Aller au contenu principal

Décisions | Chambre pénale de recours

1 resultats
P/10769/2020

ACPR/530/2024 du 19.07.2024 sur OCL/314/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : CLASSEMENT DE LA PROCÉDURE;INFRACTIONS CONTRE LE PATRIMOINE;DOMMAGES À LA PROPRIÉTÉ(DROIT PÉNAL);INFRACTIONS CONTRE LA LIBERTÉ;VIOLATION DE DOMICILE;INFRACTIONS CONTRE LE DOMAINE SECRET
Normes : CPP.319; CP.144; CP.186; CP.179quater

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/10769/2020 ACPR/530/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 19 juillet 2024

 

Entre

A______, représenté par Me Christian PIRKER, avocat, PIRKER & Partners, rue des Maraîchers 36, 1205 Genève,

recourant,

contre l'ordonnance de classement rendue le 11 mars 2024 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 22 mars 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 11 précédent, notifiée le lendemain, par laquelle le Ministère public a classé sa plainte contre B______ et C______.

Le recourant conclut, avec suite de frais et dépens, à l'annulation de ladite ordonnance en tant qu'elle classe la procédure contre les prénommés pour infractions aux art. 144 et 186 CP, ainsi que pour le dernier nommé à l'art. 179quater CP, et au renvoi de la cause au Ministère public afin qu'il instruise la question de "la mise en passe" de la porte coulissante et rende une ordonnance pénale.

b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 500.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.a. Par contrat de bail, A______ a loué à B______ un local commercial, sis chemin 1______ no. ______.

Par contrat oral, A______ a accordé, à la même adresse, à B______, la jouissance, à bien plaire, d'un espace d'environ 10m2, dans son local en sous-sol d'une surface totale de 110m2 (ci-après: le local), afin que ce dernier y entrepose un compresseur.

Le Tribunal des baux et loyers a homologué un accord passé entre les parties le 29 mai 2020, prévoyant que B______ évacuerait immédiatement les locaux (cf. jugement du Tribunal des baux et loyers JTBL/379/2020 du 2 juin 2020).

a.b. Le local est accessible par deux entrées, soit une grande porte coulissante, située à l'opposé de l'espace dans lequel était entreposé le compresseur et une petite porte latérale adjacente (cf. plans et images de vidéosurveillance).

La grande porte coulissante permet un accès de plain-pied au local et la petite porte latérale est située plusieurs centimètres au-dessus de la rampe du souterrain (cf. photographies).

b. Le 1er juin 2020, A______ a déposé plainte contre inconnu pour dommages à la propriété, après avoir constaté, le jour-même, que la serrure de la grande porte du local avait été forcée, avec un outil indéterminé.

Par compléments des 5 juin et 17 juillet 2020, il a précisé que sa plainte visait B______, ainsi que deux individus inconnus – identifiés ultérieurement comme étant C______ et D______ –. Il a produit les factures des serruriers intervenus sur la grande porte les 1er juin et 13 juillet 2020, s'élevant à CHF 403.90 et CHF 2'482.50.

Le 19 août 2020, il a étendu sa plainte notamment aux chefs de violation de domicile et violation du domaine privé au moyen d'un appareil de prise de vue, pour la prise de photographies d'objets lui appartenant, par l'un des individus – en l'occurrence C______ –.

À l'appui de sa plainte, il a notamment produit des images de vidéosurveillance filmant l'intérieur de son garage, qui montrent B______, accompagné de C______ et D______, entrant dans le local par la petite porte latérale. Une fois à l'intérieur, C______ manipule une mini moto, tente de la démarrer et la prend en photographie à l'aide de son téléphone portable. Il photographie également d'autres objets, tels que des éléments de karting accrochés au mur. Ensuite, les trois hommes sortent le compresseur, posé sur un chariot, de la pièce attenante et traversent le garage en direction de la grande porte coulissante. Puis, C______ déplace la mini moto et sort du champ de la caméra, en direction de la pièce dans laquelle le compresseur était entreposé. Pendant ce temps, B______ tente d'ouvrir la porte coulissante avec sa clé, sans y parvenir. Après être revenu dans la pièce et avoir examiné le mécanisme de fermeture de la porte, C______ sort, à nouveau, quelques secondes du champ de la caméra, puis revient avec un petit objet à la main. Il en fait un bref usage au niveau du mécanisme de la fermeture de la porte, ouvre cette dernière, sans qu'un usage de la force ne ressorte des images, puis met l'objet dans la poche de son pantalon.

