrevenant ne donne pas suite à cette intervention, l'autorité cantonale prend la décision voulue, sous menace de la peine prévue à l'art. 292 CP (al. 2).

Aux termes de l'art. 39N de la loi sur l'inspection et les relations du travail du 12 mars 2004 (LIRT – J 1 05), l'OCIRT peut prononcer une amende administrative lorsqu'un employeur ne respecte pas le salaire minimum.

Selon l'art. 321c al. 3 CO, l'employeur est tenu de rétribuer les heures de travail supplémentaires qui ne sont pas compensées par un congé en versant le salaire normal majoré d'un quart au moins, sauf clause contraire d'un accord écrit, d'un contrat-type de travail ou d'une convention collective.

2.5. En l'espèce, le Ministère public a classé la procédure par application de l'art. 53 CP, ce qui permettait la mise à la charge de la recourante des frais y relatifs sans violer le principe de la présomption d'innocence. Par ailleurs, d'après les courriers de l'OCIRT, les rémunérations des réceptionnistes – pour la période de novembre 2020 à avril 2024 – étaient inférieures au salaire minimum cantonal, ce qui était passible d'une sanction administrative pour violation de l'art. 39N LIRT. En outre, la prévenue avait violé les dispositions de la LTr, dès lors que la durée de la semaine de travail avait excédé les 50 heures et que les employés avaient travaillé plusieurs semaines sans bénéficier de jours de congé, ce qui ressort également des déclarations des témoins. D'ailleurs, l'autorité cantonale a prononcé à l'encontre de l'employeur un avertissement au sens de l'art. 51 al. 1 LTr. Enfin, la recourante a admis, dans son courrier du 28 mars 2024, que D______ et E______ avaient effectué des heures supplémentaires non rémunérées, ce qui est contraire à l'art. 321c al. 3 CO.

Ces violations sont sans conteste à l'origine de l'ouverture de la présente procédure, dès lors qu'elles permettaient légitimement aux plaignants précités de soupçonner l'existence d'infractions pénales à leur encontre. Le lien de causalité adéquate est dès lors réalisé et la recourante ne saurait reprocher aux autorités de poursuite pénale d'avoir procédé par excès de zèle.

La procédure n'a pas été menée à terme, uniquement en raison des accords transactionnels intervenus avec D______ et E______, ayant conduit au retrait de leurs plaintes. Les actes d'instruction accomplis jusque-là étaient en adéquation avec les faits reprochés à la recourante. Contrairement à ce qu'elle soutient, il en va de même de la demande d'entraide internationale et de l'ordre de dépôt auprès d'une compagnie aérienne, dans la mesure où il ressort des déclarations des plaignants et des témoins que l'intéressée était rarement présente dans les salons et vivait la plupart du temps à G______.

S'agissant des faits dénoncés par F______, ceux-ci n'ont pas nécessité d'actes d'instruction distincts de ceux pour lesquels le Ministère public a fait application de l'art. 53 CP et, partant, n'ont pas engendré des frais supplémentaires. À cela s'ajoute que lesdits faits se rapportaient également aux conditions de travail imposées par la prévenue.

En définitive, c'est donc à bon droit que le Ministère public a condamné la recourante aux frais de la procédure de classement. Partant, il pouvait également lui refuser toute indemnité.

3.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

4.             La recourante, qui succombe, supportera les frais de la procédure, fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, à A______, soit pour elle son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Valérie LAUBER, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/12554/2020

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

915.00

 

 

Total

CHF

1'000.00