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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/1387/2021

ACPR/531/2024 du 19.07.2024 sur OCL/593/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : CLASSEMENT DE LA PROCÉDURE;DIFFAMATION;PRINCIPE DE LA BONNE FOI
Normes : cp.173; LPA.10A; CPP.319.al1

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/1387/2021 ACPR/531/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 19 juillet 2024

 

Entre

A______, représenté par Me Robert ASSAËL, avocat, MENTHA Avocats, rue de l'Athénée 4, Case postale 330, 1211 Genève 12,

recourant,

contre l'ordonnance de classement partiel rendue le 3 mai 2024 par le Ministère public,

et

B______, représentée par Me Thomas BÜCHLI, avocat, WLM Avocats, place Edouard-Claparède 5, case postale 292, 1211 Genève 12,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 16 mai 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 3 mai 2024, notifiée le 6 suivant, par laquelle le Ministère public a ordonné le classement partiel de la procédure à l'égard de B______ s'agissant de l'infraction à l'art. 90 al. 1 LCR ainsi que des faits objets de la plainte de A______ du 25 novembre 2020 pour diffamation, voire calomnie.

Le recourant conclut à l'annulation de ladite ordonnance, à ce que le Ministère public soit enjoint de poursuivre son instruction à l'encontre de B______ pour violation de l'art. 173 CP, et à l'allocation d'une indemnité de CHF 972.90 pour les frais inhérents à la procédure de recours.

b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______ est agent municipal de la commune de C______ [GE] depuis 2012.

b. Il réside dans la même copropriété que B______, à C______.

c. Le 25 septembre 2020 vers 18h30, la police est intervenue dans le quartier D______ suite à un conflit entre A______, alors en service, et B______, en lien avec une infraction de stationnement de la voiture de celle-ci. Tous deux ont alors fait part de leur volonté de déposer plainte pénale l'un à l'encontre de l'autre, ce qu'ils ont effectivement fait. A______ a reproché à B______ des propos injurieux et cette dernière lui a reproché un abus d'autorité.

d. Dans sa première plainte du 30 septembre 2020, A______ a notamment déploré que B______, après qu'il l'avait verbalisée, l'ait injurié en lui criant notamment "Vous êtes un raciste de l'UDC, un parti d'extrême droite", puis "vous êtes un raciste, espèce de connard". Il s'était senti blessé et humilié par ces propos.

e. Dans sa plainte datée du 28 septembre 2020 adressée au Ministère public, B______ a expliqué qu'elle ne contestait pas l'infraction de stationnement pour laquelle A______ l'avait verbalisée. Ce dernier, avec lequel elle s'était trouvée en litige de voisinage, avait toutefois requis une intervention de la police cantonale, avec pour conséquence qu'elle avait dû subir un éthylotest, négatif, alors qu'elle était tout au plus "sortie de ses gonds" en raison du comportement de cet agent de police municipale et du retard dans lequel celui-ci l'avait mise. A______ s'était par surcroît targué d'être un élu municipal. Elle l'avait "incendié" verbalement. Elle reprochait à A______ d'avoir mélangé son rôle de policier municipal et de copropriétaire avec qui les discussions étaient quelque peu houleuses.

f. B______ a transmis à l'attention de la Maire de C______, en annexe à un courrier daté du 26 septembre 2020, mais portant le tampon d'une réception le 29 septembre 2020, copie de sa plainte pénale, avec pour seule indication "En attendant une réponse de votre part" et des salutations.

g. Le 25 novembre 2020, A______ a déposé une seconde plainte pénale à l'encontre de B______ en raison de la transmission de cette plainte à son employeur, ce qui l'avait beaucoup marqué et eu pour conséquence un arrêt de travail d'une semaine. En outre, en octobre 2020, trois voisins, dont E______, F______, étaient venus le trouver en lui disant "alors comme cela, tu agresses les voisins", information qu'ils lui avaient indiqué tenir de B______.

h. De l'enquête conduite par l'Inspection générale des services (ci-après, IGS), il appert que :

• Le 25 septembre 2020, vers 18h30, A______ ignorait que B______ était la conductrice du véhicule, inoccupé, qu'il avait verbalisé.

