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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/13877/2022

ACPR/170/2024 du 08.03.2024 ( MP ) , REJETE

Recours TF déposé le 16.04.2024, 7B_438/24
Descripteurs : PRINCIPE DE LA CÉLÉRITÉ;REFUS DE STATUER
Normes : Cst; CPP.5

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/13877/2022 ACPR/170/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 8 mars 2024

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison de B______, représenté par Me C______, avocat,

recourant,

 

pour déni de justice et retard injustifié du Ministère public

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.

 


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 5 novembre 2023, A______ recourt pour déni de justice et violation du principe de la célérité, qu'il impute au Ministère public.

Il conclut au constat desdits déni et violation, le Procureur devant, par ailleurs, être invité à ordonner la mise en œuvre d'une expertise psychiatrique.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.a. A______ est prévenu de brigandage (art. 140 CP) pour avoir, le 24 juin 2022, de concert avec D______, menacé, à l'aide d'une arme à feu, l'employé d'un magasin et dérobé, à cette occasion, maints objets.

a.b. Entendu par la police (le 17 octobre 2022), puis par le Ministère public (les 18 octobre et 7 décembre 2022), il a, en substance, reconnu ces faits, qu'il expose avoir commis pour financer sa consommation de cocaïne.

a.c. Arrêté le 17 octobre 2022, il exécute actuellement sa peine de manière anticipée, dans l'attente de son renvoi en jugement.

b. D______, détenu dans le cadre de la même procédure, est également prévenu de brigandage ainsi que d'autres infractions.

c.a. Entre les 18 octobre 2022 et 28 février 2023, A______, sous la plume de son défenseur d'office, a requis du Ministère public, à réitérées reprises, la mise en œuvre d'une expertise psychiatrique, au motif qu'il était, selon lui, au moment des faits incriminés, en état d'irresponsabilité totale ou partielle, eu égard à sa dépendance à la drogue.

c.b. Le Procureur lui a répondu en deux occasions, sans toutefois statuer sur l’admission/le rejet de sa demande.

c.c.a. Le 27 avril 2023, A______ a saisi la Chambre de céans d'un recours pour déni de justice.

c.c.b. Invité à se déterminer, le Ministère public a rendu, le 3 mai suivant, une ordonnance refusant l'expertise sollicitée.

c.c.c. À cette suite, le recours a été déclaré sans objet (ACPR/513/2023 rendu le 29 juin 2023).

d.a. Le 3 mai 2023, le Procureur, considérant que l'instruction était achevée, a informé les parties qu’il allait dresser un acte d'accusation contre les prévenus.

d.b. Le 5 juillet suivant, ce magistrat a tenu une audience, sur requête de l'une des personnes lésée par des agissements de D______.

Avisés de cette audience, A______ et son conseil n'y ont pas participé.

e.a. Par missive du 28 août 2023, A______ a derechef sollicité du Ministère public la mise en œuvre d'une expertise psychiatrique, en raison de la survenance de "nouveaux éléments".

e.b. Le Procureur n'a pas réagi à ce pli.

C. a. Dans son recours, A______ invoque deux principaux griefs.

Premièrement, sa requête du 28 août dernier était restée sans réponse. Pourtant, la problématique de l'expertise psychiatrique était d'importance, puisqu'il exécutait actuellement une peine privative de liberté, à laquelle il pourrait, in fine, ne pas être condamné, au vu de sa potentielle irresponsabilité.

Secondement, un délai de plus de six mois s'était écoulé entre sa première demande d'expertise (datée du 18 octobre 2022) et la décision du Ministère public statuant sur ce point (rendue le 3 mai 2023). Par ailleurs, lui-même n'avait plus été entendu depuis de nombreux mois et l’acte d’accusation annoncé n’était toujours pas rédigé.

À cette aune, l’attitude du Procureur consacrait aussi bien un déni de justice qu’une violation du principe de la célérité.

b. Invitée à se déterminer, l'autorité intimée conclut au rejet du recours.

Les motifs invoqués par A______ à l’appui de sa requête du 28 août 2023 étaient sans rapport avec son état de santé au mois de juin 2022; ils ne pouvaient donc fonder la mise en œuvre d'une expertise. "Le Ministère public aurait[,] certes, pu confirmer son ordonnance du 3 mai 2023, ce qu'il regrett[ait de] ne pas avoir fait".

Le principe de la célérité n'était, à ce stade, nullement violé. D______ ayant souhaité faire des révélations sur le brigandage imputé aux coprévenus, une audience se tiendrait le 5 décembre 2023.

c. Dans sa réplique, A______ invite la Chambre de céans à ne pas cautionner la "manœuvre" du Procureur consistant à avoir convoqué une audience peu après le dépôt du recours. Ce dernier, dans lequel il persistait, devrait donc être admis.

D. Lors de l'audience du 5 décembre 2023, D______, qui a confirmé avoir sollicité son audition, et A______ se sont exprimés sur le brigandage du 24 juin 2022.

Ensuite d'une altercation physique intervenue entre les prénommés dans les locaux de détention du Ministère public, chacun d'eux a porté plainte pénale contre l'autre, démarches consignées au procès-verbal de ladite audience.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours, formé pour déni de justice et violation du principe de la célérité, soit des griefs invocables en tout temps (art. 396 al. 2 CPP), a été interjeté selon la forme prescrite (art. 393 et 396 al. 1 CPP), par le prévenu, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP).

