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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/4533/2024

ACPR/493/2024 du 03.07.2024 sur ONMMP/1169/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : DOMMAGES À LA PROPRIÉTÉ(DROIT PÉNAL);PREUVE;DOMMAGE
Normes : CPP.144

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/4533/2024 ACPR/493/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 3 juillet 2024

 

Entre

LA FONDATION A______, ______[GE], agissant en personne,

recourante,

 

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 12 mars 2024 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 25 mars 2024, la Fondation A______ recourt contre l'ordonnance du 12 mars 2024, notifiée le lendemain, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte pénale.

La recourante conclut à l'annulation de l'ordonnance précitée et à l'ouverture d'une instruction contre B______ pour dommages à la propriété, mise en danger de la vie d'autrui et violation de l'art. 90 al. 1 LCR.

b. La recourante a été dispensée de verser les sûretés (art. 383 CPP).

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 18 janvier 2024, la Fondation A______ a déposé plainte pénale, pour dommages à la propriété (art. 144 CP), violation des règles de la circulation routière (art. 90 LCR) et mise en danger de la vie d'autrui (art. 129 CP), contre le conducteur du véhicule immatriculé GE 1______ pour des faits survenus le 5 janvier 2024, aux environs de 16h30, dans le parking de C______, à Genève. Elle reprochait audit conducteur d'avoir intentionnellement endommagé le revêtement du sol du parking en ne respectant pas les consignes de sécurité [il avait roulé "en sens interdit"], en roulant à une vitesse excessive et en réalisant un "burn". Le véhicule avait laissé des traces de pneu ayant nécessité l'appel à une société de nettoyage et engendré des frais de CHF 1'189.10.

Elle a produit le devis établi le 18 janvier 2024 par une société de nettoyage professionnel, faisant état d'un "récurage mécanique des sols avec un produit adéquat".

b. Identifié comme étant B______, le détenteur du véhicule a été entendu par la police le 12 février 2024. Il a reconnu avoir été au volant du véhicule le jour en question. Pour le surplus, il ne se rappelait pas avoir roulé à contre-sens.

c. La procédure a été disjointe s'agissant de l'éventuelle infraction à l'art. 90 LCR et renvoyée au Service des contraventions.

C. Dans la décision querellée, le Ministère public a retenu que les faits reprochés à B______ pourraient être analysés sous l'angle des dommages à la propriété, au sens de l'art. 144 CP. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le fait de souiller ou de salir une chose pouvait constituer un dommage au sens de cette disposition, dans la mesure où la remise en état exigeait des efforts non négligeables en temps, en travail et en argent. Toutefois, il ne ressortait pas du dossier que le parking aurait réellement été durablement endommagé, au point de constituer un dommage à la propriété, étant précisé que les frais de nettoyage pourraient, cas échéant, être réclamés dans le cadre d’une action civile, si la partie plaignante s'y estimait fondée.

Les éléments constitutifs de l'infraction visée à l'art. 144 CP n'étant pas réunis, il n'y avait pas lieu d'entrer en matière sur la plainte.

D. a. À l'appui de son recours, la Fondation A______ soutient, en citant la doctrine, que les traces de pneus laissées par le véhicule du mis en cause avaient manifestement causé un changement dans l'état du revêtement du sol du parking, lequel n'avait pu être réversible qu'après un nettoyage spécifique réalisé par une entreprise spécialisée. Il ne pouvait donc être retenu que ce changement, soit les traces de pneus, était réversible sans frais ni efforts. Ainsi, le Ministère public avait constaté les faits de manière erronée et arbitrairement considéré que les éléments constitutifs du dommage à la propriété n'étaient pas réalisés.

En outre, l'autorité précédente ne s'était pas prononcée sur les deux autres infractions relevées dans sa plainte pénale. Or, les images de la vidéosurveillance, qu'elle avait produites, montraient que le véhicule s'était arrêté pour redémarrer à une vitesse excessive, créant un nuage de fumée et les traces de pneus litigieuses.

b. Le Ministère public conclut au rejet du recours. Depuis janvier 2024, date du dépôt de la plainte, la Fondation A______ était en mesure de produire la facture pour le nettoyage allégué, ce qu'elle n'avait pas fait. Elle n'avait ainsi pas établi que le sol du parking aurait été durablement endommagé. Au surplus, le recours était irrecevable en tant qu'il portait sur les infractions à la LCR, la plaignante n'étant pas directement lésée par ces faits.

c. La recourante n'a pas répliqué.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours a été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerne une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émane de la plaignante, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP).

1.2. La recourante ne dispose toutefois pas d'un intérêt juridiquement protégé, au sens de l'art. 382 al. 1 CPP, à se plaindre du refus d'entrer en matière sur les infractions aux art. 129 CP et 90 al. 1 LCR dénoncées.

L'existence d'un intérêt juridiquement protégé, au sens de l'art. 382 CPP, n'est en effet admise que lorsque le recourant est directement et immédiatement touché dans ses droits par l’ordonnance attaquée. La violation d'un intérêt relevant d'un autre sujet de droit est insuffisante pour créer la qualité pour recourir (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1004/2022 du 23 mai 2023 consid. 3.1.1).

Or, l’art. 129 CP protège la vie (A. MACALUSO/ L. MOREILLON/ N. QUELOZ (éds.), Commentaire romand, Code pénal II, Bâle 2017, n. 4 ad. art. 129).

En l'occurrence, la recourante se plaint de la mise en danger de la vie de tiers qui auraient pu se trouver dans le parking. Dès lors que seuls ces derniers sont titulaires du bien juridique protégé par l'infraction précitée, elle ne dispose pas de la qualité juridique pour se plaindre d'une non-entrée en matière sur sa plainte sur cet aspect.

