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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/465/2024

ACPR/226/2024 du 27.03.2024 ( MP ) , SANS OBJET

Descripteurs : REFUS DE STATUER
Normes : CPP.396.al2

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/465/2024 ACPR/226/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 27 mars 2024

 

Entre

A______, détenu à la prison de B______, représenté par Me Tano BARTH, avocat, Pont-Rouge Avocats, route des Jeunes 9, 1227 Les Acacias,

recourant

 

pour déni de justice et retard injustifié

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé

 


EN FAIT :

A. Par acte expédié par messagerie sécurisée le 5 février 2024, A______ recourt en déni de justice et pour retard injustifié, qu'il reproche au Ministère public.

Le recourant conclut, avec suite de frais et dépens, à ce qu’il soit ordonné au Ministère public de charger la police d’identifier et d’auditionner, au plus vite, « la personne responsable du vestiaire » et « la personne au bar » qui se trouvaient dans l’établissement C______, à Genève, dans la nuit du 6 au 7 janvier 2024.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.        A______ et D______ ont passé la soirée du 6 janvier 2024 au bar de C______, à Genève, buvant et flirtant, avec des allées et venues aux toilettes de l’établissement.

Après leur dernier passage aux toilettes, ils se sont rendus dans un local technique, attenant à l’établissement. D______ prétend y avoir été violée. Elle déclare avoir ensuite gagné la voiture de A______, stationnée non loin dans la rue, s’en être échappée peu après qu’il eut pris le volant et avoir pris un taxi pour rentrer chez elle.

b.        A______ conteste l’avoir violée. Prévenu de viol (art. 190 CP), il est en détention provisoire depuis le 9 janvier 2024. Une première demande de libération a été rejetée le 9 février 2024 (cf. ACPR/165/2024), et une seconde le 15 mars 2024.

c.         Des photos de D______ laissent deviner des éraflures aux mains, genoux et avant-bras. Aucune vidéo de l’intérieur de C______ n’existe. Les images disponibles le sont pour l’extérieur et montrent A______ et D______ qui cheminent, le 7 janvier 2024 à 4h., vers l’automobile du premier, puis dix minutes plus tard, la prénommée qui en sort pour se diriger vers un taxi. Selon les analyses du CURML du 14 février 2024, la présence de sperme de A______ a été décelée dans les parties intimes de D______ et sur la culotte qu’elle portait.

La police a été chargée le 9 janvier 2024 d’auditionner le directeur de l’établissement, un agent de sécurité, le chauffeur de taxi et l’infirmière qui avait reçu D______ aux HUG, et de fournir des photos des lieux présumés de survenance des faits. Le chauffeur de taxi a expliqué avoir pris en charge D______, qui s’était assise à l’avant de son véhicule alors qu’une cliente s’était déjà installée à l’arrière, et l’avoir conduite à E______ [GE]. Le directeur de C______ et l’employé préposé, ce soir-là, à l’accueil ont précisé que A______ avait travaillé dans l’établissement comme « extra » à la mi-décembre 2023, semble-t-il à la suggestion du second, qui le connaissait déjà. Ils avaient observé des allées et venues aux toilettes de D______ et A______ ; leurs déclarations sur l’apparence d’imbibition de la jeune femme ne sont pas concordantes. Le directeur avait indiqué verbalement à la police le 7 janvier 2024 que A______ était, par ailleurs, un client régulier de la discothèque et que, le soir des faits litigieux, il avait passé plus de dix minutes aux toilettes avec une jeune femme. Ces dépositions correspondent aux premières déclarations de D______, qui avait signalé que A______ lui avait dit avoir travaillé à C______ et qu’il semblait bien en connaître le personnel. L’infirmière a expliqué que, pendant la consultation, D______ avait reçu un appel téléphonique de la sœur de A______, qu’elle-même avait pu comprendre parce qu’elle parlait l’espagnol et lors duquel la patiente s’était fait traiter de menteuse et menacer d’expulsion.