c. Entendus par la police le 2 juin 2020 :

c.a. B______ a expliqué que le 29 mai 2020, accompagné de deux amis, C______ et D______, il avait récupéré son compresseur entreposé dans un local, qu'il avait le droit d'occuper et situé dans le garage de A______. À son arrivée, il n'était pas parvenu à ouvrir la grande porte. Sa clé était entrée normalement dans la serrure mais il ne parvenait pas à la tourner. Après être entrés par la petite porte latérale, ils avaient récupéré le compresseur, mais celui-ci ne pouvait être sorti par cette issue. Lui-même ne parvenant pas à ouvrir la grande porte coulissante, C______, serrurier de profession, avait examiné le mécanisme de fermeture et, avec un petit tournevis, avait soulevé le crochet de la serrure et ouvert la porte. Il n'avait pas forcé.

c.b. C______ a précisé avoir soulevé le crochet de la serrure de la grande porte coulissante avec sa main, voire avec une clé. En sa qualité de serrurier, il savait ce qu'il faisait et était certain de ne pas avoir cassé la porte. Il a reconnu avoir pris en photo une petite moto et des kartings se trouvant dans le garage pour les montrer à son fils, admirateur de ce type d'engins.

c.c. D______ s'est rappelé être entré dans le garage par une petite porte et avoir sorti le compresseur par une grande porte, celle d'entrée n'étant pas assez grande. Selon lui la porte de sortie était ouverte, il n'avait vu personne utiliser d'outil pour l'ouvrir.

d. Entendus par le Ministère public les 1er septembre 2021 et 22 novembre 2023 :

d.a. A______ a exposé ne jamais avoir remis à B______ une clé permettant l'accès au local par la grande porte, mais uniquement pour la petite porte. La clé pour la grande porte était en réalité un pass permettant d'accéder à l'ensemble de ses commerces. Vu sa taille, le compresseur passait par la petite porte. La semaine précédant les faits, il avait désencombré la petite porte, afin de permettre la sortie du compresseur, et dit à B______ de le contacter, en cas de problème, afin qu'il vienne ouvrir la grande porte. B______ avait été autorisé à pénétrer dans le local avec des tiers pour évacuer le compresseur, pour autant qu'il reste sur sa partie. Certains des objets pris en photographie étaient bâchés. Aucune paroi ne séparait son local. Seul l'emplacement du compresseur était entièrement clos.

d.b. B______ a expliqué que la clé en sa possession était censée ouvrir les deux portes du garage. Il s'en était servi auparavant, à différentes reprises, notamment lors de vidange de fosses, pour ouvrir la grande porte. Le jour des faits, pour la première fois, sa clé n'avait pas fonctionné sur la grande porte, il avait donc compris que la serrure de celle-ci avait été changée sans qu'un double ne lui soit remis. Après avoir constaté que la grande porte ne s'ouvrait pas, C______ lui avait dit qu'elle était très facile à ouvrir et s'en était chargé avec sa clé de voiture ou un objet similaire.

De longue date, il avait le droit de pénétrer dans le local pour accéder à son compresseur. A______ ne lui avait jamais interdit de se déplacer ailleurs dans le sous-sol, ni demandé d'emprunter un chemin prédéfini. Il était d'ailleurs arrivé qu'il pénètre dans le local par la grande porte et qu'il doive déplacer des pneus et des voitures appartenant au prénommé.

