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Décisions | Chambre pénale de recours

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PS/40/2024

ACPR/449/2024 du 13.06.2024 ( PSPECI ) , REJETE

Descripteurs : EXÉCUTION DES PEINES ET DES MESURES;RISQUE DE RÉCIDIVE;RÉGIME DE LA DÉTENTION
Normes : CP.76; CP.75

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PS/40/2024 ACPR/449/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 13 juin 2024

 

Entre

A______, représenté par Me B______, avocat,

recourant,

contre la décision de refus de passage en milieu ouvert rendue le 13 mai 2024 par le Service de l'application des peines et mesures,

et

SERVICE D'APPLICATION DES PEINES ET MESURES, case postale 1629, 1211 Genève 26,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 24 mai 2024, A______ recourt contre la décision du 13 précédent, par laquelle le Service de l'application des peines et mesures (ci-après, SAPEM) a refusé son passage en milieu ouvert.

Le recourant conclut, sous suite de frais, à l'annulation de la décision querellée et à son passage en milieu ouvert, subsidiairement, au renvoi de la cause à l'autorité intimée pour une nouvelle décision dans le sens des considérants. Préalablement, il sollicite l'assistance judiciaire et la désignation de son conseil comme défenseur d'office.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______, né en 1976, ressortissant suisse, purge actuellement vingt-cinq peines privatives de liberté prononcées entre janvier 2019 et juin 2021, soit douze condamnations notamment pour injures, voies de fait, vols, tentatives de vols, dommages à la propriété, violations de domicile et contravention à la loi sur les stupéfiants (LStup), ainsi que treize conversions d'amendes.

b. Il est incarcéré à l'établissement fermé de C______ (ci-après, C______) depuis le 26 août 2021.

c. Les deux tiers des peines qu'il exécute actuellement sont intervenus le 8 juillet 2023, la fin étant fixée au 18 juin 2024.

d. Selon le plan d'exécution de la sanction (ci-après, PES) validé le 21 mars 2022 par le SAPEM, A______ attribuait ses agissements à des facteurs externes et se positionnait le plus souvent en victime du système. Il se montrait critique uniquement concernant sa consommation d'alcool, sans toutefois rester abstinent, hormis durant sa détention. Il ne possédait aucun diplôme et n'avait jamais été réellement inséré professionnellement. Il souhaitait désormais une vie inscrite dans la légalité, notamment par le biais d'une réinsertion socioprofessionnelle. Au bénéfice d'une rente de l'assurance-invalidité (ci-après, AI) à 50%, il souhaitait travailler dans la mesure de ses capacités physiques.

Afin de pouvoir bénéficier d'un passage en milieu ouvert, A______ devait notamment éviter les comportements transgressifs selon le cadre en vigueur au sein de l'établissement, se soumettre à des contrôles toxicologiques, rembourser les frais de justice, au minimum CHF 20.- par mois, et se montrer régulier et investi dans l'atelier assigné.

e. Le 16 août 2023, C______ a préavisé négativement le passage en milieu ouvert. A______ faisait l’objet de nombreuses sanctions disciplinaires et montrait peu d’assiduité au travail. Ainsi, s’il honorait le remboursement des frais judiciaires auxquels il était astreint, les nombreuses sanctions disciplinaires montraient une certaine difficulté à respecter le règlement interne de l’établissement. Il ne démontrait par ailleurs ni investissement ni régularité au sein des ateliers dans lesquels il travaillait.

f. Par arrêts des 25 septembre 2023 et 16 janvier 2024, la Chambre de céans a confirmé les refus de libération conditionnelle – respectivement de passage en milieu ouvert – en raison d'un risque de récidive élevé. Outre son peu d'assiduité au travail, A______ avait fait l'objet de sanctions disciplinaires incessantes. Seul un comportement irréprochable au premier trimestre 2024 pourrait, le cas échéant, permettre d'envisager un passage en milieu ouvert au deuxième trimestre 2024.

g. Le 14 mars 2024, A______ a formulé, par l'intermédiaire de son conseil, une nouvelle demande de passage en milieu ouvert.

h. À teneur du rapport socio-judiciaire du Service de probation et d'insertion (ci-après, SPI) du 22 mars 2024, l'intéressé avait bénéficié de dix entretiens au cours desquels il s'était montré "labile et relativement directif". Depuis le mois de septembre 2023, il ne s'acquittait plus du remboursement des frais de justice. Cela étant, le passage en milieu ouvert était opportun et permettrait à A______ d'effectuer des démarches en vue de la reprise de sa rente AI et d'obtention d'un logement.

i. Le 25 mars 2024, C______ a préavisé négativement la demande de passage en milieu ouvert. Bien que le comportement de A______ au sein des ateliers se fût amélioré, ce dernier avait été sanctionné une nouvelle fois, le 20 mars 2024, pour consommation de stupéfiants.

