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Décisions | Chambre pénale de recours

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PS/135/2023

ACPR/207/2024 du 19.03.2024 ( RECUSE ) , REJETE

Descripteurs : RÉCUSATION;MINISTÈRE PUBLIC
Normes : CPP.58; CPP.56.al1; CPP.59; LOJ.82.letA

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PS/135/2023 ACPR/207/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 19 mars 2024

 

Entre

 

A______, domicilié c/o E______, ______, agissant en personne,

requérant,

 

et

 

B______, Procureur ______, Ministère public, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

Les Procureurs du Ministère public, route de Chancy 6B, case postale 3565,
1211 Genève 3,

cités.

 

 


EN FAIT :

A. Par courrier adressé au Procureur B______ le 5 décembre 2023, qui l'a transmis à la Chambre de céans, A______ requiert la récusation du prénommé ainsi que de "tous les procureurs genevois" dans le cadre de sa plainte formée le même jour ainsi que des procédures pénales P/1______/2023, P/2______/2023, P/3______/2023, P/4______/2023 et P/5______/2023. Il sollicite également la nomination d'un procureur extraordinaire.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Une procédure de divorce oppose A______ à C______. Dans ce contexte, A______ a déposé de nombreuses plaintes pénales visant son épouse, ses avocats et divers magistrats ayant eu à connaître des procédures civiles et pénales le concernant, les premières remontant à 2014.

b.a. Plus récemment, le 15 mars 2023, A______ a déposé plainte pénale contre C______ et inconnu pour contrainte, faux dans les titres, fausse déclaration d'une partie en justice et abus d'autorité (P/1______/2023). Il lui reprochait en substance d'utiliser les tribunaux genevois pour obtenir des décisions judiciaires destinées à piller ses biens en Suisse, à le persécuter et à le faire condamner, l'intéressée ayant obtenu la fixation d'une contribution d'entretien "colossale" et "déraisonnable" ainsi que l'attribution de biens immobiliers lui appartenant.

Par ordonnance du 2 octobre 2023, le Ministère public a refusé d'entrer en matière aux motifs que les faits dénoncés avaient déjà fait l'objet de précédentes procédures et faute d'indice de commission d'une quelconque infraction pénale.

b.b. Le 3 avril 2023, A______ a déposé plainte contre C______ et inconnu pour contrainte, faux dans les titres, fausse déclaration d'une partie en justice et abus d'autorité (P/2______/2023). Il venait d'apprendre que son épouse avait déposé plainte contre lui pour violation d'une obligation d'entretien. Or, il avait démontré que la contribution d'entretien qu'il lui devait avait été fixée de manière frauduleuse, son épouse voulant s'emparer de tous ses biens.

Par ordonnance du 9 octobre 2023, le Ministère public a refusé d'entrer en matière, constatant en substance que les faits dénoncés avaient déjà fait l'objet de précédentes procédures.

b.c. Le 14 avril 2023, A______ a déposé plainte contre C______ et inconnu pour faux dans les titres, fausse déclaration d'une partie en justice et abus d'autorité (P/3______/2023). En substance, selon lui, le procès-verbal de l'audience tenue le 31 mars 2022 par le Tribunal de police dans la P/6______/2017 ainsi que le jugement rendu le 30 mai 2022 par cette autorité démontraient la "fraude judiciaire colossale" et la persécution incessante de la justice genevoise.

Par ordonnance du 20 octobre 2023, le Ministère public a refusé d'entrer en matière.

b.d. Le 3 avril 2023, A______ a déposé plainte contre C______ et inconnu pour faux dans les titres et contrainte, contre C______ pour fausse déclaration d'une partie en justice et contre inconnu pour abus d'autorité (P/4______/2023). Dite plainte, parvenue au Ministère public le 3 mai 2023, portait sur le même objet que sa plainte dans la P/2______/2023.