La semaine précédant le déménagement, il avait informé A______ qu'il entendait déplacer le compresseur le week-end suivant avec l'aide de tiers. Celui-ci avait alors répondu qu'il serait absent et qu'il [B______] n'avait qu'à se débrouiller, pouvant toutefois l'appeler. Le 30 mai 2020, il n'avait pas été possible de sortir le compresseur par la petite porte, en raison de son poids. Bien qu'il s'était rendu compte que sa clé ne fonctionnait pas pour la grande porte, il n'avait pas voulu déranger A______, et C______ était parvenu à l'ouvrir. Lorsqu'il avait quitté les lieux, la serrure n'était pas cassée. Il ne se souvenait pas avoir soulevé de bâches. Il voyait tout le temps les motos appartenant à A______, elles n'étaient pas cachées.

d.c. C______ a ajouté qu'il n'avait pas soulevé de bâches pour prendre la moto en photographie. En raison de sa taille, ils avaient évacué le compresseur par la grande porte coulissante. Depuis l'intérieur, il avait utilisé une clé ou un objet similaire pour soulever la "languette", sans grande force, ce qu'il n'aurait pas pu faire si la porte avait été fermée à clé. Une telle manœuvre avait été nécessaire car la porte était "en effort", elle "forçait", était coincée, de sorte qu'un peu de force devait être utilisée pour l'ouvrir.

e. Lors de l'audience du 22 novembre 2023, le Ministère public a également procédé à l'audition des témoins suivants :

e.a. E______, serrurier intervenu sur la grande porte le 1er juin 2020, à la suite d'une effraction. Selon ses souvenirs, il s'agissait d'une porte coulissante qui avait été forcée au moyen d'un levier, tel qu'un pied-de-biche. Il avait posé un cadenas provisoire permettant la fermeture de la porte – confirmé par le descriptif figurant sur la facture émise le jour de l'intervention –.

e.b. F______, serrurier intervenu le 13 juillet 2020 pour la réparation définitive de la grande porte coulissante, a expliqué que cette dernière avait été forcée par un objet indéterminé. Selon ses souvenirs, la serrure était cassée et avait dû être changée mais pas le cylindre, ce poste ne figurant pas sur sa facture – détaillée comme suit : "redressé et repercé et refixé le montant avec nouveaux tampons et nouvelles vis. Dépose du cylindre, des poignées et de la serrure cassée. Fourniture et pose d'une nouvelle serrure à crochet, percée hahn 40mm. Repose du cylindre et des poignées. Dépose de la tôle de protection du rail, dépose de la porte, la mettre à plat, redressé le montant forcé, côté serrure. Repose de la porte" (facture de F______ Serrurerie G______ du 13 juillet 2020) –. Selon lui, le montant de la gâche était désolidarisé du mur. La porte était voilée du côté intérieur du local ce qui "hypothétique[ment]" signifiait qu'une force avait été exercée sur la porte depuis l'extérieur de celle-ci. Il ignorait toutefois si le voilage et les dégâts constatés au niveau de la serrure procédaient d'une même action.

f. Par suite de l'avis de prochaine clôture l'informant de l'intention du Ministère public de classer la procédure, A______ a exposé que les éléments au dossier démontraient, selon lui, que les prévenus avaient forcé ou, à tout le moins, tenté de forcer, la porte coulissante, dont ils n'avaient pas la clé. Il n'était en outre pas exclu qu'au préalable à celle de C______, une autre manipulation avait eu lieu de l'autre côté de la porte, hors champ de la caméra, ce que reconnaissait B______.

Il a sollicité divers actes d'instruction notamment en lien avec "la mise en passe" de la grande porte coulissante.

C. Dans la décision querellée, le Ministère public considère qu'en l'absence de délimitation physique entre le local où se trouvait le compresseur et celui abritant les affaires de A______, il ne pouvait être retenu que B______ et C______ avaient pénétré dans un local fermé, au sens de l'art. 186 CP. En tout état de cause, il n'était pas établi que B______ n'était pas en droit de se rendre physiquement dans l'entier du local, ce d'autant plus que le jour en question, conformément à l'accord conclu entre les parties, il devait déplacer le compresseur, ce dont A______ avait conscience.

