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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/4498/2021

ACPR/504/2024 du 10.07.2024 sur OCL/143/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE DE CLASSEMENT;USURE(DROIT PÉNAL);TRAITE D'ÊTRES HUMAINS
Normes : CPP.319; CP.157; CP.182

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/4498/2021 ACPR/504/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 10 juillet 2024

 

Entre

A______, représentée par Me Mathieu JACQUERIOZ, avocat, Benoît & Arnold Avocats, rue Du-Roveray 16, case postale, 1211 Genève 6,

B______, représentée par Me Lorella BERTANI, avocate, Étude BERTANI & AEBISCHER, rue Ferdinand-Hodler 9, case postale 3099, 1211 Genève 3,

recourantes,

 

contre l'ordonnance de classement rendue le 8 février 2024 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par actes expédiés séparément le 22 février 2024, A______ et B______ recourent contre l'ordonnance du 8 précédent, notifiée aux deux le 12 suivant, par laquelle le Ministère public a classé l'intégralité de la procédure.

b. B______ conclut, sous suite de frais et dépens, préalablement, à l'admission de ses réquisitions de preuve et, principalement, à l'annulation de cette ordonnance en tant qu'elle classe ses plaintes et au renvoi de la cause au Ministère public pour poursuite de l'instruction. Elle sollicite également l'octroi de l'assistance judiciaire gratuite.

Elle a été dispensée de verser les sûretés (art. 383 al. 1 CPP), car son indigence est attestée par le rapport du 28 mars 2024 du Greffe de l'assistance juridique.

c. A______ conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette ordonnance en tant qu'elle classe sa plainte et à la poursuite de l'instruction avec des réquisitions de preuve, qu'elle énumère.

Elle a versé les sûretés en CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 10 février 2021, la police est intervenue au domicile de C______, à D______, après un appel en anglais demandant de l'aide ("help, help"). Sur place, elle a pris langue avec B______, à l'origine de l'appel, qui a expliqué vouloir déposer plainte, par crainte pour sa sécurité.

b. Durant son audition, la précitée, russophone, a déclaré avoir été contactée, en 2016, par une agence au Kazakhstan, pour venir travailler en Suisse en tant qu'aide de maison pour la famille [de] C______. Elle était venue une première fois pour une période de huit mois, durant laquelle elle avait été payée USD 1'500.- mensuellement. "L'expérience" avait été reconduite à deux reprises, soit une fois pendant un an et l'autre, durant la pandémie de COVID-19, pendant treize ou quatorze mois, avec le même salaire.

Elle était employée par C______ et également par la fille de cette dernière, E______, vivant à Monaco, et recevait son salaire en partie de main à main et, l'autre partie, via un intermédiaire au Kazakhstan.

Les problèmes avaient commencé en novembre 2020, lorsqu'elle avait demandé des premiers jours de congé. Jusqu'alors, elle n'en avait jamais pris, étant en permanence au service de la famille. Ses horaires débutaient à 06h00, parfois 07h00 ou 08h00, et finissaient à minuit. E______ lui avait refusé des jours de congé, prétextant des risques liés à la pandémie et la sécurité des enfants. La veille de son audition, un dénommé "F______" l'avait appelée pour lui dire qu'elle devait faire ses valises et rentrer chez elle au Kazakhstan. Depuis novembre 2020, elle n'avait perçu que USD 1'500.- et "F______" lui avait dit que le reste de son salaire lui serait versé après son retour au pays.

C______ lui avait fait comprendre, en russe, que si elle ne préparait pas sa valise, sa vie allait devenir un "enfer". Elle refusait néanmoins de partir, par crainte du dénommé "F______" et du mari de la précitée, G______. La famille lui devait encore USD 4'500.-, plus encore les "jours travaillés sans congé". Face à ses demandes en ce sens, C______ lui avait répondu qu'elle n'avait pas été engagée par la famille et qu'il ne leur revenait donc pas de la payer. Elle n'avait signé aucun contrat, tous les accords ayant été passés à l'oral, et n'avait jamais reçu de bulletin de salaire. Après réflexion, elle estimait avoir été "traitée de manière abusive" concernant ses horaires, car elle travaillait parfois jusqu'à 15 heures par jour.