Si cet acte est devenu sans objet s'agissant du premier de ces griefs – le Procureur ayant répondu, dans ses observations, à la demande d'expertise psychiatrique formulée le 28 août 2023 (ATF 142 I 135 consid. 1.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 7B_525/2023 du 10 novembre 2023 consid. 1.1.2 in fine; ACPR/15/2024 du 12 janvier 2024) –, le recourant conserve toutefois un intérêt (art. 382 CPP) à ce qu'il soit statué sur le second.

1.2. En revanche, la conclusion tendant à la mise en œuvre d’une expertise est irrecevable, cette réquisition de preuve, rejetée par le Procureur, pouvant être réitérée, sans préjudice juridique, devant le juge du fond (art. 318 al. 3 et 394 let. b CPP).

2. Le recourant dénonce une violation du principe de la célérité.

2.1. Les art. 29 al. 1 Cst féd. et 5 CPP garantissent à toute personne le droit à ce que sa cause soit traitée dans un délai raisonnable. Le ministère public viole cette garantie lorsqu'il ne rend pas une décision qu'il lui incombe de prendre, soit dans le délai prescrit par la loi, soit dans celui que la nature de l'affaire et les circonstances font apparaître comme approprié. L’on ne saurait reprocher à cette autorité quelques temps morts, qui sont inévitables dans une procédure; lorsqu'aucun d'eux n'est d'une durée vraiment choquante, c'est l'appréciation d'ensemble qui prévaut (arrêt du Tribunal fédéral 7B_16/2022 du 6 novembre 2023 consid. 3.3).

Selon la jurisprudence, une inactivité de treize ou quatorze mois au stade de l'instruction doit être qualifiée de choquante (ibidem).

2.2. En l'espèce, six mois environ se sont écoulés entre la première demande d’expertise psychiatrique formulée par le prévenu et le jour où le Ministère public a statué sur celle-ci. Par ailleurs, le recourant, qui est détenu, n’a été entendu qu’à deux reprises en l’espace d’une année (soit les 7 décembre 2022 et 5 décembre 2023).

Les intervalles séparant chacun de ces actes sont peu compréhensibles. Ils n’emportent toutefois pas, en eux-mêmes, une violation du principe de la célérité, faute d'être d'une durée véritablement choquante au sens de la jurisprudence susmentionnée.

La durée globale de l’enquête, initiée en été 2022, ne dépasse pas (encore) les limites admissibles, même si le Procureur n'apparaît pas instruire sans désemparer. Ainsi, ce magistrat, qui a récemment confronté les deux coprévenus, veillera à faire diligence, de façon à agir sans tarder dans la cause.

Il s'ensuit que le grief est infondé.

3. En conclusion, le recours doit être rejeté, dans la mesure de sa recevabilité et où il conserve encore un objet.

4. Reste à statuer sur les frais et indemnité de la procédure de recours.

4.1.1. Lorsqu'un acte est sans objet, les frais sont fixés en tenant compte de l'état de fait existant avant l'événement mettant fin au litige et de l'issue probable de celui-ci (arrêt du Tribunal fédéral 6B_649/2019 du 11 juillet 2019 consid. 1.1.2). Il ne s'agit pas d'examiner en détail les chances de succès du recours, ni de rendre un jugement au fond par le biais d'une décision sur les frais, mais d'apprécier sommairement la cause (cf. ATF 142 V 551; ACPR/522/2023 du 4 juillet 2023).

Commet un déni de justice, prohibé par l’art. 29 al. 1 Cst féd., l’autorité qui se refuse à statuer ou laisse sans réponse les griefs d'une partie (arrêt du Tribunal fédéral 7B_166/2023 du 29 septembre 2023 consid. 3).

4.1.2. In casu, en ce qui concerne le volet du recours déclaré sans objet, la Chambre de céans aurait admis l'existence d'un déni de justice, faute, pour le Procureur, de s’être prononcé sur la demande du prévenu du 28 août 2023. Ce magistrat admet, du reste, une telle omission, qu’il expose regretter.

4.2. À cette aune, le recourant succombe sur deux de ses trois conclusions, soit celles déclarées irrecevable et rejetée (art. 428 al. 1, première et deuxième phrases, CPP).

Il sera donc condamné aux deux tiers des frais de la procédure, fixés en totalité à CHF 900.- (art. 3 cum 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03), soit au paiement de CHF 600.- – étant rappelé que l'autorité de deuxième instance est tenue de dresser un état de frais sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêt du Tribunal fédéral 1B_517/2022 du 22 novembre 2022 consid. 1.3.2) –.

Le solde de ces frais (CHF 300.-) sera laissé à la charge de l'État.

4.3. Il n'y a pas lieu d'indemniser, à ce stade (art. 135 al. 2 CPP), le défenseur d'office du prévenu, qui ne l’a d’ailleurs pas demandé.

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours, dans la mesure de sa recevabilité et où il conserve encore un objet.

Condamne A______ aux deux tiers des frais de la procédure de recours, fixés à CHF 900.-, soit au paiement de CHF 600.-, et laisse le solde de ces frais (CHF 300.-) à la charge de l’État.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame
Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/13877/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

Total

CHF

900.00