d.        Dans sa plainte à la police, D______ a notamment précisé que, après qu’elle eut bu son cinquième gin tonic, elle s’était levée pour aller aux toilettes, mais ne marchait pas droit, et que, en passant vers le vestiaire, « un homme du bar » avait ri à son sujet avec A______. Revenue au bar, elle avait à peine touché son sixième gin tonic, puis avait accepté la suggestion de A______ de retourner aux toilettes. Celui-ci avait demandé pour elle sa veste « à la personne du vestiaire ». Ce vêtement sur le bras, elle s’était rendue avec lui aux toilettes ; après quoi, A______ l’avait entraînée derrière une porte, puis dans un local situé en haut d’une échelle métallique, où il avait commencé à l’embrasser, avant d’en redescendre et de la violer.

e.         Le 22 janvier 2024, le défenseur de A______, se fondant sur cette déposition, a présenté deux réquisitions de preuve « particulièrement urgentes », soit les auditions de « la personne au bar » et de « la personne au vestiaire » de C______ ; il conviendrait aussi de convoquer une confrontation avec D______ (et de l’enregistrer) avant le 12 février 2024.

f.          Par pli du 30 janvier 2024, intitulé « mise en demeure préalable à un recours en déni de justice et à une demande de mise en liberté », le défenseur de A______ a intimé au Ministère public de convoquer sous quarante-huit heures la confrontation, à tenir avant le 12 février 2024. Par retour du courrier, le Ministère public a répondu qu’il avait chargé la police de diverses investigations, dont la défense se rendrait compte en consultant le dossier, et qu’une confrontation serait organisée ensuite.

g.        Le lendemain, le défenseur de A______ a intimé au Ministère public de faire entendre par la police « la personne au bar » et « la personne au vestiaire » de C______, estimant ces témoignages « beaucoup plus importants » que ceux à recueillir selon le mandat d’actes d’enquêtes décerné le 9 janvier 2024.

h.        Le 10 février 2024, le défenseur de A______ a communiqué quatre dates auxquelles il était disponible pour l’audience de confrontation, précisant qu’il ne considérerait pas toute date postérieure au 19 février 2024 comme suffisamment rapide pour répondre à une injonction du Tribunal des mesures de contrainte (ci-après, TMC) sur ce point. Il a renouvelé la demande d’auditions des témoins du bar et du vestiaire, que le TMC qualifiait de non-dénuée de pertinence.

i.          Le 14 février 2024, il a redemandé que la confrontation soit filmée, au motif que la crédibilité, les tics de langage et la posture corporelle devaient pouvoir être examinés.

j.          Le 22 février 2024, D______, entendue contradictoirement de 14h.15 à 17h. 41 en salle LAVI et sans être filmée, a détaillé sa version des faits, depuis sa rencontre avec A______ jusqu’à ce que celui-ci la retînt lorsqu’elle avait voulu sortir du local. À l’issue de l’audience, le Ministère public a imparti un délai aux parties pour demander d’autres auditions.

k.        Le 26 février 2024, A______ a modifié ses demandes d’audition du personnel de C______, les étendant aux deux personnes qui, par suite d’un « changement de shift » (sic), servaient au bar et précisant que celui qui était affecté au vestiaire se prénommerait F______. Le Ministère public y donnera suite le 18 mars 2024.

l.          Le 8 mars 2024, la confrontation entre A______ et D______ s’est poursuivie et achevée.

D. a. À l’appui de son recours, A______ se plaint d’un déni de justice formel.

Ses deux réquisitions de preuve étaient de nature à déterminer laquelle des deux versions en présence était la plus crédible. S’il n’y était pas donné suite rapidement, il lui serait plus difficile de « démontrer son innocence » (sic). Plus le temps avançait, et plus le risque grandissait que les deux témoins visés ne se souvinssent pas des faits.