Le même raisonnement s'applique à l'infraction visée à l'art. 90 LCR, cette disposition n'ayant pas vocation à protéger directement les droits de la recourante (ATF 138 IV 258 consid. 2-4 p. 262-271). Au demeurant, la procédure, sous l'angle de la disposition précitée, a été disjointe de la présente et renvoyée à l'autorité compétente.

Il ne sera dès lors pas entré en matière sur ces griefs, le recours étant recevable pour le surplus.

2.             La recourante reproche au Ministère public d'avoir constaté les faits de manière erronée.

2.1. Aux termes de l'art. 393 al. 2 let. b CPP, le recours peut être formé pour constatation incomplète ou erronée des faits.

Une constatation est erronée (ou inexacte) lorsqu'elle est contredite par une pièce probante du dossier ou lorsque le juge chargé du recours ne peut déterminer comment le droit a été appliqué (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 17 ad art. 393 ; ACPR/609/2015 du 11 novembre 2015 consid. 3.1.1).

2.2. En l'occurrence, en tant que le Ministère public a retenu que le parking n'aurait pas été durablement endommagé, il n'a pas constaté les faits de manière erronée, mais a procédé à l'appréciation – juridique – des faits. Ce grief est donc infondé.

3. La recourante reproche également au Ministère public d'avoir appliqué le droit de manière arbitraire, en tant qu'il a refusé d'entrer en matière sur sa plainte pour dommages à la propriété.

3.1. Le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis (art. 310 al. 1 let. a CPP).

Conformément à cette disposition, la non-entrée en matière est justifiée lorsque la situation est claire sur le plan factuel et juridique. Tel est le cas lorsque les faits visés ne sont manifestement pas punissables, faute, de manière certaine, de réaliser les éléments constitutifs d'une infraction, ou encore lorsque les conditions à l'ouverture de l'action pénale font clairement défaut. Au stade de la non-entrée en matière, on ne peut admettre que les éléments constitutifs d'une infraction ne sont manifestement pas réalisés que lorsqu'il n'existe pas de soupçon suffisant conduisant à considérer un comportement punissable ou lorsqu'un éventuel soupçon initial s'est entièrement dissipé. En revanche, si le rapport de police, la dénonciation ou les propres constatations du ministère public amènent à retenir l'existence d'un soupçon suffisant, il incombe en principe à ce dernier d'ouvrir une instruction (art. 309 al. 1 let. a CPP).

3.2. À teneur de l'art. 144 CP, est puni quiconque, sans droit, endommage, détruit ou met hors d'usage une chose appartenant à autrui ou frappée d'un droit d'usage ou d'usufruit au bénéfice d'autrui.

L'atteinte peut consister à détruire ou à altérer la chose. Mais elle peut aussi consister dans une modification de la chose qui a pour effet d'en supprimer ou d'en réduire l'usage, les propriétés, les fonctions ou l'agrément (arrêt du Tribunal fédéral 6B_978/2014 du 23 juin 2015 consid. 3.3.1 non publié in ATF 141 IV 305). L'auteur se rend coupable de dommages à la propriété dès qu'il cause un changement de l'état de la chose qui n'est pas immédiatement réversible sans frais ni effort et qui porte atteinte à un intérêt légitime (ATF 128 IV 250 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1054/2021 du 11 mars 2022 consid. 2.1.). Ainsi, le fait de peindre ou de sprayer (sans autorisation) sur un mur ou de barbouiller de sang des murs, des tables et des bancs sur une grande surface constitue déjà l'élément constitutif de l'infraction précitée (ATF 120 IV 319 consid. 2a; arrêt du Tribunal fédéral 6B_998/2019 du 20 novembre 2020 consid. 3.1 et les références citées).

3.3. En l'espèce, la recourante allègue que le comportement du mis en cause, au volant de sa voiture, avait causé un changement dans l'état du revêtement du sol du parking, lequel n'avait pu être remis en état qu'au moyen d'un nettoyage spécifique, réalisé par une entreprise spécialisée.

Cela étant, le devis qu'elle produit n'est pas propre à établir ce fait, ni qu'elle aurait dû supporter le coût d'un nettoyage à hauteur de CHF 1'189.10, faute de facture pour la réalisation effective d'un tel travail. Le devis rend uniquement vraisemblable que le nettoyage du sol aurait pu coûter cette somme à la recourante si elle avait fait appel à une société spécialisée, ce qu'elle n'établit pas, alors que le fardeau de la preuve, sur ce point, lui revenait. Il appartenait en effet à la plaignante, sous l'angle de l'art. 144 CP, d'établir que l'enlèvement des traces de pneus laissées par le véhicule du mis en cause n'avait pas pu être réalisé lors du nettoyage ordinaire du parking, mais avait engendré "frais [et] effort", au sens de la jurisprudence sus-rappelée. Or, trois mois après l'événement, la recourante aurait été à même de prouver, à l'appui de son recours, le dommage allégué, voire encore en juin 2024, en réplique aux observations du Ministère public.

C'est donc à bon droit que l'ordonnance querellée a retenu que les conditions de la réalisation de l'infraction visée par l'art. 144 CP n'étaient pas réunies, le remboursement des frais allégués pouvant, le cas échéant, être réclamé par la voie civile.

4.             Le recours sera par conséquent rejeté.

5.             La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours, dans la mesure de sa recevabilité.

Condamne la Fondation A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Valérie LAUBER et
Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/4533/2024

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

915.00

 

 

 

Total

CHF

1'000.00