Par ordonnance du 3 novembre 2023, le Ministère public a refusé d'entrer en matière, en vertu du principe ne bis in idem, d'une part, et de l'absence d'indice de commission d'une infraction pénale, d'autre part.

b.e. Le 8 mai 2023, A______ a déposé plainte contre C______, Me D______ et inconnu pour faux dans les titres et fausse déclaration d'une partie en justice (P/5______/2023). Il reprochait à la précitée et son avocat d'avoir produit une écriture alléguée de faux au Tribunal de première instance le 18 octobre 2022 ainsi qu'à la Chambre pénale d'appel et de révision le 8 décembre 2022 dans la P/6______/2017. Cette procédure avait donné lieu à un arrêt du 30 janvier 2023 (rejetant son appel).

Par ordonnance du 1er décembre 2023, le Ministère public a refusé d'entrer en matière. Il avait recouru en vain contre l'arrêt précité au Tribunal fédéral. Au surplus, l'art. 306 CP ne s'appliquait pas et la pièce alléguée de faux n'était pas un titre.

c. Par arrêt du 13 octobre 2023, la Chambre de céans a déclaré irrecevable la demande de récusation formée par A______, le 25 août 2023, contre "tous les procureurs genevois" (ACPR/797/2023).

d. Le 6 décembre 2023, A______ a formé une nouvelle requête en récusation contre "tous les procureurs genevois dans tous les dossiers au Ministère public [le] concernant et qui pourraient [le] concerner" (PS/7______/2023). Il reprochait en substance au Ministère public de ne pas instruire ses plaintes, ce qui s'apparentait selon lui à du favoritisme pour sa partie adverse. Il sollicitait en outre la nomination d'un procureur extraordinaire.

Par arrêt du 12 décembre 2023 (ACPR/977/2023), la Chambre de céans a rejeté la demande. Si le requérant ne s'estimait pas satisfait par les ordonnances de non-entrée en matière rendues les 2, 9 et 20 octobre 2023 ainsi que les 3 novembre et 1er décembre 2023, il lui appartenait de recourir contre ces décisions, rappelant la jurisprudence selon laquelle la procédure de récusation n'avait pas pour but de remettre en cause la manière dont était menée l'instruction ainsi que les différentes décisions incidentes prises par la direction de la procédure. Le même constat s'imposait en tant que le requérant entendait contester la manière dont ses autres plaintes étaient traitées par le Ministère public, la voie d'un recours pour déni de justice étant le cas échéant ouverte. Le favoritisme allégué pour sa ou ses parties adverses n'était nullement étayé, l'intéressé ne faisant que citer des grands principes procéduraux, sans s'attacher à démontrer que tel ou tel magistrat du Ministère public chargé de l'instruction de l'une ou l'autre de ses plaintes aurait une prévention à son égard.

e. Préalablement, le 5 décembre 2023, A______ a déposé une nouvelle plainte pénale (annexée à sa demande de récusation), contre le Ministère public, pour faux dans les titres et les certificats, entrave à l'action pénale et abus d'autorité. Elle a donné lieu à l'ouverture de la procédure P/8______/2023, en mains de B______.

C. a. Dans sa requête en récusation, A______ se plaint en substance de faire l'objet d'une discrimination "extrêmement grave et violente" de la part du Ministère public depuis 2012, ce dernier facilitant le pillage de tous ses biens, menaçant sa vie et violant systématiquement tous ses droits fondamentaux. Aucune de ses plaintes n'étaient instruites. Elles avaient été "classées/rejetées" faussement et sans aucune instruction. Il réclamait la nomination d'un procureur extraordinaire. Il se référait à cet égard aux procédures P/1______/2023, P/2______/2023, P/3______/2023, P/4______/2023 et P/5______/2023, ainsi qu'à sa plainte pénale du 5 décembre 2023 – dont il annexait une copie –, énumérant encore une "sélection" de 14 plaintes pénales qu'il avait déposées en mars, octobre et décembre 2022 ainsi qu'en janvier, février, avril et mai 2023, et rappelant la "multitude des plaintes pénales de 2023" qu'il avait déposées contre "30 malfaiteurs genevois, y inclus des juges, procureurs et avocats-politicien".