c. Entendue par la police, C______ a exposé que B______ était arrivée à Monaco, depuis le Kazakhstan, le 5 ou 6 novembre 2020 pour travailler comme nourrice pour sa fille, E______. En janvier 2021, cette dernière et son mari, H______, ainsi que leurs enfants, étaient venus à Genève avec B______, dont le visa allait expirer. La précitée était donc restée avec elle à D______ et il était question d'organiser son retour au Kazakhstan. Le vol était prévu pour le 10 février 2021 mais l'intéressée avait refusé de partir, probablement à cause d'une relation sentimentale. B______ n'avait jamais travaillé pour elle et, comme celle-ci avait été "envoyée" par son mari, G______, pour aider leur fille à Monaco, elle supposait qu'il s'était occupé de toutes les démarches.

d. Par ordonnance pénale et de non-entrée en matière partielle du 10 mars 2021, le Ministère public a déclaré C______ coupable d'usure, d'infraction aux art. 116 al. 1 let. a et 117 al. 1 LEI et a refusé d'entrer en matière sur l'infraction de menaces.

e. L'intéressée a formé opposition à cette ordonnance par courrier du 22 mars 2021.

Elle a exposé que B______ avait accepté de faire "quelques heures de travail de nourrice" pour un montant mensuel de USD 1'500.-, en étant logée, nourrie, couverte pour les frais médicaux et les dépenses liées aux loisirs. Il avait aussi été convenu que le salaire serait directement versé au Kazakhstan. Le 5 novembre 2020, B______ était arrivée à I______ [Italie], au bénéfice de son visa, et avait ensuite rejoint E______ à Monaco. L'intéressée débutait ses journées vers 10h00 et se contentait de surveiller les enfants, sans jamais faire le ménage ni la cuisine, et ne travaillait pas les weekends. Pour sa part, elle n'avait jamais fait appel à ses services. B______ avait accompagné une première fois la famille E______/H______ à Genève pour les fêtes, puis une deuxième fois en février 2021, séjour au terme duquel E______ était repartie en lui demandant d'amener celle-là, le 10 février 2021, à l'aéroport puisque son visa arrivait à échéance. Le jour en question, B______ avait appelé la police sans raison, hormis qu'elle ne voulait pas partir.

C______ a produit le visa de B______, délivré par l'Italie, valable du 21 octobre 2020 au 30 octobre 2022, pour une durée de séjour de nonante jours.

f. Entendue par le Ministère public le 23 août 2021, B______ a expliqué avoir contacté la police le 10 février précédent car la veille, C______ et des "gens" au Kazakhstan l'avaient appelée pour lui dire qu'elle ne serait pas payée et qu'elle devait partir. Face à ses protestations, on l'avait menacée. Elle avait reçu un transfert d'argent au Kazakhstan au mois de décembre 2020 mais le montant ne couvrait pas toute la durée de son travail.

En Suisse, elle était logée chez C______, où elle vivait dans la salle de cinéma située au sous-sol, meublée d'un canapé non convertible et d'une petite armoire, et mangeait ce qui se trouvait dans le frigo. Elle ne pouvait pas sortir à sa guise et ses conditions de travail étaient "difficiles", avec des horaires conséquents et aucun jour de congé. On lui permettait toutefois de sortir quelques jours, une ou deux fois par mois. Elle avait discuté des modalités de son engagement avec "F______", au Kazakhstan et, en Suisse, C______ lui donnait les instructions. Elle avait travaillé pour cette dernière une première fois de novembre 2016 à août 2017, puis de mars à juin 2018, une bonne partie de l'année 2019 et, enfin, de novembre 2020 à février 2021. Durant toutes ces périodes, elle se trouvait en Suisse, hormis les fois où elle était retournée au Kazakhstan et quelques voyages à Monaco.

Malgré ses demandes, elle n'avait reçu aucun contrat ni fiches de salaire. Elle pouvait parfois contacter sa famille avec son téléphone privé mais "ils" n'aimaient pas quand elle l'utilisait en leur présence. De manière générale, elle souffrait "du mépris, des insultes et des humiliations".

g. Par courrier du 24 août 2021, B______, sous la plume de son conseil, a déposé plainte contre C______, E______, G______ et H______, pour "les faits dénoncés lors de l'audience" de la veille, constitutifs de traite d'êtres humains, usure et menaces.


