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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/465/2024

ACPR/227/2024 du 27.03.2024 ( MP ) , REJETE

Recours TF déposé le 05.04.2024, 7B_401/2024
Descripteurs : PROCÈS-VERBAL;DOCUMENT ÉCRIT;DÉPOSITIONS DES PARTIES;ÉGALITÉ DES ARMES;INTÉRÊT ACTUEL;DISCIPLINE EN PROCÉDURE
Normes : CPP.3.al2.letc; CPP.79; CPP.146.al3; CPP.382.al1

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/465/2024 ACPR/227/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 27 mars 2024

 

Entre

A______, détenu à la prison de B______, représenté par Me Tano BARTH, avocat, Pont-Rouge Avocats, route des Jeunes 9, 1227 Les Acacias,

recourant

 

contre un refus de prendre des notes, signifié en audience du 22 février 2024

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé

 


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 24 février 2024, A______ recourt contre le refus du Ministère public de le laisser prendre des notes pendant l’audience du 22 précédent.

Le recourant conclut, avec suite de frais et dépens, à la constatation d’une violation de son droit à un procès équitable et à ce qu’il soit enjoint au Ministère public de le laisser prendre des notes en audience, lorsqu’il ne serait pas lui-même interrogé.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.        Détenu sous la prévention principale de viol, A______ a participé, le 22 février 2024, en présence de son défenseur et d’un interprète de langue espagnole, à l’audition de la partie plaignante qui l’accuse.

b.        Au moment où la partie plaignante venait d’expliquer, à la demande du Ministère public, qu’on lui avait « trouvé des maladies [qu’elle n’avait] pas avant », A______ s’est vu intimer par le Procureur de cesser de prendre des notes. Qualifiée de décision de la Direction de la procédure, cette interdiction a été inscrite et motivée sur-le-champ au procès-verbal par l’obligation pour le prévenu de déposer sur la base de ses souvenirs.

c.         L’audience s’est poursuivie sans qu’aucune question n’ait été posée à A______. En revanche, la partie plaignante a dessiné l’échelle qu’elle aurait gravie dans le local où le prénommé aurait abusé d’elle, après qu’elle eut parlé « d’escaliers métalliques avec la forme d’un tuyau et des barres sur le côté » et que l’interprète eut précisé que la langue espagnole utilisait le même terme pour décrire un escalier et une échelle. Son croquis a été joint au procès-verbal.

D. a. À l’appui de son recours, A______ souligne qu’il n’était pas interrogé lorsqu’il prenait des notes (dont il produit une version caviardée) à l’attention de son défenseur. Il se plaint d’inégalité des armes, au motif que, à la même audience, la partie plaignante avait voulu fournir le dessin d’une échelle, qu’elle avait préalablement tracée sur une feuille comportant des notes entre elle et son conseil, et qu’elle l’avait esquissée sur une « deuxième feuille blanche ». Rien ne justifiait d’interdire à un prévenu de prendre des notes pendant une déposition. Or, il tenait à se disculper de toute maladie sexuellement transmissible, grâce à un test qu’il avait subi en détention ; telle était la raison de ce qu’il écrivait à l’attention de son avocat, lorsque le Procureur l’avait interrompu, à savoir un élément de preuve à décharge qui lui était venu à l’esprit sur le moment.

b. À réception, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT :

1.             Fût-elle qualifiée de décision de la Direction de la procédure, au sens des art. 61 let. a et 80 al. 3 CPP, encore faudrait-il, pour que le recours soit ouvert contre elle au sens de l’art. 393 al. 1 let. a CPP, que le recourant puisse invoquer un intérêt juridiquement protégé à en obtenir la modification ou l’annulation, au sens de l’art. 382 al. 1 CPP.

À cet égard, le recourant – à qui sa feuille de notes n’a pas été confisquée, puisqu’il en produit copie avec son acte de recours – est bien en peine de démontrer quel préjudice actuel et pratique (ATF 140 IV 74 consid. 1.3.1) lui aurait causé, et lui causerait encore, l’interdiction dont il se plaint. Son défenseur a eu connaissance de l’information selon laquelle il se serait fait dépister, pendant sa détention, d’éventuelles maladies sexuellement transmissibles.

En d’autres termes, l’éventuelle preuve à décharge que pourrait constituer, si l’on comprend bien le recourant, le résultat de cet examen médical n’est en tout cas pas compromise par la réaction du Ministère public.

2.             Pour ce qui est du déroulement de la suite de l’audience, le recourant ne prétend pas que, nonobstant l’assistance de son défenseur, il aurait manqué, dans la narration par la partie plaignante des faits et de son état de santé – qui plus est, dans la même langue maternelle que la sienne –, des éléments essentiels pour la prévention, sur lesquels il eût été susceptible de fournir contre-preuve(s) ou démenti(s).

À supposer que le procès-verbal fût incomplet sur de pareils éléments (et que ceux-ci fussent pertinents, cf. art. 139 CPP), le recourant, flanqué de son défenseur, avait à sa disposition la demande de correction ou de rectification (art. 79 CPP). C’est dire si la garantie de ses droits procéduraux n’était pas menacée par l’interdiction ou la cessation de prendre des notes personnelles pendant que la partie plaignante faisait sa déposition.

3.             C’est en vain que le recourant se plaint d’une violation du principe d’égalité des armes avec la partie plaignante (sur cette notion, cf. arrêt du Tribunal fédéral 6B_314/2023 du 10 juillet 2023 consid. 2.6.2.).

Comme il le précise lui-même, celle-ci a dessiné séance tenante l’échelle à laquelle elle se référait dans sa déposition. On ne saurait sérieusement prétendre que, ce faisant, elle se serait indument aidée de documents écrits. En premier lieu, parce que l’art. 143 al. 6 CPP – que le recourant ne cite pas dans son recours – ne le prohibait pas, pour peu que la Direction de la procédure y acquiesçât et annexât la pièce au procès-verbal : toutes conditions remplies, ce 22 février 2024. En outre, voire surtout, ce croquis visait, à l’évidence, moins à inspirer ou suppléer le témoignage qu’à l’illustrer.

On ne comprend pas ce que le recourant voudrait tirer de la présence d’un croquis semblable (ou pré-existant) sur – prétend-il – des notes « entre » la partie plaignante et son conseil à elle. Ces notes étant probablement couvertes par le secret d’avocat (quoi que le recourant ou son défenseur aient cru y deviner), on ne voit pas quelle autre solution eût été envisageable qu’un dessin sur une feuille vierge, destiné au procès-verbal, puisqu’une difficulté de traduction était apparue sur la désignation de l’objet vu et décrit par la partie plaignante.

4.             Pour le surplus, le recourant ne saurait obtenir que, pour les auditions à venir, il se voie d’ores et déjà autorisé à prendre des notes personnelles lorsqu’il n’est pas interrogé, car la perspective d’un intérêt juridique futur ne suffit pas non plus sous l’angle de l’art. 382 al. 1 CPP (ATF 144 IV 81 consid. 2.3.1).

5.             Faute d’intérêt juridiquement protégé et frisant la témérité, le recours sera rejeté dans la mesure où il est recevable. Comme tel, il pouvait être traité d’emblée par la Chambre de céans sans échange d’écritures ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

6.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 800.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours dans la mesure où il est recevable.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 800.-.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant (soit pour lui son défenseur) et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Alix FRANCOTTE CONUS et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/465/2024

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

715.00

Total

CHF

800.00