C. Dans sa décision querellée, le SAPEM a refusé d'autoriser le passage en milieu ouvert, dès lors que les conditions de son octroi n'étaient que partiellement réalisées. Si le condamné se montrait régulier dans son suivi thérapeutique et dans sa participation aux ateliers, il avait fait l'objet de nombreuses sanctions, la dernière datant du 20 mars 2024. Par ailleurs, il ne s'acquittait plus du remboursement des frais de justice. Enfin, le risque de récidive était élevé, au vu de ses nombreuses condamnations.

D. a. Dans son recours, A______ invoque une violation de l'art. 76 CP et relève qu'un refus de libération conditionnelle ne devait pas entraîner un refus de passage en milieu ouvert. Les conditions du PES étaient remplies: il travaillait; les sanctions disciplinaires prononcées ne concernaient jamais une atteinte à l'intégrité physique; le SPI était favorable au passage en milieu ouvert; il était régulier dans son suivi thérapeutique et s'était acquitté des frais de justice jusqu'en septembre 2023. Par ailleurs, les sanctions disciplinaires ne devaient pas être prises en compte, dès lors qu'il avait été suffisamment puni. Qui plus est, la dernière sanction ne concernait qu'une simple consommation de cannabis. Enfin, le bien juridique menacé visait le patrimoine et la propriété, de sorte que la gravité d'une éventuelle récidive était à circonscrire.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.         Conformément à l'art. 128 al. 2 let. a et al. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ ; RS E 2 05), la Chambre de céans exerce les compétences que le CPP et la loi d'application du Code pénal suisse et d'autres lois fédérales en matière pénale du 27 août 2009 (LaCP ; RS E 4 10) lui attribuent. En vertu de la délégation figurant à l'art. 439 CPP, le législateur genevois a attribué à la Chambre pénale de recours la compétence de statuer sur les recours dirigés contre les décisions rendues par le Département de la sécurité et de l'économie (DSE), ses offices et ses services, les art. 379 à 397 CPP s'appliquant par analogie (art. 42 al. 1 let. a LaCP).

En l'espèce, le recours est recevable pour être dirigé contre une décision rendue par le SAPEM (art. 40 al. 1 et 5 al. 2 let. e LaCP ; art. 11 al. 1 let. e Règlement sur l'exécution des peines et mesures du 19 mars 2014 [REPM ; RS E 4 55.05]), avoir été déposé dans la forme et le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al 1 CPP) et émaner du condamné visé par la décision querellée et qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation de la décision entreprise (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le recourant reproche au SAPEM de lui avoir refusé le passage en milieu ouvert.

3.1. À teneur de l'art. 75 CP, l'exécution de la peine privative de liberté doit améliorer le comportement social du détenu, en particulier son aptitude à vivre sans commettre d'infractions. Elle doit correspondre autant que possible à des conditions de vie ordinaires, assurer au détenu l'assistance nécessaire, combattre les effets nocifs de la privation de liberté et tenir compte de manière adéquate du besoin de protection de la collectivité, du personnel et des codétenus (al. 1). Le règlement de l'établissement prévoit qu'un plan d'exécution est établi avec le détenu. Le plan porte notamment sur l'assistance offerte, sur la possibilité de travailler et d'acquérir une formation ou un perfectionnement, sur la réparation du dommage, sur les relations avec le monde extérieur et sur la préparation de la libération (al. 3). Le détenu doit participer activement aux efforts de resocialisation mis en œuvre et à la préparation de sa libération (al. 4).

Le plan d'exécution individuel fixe les objectifs de l'exécution et ses différentes étapes pour le cas d'espèce. Il doit en outre coordonner les tâches des différents intervenants impliqués dans l'exécution des peines, tels que les autorités d'exécution et le service de probation (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI (éds), Code pénal - Petit commentaire, 2ème ed., Bâle 2017, n. 11 ad art. 75).

La participation active du détenu aux efforts de resocialisation est la condition d'une ouverture vers une exécution plus souple de la peine. Cette exigence constitue un élément d'appréciation pertinent de son comportement en détention. Le comportement du détenu influe en effet sur l'octroi des congés (art. 84 al. 6 CP), sur l'exécution de la peine sous forme de travail externe (art. 77a CP) et sur la libération conditionnelle (art. 86 ss CP). En revanche, le condamné qui ne participe pas activement aux efforts de resocialisation et ne respecte donc pas, de manière fautive, le plan d'exécution peut être sanctionné disciplinairement en vertu de l'art. 91 CP (M.  DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V.  RODIGARI (éds), op.cit., n. 17 ad art. 75).