• Après l'arrivée de B______, pressée par l’organisation d’un dîner et par le transport de sa fille à un entraînement sportif, la situation s'était envenimée lorsqu'elle s’était aperçue que l’amende d’ordre émanait de A______ (dont le nom est manuscrit sur le bulletin). Ce dernier s’était approché d’elle pendant qu’elle protestait auprès d’autres agents municipaux. Elle avait pris le bordereau, était montée dans son véhicule pour démarrer en direction d'une boucle de rebroussement et avait passé à vive allure devant A______ et ses collègues.

• A______ et l’un d’eux l’avaient interceptée, selon le premier pour la "sensibiliser", et lui avaient demandé de présenter ses permis de conduire et de circulation. Selon A______, B______, excédée et vociférant, avait jeté à terre une pochette contenant les documents ; l’intéressée affirmant quant à elle s’être tout au plus montrée étonnée et en colère parce qu’il savait qui elle était. D’autres agents avaient demandé à A______ de s’éloigner, puis tenté de raisonner B______.

• Après avoir vérifié par téléphone la régularité des permis, A______ avait requis l'intervention de la police cantonale en prenant l'attache du commissaire de service, puis en appelant la CECAL, au motif qu'il doutait de l'aptitude à conduire de B______ en raison de son agressivité et de son "état second".

• La transcription de l'enregistrement de la conversation relative à la réquisition, par la CECAL, d'une patrouille de gendarmerie montre (à 18h52) que l’hypothèse d'une alcoolisation de B______ avait été émise par la centraliste. L'éthylotest pratiqué sur place par les gendarmes, à 19h15, s’était avéré négatif.

• Dans l’intervalle, A______ avait décidé de verbaliser B______ pour excès de bruit diurne en raison de ses vociférations.

• Le commissaire avait autorisé l'envoi d'une patrouille parce que le litige opposait un agent de police municipale à une "civile (…) excitée" et qu'il ne pouvait pas exclure une "vengeance" personnelle du premier contre la deuxième.

• B______ a déclaré qu'elle n'aurait pas réagi aussi fortement sur le moment si l'amende n'avait pas été infligée par A______.

i. Elle a proposé par trois fois une médiation avec ce dernier, la dernière fois sous l'égide du Ministère public, systématiquement refusée par A______.

j. Le 12 août 2022, dans la procédure (P/1______/2020), le Ministère public a rendu une ordonnance de non-entrée en matière sur la plainte déposée par B______ à l'encontre de A______ pour abus d'autorité, décision confirmée par la Chambre de céans, puis par le Tribunal fédéral.

k. Le 11 novembre 2022, le Ministère public a ouvert une instruction pénale à l'encontre de B______ pour violation des règles de la circulation routière (art. 90 al. 1 LCR) et injure (art. 177 CP), s'agissant des faits du 25 septembre 2020, ainsi que diffamation (art. 173 CP), voire calomnie (art. 174 CP), pour les faits objets de la plainte pénale de A______ du 25 novembre 2020.

l. Lors d'une audience de confrontation le 18 janvier 2023, B______ a contesté avoir circulé à une vitesse excessive en démarrant son véhicule. Elle ne se souvenait pas si elle avait traité A______ de "raciste" et de "connard". Elle avait téléphoné le lundi après les faits à la mairie de C______ en indiquant qu'elle souhaitait porter plainte contre un policier municipal pour abus de pouvoir, sans mentionner de nom. La personne qu'elle avait eue en ligne lui avait répondu qu'elle pouvait leur envoyer une copie de sa plainte pénale. La mairie était selon elle l'interlocutrice privilégiée et elle en attendait une analyse de la situation qu'elle-même avait très mal vécue et qu'elle considérait injuste. Elle n'avait pas rédigé de courrier distinct, car il lui était apparu cohérent d'envoyer le même courrier au Procureur général et au Conseil administratif. Elle contestait avoir dit à diverses personnes que A______ l'avait agressée le 25 septembre 2020. De nombreuses personnes avaient assisté aux faits depuis leur balcon.

m. Le Ministère public a, le 15 mai 2024, à la suite de l'opposition formée par B______, maintenu son ordonnance pénale du 3 mai 2024 la condamnant pour injure pour avoir, le 25 septembre 2020, traité A______ à plusieurs reprises de "raciste" et une fois de "connard".

C. Dans la décision querellée, fondée sur l'art. 319 al. 1 let. a, b et d CPP, le Ministère public a retenu que la vitesse de la prévenue n'avait pas été établie de manière objective par un radar. En tout état, l'infraction reprochée étant de nature contraventionnelle, la prescription était atteinte.