b. Dans sa détermination du 22 décembre 2023, qui liste l'ensemble des procédures ayant donné lieu à une décision du Ministère public depuis 2014 ainsi que les très nombreuses plaintes (24 au total) encore déposées par A______ et qui étaient en cours de traitement, B______ conclut à l'irrecevabilité de la demande, subsidiairement à son rejet. La précédente demande de récusation de décembre 2023 de l'intéressé portait sur le même objet et avait été rejetée par la Chambre de céans le 12 décembre 2023, qui avait ainsi autorité de chose jugée. Ensuite, en tant que le requérant invoquait des ordonnances de non-entrée en matière d'octobre et novembre 2023, la demande de récusation était tardive. Au surplus, une demande de récusation "en bloc" des membres d'une autorité appelée à statuer était irrecevable, l'intéressé n'ayant exposé aucun motif de récusation concret et individuel à l'égard des magistrats du Ministère public, à l'exception du Procureur B______, auteur des ordonnances de non-entrée en matière invoquées. Au fond, il se référait à la motivation de l'arrêt du 12 décembre 2023.

c. Le requérant réplique. Il sollicite l'audition de nombreux témoins, au nombre desquels des représentants de plusieurs départements de l'administration cantonale genevoise non nommément désignés.

EN DROIT :

1. 1.1. La récusation des magistrats et fonctionnaires judiciaires au sein d'une autorité pénale est régie expressément par le CPP (art. 56 et ss. CPP).

À Genève, lorsque, comme en l'espèce, le Ministère public est concerné, l'autorité compétente pour statuer sur la requête est la Chambre pénale de recours de la Cour de justice (art. 59 al. 1 let. b CPP et 128 al. 2 let. a LOJ), siégeant dans la composition de trois juges (art. 127 LOJ).

1.2. Plaignant dans les procédures visées par sa demande (art. 104 al. 1 let. b CPP), le requérant dispose de la qualité pour agir (art. 58 al. 1CPP).

2. Conformément à l'art. 58 al. 1 CPP, la récusation doit être demandée sans délai, dès que la partie a connaissance du motif de récusation, c'est-à-dire dans les jours qui suivent la connaissance de la cause de récusation, sous peine de déchéance (ATF 140 I 271 consid. 8.4.3 p. 275 et les arrêts cités). En matière pénale, est irrecevable pour cause de tardiveté la demande de récusation déposée trois mois, deux mois ou même vingt jours après avoir pris connaissance du motif de récusation (arrêt du Tribunal fédéral 1B_118/2020 du 27 juillet 2020 consid. 3.2 et les arrêts cités).

3. En principe, une requête tendant à la récusation "en bloc" de l'ensemble des membres d'une autorité appelée à statuer est irrecevable, à moins que des motifs de récusation concrets et individuels soient exposés dans la requête à l'encontre de chacun des membres (ATF 129 III 445 consid. 4.2.2 p. 464 ; arrêts du Tribunal fédéral 5A_249/2015 du 29 septembre 2015 consid. 5.1 et les arrêts cités; 1B_418/2014 du 15 mai 2015 consid. 4.5 et les références citées).

Une demande de récusation "en bloc" sans indication de motifs propres à chaque membre peut, dans certains cas, néanmoins être considérée comme dirigée contre ceux-ci individuellement, à charge toutefois pour le requérant de motiver dûment sa démarche sur ce point (arrêt du Tribunal fédéral 1B_418/2014 précité).

4. En l'espèce, en tant que la présente demande de récusation soulève les mêmes griefs que ceux déjà invoqués à l'appui de la demande du 6 décembre 2023, laquelle a donné lieu à l'arrêt du 12 décembre 2023 (ACPR/977/2023), entré en force, elle est irrecevable.

