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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/5212/2024

ACPR/490/2024 du 01.07.2024 sur OTMC/1660/2024 ( TMC ) , ADMIS/PARTIEL

Descripteurs : DÉTENTION PROVISOIRE;MESURE DE SUBSTITUTION À LA DÉTENTION;EXÉCUTION DES PEINES ET DES MESURES
Normes : CPP.221; CPP.137

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/5212/2024 ACPR/490/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 1er juillet 2024

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison de B______, représenté par Me C______, avocate,

recourant,

contre l'ordonnance rendue le 30 mai 2024 (dans sa version corrigée du 4 juin 2024) par le Tribunal des mesures de contrainte,

et

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A.           Par acte expédié le 10 juin 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 30 mai 2024 (dans sa version corrigée du 4 juin 2024), notifiée le 31 mai 2024, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après, TMC) a ordonné sa mise en liberté avec la mesure de substitution consistant en l'obligation de se soumettre à l'exécution des peines privatives de liberté de 171 jours, sous déduction de 2 jours de détention avant jugement, prononcées les 3 septembre 2022 et 7 juin 2023 (P/1______/2022 et P/2______/2023) (ch.1). Les conditions d'exécution de ces peines devaient être identiques à celles de la détention provisoire (visites, téléphones et courriers soumis à approbation/censure du Ministère public; aucune sortie, congé ni travail externe [TEX]) (ch. 2). Son placement en détention provisoire (ou de sûreté) était en outre d'ores et déjà ordonné pour une durée de 1 mois, si l'exécution des peines privatives de liberté précitées devait prendre fin avant l'issue de la présente procédure (libération conditionnelle, fin de peine ou paiement d'amendes ou de peines pécuniaires) (ch.3).

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation du ch. 2 de cette ordonnance et, ceci fait, à ce que le ch. 3 in fine soit modifié dans le sens où le placement en détention provisoire (ou de sûreté) devait être ordonné si l'exécution des peines privatives de liberté exécutées se terminait "pour quelque raison que ce soit (aménagement de peine (congé, sortie ou travail externe [TEX], libération conditionnelle, fin de peine ou paiement d'amendes ou de peines pécuniaires)".

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. A______ a été arrêté le 23 février 2024.

Il a été placé en détention provisoire le 25 février 2024 par le TMC. Sa détention a ensuite été prolongée jusqu'au 23 juin 2024.

b. Le 24 février 2024, A______ a été prévenu de violation de domicile (art. 186 CP), dommages à la propriété (art. 144 CP) et vol (art. 139 CP), pour avoir, à Genève, entre les 14 et 23 février 2024, commis trois cambriolages dans des laveries automatiques. Il lui était en outre reproché d'avoir régulièrement consommé du crack et de l'héroïne (art. 19a LStup) et d'avoir, à tout le moins depuis le 18 janvier 2024, séjourné en Suisse sans les autorisations nécessaires ni moyens de subsistance légaux, alors qu'il faisait l'objet d'une décision de refus de renouvellement de son permis de séjour (art. 115 al. 1 let. b LEI).

c. Lors de ses auditions à la police et au Ministère public, A______ a reconnu les faits reprochés [sous réserve des montants volés], expliquant avoir agi de la sorte pour financer sa consommation de drogue.

d. Le 6 mai 2024, il a été prévenu, à titre complémentaire, d'un vol et de neuf autres cambriolages – qu'il a en grande partie admis –, commis entre le 27 décembre 2023 et le 22 février 2024, essentiellement dans des restaurants et laveries automatiques.

e. Dans son avis de clôture du 16 mai 2024, le Ministère public a considéré que l’instruction de la procédure était terminée et a accordé un délai aux parties pour présenter leurs éventuelles réquisitions de preuves.

f. Le 7 juin 2024, le Procureur a accepté la demande du conseil de A______ de procéder à l'expertise psychiatrique du prévenu, lui transmettant le projet dudit mandat.

g. S'agissant de sa situation personnelle, A______, né le ______ 1977, est de nationalité portugaise, célibataire, et père d'un fils de 20 ans qui vit à Genève. Il dit avoir perdu son emploi en raison de ses addictions et vivre dans la rue.

À teneur de l'extrait de son casier judiciaire suisse, A______ a été condamné par le Ministère public :

- le 17 septembre 2020 à une peine pécuniaire de 60 jours-amende avec sursis et à une amende de CHF 300.-, pour infraction à l’art. 19 al. 1 let. c et 19a LStup;

- le 3 septembre 2022 à une peine pécuniaire de 15 jours-amende et à une amende de CHF 800.-, pour violation de domicile, vol d'importance mineure et contravention à l'art. 19a LStup;

- le 7 juin 2023 à une peine pécuniaire de 150 jours-amende, pour recel, faux dans les certificats et lésions corporelles simples avec un objet dangereux.