L'instruction, en particulier les auditions de F______ et E______, n'avaient pas permis d'établir que B______ leur aurait dit que A______ l'avait agressée.

Si certes le fait d'accuser un tiers d'avoir commis une infraction pénale pouvait être de nature à porter atteinte à son honneur, B______ s'était limitée à transmettre à la mairie une copie de sa plainte pénale pour des faits reprochés à A______ dans le cadre de l'exercice de ses fonctions d'agent de police municipale. En outre, la commune était selon elle l'interlocuteur privilégié dont elle attendait "une réponse" pour ce qu'elle avait vécu comme une injustice. Même à considérer cette transmission comme une atteinte à l'honneur au sens de l'art. 173 al. 1 CP, il conviendrait de retenir que B______ était de bonne foi au sens de l'art. 173 al. 2 CP.

D. a. À l'appui de son recours, A______ expose que cette seule transmission à la mairie d'une copie de la plainte pénale déposée à son encontre était constitutive d'une infraction à l'art. 173 CP, puisque B______ l'accusait dans sa plainte d'avoir commis un abus d'autorité, réprimé par l'art. 312 CP. Aucun motif, ni l'intérêt public, ne justifiaient l'envoi de cette plainte à son employeur, alors même que le Ministère public était nanti de sa plainte pénale à elle et n'avait "bien sûr" pas encore pu commencer son instruction. Si elle entendait informer la mairie d'un comportement qu'elle jugeait inadéquat et obtenir des réponses de sa part, elle aurait dû se contenter de le faire de manière factuelle, sans l'accuser d'avoir commis une infraction pénale.

Elle avait en réalité agi pour lui nuire et avait annoncé son intention lors de leur altercation en disant deux fois qu'il allait "morfler", élément d'ailleurs retenu dans l'ordonnance querellée. L'intimée ne pouvait donc être admise à présenter les preuves libératoires.

En tout état, la preuve de la vérité n'était pas donnée, puisqu'il n'avait pas été condamné pour abus d'autorité.

Pour la preuve de la bonne foi, au moment de l'envoi de la plainte à la mairie, l'intimée n'avait rien fait pour s'assurer que ses accusations étaient vraies et au contraire adressé sa plainte pénale au Ministère public, chargé précisément de vérifier si ses accusations étaient fondées ou non. Il lui incombait donc d'attendre l'issue de la procédure pénale.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le recourant soutient que l'intimée doit être poursuivie pour diffamation en lien avec la transmission de sa plainte pénale pour abus d'autorité à la mairie de la commune qui l'emploie.

3.1. Conformément à l’art. 319 al. 1 CPP, le ministère public classe la cause lorsqu'aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'est établi (let a) ou quand les éléments constitutifs d’une infraction ne sont pas réalisés (let. b).

Cette disposition s’interprète à la lumière du principe in dubio pro duriore, selon lequel un classement ne peut être prononcé que quand il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables. Ainsi, la procédure doit se poursuivre quand une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou que les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'infractions graves. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, à ce sujet, d'un pouvoir d'appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1164/2020 du 10 juin 2021 consid. 2.1).

3.2. A teneur de l'art. 173 CP, quiconque, en s’adressant à un tiers, accuse une personne ou jette sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l’honneur, ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération, quiconque propage une telle accusation ou un tel soupçon, est, sur plainte, puni d’une peine pécuniaire (ch. 1). L’auteur n’encourt aucune peine s’il prouve que les allégations qu’il a articulées ou propagées sont conformes à la vérité ou qu’il a des raisons sérieuses de les tenir de bonne foi pour vraies (ch. 2). L’auteur n’est pas admis à faire ces preuves et il est punissable si ses allégations ont été articulées ou propagées sans égard à l’intérêt public ou sans autre motif suffisant, principalement dans le dessein de dire du mal d’autrui, notamment lorsqu’elles ont trait à la vie privée ou à la vie de famille (ch. 3).

3.2.1. L'art. 173 ch. 1 CP protège la réputation d'être une personne honorable, c'est-à-dire de se comporter comme une personne digne a coutume de le faire selon les conceptions généralement reçues. L'honneur protégé par le droit pénal est conçu de façon générale comme un droit au respect qui est lésé par toute assertion propre à exposer la personne visée au mépris en sa qualité d'homme (ATF 132 IV 112 consid. 2.1). Pour apprécier si une déclaration est attentatoire à l'honneur, il faut se fonder non pas sur le sens que lui donne la personne visée, mais sur une interprétation objective selon la signification qu'un destinataire non prévenu doit, dans les circonstances d'espèce, lui attribuer (ATF 148 IV 409 consid. 2.3.2 ;
133 IV 308 consid. 8.5.1).