La requête est de surcroît tardive s'agissant des griefs en lien avec les ordonnances de non-entrée en matière rendues les 2, 9 et 20 octobre ainsi que 3 novembre 2023 dans les procédures P/1______/2023, P/2______/2023, P/3______/2023 et P/4______/2023.

Enfin, elle n'est pas davantage recevable en tant qu'elle aurait trait à l'instruction, par B______, de la plainte du requérant du 5 décembre 2023, dans la P/8______/2023, faute pour celui-ci d'indiquer quel acte du magistrat précité trahirait un soupçon de prévention à son égard. Même recevable, la requête serait quoiqu'il en soit infondée, comme il sera vu ci-après.

5. 5.1. À teneur de l'art. 56 let. f CPP, toute personne exerçant une fonction au sein d'une autorité pénale est tenue de se récuser lorsque d'autres motifs, notamment un rapport d'amitié étroit ou d'inimitié avec une partie ou son conseil juridique, sont de nature à la rendre suspecte de prévention.

5.2. La procédure de récusation a pour but d'écarter un magistrat partial, respectivement d'apparence partiale afin d'assurer un procès équitable à chaque partie (ATF 126 I 68 consid. 3a p. 73; arrêt du Tribunal fédéral 1B_430/2021 du 22 octobre 2021 consid. 2.3.2). Elle vise notamment à éviter que des circonstances extérieures à la cause ne puissent influencer le jugement en faveur ou au détriment d'une partie. Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective du magistrat est établie, car une disposition interne de sa part ne peut guère être prouvée. Il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat. Seules les circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération. Les impressions purement individuelles d'une des parties au procès ne sont pas décisives (ATF 144 I 159 consid. 4.3 p. 162; 143 IV 69 consid. 3.2 p. 74; arrêt 1B_25/2022 du 18 mai 2022 consid. 2.2). L'impartialité subjective d'un magistrat se présume jusqu'à preuve du contraire (ATF 136 III 605 consid. 3.2.1 p. 608; arrêt du Tribunal fédéral 6B_621/2011 du 19 décembre 2011).

5.3. Il appartient en outre aux juridictions de recours normalement compétentes de constater et de redresser les erreurs éventuellement commises dans ce cadre. La procédure de récusation n'a donc pas pour objet de permettre aux parties de contester la manière dont est menée l'instruction et de remettre en cause les différentes décisions incidentes prises notamment par la direction de la procédure (ATF
143 IV 69 consid. 3.2).

5.4. En l'espèce, il peut être renvoyé ici, mutatis mutandis, à l'arrêt du 12 décembre 2023.

Si le requérant n'était pas satisfait par les ordonnances de non-entrée en matière rendues par le Procureur B______ les 2, 9 et 20 octobre 2023 ainsi que les 3 novembre et 1er décembre 2023, il lui appartenait de recourir contre ces décisions.

S'il considère par ailleurs que la manière dont B______ ou un autre Procureur instruisent ses autres plaintes pendantes consacre un déni de justice, il lui appartient d'agir, le cas échéant, par la voie d'un recours (art. 396 al. 2 CPP).

Le requérant n'explicite au demeurant ni ne démontre en quoi le Procureur B______ ou d'autres Procureurs feraient preuve de partialité à son égard dans le traitement de ses plaintes en cours.

Partant, il ne saurait être procédé à une instruction plus complète, notamment sous la forme d'audition de témoins (cf. art. 59 al. 1 et 2 CPP).

La requête en récusation sera ainsi rejetée.

6. La demande de nomination d'un procureur extraordinaire au sens de l'art. 82A LOJ est exorbitante au présent litige, étant précisé que la Chambre de céans n'est pas compétente pour y procéder.

7. En tant qu'il succombe, le requérant supportera les frais de la procédure (art. 59 al. 4 CPP), fixés en totalité à CHF 1'000.-.

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette la requête de récusation du 5 décembre 2023, dans la mesure de sa recevabilité.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au requérant, à B______ et aux Procureurs du Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

PS/135/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- demande sur récusation (let. b)

CHF

915.00

Total (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9)

CHF

1'000.00