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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/119/2024

ACPR/213/2024 du 21.03.2024 sur OTDP/86/2024 ( TDP ) , ADMIS

Descripteurs : OPPOSITION(PROCÉDURE);ORDONNANCE PÉNALE;ENVOI RECOMMANDÉ;LETTRE
Normes : CPP.354; CPP.357

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/119/2024 ACPR/213/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 21 mars 2024

 

Entre

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

recourant,

 

contre l'ordonnance rendue le 17 janvier 2024 par le Tribunal de police

 

et

A______, domicilié ______, agissant en personne,

LE TRIBUNAL DE POLICE, rue des Chaudronniers 9, case postale 3715,
1211 Genève 3,

LE SERVICE DES CONTRAVENTIONS, chemin de la Gravière 5, 1227 Carouge,

intimés.

 


EN FAIT :

A.           Par acte expédié le 29 janvier 2024, le Ministère public recourt contre l'ordonnance rendue le 17 précédent, par laquelle le Tribunal de police a constaté la validité de l'opposition formée par A______ contre les ordonnances pénales n° 1______, 2______, 3______, 4______, 5______ et 6______ rendues par le Service des contraventions (ci-après, SdC) et renvoyé la cause à ce service pour qu'il statue sur l'opposition.

Le recourant conclut à l'annulation de l'ordonnance litigieuse, à ce que ladite opposition soit déclarée irrecevable et qu'il soit dit que les ordonnances pénales susmentionnées sont assimilées à des jugements entrés en force.

B.            Les faits pertinents pour l'issue du litige sont les suivants :

a.             Par ordonnances pénales des 22 et 23 novembre 2023 n 1______, 2______, 3______, 4______, 5______ et 6______, notifiées le 27 suivant, le SdC a condamné A______, à chaque fois, à une amende de CHF 40.- et un émolument du même montant pour infraction à la LCR.

Le verso de ces ordonnances précise que :

"La personne condamnée peut faire opposition dans un délai de 10 jours dès la notification de l'ordonnance pénale, par déclaration écrite et signée adressée au service des contraventions.

Pour être jugée recevable, la déclaration d'opposition ne doit pas être formée par courriel. Elle doit être formulée et signée par la personne condamnée par l'ordonnance pénale, et, en aucun cas, par une tierce personne, hormis un-e avocat-e, même si cette dernière produit une procuration. […]

Si aucune opposition n'est valablement formée ou si l'opposition est tardive, l'ordonnance pénale est assimilée à un jugement entré en force (art 354 al. 3 CPP).

Les émoluments mis à charge sont forfaitaires et perçus en application de l'article 5 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale (RT FMP). "

b.             Par courrier électronique du 27 novembre 2023 au SdC, A______, qui confirmait la réception des ordonnances pénales, a expliqué que les amendes n'avaient pas été apposées "sur son pare-brise du moins au moment où j'ai récupéré mon véhicule" et qu'il n'avait pas non plus reçu de "courrier". Les amendes étaient sûrement justes mais il désirait les payer sans les frais supplémentaires. Il remerciait d'être tenu informé pour "savoir si je les paye ou je dois entamer des démarches pour faire une opposition pour les frais supplémentaires".

c.              Par ordonnance du 2 janvier 2024, le SdC a retenu que l’opposition du 27 novembre 2023 n’avait pas été valablement formée, l'ayant été par courriel, sans revêtir la forme écrite ni être signée de façon manuscrite, et l'a transmise au Tribunal de police, pour qu’il statue.

d.             Par courrier du 9 janvier 2024, ce Tribunal a imparti au contrevenant un délai au 19 janvier 2024 pour régulariser son opposition.

e.              Par lettre signée du 14 janvier 2024 au Tribunal, A______ a réaffirmé n'avoir pas payé les amendes parce qu'elles n'avaient pas été apposées sur son pare-brise; "je ne nie pas que je n'étais pas garé car après vérification, les lieux de stationnements sont justes. Je demande juste de pouvoir enlever les frais de rappel et payer uniquement l'amende initiale qui est de 40.- par cas".

C.           Dans l'ordonnance querellée, le Tribunal de police estime qu'après avoir imparti au contrevenant un délai pour lui faire parvenir une opposition écrite et signée, le SdC n'ayant pas permis au contrevenant de réparer l'informalité constatée, l'intéressé avait adressé le courrier du 14 janvier 2024, régularisant l'opposition initiale.