3.2.2. Jouit du droit à l'honneur toute personne physique et toute personne morale ou entité capable d'ester en justice, mais non les collectivités publiques, ni les autorités (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1020/2018 du 1er juillet 2019 consid. 5.1.1). Pour ces dernières en revanche, chaque membre individuel pourra, s'il est personnellement atteint dans son honneur par les propos en cause, se prévaloir de la protection conférée par les art. 173ss CP (ATF 69 IV 81 consid. 2 et 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_349/2016 du 20 septembre 2016 consid. 5.6 ; M. NIGGLI / H. WIPRÄCHTIGER (éds), Basler Kommentar Strafrecht II : Art. 111-392 StGB, 4ème éd., Bâle 2019, n. 54 ad Vor Art. 173 ; A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), Commentaire romand Code pénal, Partie spéciale : art. 111-392 CP, Bâle 2017, n. 52 ad Intro aux art. 173-178 ; B. CORBOZ, Les infractions en droit suisse, Volume I, 3e éd., Berne 2010, n. 31 ad art. 173).

3.2.3. La réputation relative à l'activité professionnelle ou au rôle joué dans la communauté n'est pas pénalement protégée. Il en va ainsi des critiques qui visent comme tels la personne de métier, l'artiste ou le politicien, même si elles sont de nature à blesser et à discréditer. Dans le domaine des activités socio-professionnelles, il ne suffit ainsi pas de dénier à une personne certaines qualités, de lui imputer des défauts ou de l'abaisser par rapport à ses concurrents. En revanche, il y a atteinte à l'honneur, même dans ces domaines, si on évoque une infraction pénale ou un comportement clairement réprouvé par les conceptions morales généralement admises (ATF 145 IV 462 consid. 4.2.2).

3.2.4. L'art. 173 ch. 1 CP suppose une allégation de fait, et non un simple jugement de valeur (ATF 137 IV 313 consid. 2.1.2). Les termes litigieux doivent donc avoir un rapport reconnaissable avec un élément de fait et ne pas être uniquement employés pour exprimer le mépris (arrêt du Tribunal fédéral 6B_512/2017 du 12 février 2018 consid. 3.2).

3.2.5. Le fait d'accuser une personne d'avoir commis un crime ou un délit intentionnel entre dans les prévisions de l'art. 173 ch. 1 CP (ATF 132 IV 112 ;
118 IV 248 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_138/2008 du 22 janvier 2009, consid. 3.1).

3.3. Du point de vue subjectif, l'art. 173 ch. 1 CP exige que l'auteur ait eu conscience du caractère attentatoire à l'honneur de ses propos et qu'il les a néanmoins proférés. Il n'est pas nécessaire qu'il ait eu la volonté de blesser la personne visée
(ATF 137 IV 313 consid. 2.1.6 ; ATF 119 IV 44 consid. 2a).

3.4.1. Les conditions auxquelles l'art. 173 ch. 3 CP prive l'auteur du droit de faire les preuves libératoires sont d'interprétation restrictive. En principe, l'accusé doit être admis à faire les preuves libératoires et ce n'est qu'exceptionnellement que cette possibilité doit lui être refusée. Pour que les preuves libératoires soient exclues, il faut, d'une part, que l'accusé ait tenu les propos attentatoires à l'honneur sans motif suffisant (d'intérêt public ou privé) et, d'autre part, qu'il ait agi principalement dans le dessein de dire du mal d'autrui. Ces deux conditions doivent être réalisées cumulativement pour refuser les preuves libératoires. Ainsi, l'accusé sera admis aux preuves libératoires s'il a agi pour un motif suffisant (et ce, même s'il a agi principalement pour dire du mal d'autrui) (ATF 132 IV 112 consid. 3.1 ; 116 IV 31 consid. 3).