 

h. Le 18 janvier 2022, le Ministère public a tenu une audience de confrontation.

C______ a affirmé n'avoir jamais collaboré avec B______, laquelle n'avait pas travaillé pour elle mais pour E______, à Monaco. Elle avait vu l'intéressée pour la première fois en 2018, lorsque celle-ci était venue aider sa fille.

H______ a expliqué que sa femme avait demandé, au printemps 2018, de l'aide à son père, G______, lequel avait engagé, par un "contrat local" au Kazakhstan, une personne qu'il connaissait. B______ était ainsi arrivée à Genève en mars 2018, pour ensuite faire des allers-retours avec Monaco. Il n'avait jamais remis de salaire à la précitée; uniquement un peu d'argent de poche. Les horaires de B______ étaient calés sur ceux de son fils cadet, soit de 8h00 ou 9h00 à 20h00, avec trois heures de sieste. Elle logeait, à Monaco, dans une chambre d'invités, avec fenêtres, balcon et une salle de bain séparée.

B______ a confirmé ses précédentes déclarations et précisé que le prénommé "F______" s'occupait de ses visas. Durant l'été 2018, elle était bien allée à Monaco, où sa chambre était "très bien".

i. Le 14 février 2022, C______ a adressé au Ministère public un courrier pour étayer, pièces à l'appui, que B______ passait la majeure partie de son temps à Monaco, était bien intégrée à la famille et ne s'occupait que des enfants de E______, sans effectuer d'autres tâches ménagères.

Il ressort notamment des documents produits que les enfants de E______ étaient scolarisés à Monaco et que B______ était chargée de les amener et les récupérer au jardin d'enfants, où elle était régulièrement vue, pour la période entre le 4 décembre 2019 et le 4 mars 2021.

j. Selon le rapport de renseignements de la police du 24 février 2022, les bases de données suisses ne permettaient pas de retrouver de demande de visa pour B______, laquelle avait uniquement demandé, le 26 mars 2021, un permis de séjour en raison de la procédure pénale engagée.

k. Le 12 septembre 2022, E______ a versé au dossier un chargé de pièces, dans lequel figurent:

- une conversation WhatsApp du 5 juin 2019 au 12 février 2021, traduite du russe, entre B______ et "F______", dont il ressort que la précitée s'adressait à lui pour demander régulièrement de l'argent, correspondant à son "salaire". Dans l'un de ses messages, B______ qualifie "C______ et E______" de "bonnes et généreuses" avant de continuer de la sorte: "Mais peut-être que j'ai gagné assez d'argent pour des vacances payées, compte tenu du fait que j'ai travaillé plus d'une année sans jours de congé?";

- une conversation WhatsApp du 13 septembre 2020 au 3 février 2021, traduite du russe, entre E______ et B______, dans laquelle la première écrit à celle-ci, le 4 novembre 2020: "Regarde toi-même si tu as envie de venir. L'Italie sera fermée la semaine prochaine. Cela ne sera pas possible après. Décide toi-même, oui ou non";

- Selon cette même conversation, E______ avait envoyé à B______, à une date indéterminée mais antérieure au 1er décembre 2020, le message suivant: "Il me semble que tu ne me dis pas la vérité et que c'est un ami à toi d'internet. Ce n'est pas le bon moment maintenant de trainer chez des personnes inconnues. J'ai deux petits enfants à la maison et je n'ai pas besoin de maladie contagieuse à la maison. Je comprends tout, c'est possible d'aller se promener, tu n'es pas dans une cale, mais trainer jusqu'à 10h du soir, quand tout est fermé, spécialement pendant le Covid, je n'ai pas besoin de tout cela", puis "tu es venue travailler, si tu ne veux pas, personne ne te retient ici. Je trouverai quelqu'un d'autre pour ta place. Je t'ai demandé avant que tu viennes si tu voulais venir travailler…?!".

l. Le 4 janvier 2023, le Ministère public a joint à la présente procédure celle portant la référence P/18774/2022.

Dans le cadre de celle-ci, A______, autre fille de C______, a porté plainte, le 1er septembre 2022 contre B______ pour abus de confiance et escroquerie.