Au vu des éléments au dossier, il ne pouvait pas non plus être retenu que les mis en cause étaient à l'origine des dégâts constatés sur la porte coulissante. Trois jours s'étaient écoulés entre l'ouverture de la porte par ceux-ci et la constatation du dommage allégué. Il n'y avait donc pas lieu d'instruire la question de "la mise en passe" de la porte coulissante.

Enfin, C______ avait pris en photo des objets observables depuis la partie des locaux dont B______ avait la jouissance. Les objets en question n'étaient donc pas protégés des regards des personnes présentes des locaux, de sorte que l'art. 179quater CP n'était pas enfreint.

D. a. Dans son recours, A______ soutient que B______ n'avait pas accès à son local, disposant uniquement d'un droit de passage afin d'accéder par la porte, dont il possédait la clé, à l'espace où était entreposé son compresseur. Dans cette configuration, l'absence de délimitation physique était irrelevante. D'ailleurs, quand bien même le prénommé aurait eu droit d'accéder à l'intégralité du local, avec des tiers, ceux-ci n'étaient pas autorisés à y commettre des infractions.

B______ et C______ ne disposaient pas de la clé permettant l'ouverture de la grande porte dont ils avaient essayé, à plusieurs reprises, de forcer l'ouverture. S'agissant d'une porte extérieure solide, il était invraisemblable qu'elle eût été ouverte sans dégâts. Par ailleurs, sans clé, les prénommés l'avaient laissée ouverte en partant. Il était donc inconcevable qu'un tiers soit intervenu par la suite et l'ait forcée.

Enfin, s'agissant d'un garage de 100m2, il était possible de voir "qu'il y avait des objets entreposés, mais qu'il fallait se promener dans tout le local pour [les] voir distinctement". Les objets en question n'étaient donc pas "observables" depuis le local de B______. Ce dernier et les personnes l'accompagnant avaient également soulevé les bâches couvrant ces objets et déplacé ces derniers. Ainsi, en photographiant des objets faisant partie de sa sphère privée, C______ avait violé l'art. 179quater CP.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

 

 

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             3.1. Conformément à l'art. 319 al. 1 CPP, le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure notamment lorsqu'aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'est établi (let. a) ou que les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réunis (let. b).

Cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage in dubio pro duriore. Celui-ci, qui découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 2 CPP en relation avec les art. 319 al. 1 et 324 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2) et qui s'impose également à l'autorité de recours, signifie qu'en principe, un classement ne peut être prononcé que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un certain pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 et 138 IV 86 consid. 4.1.2).

3.2. L'art. 186 CP, qui réprime la violation de domicile, vise quiconque, d'une manière illicite et contre la volonté de l'ayant droit, pénètre dans une maison, dans une habitation, dans un local fermé faisant partie d'une maison, dans un espace, cour ou jardin clos attenant à une maison, ou dans un chantier, ou y demeure au mépris de l'injonction de sortir à lui adressée par un ayant droit.

3.2.1. La violation de domicile peut revêtir deux formes: soit l'auteur pénètre dans les lieux contre la volonté de l'ayant droit, soit il y demeure au mépris de l'injonction de sortir à lui adressée par l'ayant droit. S'agissant de la première hypothèse, l'infraction est consommée dès que l'auteur s'introduit contre la volonté de l'ayant droit dans le domaine clos, par exemple par une clôture, un mur ou une haie, qui n'a pas besoin d'être infranchissable pourvu qu'on puisse comprendre qu'il ne faut pas pénétrer dans l'espace considéré (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1056/2013 du 20 août 2014 consid. 2.1). Par principe, il est interdit d'entrer dans une maison ou un appartement privés, sous réserve d'une autorisation de l'ayant droit (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI (éds), Code pénal – Petit commentaire, 2e éd., Bâle 2017, n. 23 ad art. 186). La volonté de l'ayant droit d'autoriser l'accès peut être manifestée oralement, par écrit, par geste ou résulter des circonstances. Dans ce dernier cas, il faut examiner si la volonté de l'ayant droit était suffisamment reconnaissable en fonction des circonstances (pour le tout, ATF 128 IV 81 consid. 4a).

