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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/20094/2022

ACPR/431/2024 du 11.06.2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : RETARD INJUSTIFIÉ;PLAINTE PÉNALE
Normes : CPP.5; Cst.29

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/20094/2022 ACPR/431/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 11 juin 2024

 

Entre

A______ et B______, tous deux représentés par Me Valerie DEBERNARDI, avocate, PETER MOREAU SA, rue des Pavillons 17, case postale 90, 1211 Genève 4,

recourants,

pour déni de justice et retard injustifié,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 20 mars 2024, A______ et B______ recourent conjointement en déni de justice et pour retard injustifié, qu'ils reprochent au Ministère public.

Les recourants concluent, sous suite de frais et dépens, au constat d'une violation du principe de la célérité et à ce qu'il soit ordonné au Ministère public de procéder à l'administration des preuves nécessaires et de convoquer une audience de confrontation "au plus tard, d'ici le 30 avril 2024".

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. La présente procédure a été ouverte par suite d'une dénonciation du 19 septembre 2022 de l'Office des faillites contre C______ SA, dont D______ était le directeur, pour insoumission à une décision de l'autorité et/ou diminution effective de l'actif au préjudice des créanciers.

b. La procédure a fait l'objet de trois jonctions, soit:

- le 18 novembre 2022, avec la P/23850/2022, relative à une dénonciation du 8 novembre 2022 de l'Office des poursuites contre C______ SA, pour détournement de retenues sur les salaires;

- le 12 janvier 2023, avec la P/523/2023, relative à la plainte du 6 janvier 2023 de A______ contre D______, pour gestion déloyale et "infractions dans la faillite" de la société C______ SA;

- le 23 mars 2023, avec la P/6151/2023, relative à une plainte du 20 mars 2023 du Service cantonal d'avance et de recouvrement des pensions alimentaires (ci-après : SCARPA) contre D______, pour violation d'une obligation d'entretien.

c. Le Ministère public a d'abord transmis l'affaire à la police, le 30 janvier 2023, pour complément d'enquête, avant de lui faire suivre, concomitamment à la dernière jonction, la plainte du SCARPA.

La police a procédé à l'audition de D______ le 18 décembre 2023 et établi un rapport de renseignements le 4 janvier 2024, reçu par le Ministère public le 11 suivant.

d. Le 11 janvier 2024, le Ministère public a adressé un ordre de dépôt à l'Office des faillites, visant à obtenir le dossier complet de la faillite de C______ SA.

Les pièces requises lui ont été transmises le 15 suivant.

e. Le 19 janvier 2024, A______ et B______, sous la plume de leur conseil commun, ont rappelé au Ministère public avoir déposé plainte depuis plus d'un an, apporté des éléments nouveaux à charge de D______ en août 2023 et sollicité à cette occasion des actes d'enquête. Malgré cela, ils étaient toujours dans l'attente, depuis mars 2023, d'un retour d'enquête de la police.

f. Le Ministère public a répondu le 7 février 2024 que la cause était toujours en enquête préliminaire.

g. Par lettre du lendemain, A______ et B______ ont reproché au Ministère public un "délai d'attente incompatible avec le principe de célérité".

h. Le 7 mars 2024, A______ et B______, faisant référence à leurs plaintes des "6 et 13 janvier 2023", ainsi qu'à leurs "courriers de relance du 24 février 2023, du 6 juin 2023, du 14 août 2023, du 6 novembre 2023, du 29 janvier 2024 ainsi que du 8 février 2024", ont, derechef, reproché au Ministère public une violation du principe de la célérité et invité ce dernier à les renseigner sur la procédure, faute de quoi ils déposeraient un recours pour déni de justice.

C. a. Dans leur recours – qui fait référence au numéro de la présente cause – A______ et B______ expliquent avoir déposé plainte contre D______ respectivement les "1er janvier 2023" [recte: 6 janvier 2023] et "13 janvier 2023", soit depuis quinze mois. Même s'ils avaient été informés que le dossier avait été transmis à la police pour complément d'enquête, aucune instruction n'avait été ouverte, malgré leurs relances et leurs réquisitions de preuves. Ce retard était susceptible de porter atteinte à leurs droits.

b. Dans ses observations, le Ministère public rappelle la chronologie de la procédure et explique avoir transmis le dossier à la police, pour enquête, moins d'un mois après le dépôt de la plainte de A______. En outre, il avait adressé un ordre de dépôt à l'Office des faillites le jour de la réception du rapport de renseignements. Il avait reçu le dossier complet le 15 janvier 2024, lequel comportait plus de deux mille pages.

c. Dans leur réplique, A______ et B______ constatent des observations du Ministère public que la procédure avait fait l'objet de trois jonctions, dont ils n'avaient pas formellement été avisés. Les autres causes semblaient porter sur des faits similaires, voire identiques, de sorte qu'elles confirmaient les faits allégués dans leurs plaintes, ce qui rendait le retard du Ministère public encore moins justifié. Enfin, la police avait procédé à l'audition de D______ presque douze mois après la réception du dossier, sans motif valable, et rien n'empêchait le Ministère public de confirmer à tout le moins l'ouverture formelle d'une instruction, même sans attendre la fin de l'analyse des documents reçus de l'Office des faillites.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours, formé conjointement par A______ et B______, mentionne exclusivement la P/20094/2022 comme numéro de cause.