C. Dans l'ordonnance querellée, le TMC retient la persistance de charges suffisantes et graves. L'instruction était terminée, sous réserve de l'expertise psychiatrique en cours. Le risque de fuite restait concret dès lors que le prévenu était de nationalité portugaise, une partie de sa famille résidant dans ce pays, et sans aucune attache avec la Suisse, pays dans lequel il se trouvait en situation illégale et sans domicile fixe. Ce risque était accru par la peine-menace et concrètement encourue ainsi que la perspective d'une expulsion de Suisse. Le risque de réitération demeurait également tangible, considérant ses précédentes condamnations pour des faits similaires. L'exécution des ordres d'écrous, à titre de mesure d'exécution, était de nature à pallier ces risques, à condition toutefois que les conditions d'exécution de ces peines soient identiques à celles de la détention provisoire (visites, téléphones et courriers soumis à l'approbation/censure du Ministère public; aucune sortie, congé ni travail externe).

D. a. Dans son recours, A______ ne conteste ni les charges ni les risques de fuite et de réitération. Selon lui, ceux-ci pouvaient être palliés par la mesure de substitution qu'il proposait, à savoir l'exécution de 171 jours de peines privatives de liberté de substitution selon le régime de l'exécution des peines. Au vu de sa "vulnérabilité", il devait pouvoir bénéficier "d'un cadre de vie plus adéquat et d'un accès effectif à des soins psychothérapeutiques en lien avec son trouble d'addiction". En outre, le risque de collusion n'existait pas, de sorte qu'il n'y avait aucune raison que ses visites, téléphones et courriers soient soumis à censure ou approbation préalable, ce que le Ministère public n'avait d'ailleurs pas requis. Enfin, il était suffisant d'exclure tout aménagement de peine (sortie, congé ou travail externe) pour éviter qu'il ne puisse sortir à l'extérieur, sans pour autant imposer les conditions de la détention provisoire.

À l'appui, il produit notamment le rapport d'intervention psychiatrique d'urgence du 19 avril 2019, faisant état de sa dépendance à l'alcool et d'une tentative de suicide, ainsi que le courriel du Dr D______ du 22 mars 2024, selon lequel il n'était plus suivi au CAAP-E______ depuis le 4 avril 2023 et avait bénéficié d'un traitement de substitution par méthadone jusqu'au 28 août 2023.

b. Le TMC maintient les termes de son ordonnance sans autre remarque.

c. Le Ministère public indique s'en rapporter à l'appréciation de la Chambre de céans, soulignant notamment qu'aucun risque de collusion n'avait été retenu qui nécessiterait un régime de détention identique à celui de la détention avant jugement.

d. Ces observations ont été communiquées, dès réception, à A______.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             En l'espèce, le recourant ne conteste pas la suffisance des charges à son encontre ni les risques de fuite et de réitération retenus par le TMC. Il ne s'oppose pas non plus à l'exécution d'écrous [171 jours de peines privatives de liberté] à titre de mesure de substitution ni à son placement en détention provisoire ou de sûreté pour une durée de 1 mois si l'exécution desdites peines devait prendre fin avant l'issue de la présente procédure – ce qu'il avait au demeurant lui-même sollicité –. Il n'y a donc pas lieu d'y revenir et il peut être renvoyé, en tant que de besoin, à la motivation adoptée par le premier juge sur ce point (art. 82 al.4 CPP; ACPR/747/2020 du 22 octobre 2020 consid. 2 et les références).

On ne peut toutefois suivre le TMC lorsqu'il estime que l'exécution des peines privatives de liberté doit s'effectuer sous le régime de la détention provisoire pour prévenir un risque de collusion, non retenu par l'ordonnance querellée.

En effet, l'instruction apparait terminée, sous réserve de l'expertise psychiatrique sollicitée par le prévenu lui-même. En outre, les charges, établies par les éléments au dossier, sont admises pour l'essentiel. On ne voit dès lors pas qu'il existe un risque de collusion concret qui permettrait de refuser le régime ordinaire de l'exécution de peine, lequel est suffisant pour pallier les risques de fuite et réitération.

Partant, il y a lieu d'admettre que l'exécution des peines privatives de liberté de 171 jours constitue une mesure de substitution adéquate pour les risques retenus.

Le chiffre 2 de l'ordonnance attaquée sera annulé, étant relevé que, si, dans l'exécution de peine, le prévenu devait prétendre à des congés, sortie ou travail externe, ses demandes d'élargissement seraient traitées par la Direction de la procédure (arrêt du Tribunal fédéral 1B_122/2022 du 20 avril 2022 consid. 3.5).

La conclusion du recourant relative au chiffre 3 du dispositif du jugement sera rejetée, les éventuels élargissements susvisés étant traités comme exposés ci-dessus.

3. Le recours, qui s'avère fondé, sera ainsi admis.

4. Son admission ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 428 al. 1 CPP).

5. Il n'y a pas lieu d'indemniser à ce stade le défenseur d'office (art. 135 al. 2 CPP).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Admet le recours et annule le chiffre 2 du dispositif de l'ordonnance rendue le 30 mai 2024 (dans sa version corrigée du 4 juin 2024) par le Tribunal des mesures de contrainte.

Rejette le recours pour le surplus.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit, pour lui, son défenseur), au Ministère public, et au Tribunal des mesures de contrainte.

Le communique pour information au Service de l'application des peines et mesures.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Selim AMMANN.

Le greffier :

Selim AMMANN

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).