D. a. Dans son recours, le Ministère public observe que tout contrevenant qui s'adressait au SdC par courriel recevait un message de réponse automatique l'informant des [longs] délais de traitement de leur dossier et des possibilités de consulter son site internet voire contacter le pôle téléphonique. Il reproche au Tribunal de police d'avoir permis au contrevenant de réparer le vice de forme et accepté son courrier subséquent comme valant opposition alors que ce contrevenant savait que son opposition était irrecevable, l'opposition par courriel étant précisément exclue, ce que l'ordonnance pénale précisait expressément. L'application stricte des prescriptions de forme n'était pas constitutive de formalisme excessif mais était au contraire une application conforme à la loi.

b. Le Tribunal de police renonce à formuler des observations et s'en rapporte à l'appréciation de la Chambre de céans.

c. A______ n'a pas fait d'observations sur le recours du Ministère public et n'est pas allé retirer le pli de la Chambre de céans lui transmettant l'écrit du Tribunal.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. b CPP) et émaner du Ministère public qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. c CPP), a qualité pour agir (art. 381 al. 3 CPP et 38 al. 2 LaCP).

2.             2.1. À teneur des art. 354 et 357 CPP, le prévenu peut former opposition contre l'ordonnance pénale devant le SdC, par écrit et dans les 10 jours (al. 1 let. a). Si aucune opposition n'est valablement formée, l'ordonnance pénale est assimilée à un jugement entré en force (al. 3). Selon l'art. 110 al. 1 CPP, les requêtes écrites doivent être datées et signées. La signature doit être manuscrite.

Les envois par e-mail, fax ou SMS (en tout cas sans signature électronique certifiée, au sens de l'art. 110 al. 2 CPP) engendrent diverses incertitudes – en particulier en ce qui concerne l'identification de l'expéditeur, la vérification de la signature et la constatation du moment de la réception – qui n'existent pas en cas d'envoi par courrier recommandé ou de transmission par voie électronique sécurisée, au sens de l'art. 110 al. 2 CPP (arrêt du Tribunal fédéral 1B_304/2013 du 27 septembre 2013 consid. 2.4). Pour cette raison et dès lors que l'exigence de la forme écrite est explicitement mentionnée à l'art. 354 al. 1 CPP, il existe de bonnes raisons d'appliquer également la jurisprudence en vigueur à l'opposition à une ordonnance pénale (ATF 142 IV 299 consid. 1.1).

2.2. En l'espèce, dans son courriel au SdC du 27 novembre 2023, le contrevenant n'a pas clairement exprimé d’opposition à l’ordonnance pénale (savoir si je les paye ou je dois entamer des démarches pour faire une opposition pour les frais supplémentaires), et, l’eût-il fait – ce que le SdC a bien voulu considérer –, qu'il n'aurait pas respecté les formes rappelées ci-dessus.

Aucune opposition n'a ainsi été valablement formée, sans qu'on puisse reprocher au SdC de ne pas avoir attiré l’attention du recourant sur ce point essentiel, puisque les ordonnances pénales des 22 et 23 novembre 2023 comportaient en toutes lettres, sous la rubrique "Opposition", l’exigence d'une déclaration écrite et signée avec la précision que pour être jugée recevable, ladite déclaration ne devait pas être formée par courriel. Le Tribunal de police n'avait donc pas à donner l'opportunité au contrevenant de régulariser son opposition, si tant est qu'elle en soit une.

Il s’ensuit que le recours est fondé.

3.             L'ordonnance querellée sera annulée et l'opposition aux ordonnances pénales sera déclarée irrecevable et les ordonnances pénales n° 1______, 2______, 3______, 4______, 5______, 6______ déclarées comme valant jugements entrés en force.

4.             Les frais de l'instance seront laissés à la charge de l'État.

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Admet le recours et annule l'ordonnance querellée.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Dit que l'opposition aux ordonnances pénales n° 1______, 2______, 3______, 4______, 5______, 6______ est déclarée irrecevable et que les ordonnances pénales sont considérées comme des jugements entrés en force.

Notifie le présent arrêt au Ministère public, à A______, au Tribunal de police et au Service des contraventions.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Alix FRANCOTTE CONUS et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Selim AMMANN, greffier.

 

Le greffier :

Selim AMMANN

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).