En substance, la précitée lui avait demandé sa carte de crédit pour souscrire un abonnement d'un mois sur un site de rencontres mais avait, en réalité, pris un abonnement annuel. Son compte avait ainsi été débité de CHF 731.38 et, faute de connaître les codes d'accès de B______, l'abonnement s'était renouvelé pour une année supplémentaire. Elle avait mis B______ en demeure de lui payer CHF 1'113.85.

m. Entendue par la police le 6 décembre 2022 à propos de ces faits, B______ a expliqué que A______ avait insisté pour l'inscrire sur un site de rencontres et avait, avec C______, proposé de lui payer l'abonnement. Cette dernière avait demandé à sa fille d'effectuer les démarches, étant précisé qu'elle [B______] ne savait pas le faire. Par manque de temps, elle n'avait finalement pas pu utiliser le site, qui était, de toute manière, dans une langue qu'elle ne comprenait pas.

n. Le 21 février 2023, le Ministère public a entendu E______, qui a confirmé avoir demandé de l'aide à son père après l'arrivée de son deuxième enfant. Ce dernier avait proposé de trouver quelqu'un par le biais d'une société au Kazakhstan. B______ avait été prévenue que la famille voyagerait beaucoup entre Monaco, J______ [BE] et Genève pour les vacances scolaires. La précitée était arrivée à la fin du mois de mars 2018 à Monaco. Le prénommé "F______" s'occupait des visas de B______, laquelle connaissait ses tâches et ses conditions de travail puisque tout avait été discuté au Kazakhstan. La précitée s'occupait, en général, d'un seul enfant entre 9h30 et 19h30, était libre durant la sieste et disposait de deux jours de congé. L'intéressée était rémunérée USD 1'500.- pour son travail, avec en sus la prise en charge de ses frais, et conservait toujours ses papiers d'identité. B______ n'avait jamais travaillé pour C______.

o.a. Le 18 juillet 2023, le Ministère public a tenu une audience, pour laquelle, à teneur du procès-verbal, A______ était "absente et excusée".

Entendue à cette occasion en qualité de prévenue, B______ a confirmé ses déclarations à la police du 6 décembre 2022. La carte de crédit utilisée était soit celle de C______, soit celle de A______. Elle était allée sur le site de rencontres à une seule reprise. Le site était en français ou en allemand, langues qu'elle ne maitrisait pas.

o.b. Au cours de l'audience, le conseil de A______ a remarqué que la présence de celle-ci était indiquée comme étant "facultative" alors qu'elle souhaitait être confrontée à B______.

p. Le 14 septembre 2023, A______ a souligné au Ministère public que son conseil avait reçu, à deux reprises, l'information selon laquelle l'audience du 18 juillet 2023 ne devait pas porter sur sa plainte; or, tel avait été le cas. Par ailleurs, elle n'avait même pas été avisée de cette audience et l'avis reçu, après un appel pour relever ce manquement, indiquait que sa présence était "facultative".

q.a. À la suite de l'avis de prochaine clôture de la procédure, B______ a, par courrier du 12 octobre 2023, sollicité du Ministère public l'audition de "F______", ainsi qu'une nouvelle confrontation avec C______ et les époux E______/H______, affirmant que, contrairement aux allégations des précités, ils la connaissaient tous depuis 2018 déjà.

Parmi les pièces produites en annexe figurent:

- des captures d'écran supposément tirées de son téléphone, montrant des extraits de géolocalisation situés à Genève en 2016 et 2018, dont certains au domicile de C______;

- des messages échangés avec E______ ou C______ antérieurs à 2018. Selon la traduction du russe de l'un de ces messages, du 14 novembre 2017, la première nommée lui a écrit: "Salut B______! Oui, tout va bien ici. Comment vas-tu ? Ma maman n'est pas là maintenant et peut-être elle n'avait pas reçu ton message. Aujourd'hui, nous avons une personne [pour s'occuper des enfants, commentaire du traducteur], peut-être (tu viendras) après le Nouvel An? En tous cas, il faut que ma maman garde contact avec F______. Je dirai à ma maman de t'écrire. Gardons le contact".

q.b. A______ a également requis une confrontation avec B______ et la production, par la société exploitant le site de rencontres, des informations liées au compte créé par la précitée.