Or, dans le cadre de celle-ci, le second nommé n'est nullement partie à la procédure, même après les diverses ordonnances de jonction.

Partant, B______ ne revêt pas la qualité de plaignant dans la P/20094/2022 et ne peut se plaindre ici d'un déni de justice en lien avec le traitement de sa plainte – apparemment déposée le 13 janvier 2023 à teneur du recours –, dont le sort n'est pas connu.

Par conséquent, le recours est irrecevable en tant qu'il émane du précité.

1.2. Le recours de A______ – lequel n'est soumis à aucun délai (art. 396 al. 2 CPP) – a été déposé selon la forme prescrite (art. 396 al. 1 CPP) et émane du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à obtenir une décision de l'autorité sollicitée (art. 382 al. 1 CPP).

Il est ainsi recevable.

2.             Le précité reproche au Ministère public un manque de célérité dans le traitement de sa plainte.

2.1. Les art. 5 CPP et 29 al. 1 Cst. garantissent notamment à toute personne le droit à ce que sa cause soit traitée dans un délai raisonnable. Ces dispositions consacrent le principe de la célérité et prohibent le retard injustifié à statuer. L'autorité viole cette garantie lorsqu'elle ne rend pas une décision qu'il lui incombe de prendre dans le délai prescrit par la loi ou dans le délai que la nature de l'affaire et les circonstances font apparaître comme raisonnable (ATF 143 IV 373 consid. 1.3.1).

Le caractère raisonnable du délai s'apprécie selon les circonstances particulières de la cause, eu égard notamment à la complexité de l'affaire, à l'enjeu du litige pour l'intéressé, à son comportement ainsi qu'à celui des autorités compétentes
(ATF 135 I 265 consid. 4.4). Des périodes d'activités intenses peuvent compenser le fait que le dossier a été laissé momentanément de côté en raison d'autres affaires. Enfin, on ne saurait reprocher à l'autorité quelques temps morts, qui sont inévitables dans une procédure. Lorsqu'aucun d'eux n'est d'une durée vraiment choquante, c'est l'appréciation d'ensemble qui prévaut (ATF 130 IV 54 consid. 3.3.3; 130 I 312 consid. 5.2). Apparaissent comme des carences choquantes une inactivité de treize ou quatorze mois au stade de l'instruction, un délai de quatre ans pour qu'il soit statué sur un recours contre l'acte d'accusation ou encore un délai de dix ou onze mois pour que le dossier soit transmis à l'autorité de recours (ATF 130 IV 54 consid. 3.3.3; arrêt du Tribunal fédéral 6B_172/2020 du 28 avril 2020 consid. 5.1).

2.2. En l'espèce, A______ a porté plainte le 6 janvier 2023. Le 30 janvier suivant, le Ministère public a transmis le dossier à la police pour complément d'enquête, étant précisé que, avec les jonctions ordonnées, la procédure fait l'objet de deux plaintes et deux dénonciations.

L'audition du mis en cause par la police est intervenue le 18 décembre 2023 et celle-ci a établi un rapport de renseignements à l'attention du Ministère public le 4 janvier 2024. Quelques jours après, ce dernier a dressé un ordre de dépôt à l'Office des faillites.

Dans ces circonstances, le recourant ne saurait reprocher au Ministère public une violation du principe de la célérité.

La seule réelle période d'inactivité de l'instruction découle du temps pris par la police pour procéder à l'audition du mis en cause et rédiger son rapport. Cette période s'étend de février à décembre 2023, soit presque onze mois. Dans l'intervalle, la police a été saisie de la plainte du SCARPA et la cause comportait plusieurs plaignants/dénonciateurs. Ainsi, ce délai n'apparaît pas excessivement long. En tout état, cette attente n'est pas imputable au Ministère public (ACPR/901/2020 du 11 décembre 2020 consid. 3).

Il appartiendra néanmoins à l'autorité intimée, dorénavant nantie des actes effectués par la police et du retour de l'ordre de dépôt, de se déterminer sur la suite de la procédure et d'examiner la pertinence des actes d'enquête requis.

3.             Dans la mesure où aucune inaction du Ministère public ni violation du principe de la célérité n'est constatée, le recours de A______ sera rejeté.

4.             Les recourants, qui succombent, supporteront chacun par moitié les frais de la procédure de recours, fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Déclare irrecevable le recours de B______.

Rejette le recours de A______.

Condamne les deux précités, par moitié chacun, aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-, soit CHF 500.- chacun.

Notifie le présent arrêt, en copie, aux recourants, soit pour eux leur conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Valérie LAUBER, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/20094/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

915.00

Total

CHF

1'000.00