3.2. Les allégements dans l'exécution sont des adoucissements du régime de privation de liberté, notamment le transfert en établissement ouvert, l'octroi de congés, l'autorisation de travailler ou de loger à l'extérieur ainsi que la libération conditionnelle (art. 75a al. 2 CP).

3.3. À teneur de l'art. 76 CP, les peines privatives de liberté sont exécutées dans un établissement fermé ou ouvert (al. 1). Le détenu est placé dans un établissement fermé ou dans la section fermée d'un établissement ouvert s'il y a lieu de craindre qu'il ne s'enfuie ou ne commette de nouvelles infractions (al. 2).

L'exécution ouverte est considérée comme la règle, alors que l'exécution fermée constitue l'exception (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI (éds), op.cit., n. 3 ad art. 76).

Les établissements fermés se caractérisent, par opposition aux établissements ouverts, par un niveau de sécurité élevé, que ce soit dans l'infrastructure du bâtiment accueillant le détenu, dans l'organisation et la formation du personnel pénitentiaire ou dans l'intensité des restrictions qui sont faites à la liberté de mouvement du détenu. Les établissements ouverts offrent aux condamnés un régime d'exécution plus souple, qui permet à ces derniers de travailler ou de pratiquer une activité durant la journée et de ne passer que leur temps libre et de repos en détention (R. ROTH / L. MOREILLON (éds), Commentaire romand, Code pénal I, art. 1-110 CP, 2ème ed., Bâle 2021, n. 4 et 5 ad art. 76 CP).

3.4. Selon le règlement relatif aux établissements ouverts ou fermés d'exécution des peines et des sanctions disciplinaires du 25 juillet 2007 (REPSD; F 1 50.08), les actes prohibés sont répertoriés à l'art. 44. À ce titre, il est notamment interdit à la personne détenue d'introduire dans l'établissement, de détenir ou de consommer de l'alcool, des stupéfiants et des médicaments, sous quelque forme que ce soit (let. a), et, d'une façon générale, d'adopter un comportement contraire au but de l'établissement (let. j).

3.5. En l'espèce, il n'est pas contesté que le recourant entreprend un suivi thérapeutique et s'est montré motivé dans le travail attribué.

Cependant, son comportement en détention est très problématique, dans la mesure où il a fait l'objet de sanctions disciplinaires incessantes. Le dernier arrêt de la Chambre de céans ne l'a pas amené à changer son comportement. Au contraire, il a été sanctionné une nouvelle fois, le 20 mars 2024, pour consommation de stupéfiants. Le respect des règles internes n'est pas anodin, contrairement à ce que semble le penser le recourant; il est au contraire essentiel au fonctionnement de l'institution. Il ressort de surcroit du rapport du SPI que le recourant ne s'acquitte plus des frais de justice, ce qui constitue également une violation du PES. Enfin, s'agissant du risque élevé de récidive – retenu par la Chambre de céans dans ses arrêts des 25 septembre 2023 et 16 janvier 2024 – le recourant ne saurait exiger des autorités judiciaires qu'elles s'en accommodent sous prétexte qu'il ne commettrait "que des infractions au patrimoine et à la propriété".

Les conditions à l'octroi du passage en milieu ouvert n'étant pas réalisées, la décision querellée est conforme à l'art. 76 CP.

4. Le recours sera dès lors rejeté.

5. Le recourant sollicite l'assistance judiciaire pour la procédure de recours.

5.1. Conformément à l'art. 29 al. 3 Cst., toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit à l'assistance judiciaire gratuite, à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès; elle a droit en outre à l'assistance judiciaire gratuite d'un défenseur, dans la mesure où la sauvegarde de ses droits le requiert (arrêt du Tribunal fédéral 1B_74/2013 du 9 avril 2013 consid. 2.1 avec référence aux ATF 128 I 225 consid. 2.5.2 p. 232 s. = JdT 2006 IV 47; 120 Ia 43 consid. 2a p. 44).

5.2. En l'espèce, au vu de l'issue du recours, celui-ci était manifestement voué à l'échec, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'entrer en matière sur la requête.

6. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 400.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

 

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Rejette la demande d'assistance judiciaire.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, fixés en totalité à CHF 400.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au SAPEM.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Valérie LAUBER et Françoise  SAILLEN AGAD, juges; Madame Olivia SOBRINO, greffière.

 

La greffière :

Olivia SOBRINO

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

PS/40/2024

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

20.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

305.00

- demande sur récusation (let. b)

CHF

Total

CHF

400.00