C. L'ordonnance querellée concerne tant les faits dénoncés par B______ que ceux relatifs à la plainte de A______

Classement des plaintes de B______

Les déclarations des parties au sujet du traitement de la plaignante étaient contradictoires. La famille C______/E______ affirmait que celle-ci n'était pas forcée à travailler ou à se loger dans "des conditions catastrophiques", mais vivait au contraire dans une chambre à part, obtenait régulièrement de l'argent en sus de sa rémunération versée au Kazakhstan et de la prise en charge de ses frais courants. B______ n'avait jamais été privée de ses papiers d'identité, était bien intégrée à la famille C______/E______ et pouvait librement se déplacer, dans les limites des besoins des enfants. L'intéressée avait fait plusieurs allers-retours entre l'Europe occidentale et le Kazakhstan, sans faire état d'une quelconque contrainte ni de menaces la forçant à revenir contre sa volonté en Suisse ou à Monaco. Les éléments constitutifs de l'infraction de traite d'êtres humains n'étaient ainsi pas réunis.

Pour l'usure, la famille C______/E______ avait déclaré que toutes les démarches administratives (contrat, salaire, visa) et le paiement du salaire de B______ étaient réglés par des personnes au Kazakhstan, ce qui ressortait également de la conversation WhatsApp de la précitée avec "F______". Par ailleurs, un montant de USD 1'500.- pour une nourrice, avec des heures de travail "relativement normales", nourrie et logée en plus, n'était pas un salaire disproportionné. En tout état, les réelles conditions salariales de B______ ne pouvaient pas être établies, les contrats ayant été passés oralement, vraisemblablement avec des tiers établis au Kazakhstan.

Pour le surplus, les réquisitions de preuve de B______ pouvaient être rejetées. Rien ne permettait d'affirmer que les extraits de géolocalisation provenaient du téléphone de la précitée. Par ailleurs, même à supposer que les parties se connaissaient avant 2018, les messages échangés étayaient plutôt la version selon laquelle la plaignante n'avait pas été exploitée, ni fait l'objet d'usure. Une nouvelle confrontation n'était donc pas susceptible d'apporter des éléments nouveaux. L'identification du prénommé "F______" semblait compromise, vu son domicile au Kazakhstan et les obstacles liés à l'entraide internationale en matière pénale avec ce pays.

Classement de la plainte de A______

Il n'était pas nécessaire d'entendre la précitée, qui avait déjà eu l'occasion de s'exprimer au travers de sa plainte.

Pour le surplus, B______ avait affirmé que l'abonnement avait été souscrit par C______ et/ou A______, alors que celles-ci alléguaient que la précitée avait pris leur carte de crédit et leur ordinateur pour le faire elle-même. En l'absence de moyen de preuve objectif, il était impossible d'établir qui avait concrètement réalisé ce paiement.

D. a. Dans son recours, B______ reproche d'abord au Ministère public d'avoir écarté ses réquisitions de preuve. Les pièces produites avec son courrier du 12 octobre 2023 contredisaient plusieurs déclarations "capitales" de C______ et E______. Les doutes sur la provenance des données pouvaient être levés par une analyse de la police. En outre, le numéro de téléphone du prénommé "F______" était connu, ce qui devait permettre de le localiser aisément.

Sur le fond, elle allègue, dans sa partie en fait, qu'elle était "particulièrement vulnérable" au Kazakhstan en raison de sa "descendance" et tenue de subvenir aux besoins de sa famille. Elle affirme en outre avoir démontré que les déclarations de C______ et des époux E______/H______ devaient être considérées comme peu crédibles et qu'elle se trouvait régulièrement à Genève, non à Monaco. Le Ministère public ne pouvait dès lors retenir des versions contradictoires et l'absence d'élément objectif sans avoir entendu les prévenus, ni organisé une confrontation. Il fallait également tenir compte du fait que C______ avait été condamnée par ordonnance pénale, à la suite du dépôt de sa plainte. Les motifs invoqués par l'autorité intimée n'apparaissaient ainsi pas, au regard du principe in dubio pro duriore, suffisamment déterminants pour classer la procédure.

b. Après la renonciation au versement des sûretés, la cause a été gardée à juger, sans échange d'écritures, ni débats.

