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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/25842/2022

ACPR/525/2024 du 18.07.2024 ( MP ) , ADMIS

Descripteurs : RETARD INJUSTIFIÉ;PRINCIPE DE LA CÉLÉRITÉ
Normes : CPP.5; Cst.29

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/25842/2022 ACPR/525/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 18 juillet 2024

 

Entre

A______ et B______, domiciliés ______ [GE], agissant en personne,

recourants,

pour déni de justice et violation du principe de la célérité,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 5 avril 2024, A______ et B______ recourent pour déni de justice et violation du principe de la célérité, qu'ils reprochent au Ministère public.

Les recourants concluent au constat de déni de justice et à ce qu'il soit ordonné au Ministère public d'instruire, avec célérité, la procédure en procédant, dans les trente jours à compter de la notification de la décision de la Chambre de céans, à divers actes d'instruction.

b. Les recourants ont versé les sûretés en CHF 900.- qui leur étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 6 décembre 2022, B______ et A______ ont déposé plainte, en leur nom et pour le compte de leur enfant mineur, C______, né le ______ 2021, contre la Dre D______, ______ [fonction] en pédiatrie des Hôpitaux Universitaires de Genève (ci-après: HUG) pour lésions corporelles simples, voies de fait, contrainte, séquestration, abus d'autorité et violation de l'art. 134 al. 1 let. b de la Loi sur la santé.

Ils lui reprochent d'avoir, le 2 décembre 2022, alors qu'elle suspectait l'enfant d'être victime de maltraitance, prescrit différents examens médicaux à celui-ci et pratiqué deux d'entre eux, "par la force et sans le consentement des représentants légaux". En outre, l'enfant avait été retenu toute la journée aux HUG, sans leur consentement.

Ils ont sollicité divers actes d'instruction.

b. Le 6 février 2023, le Ministère public a transmis la plainte à la Dre D______ afin qu'elle se détermine.

c. Par courrier reçu au Ministère public le 20 février 2023, B______ et A______ ont étendu leur plainte à la Dre E______, ______ [fonction] en pédiatrie aux HUG, et F______, assistance sociale, en qualité de co-auteurs, et sollicité du Ministère public qu'il entreprenne, sans plus tarder, l'instruction de leur plainte.

d. Le 9 mars 2023, la Dre D______ a transmis au Ministère public ses déterminations, qui n'ont pas été transmises aux plaignants.

e. Par courrier du 24 octobre 2023, B______ et A______ ont reproché au Ministère public un déni de justice, un retard injustifié et une violation du principe de la célérité. Malgré leur plainte et les différents courriers ultérieurs, aucune information ne leur avait été transmise sur l'avancée de la procédure et aucun des actes d'instruction sollicités n'avait été entrepris, à leur connaissance.

En outre, ils ont demandé l'accès au dossier et ont imparti, à l'autorité concernée, un délai au 15 novembre 2023, pour ordonner les actes d'enquêtes réclamés.

f. Par courriel du 27 novembre 2023, B______ et A______, sans avoir obtenu de réponse, ont demandé des éclaircissements sur l'état de l'avancement de leur plainte.

C. a. Dans leur recours, B______ et A______ reprochent au Ministère public d'avoir commis un déni de justice, un retard injustifié et violé le principe de la célérité. Depuis leur plainte et malgré plusieurs demandes ultérieures, aucune information sur l'avancée de la procédure ne leur avait été communiquée et aucune mesure d'instruction n'avait été mise en œuvre. En outre, leur demande de consulter le dossier était restée lettre morte.

b. Le Ministère public s'en remet à l'appréciation de la Chambre de céans s'agissant de la recevabilité et du bien-fondé du recours.

Le procureur nouvellement chargé du dossier précise avoir repris la direction de la procédure récemment et qu'il statuerait, dans les meilleurs délais, sur la suite qu'il entendait y donner.

Il explique également avoir, par courrier du même jour, soit le 17 mai 2024, autorisé l'accès au dossier aux parties.

c. B______ et A______ n'ont pas répliqué.

EN DROIT :

1.             Le recours, formé pour déni de justice et retard injustifié à statuer, soit des griefs invocables en tout temps (art. 396 al. 2 CPP), a été déposé selon la forme prescrite (art. 393 et 396 al. 1 CPP), par les parties plaignantes à la procédure (art. 104 al. 1 let. b, 116, 115 al. 2 et 106 al. 2 CPP et 30 al. 2 CP cum 304 CC) qui disposent d’un intérêt juridiquement protégé à ce qu’il soit statué sur sa requête, dans un délai raisonnable (art. 382 CPP).