Par ailleurs, la confrontation avec la partie plaignante était primordiale, et il conviendrait de l’enregistrer, pour s’assurer de la crédibilité des déclarants.

b. À réception, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT :

1.             Un recours pour déni de justice ou retard injustifié n'est soumis à aucun délai (art. 396 al. 2 CPP). Par ailleurs, l’acte de recours a été déposé selon la forme prescrite (art. 393 et 396 al. 1 CPP) et émane du prévenu, partie à la procédure, qui a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à obtenir, cas échéant, une décision du Ministère public (art. 104 al.1 let. b et 382 al. 1 CPP). Partant, le recours est recevable.

2.             Le grief relatif à la tenue d’une audience de confrontation n’a plus d’objet, puisque celle-ci s’est tenue et achevée depuis lors.

3.             Celui relatif aux auditions de membres du personnel de C______ n’a plus d’objet non plus, puisque le Ministère public a montré, par son mandat d’actes d’enquête du 18 mars 2024, qu’il donnait suite aux réquisitions de preuve voulues par le recourant, que celui-ci a précisées dans l’intervalle.

4.             En pareilles circonstances, selon le Tribunal fédéral, les frais du procès sont fixés en tenant compte de l'état de choses existant avant le fait qui met fin au litige et de l'issue probable de celui-ci (ATF 125 V 373 consid. 2a). Si l'issue probable de la procédure n'apparaît pas évidente, il y a lieu de recourir aux critères généraux de la procédure civile, d'après lesquels les frais et dépens seront supportés en premier lieu par la partie qui a provoqué la procédure devenue sans objet ou chez qui sont intervenues les causes qui ont conduit à ce que cette procédure devienne sans objet (cf. ATF 118 Ia 488 consid. 4a). L'appréciation se fait sur la base d'un examen sommaire du dossier et des arguments du recourant (ibid.).

5.             Le recourant estimait, si on le comprend bien, que ses réquisitions de preuve en audition de deux témoins présents à C______ auraient dû être traitées en priorité sur celles déléguées à la police par le Ministère public et que, pour n’y avoir pas immédiatement donné suite, le Procureur commettrait un déni de justice.

5.1.       Cela étant, il n'appartient pas au prévenu de dicter, sur la base de ses seules allégations, le tempo ou l’agenda qu'il considère le plus favorable à la défense de ses intérêts : le procureur reste maître de son instruction et de la manière dont il entend la mener (ACPR/309/2012 du 2 août 2012 consid. 3.3. ; en matière de détention provisoire, ACPR/677/2023 du 30 août 2023 consid. 3.2.).

5.2.       En l'espèce, le jour même de la mise en prévention du recourant, le Ministère public a décerné un mandat d’actes d’enquêtes à la police, qui comporte des investigations circonstanciées et dont le résultat est consigné dans un rapport du 30 janvier 2024.

Le recourant ne reprochait, à juste titre, pas au Ministère public d’avoir agi ainsi, c’est-à-dire avec célérité (cf. art. 5 al. 2 CPP), mais de n'avoir pas donné suite à ses propres réquisitions de preuve, qu’il estimait prioritaires.

Cette question n’avait rien à voir avec un déni de justice et un retard à statuer, lesquels n’étaient pas déjà constitués parce que des ultimatums avaient été lancés ou rappelés au Ministère public à intervalles rapprochés par un prévenu qui, fût-il détenu, n’obtenait pas de réponse immédiate et favorable à ses desiderata.

Sous couvert de son grief, le recourant entendait, en réalité, dicter les priorités et le tempo de l’instruction et se voir accorder sans délai l’administration de preuves qui lui convenaient. Cet aspect ne pouvait être abordé à l’occasion d’un recours en déni de justice, sauf à vider de leur sens le principe du double degré de juridiction et les réquisits des art. 318 et 394 let. b CPP (ACPR/18/2014 du 12 janvier 2014 consid. 2.3.).

Manifestement infondé, le recours eût donc été rejeté d’emblée sans échange d’écritures ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

6.             Le recourant supportera par conséquent les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Déclare le recours sans objet et raye la cause du rôle.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant (soit pour lui son défenseur) et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Alix FRANCOTTE CONUS et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/465/2024

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

915.00

Total

CHF

1'000.00