E. a. Dans son recours, A______ soulève une violation de son droit d'être entendue. Malgré le dépôt de sa plainte et ses demandes ultérieures en ce sens, elle n'avait jamais été auditionnée, étant ainsi empêchée de s'exprimer sur les déclarations – divergentes – de B______. En outre, le Ministère public ne discutait pas de la production sollicitée des informations liées à la création du compte sur le site de rencontres.

Par ailleurs, l'ordonnance querellée était "l'expression formelle d'une procédure choquante et arbitraire dans son ensemble". D'abord, elle n'avait pas été avisée de la tenue de l'audience du 18 juillet 2023, laquelle avait pour objet "la mise en prévention" de B______ pour les faits dénoncés dans sa plainte, et, par la suite, son conseil avait été informé que ladite audience concernait un autre objet. Enfin, contrairement à ce qui était retenu dans l'ordonnance querellée, C______ ne s'était jamais exprimée sur les faits.

Enfin, l'ordonnance querellée était contraire à "l'art. 319 al. 1 let. d CPP". Le Ministère public laissait entendre que les faits dénoncés s'apparentaient aux infractions commises "entre quatre yeux" alors que tel n'était pas le cas, puisque C______ était "une témoin des faits" et n'avait, malgré cela, pas été entendue. En tout état, il n'était pas établi que ses déclarations étaient contradictoires, les rendant ainsi moins crédibles; il ressortait plutôt du dossier que B______ avait tenu des propos divergents entre ses deux auditions. Enfin, des actes d'instruction complémentaires pouvaient apporter des éléments susceptibles de démontrer la culpabilité de la précitée.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Les recours, qui portent sur la même ordonnance de classement, seront joints et traités dans un unique arrêt.

2.             Les recours sont tous les deux recevables pour avoir été déposés selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner des plaignantes qui, parties à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), ont qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

3.             3.1. Aux termes de l'art. 319 al. 1 CPP, le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure notamment lorsqu'aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'est établi (let. a), lorsque les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réunis (let. b) ou lorsque des faits justificatifs empêchent de retenir une infraction contre le prévenu (let. c).

Cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage "in dubio pro duriore". Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 1 CPP en relation avec les art. 309 al. 1, 319 al. 1 et 324 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2) et signifie qu'en principe, un classement ne peut être prononcé par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1; 138 IV 86 consid. 4.1.2).

3.2. L'art. 182 al. 1 CP punit quiconque, en qualité d'offreur, d'intermédiaire ou d'acquéreur, se livre à la traite d'un être humain à des fins d'exploitation sexuelle, d'exploitation de son travail ou en vue du prélèvement d'un organe.

La traite des êtres humains est définie à l'art. 4 let. a de la Convention sur la lutte contre la traite des êtres humains du 16 mai 2005 (CETH). Selon cette disposition, l'expression "traite des êtres humains" désigne le recrutement, le transport, le transfert, l'hébergement ou l'accueil de personnes, par la menace de recours ou le recours à la force ou d'autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d'autorité ou d'une situation de vulnérabilité, ou par l'offre ou l'acceptation de paiements ou d'avantages pour obtenir le consentement d'une personne ayant autorité sur une autre aux fins d'exploitation. L'exploitation comprend, au minimum, l'exploitation de la prostitution d'autrui ou d'autres formes d'exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, l'esclavage ou les pratiques analogues à l'esclavage, la servitude ou le prélèvement d'organes. Cette définition correspond à celle de l'art. 3 let. a du Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (arrêt du Tribunal fédéral 2C_483/2021 du 14 décembre 2021 consid. 7.1.1).

Il y a exploitation du travail, au sens de l'art. 182 CP, en cas d’activité forcée, d'esclavage ou de prestations accomplies dans des conditions analogues à l'esclavage. Il en va de même quand une personne est continuellement empêchée d'exercer ses droits fondamentaux, en violation de la réglementation du travail ou des dispositions relatives à la rémunération, la santé et la sécurité; concrètement, il peut s'agir notamment de privation de nourriture, de maltraitance psychique, de chantage, d'isolement, de lésions corporelles, de violences sexuelles ou de menaces de mort (arrêts du Tribunal fédéral 2C_483/2021 précité, consid. 7.1.2 et 1B_450/2017 du 29 mars 2018 consid. 4.3.1).