2.             2.1. À teneur de l'art. 5 al. 1 CPP, les autorités pénales engagent les procédures pénales sans délai et les mènent à terme sans retard injustifié. Cette disposition concrétise le principe de la célérité, et prohibe le retard injustifié à statuer, posé par l'art. 29 al. 1 Cst., qui garantit notamment à toute personne, dans une procédure judiciaire ou administrative, le droit à ce que sa cause soit traitée dans un délai raisonnable. Un déni de justice ou un retard injustifié est établi lorsqu'une autorité s'abstient tacitement ou refuse expressément de rendre une décision dans un délai convenable (Message concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale, FF 2001 4132). Si l'autorité refuse de statuer sur une requête qui lui a été adressée, soit en l'ignorant purement et simplement, soit en refusant d'entrer en matière, elle commet un déni de justice formel (ACPR/187/2012 du 8 mai 2012; G. PIQUEREZ/ A. MACALUSO, Procédure pénale suisse : Manuel, 3e éd., Zurich 2011, n. 187). Comme on ne peut pas exiger de l'autorité pénale qu'elle s'occupe constamment d'une seule et unique affaire, il est inévitable qu'une procédure comporte quelques temps morts. Lorsqu'aucun d'eux n'est d'une durée vraiment choquante, c'est l'appréciation d'ensemble qui prévaut; des périodes d'activités intenses peuvent donc compenser le fait que le dossier a été laissé momentanément de côté en raison d'autres affaires. Selon la jurisprudence, apparaît comme une carence choquante une inactivité de treize ou quatorze mois au stade de l'instruction (arrêt du Tribunal fédéral 6B_172/2020 du 28 avril 2020 consid. 5.1). Le principe de la célérité peut être violé même si les autorités pénales n'ont commis aucune faute; elles ne sauraient exciper des insuffisances de l'organisation judiciaire
(ATF 130 IV 54 consid. 3.3.3).

2.2. Si le justiciable veut pouvoir ensuite soulever ce grief devant l'autorité de recours, il lui appartient toutefois d'entreprendre ce qui est en son pouvoir pour que l'autorité fasse diligence, par exemple en l'invitant à accélérer la procédure et à statuer à bref délai (ATF 130 I 312 consid. 5.2 ; 126 V 244 consid. 2d). Il serait en effet contraire au principe de la bonne foi, qui doit présider aux relations entre organes de l'État et particuliers en vertu de l'art. 5 al. 3 Cst., qu'un justiciable se plaigne d'un déni de justice devant l'autorité de recours, alors qu'il n'a entrepris aucune démarche auprès de l'autorité concernée pour remédier à la situation (ATF 149 II 476 consid. 1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_4/2023 du 27 février 2023 consid. 2.2).

2.3. En l'espèce, la procédure n'a pas connu de simples temps morts, mais bien une réelle inactivité.

La demande de déterminations à l'une des mises en cause ne saurait, à elle seule, constituer une activité suffisante au vu du temps écoulé depuis le dépôt de la plainte, soit il y a plus de dix-huit mois – le 6 décembre 2022 –. Aucune justification ne peut non plus être avancée sur l'absence d'activité depuis la réception desdites déterminations, soit il y a plus de quinze mois – le 9 mars 2023 –.

Qu'un nouveau procureur ait succédé au précédent magistrat ne justifie pas de si longs intervalles sans aucune activité (ACPR/193/2024 du 14 mars 2024 consid. 2.2).

Par ailleurs, les différents courriers des recourants sollicitant l'instruction de leur plainte et des informations sur l'avancée de la procédure sont – à teneur des éléments au dossier à disposition de la Chambre de céans – restés sans réponse.

Partant, les silence et inactivité de l'autorité intimée consacrent un déni de justice, ainsi qu'une violation du principe de la célérité.

La demande d'accès au dossier ayant désormais été accordée aux recourants, le recours pour déni de justice a perdu son objet sur ce point.

Pour le surplus, le recours doit être admis.

3.             En pareil cas, la Chambre de céans peut donner des instructions au Ministère public, lui impartissant un délai pour s'exécuter (art. 397 al. 4 CPP).

Il sera dès lors imparti au Ministère public un délai de trente jours dès réception du présent arrêt pour se prononcer sur les actes d'instruction requis par les plaignants et, cas échéant, les mettre en œuvre.

4. Les recourants, qui obtiennent gain de cause, seront dispensés des frais de la procédure de recours et les sûretés versées leur seront restituées (art. 428 al. 4 CPP).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Admet le recours, dans la mesure où il n'est pas devenu sans objet.

Constate un déni de justice et une violation du principe de la célérité.

Enjoint le Ministère public, dans un délai de trente jours dès réception du présent arrêt, à se prononcer sur les actes d'instruction requis par les plaignants et, cas échéant, les mettre en œuvre.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Invite les services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer à B______ et A______ la somme de CHF 900.- versée à titre de sûretés.

Notifie le présent arrêt, en copie, aux recourants et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).