3.2.2. La violation de domicile n'est punissable que si elle est commise intentionnellement. L'intention comprend la conscience du fait que l'on pénètre contre la volonté de l'ayant droit (ATF 90 IV 74 consid. 3). Le dol éventuel suffit (ATF 108 IV 33 consid. 5c) = JdT 1983 IV 74; A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), Commentaire romand, Code pénal II, vol. II, Partie spéciale : art. 111-392 CP, Bâle 2017, n. 44 ad art. 186).

Il y a dol éventuel lorsque l'auteur, qui ne veut pas le résultat dommageable pour lui-même, envisage le résultat de son acte comme possible et l'accepte au cas où il se produirait, mais également lorsque le résultat dommageable s'impose à l'auteur de manière si vraisemblable que son comportement ne peut raisonnablement être interprété que comme l'acceptation de ce résultat (ATF 137 IV 1 consid. 4.2.3; 133 IV 9 consid. 4.1; 131 IV 1 consid. 2.2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_718/2017 du 17 janvier 2018 consid. 2.1).

3.3. L'art. 144 al. 1 CP réprime le comportement de quiconque, sans droit, endommage, détruit ou met hors d'usage une chose appartenant à autrui.

3.4. L'art. 179quater al. 1 CP punit sur plainte, quiconque, sans le consentement de la personne intéressée, observe avec un appareil de prise de vues ou fixe sur un porteur d'images un fait qui relève du domaine secret de cette personne ou un fait ne pouvant être perçu sans autre par chacun et qui relève du domaine privé de celle-ci.

3.4.1. Le bien juridique protégé par cette disposition réside dans la protection de la personne intéressée contre une prise de vue sans son consentement d'un fait relevant de son domaine secret ou privé. Il s'agit d'une disposition "anti-paparazzi". En effet, tout un chacun doit pouvoir entreprendre ses activités privées, secrètes ou intimes sans être observé ou représenté contre son gré (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), op cit., n. 3 ad art. 179quater).

3.4.2. Est un fait au sens de cette disposition tout ce qui existe et qui est observable, peu importe qu'il soit ou non compromettant. Les faits sont des évènements ou des situations actuels ou passés perceptibles de quelque manière que ce soit et qui sont en relation avec la sphère privée protégée (M. NIGGLI / H. WIPRÄCHTIGER, Basler Kommentar Strafrecht II : Art. 137-392 StGB, Jugendstrafgesetz, 4ème éd., Bâle 2019, n. 7 ad art. 179quater). Un fait englobe non seulement les comportements adoptés par une personne ainsi que son apparence, mais également ses écrits, ses photos, ses plans ou tous autres documents. Selon le Tribunal fédéral, il faut entendre par fait ce qui se produit réellement et peut être observé, au moins en théorie (ATF 118 IV 44 JdT 1994 IV 79). Le Tribunal fédéral assimile la publication d'une photographie à une présentation de faits (ATF 112 II JdT 1988 I 139). Une telle présentation existe dès que l'auteur fait naître dans l'esprit du destinataire un rapprochement avec un évènement donné. Par exemple, la photographie d'une personne se tenant devant la porte d'entrée de son domicile n'est pas considérée comme un simple portrait, mais présente bien un fait, lorsqu'elle tend à démontrer que l'intéressé n'est plus en détention préventive (ATF 118 IV 44 JdT 1994 IV 79; A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), op cit., n. 4 ad art. 179quater).

3.4.3. Relèvent du domaine secret, les faits inconnus, que le sujet a intérêt à garder secrets et qu'il entend soustraire à la curiosité d'autrui, tels que les conflits familiaux, son comportement sexuel, les maux dont il souffre (ATF 118 IV 44 JdT 1994 IV 79). Relèvent du domaine privé, les faits ne pouvant être perçus sans autre par chacun. Ils englobent davantage de situations touchant à la vie personnelle qui ne se déroulent pas en public et ne peuvent être observés sinon par des intimes (ATF 137 I 327 consid. 6.1). Cette formulation a pour but de permettre à tout individu de s'épanouir librement, en sécurité et sans être observé non seulement dans sa sphère secrète, mais plus généralement dans sa vie privée (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), op cit., n. 7 ad art. 179quater).