3.3. L'art. 157 CP poursuit, du chef d'usure, quiconque exploite la gêne, la dépendance, l’inexpérience ou la faiblesse de la capacité de jugement d’une personne en se faisant accorder ou promettre par elle, pour lui-même ou pour un tiers, en échange d’une prestation, des avantages pécuniaires en disproportion évidente avec celle-ci sur le plan économique.

L'infraction suppose la réalisation des éléments constitutifs objectifs suivants: une situation de faiblesse de la victime, l'exploitation de cette situation de faiblesse, l'échange d'une contre-prestation, une disproportion évidente entre l'avantage pécuniaire et la contre-prestation ainsi que l'existence d'un rapport de causalité entre la situation de faiblesse et la disproportion des prestations (arrêt du Tribunal fédéral 6B_301/2020 du 28 avril 2020 consid. 1.1).

3.4. Selon l'art. 146 al. 1 CP, se rend coupable d'escroquerie quiconque, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou l'aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers.

Recours de B______

4.             En l'espèce, la recourante ne saurait en premier lieu tirer argument – ni reprocher au Ministère public de n'avoir pas tenu compte – de l'ordonnance pénale rendue contre C______ le 10 mars 2021, dès lors que cette dernière y a formé opposition, empêchant ainsi l'acte d'entrer en force (art. 354 al. 3 a contrario CPP). L'opposition a précisément pour but de procéder à l'instruction des faits.

La recourante se plaint ensuite de ses conditions de travail, estimant qu'elles étaient "difficiles" et allègue avoir été exploitée, invoquant avoir été victime de traite d'êtres humains, voire d'usure.

Cependant, elle soutient parallèlement avoir travaillé à plusieurs reprises pour les prévenus depuis 2016, en effectuant des allers-retours entre le Kazakhstan et Genève et/ou Monaco. Toujours selon ses explications, ses problèmes auraient commencé en novembre 2020 et, lors du dépôt de sa plainte, elle a surtout fait valoir des menaces – ayant fait l'objet d'un classement entré en force – pour lui faire quitter la Suisse, ainsi que le non-paiement d'une partie de son salaire.

Il n'apparaît ainsi pas que la recourante travaillait contre son gré pour la famille mise en cause, ni qu'elle y était obligée pour d'autres raisons. Ce n'est d'ailleurs que dans le cadre de son recours qu'elle allègue, pour la première fois et sans autre explication, qu'elle se trouvait dans une situation "vulnérable" en raison de sa "descendance".

Il ressort plutôt de la procédure, et surtout des messages versés au dossier, qu'elle venait volontairement travailler pour E______ et était libre de repartir si les conditions lui déplaisaient. S'il est certes fait mention d'une année entière effectuée sans congé, la teneur du message ne permet pas d'en déduire que cela découlerait d'un choix imposé par la précitée, ni par la mère de celle-ci, lesquelles sont, au contraire, qualifiées de "bonnes et généreuses" par la recourante. Quant à ses conditions de travail, la recourante a déclaré qu'elle disposait d'une belle chambre à Monaco et n'a pas contesté qu'en sus de son salaire de USD 1'500.-, elle était logée, nourrie et touchait une rémunération supplémentaire, reçue de main à main. Ses horaires à Monaco n'ont pas pu être établis avec certitude mais les membres de la famille E______/H______ ont affirmé qu'ils étaient calqués sur ceux des enfants (entre 8h00 et 20h00), avec le temps de la sieste à sa disposition. À Genève, la recourante n'établit pas avoir effectué des horaires plus harassants.

Ainsi, indépendamment du moment où la recourante a réellement commencé à travailler pour l'un des membres de la famille prévenue, il ne ressort en tout cas pas du dossier que l'intéressée se trouvait dans une position de faiblesse, ni qu'elle aurait été contrainte, de quelque manière que ce soit, d'accepter ce travail, dont les conditions n'apparaissent, au demeurant, pas comme relevant de l'exploitation.

Il s'ensuit que les conditions constitutives des infractions de traite d'êtres humains et d'usure ne sont pas réunies.