3.4.2. Selon la jurisprudence relative à l'art. 173 ch. 2 CP, l'accusé qui a allégué la commission d'une infraction doit en principe apporter la preuve de la vérité par la condamnation pénale de la personne visée. Un accusé apporte la preuve de la vérité s'il établit que ce qu'il a dit est vrai ; il peut apporter même des éléments de preuve qui lui étaient inconnus au moment où il s'est exprimé, car la seule question pertinente est celle de la véracité du propos (ATF 124 IV 149 consid. 3a ; 122 IV 311 consid. 2c).

3.5. Aussi longtemps qu'elle n'a pas été révoquée, l'ordonnance de non-lieu ou de classement pour insuffisance des charges fait obstacle à la preuve de la vérité dans un procès en diffamation. En revanche, un jugement d'acquittement ou une ordonnance de non-lieu n'empêche pas l'auteur de tenter d'établir sa bonne foi (ATF 106 IV 115 consid. 2e ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_138/2008 du 22 janvier 2009, consid. 3.3 et 3.4).

3.6.1. Il résulte de l'art. 173 ch. 2 CP que la bonne foi ne suffit pas, il faut encore que l'accusé établisse qu'il avait des raisons sérieuses de croire à ce qu'il disait. Un devoir de prudence incombe à celui qui porte atteinte à l'honneur d'autrui. Il ne saurait s'avancer à la légère. Pour échapper à la sanction pénale, l'accusé de bonne foi doit démontrer qu'il a accompli les actes que l'on pouvait exiger de lui, selon les circonstances et sa situation personnelle, pour contrôler la véracité de ses allégations et la considérer comme établie. L'accusé doit prouver qu'il a cru à la véracité de ses allégations après avoir fait consciencieusement tout ce que l'on pouvait attendre de lui pour s'assurer de leur exactitude. Pour dire si l'accusé avait des raisons sérieuses de tenir de bonne foi pour vrai ce qu'il a dit, il faut se fonder exclusivement sur les éléments dont il avait connaissance à l'époque de sa déclaration ; il n'est pas question de prendre en compte des moyens de preuve découverts ou des faits survenus postérieurement. Il faut donc que l'accusé établisse les éléments dont il disposait à l'époque (ATF 128 IV 53 consid. 2a ; 124 IV 149 consid. 3b ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_479/2022 du 9 février 2023 consid. 5.2 ; 6B_1296/2021 du 30 juin 2022 consid. 5.1.2).

3.6.2. Comme pour la preuve de la vérité, l'auteur supporte, s'agissant de la preuve de la bonne foi, le fardeau de la preuve, la charge de la preuve et le risque de la preuve (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ, op. cit., n. 40 ad art. 173).

3.7. Les motifs justificatifs de la partie générale du Code pénal priment sur l'art. 173 ch. 2 CP (ATF 123 IV 97 consid. 2c/aa ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_698/2012 du 18 janvier 2013, consid. 3.3).

3.8.1. Conformément à l'art. 14 CP, quiconque agit comme la loi l'ordonne ou l'autorise se comporte de manière licite, même si l'acte est punissable en vertu du code pénal ou d'une autre loi.

3.8.2. L'art. 10A de la loi sur la procédure administrative [LPA] prévoit que toute personne peut porter à la connaissance des autorités des faits susceptibles d'entraîner l'ouverture d'une procédure administrative. Toutefois, une telle disposition, en tant qu'elle consacre le droit à la dénonciation, ne fonde pas à elle seule un fait justificatif garantissant l'impunité au dénonciateur quant au caractère attentatoire à l'honneur de ses déclarations (ATF 116 IV 205 consid. 3c ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_698/2012 du 18 janvier 2013, consid. 3.3.3).

3.8.3. La plainte pénale et la dénonciation (Aufsichtsbeschwerde) ne justifient pas par elles-mêmes une atteinte à l'honneur. Le droit d'adresser une dénonciation à l'autorité est, cependant, garanti par des exigences moins strictes quant à la preuve de la bonne foi du dénonciateur visé par une plainte pour atteinte à l'honneur, de surcroît si ses propos comportent essentiellement des soupçons (ATF 116 IV 205 consid. 3c). Il y a lieu de distinguer selon que celui qui rapporte des faits à l'autorité ou au supérieur hiérarchique a ou non le devoir de s'exprimer. Celui qui assume une telle obligation ne doit pas être exposé au risque d'une condamnation pénale. Il bénéficie d'un fait justificatif (art. 14 CP) et n'a donc pas à rapporter la preuve de la vérité ou de sa bonne foi. Celui qui, en revanche, choisit de s'exprimer ne peut se prévaloir de cette disposition. Les motifs qui le poussent à agir déterminent les conditions et modalités auxquelles est soumise la preuve de la bonne foi (art. 173 ch. 2 CP) qui peut, selon les cas, être allégée (notamment en cas de plainte ou de dénonciation:
ATF 116 IV 205 consid. 3c) ou, à l'inverse, exclue (art. 173 ch. 3 CP) (arrêt du Tribunal fédéral 6B_698/2012 du 18 janvier 2013, consid. 3.2).