Celui qui se trouve dans le domaine protégé d'une personne avec l'accord de cette dernière sera tout de même punissable s'il enregistre des images de cette personne sur un support sans son consentement (M. NIGGLI / H. WIPRÄCHTIGER, op. cit., n. 6 ad art. 179quater).

3.5. En l'espèce, le jour des faits, le recourant a autorisé B______ à pénétrer, avec des tiers, dans son local, pour déménager le compresseur qui était entreposé dans l'espace dévolu. Le local en question consiste en un grand espace sans délimitation physique.

Dans la mesure où le prénommé ne disposait que de la clé permettant d'ouvrir la porte latérale adjacente au lieu dans lequel était entreposé le compresseur, il apparaissait logique qu'il n'avait pas, lui ou ses aides, à déambuler dans le reste du local. Cependant, B______ affirme qu'aucune limitation dans ce sens ne lui avait été posée. Le recourant, qui le conteste, n'apporte aucun élément susceptible d'étayer ses dires. D'ailleurs, il a proposé lui-même à B______ de lui ouvrir la grande porte coulissante – située de l'autre côté de la pièce – pour sortir le compresseur, preuve qu'il envisageait que les mis en cause doivent cheminer à travers le garage pour sortir la machine.

Partant, faute de réalisation des éléments constitutifs et subjectifs, l'infraction de violation de domicile n'est pas réalisée.

3.6. Le recourant accuse les mis en cause d'être à l'origine des dégâts constatés sur la grande porte.

Sur les images de vidéosurveillance, seules des manipulations des mis en cause du côté intérieur de la porte sont visibles. On voit en particulier B______ tenter d'ouvrir la porte avec sa clé, sans succès, puis, C______ examiner la serrure et faire usage d'un petit objet au niveau du mécanisme de la fermeture. Il n'apparaît pas que ces derniers aient utilisé de la force, ce qui est corroboré par les déclarations des autres personnes présentes. Ces gestes ne correspondent pas à ceux évoqués par les spécialistes comme ayant pu provoquer les dommages allégués.

Aucun élément au dossier ne permet non plus de retenir que les mis en cause auraient, par une manipulation sur l'extérieur de la porte, pu être à l'origine des dégâts dénoncés, B______ ayant, tout au plus, reconnu avoir tenté de l'ouvrir, en y insérant sa clé, sans parvenir à tourner celle-ci et ce sans user de la force ni de manière insistante.

Il n'existe dès lors pas de soupçon suffisant pour renvoyer en jugement les mis en cause comme auteurs des dommages dénoncés. La décision querellée est donc également justifiée concernant l'art. 144 CP.

3.7. Enfin, le recourant reproche à C______ d'avoir contrevenu à l'art. 179quater CP en prenant, sans y avoir été autorisé, des photographies d'objets (une mini moto et des éléments de kartings) lui appartenant, et entreposés dans son local.

Conformément à la jurisprudence et doctrine précitées, cette disposition protège l'individu dans sa sphère privée. Dans ce cadre, l'appréciation d'un fait relevant du domaine privé dépend des circonstances. Or, la photographie d'objets, sans particularité – le recourant n'en allègue aucune au demeurant –, appartenant à une personne, sans qu'y figure une représentation de cette dernière, ni qu'elle soit utilisée pour évoquer un quelconque rattachement avec la personne en question ou évènement donné dans sa vie privée, ne peut être considérée comme relevant du domaine privé.

Ceci est d'autant plus vrai que les mis en cause contestent que les objets auraient été recouverts d'une bâche – B______ avait déjà vu la mini moto auparavant et les éléments de karting étaient accrochés au mur –, ce qu'aucun élément n'infirme, de sorte que le recourant ne parvient pas à démontrer le caractère privé des objets en question.

4.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée et le recours rejeté.

5.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 500.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 500.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Valérie LAUBER et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Selim AMMANN, greffier.

 

Le greffier :

Selim AMMANN

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/10769/2020

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

415.00

Total

CHF

500.00