Les réquisitions de preuve de la recourante, qui visent avant tout à démontrer la chronologie de ses liens avec la famille prévenue, ne sont donc pas susceptibles de renverser ce qui précède. Elles peuvent donc être écartées.

Recours de A______

5.             5.1. En l'espèce, si la recourante reproche à la prévenue d'avoir utilisé sa carte de crédit pour souscrire un abonnement annuel, et non mensuel comme annoncé, sur un site de rencontres, elle admet avoir accepté l'idée de l'inscription de l'intéressée, à ses frais.

De son côté, la prévenue, russophone, affirme que l'idée de s'inscrire sur un tel site provenait de la recourante et de sa mère, de même que la proposition de lui offrir l'abonnement. Elle n'aurait toutefois pas été en mesure d'effectuer seule les démarches, ni d'utiliser le site en question, notamment parce que celui-ci était dans des langues qu'elle ne maitrisait pas.

La recourante et la prévenue s'accordent ainsi pour dire qu'à tout le moins, elles s'étaient entendues sur le principe d'inscrire cette dernière sur un site de rencontres.

Partant, même à retenir, avec la recourante, que la prévenue aurait elle-même souscrit cet abonnement – ce que celle-ci conteste –, on ne saurait retenir une escroquerie, le comportement incriminé (abonnement annuel au lieu de mensuel) ne relevant pas de la tromperie astucieuse et l'erreur n'étant, au surplus, pas exclue. Quant à l'utilisation de la carte de crédit – qui ne relève d'ailleurs pas de la typicité de l'abus de confiance –, aucun élément ne permet de conclure à une intention délictuelle de la part de la prévenue, de sorte que l'éventuel litige lié à l'abonnement souscrit relèverait des autorités civiles.

5.2. L'appréciation anticipée des preuves par le Ministère public, qui a ainsi refusé d'entendre la recourante, ou sa mère, avant de rendre son ordonnance (art. 318 al. 2 CPP), ne prête pas le flanc à la critique puisque l'audition des précitées n'aurait pas pu renverser la conclusion qui précède, tout comme l'obtention des données du compte de la prévenue sur le site de rencontres. Que la prévenue ait ou non procédé aux démarches d'inscription sur le site et utilisé ce dernier n'y change rien, au vu du développement qui précède.

Enfin, la juridiction de recours jouissant d'un plein pouvoir de cognition (art. 393 al. 2 let. b CPP), d'éventuelles inexactitudes entachant la décision querellée auront été corrigées dans l’état de fait établi ci-avant, tandis que les critiques de la recourante quant à l'audience du 18 juillet 2023 n'ont pas lieu d'être examinées ici, cet acte d'instruction n'étant pas l'objet du recours.

6.             Infondés, les recours seront ainsi rejetés, ce qui pouvait être constaté sans échange d'écritures ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

7.             La requête de B______ en octroi de l'assistance judiciaire gratuite pour la procédure de recours sera rejetée, faute de chance de succès de son recours et, donc, de sa plainte et de ses prétentions civiles (art. 136 al. 1 CPP).

Elle participera dès lors aux frais de la procédure de recours (art. 136 al. 2 let. b CPP).

8.             Les recourantes succombent et supporteront dès lors chacune les frais de leurs recours envers l'État, fixés en totalité à CHF 1'500.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

Pour A______, ces frais seront fixés à CHF 1'000.-, et pour B______, compte tenu de sa situation financière, à CHF 500.-.

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Joint les recours.

Les rejette.

Rejette la demande d'assistance juridique de B______.

Condamne A______ à participer à hauteur de CHF 1'000.- aux frais de la procédure de recours.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Condamne B______ à participer à hauteur de CHF 500.- aux frais de la procédure de recours.

Notifie le présent arrêt, en copie, aux recourantes, soit pour elles leurs conseils respectifs, et au Ministère public.

Le communique, pour information, à C______ (soit pour elle, Me Céline GHAZARIAN), E______ (soit pour elle, Me Benjamin GRUMBACH) et H______.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et
Madame Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Selim AMMANN, greffier.

Le greffier :

Selim AMMANN

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/4498/2021

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

20.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'405.00

Total

CHF

1'500.00