3.9. En l'espèce, il faut se replacer au moment où l'intimée a transmis à la mairie, employeur du recourant, copie de sa plainte pénale le visant, et procéder à la lecture de ladite plainte. Il en ressort le déroulement factuel de l'épisode du 25 septembre 2020, selon sa propre appréciation. Elle y reconnaissait au demeurant ses torts en tant qu'elle était "sortie de ses gonds" et avait "incendié" le recourant face à une attitude qu'elle considérait comme disproportionnée, injuste et chicanière de sa part. Elle estimait que le recourant avait mélangé son rôle d'agent de police municipal avec leurs démêlés de voisinage et n'aurait pas eu à son égard la distance nécessaire au moment de l'incident, ne se serait pas montré "professionnel", ni bienveillant. Il ne ressort pas de cette plainte que l'intimée a expressément accusé le recourant de s'être rendu coupable d'un abus d'autorité. Il n'en demeure pas moins que le dépôt d'une plainte a pour vocation de dénoncer un comportement que l'on estime pénalement répréhensible dans le but de voir son auteur puni. Mais là n'est pas l'objet du recours, étant rappelé que la plainte de l'intimée à l'encontre du recourant a été classée, décision confirmée en dernier lieu par le Tribunal fédéral.

L'intimée a adressé copie de sa plainte à l'employeur du recourant quasiment, à un ou deux jours près, en même temps qu'elle saisissait le Ministère public. Il ressort de ces deux écrits qu'elle les a rédigés selon son vécu de la situation – pour la plainte – et sans ajouter dans le courrier d'accompagnement à la mairie d'élément donnant à penser qu'elle attendait autre chose qu'une "réponse" à son étonnement quant au comportement adopté par l'un de ses agents de police municipaux à son égard. Elle l'a fait en tant que citoyenne auprès d'une autorité publique, laquelle doit être considérée comme un tiers. Elle n'avait pas l'obligation de dénoncer au sens de l'art. 14 LPA, mais l'a fait par choix. Les éléments de la procédure ne contredisent pas son assertion selon laquelle elle avait, préalablement à son envoi, eu un contact téléphonique avec une employée de la mairie qui lui aurait dit qu'elle pouvait lui adresser copie de cette plainte.

Il ressort de ce qui précède que l'intimée a laissé entendre auprès de l'employeur du recourant que celui-ci pouvait avoir eu un comportement professionnellement discutable, susceptible d'avoir des conséquences pénales, ce qui pouvait fonder le soupçon d'une atteinte à l'honneur telle qu'exigée par l'art. 173 ch. 1 CP. Toutefois, le Ministère public a retenu à juste titre qu'au moment d'agir, soit de l'envoi de la lettre litigieuse à la mairie, l'intimée était de bonne foi.

Il sera rappelé qu'en matière de classement d'une procédure, l'autorité dispose d'un pouvoir d'appréciation qui prévaut d'autant plus lorsque, comme en l'espèce, l'infraction est poursuivie sur plainte.

À cet égard, on peut s'étonner du refus par trois fois du recourant de se soumettre au processus de médiation proposé par l'intimée, qui demeure poursuivie pour injures en lien avec leur altercation du 25 septembre 2020. Tous deux seront en effet amenés à se côtoyer à l'avenir tant comme voisins que comme citoyens de la même commune et l'issue d'une médiation, quelle qu'elle eût été, n'était pas de nature à remettre en cause l'autorité d'un garant de l'ordre public.

Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

4.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

5. Corrélativement, aucun dépens ne lui sera alloué pour la procédure de recours (ATF 144 IV 207 consid. 1.8.2).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant et à l'intimé, soit pour eux leur conseil respectif, ainsi qu'au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Valérie LAUBER et
Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Selim AMMANN, greffier.

 

Le greffier :

Selim AMMANN

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/1387/2021

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

Total

CHF

1'000.00