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Décisions | Chambre pénale de recours

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PS/117/2023

ACPR/148/2024 du 28.02.2024 ( RECUSE ) , IRRECEVABLE

Recours TF déposé le 17.04.2024, 7B_443/2024
Descripteurs : RÉCUSATION;MINISTÈRE PUBLIC;EXPERT
Normes : CPP.56

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PS/117/2023 ACPR/148/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 28 février 2024

 

Entre

A______, domicilié ______, représenté par Me Nicola MEIER, avocat, Hayat & Meier, place du Bourg-de-Four 24, case postale 3504, 1211 Genève 3,

requérant,

et

Profs. B______ et C______ et Dr D______, experts, p.a. Centre universitaire romand de médecine légale, rue Michel Servet 1, 1211 Genève 4,

E______, anciennement Procureure, p.a. Tribunal civil, rue de l'Athénée 6-8, 1205 Genève,

cités.


EN FAIT :

A. a. À l'audience du 30 octobre 2023 par-devant le Tribunal de police, A______ a demandé la récusation de la Procureure E______, et des experts les Profs. B______, C______ et le Dr D______, dans le cadre de la procédure P/1______/2009.

b. Le Tribunal de police a transmis la requête à la Chambre de céans.

c. À la demande de cette dernière, A______ l'a dûment mise en conformité, le 24 novembre 2023.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Par acte d'accusation du 15 décembre 2022, A______ a été renvoyé par-devant le Tribunal de police pour escroquerie par métier (art. 146 al. 1 et 2 CP), faux dans les titres (art. 251 CP), abus de confiance (art. 138 ch. 1 al. 2 CP), détournements de valeurs patrimoniales mises sous main de la justice (art. 169 CP) et gestion fautive (art. 165 al. 1 CP).

b. Au cours de l'instruction, A______ a, dès le 18 janvier 2016, produit des certificats médicaux attestant de son incapacité de travail et qu'il devait, pour des raisons médicales, éviter autant que possible toute forme de tension, stress, anxiété, susceptible d'influer négativement sur son système cardio-vasculaire.

c. Compte tenu de ses problèmes de santé persistants, en particulier cardiaques, la question de sa capacité à prendre part aux débats s'est posée.

d. Dès le 1er novembre 2017, la Procureure E______ a repris l'instruction de la procédure.

e. Les 9 et 22 juin 2020, elle a désigné à titre d'experts la Prof. B______, assistée du Dr D______, et le Prof. C______, co-expert, spécialiste en cardiologie, avec pour mission de :

"- prendre connaissance de la procédure et de s'entourer de tous renseignements utiles, prendre connaissance du dossier médical du/des médecins traitants du prévenu;

- examiner A______ et décrire son état physique;

- établir un rapport dont les conclusions doivent répondre à la question suivante :

l'examen du prévenu met-il en évidence un trouble physique qui a pour conséquence de l'empêcher de prendre part aux débats dans la présente procédure ?

Si oui, pour quelle durée et dans quelle mesure (incapacité de compréhension, d'expression et/ou de déplacement)?".

f. Le 30 avril 2021, les experts ont rendu leur rapport, à teneur duquel, pour répondre à la question posée, ils s'étaient fondés sur l'étude du dossier pénal transmis par le Ministère public et les documents médicaux remis par A______, le 28 janvier 2021, dans la mesure où ce dernier avait refusé de se présenter à l'examen médical convoqué le 8 décembre 2020, et n'avait pas levé du secret médical ses médecins traitants.

A______ présentait une pathologie cardiaque grave jusqu'en novembre 2015, puis une "bonne" évolution et une stabilisation de son état entre 2016 et 2018. En l'absence de documents cardiologiques postérieurs à 2018 et d'éléments supplémentaires, hormis des "certificats" annuels de son cardiologue, ils ont considéré que l'intéressé bénéficiait d'un suivi cardiologique régulier et que son état de santé semblait stabilisé depuis 2017. Ainsi, rien ne permettait d'affirmer que l'intéressé souffrait actuellement d'une pathologie somatique qui serait de nature à l'empêcher de prendre part aux débats et d'être auditionné. A______ semblait ainsi être en état de se rendre au Tribunal ou au Ministère public de la même façon qu'il se rendait régulièrement chez son cardiologue.

Les experts sont donc parvenus à la conclusion qu'il n'existait actuellement pas de trouble physique empêchant A______ de prendre part aux débats.

g. Le 23 juin 2021, le rapport a été transmis à A______ et aux autres parties.

h. Par courrier du 30 juillet 2021, le prénommé a contesté avoir refusé de se présenter à la convocation des experts du 8 décembre 2020. Il les avait informés qu'au regard de son profil de risque extrêmement élevé au COVID, il ne pouvait se rendre une journée entière au CHUV pour les examens sollicités. Cependant, dans l'intervalle, il s'était fait vacciner et était disponible pour les examens en question, qui étaient fondamentaux, dès lors que les derniers documents médicaux à disposition des experts dataient de "2017". Il sollicitait d'être convoqué une nouvelle fois par les experts en vue d'un examen actualisé de son état de santé.

i. Par avis de prochaine clôture du 23 décembre 2021, le Ministère public a informé les parties qu'il entendait rédiger un acte d'accusation s'agissant des infractions des art. 146, 251, 138, 169 et 165 CP (cf. let. B.a. supra), et une ordonnance de classement partiel, pour le surplus.

j. Dans le délai imparti pour présenter ses réquisitions de preuves, A______ a sollicité un complément d'expertise, se référant aux motifs exposés dans son courrier du 30 juillet 2021 (cf. let. B. h. supra), et, subsidiairement, l'audition des experts.

k. Le 15 décembre 2022, le Ministère a rejeté les réquisitions de preuves et rédigé les acte et ordonnance annoncés (cf. let. B.i. supra).

l.a. À la différence de son défenseur, A______ n'a pas comparu à l'audience de jugement du 30 octobre 2023. Son défenseur a réitéré les réquisitions de preuve formulées précédemment, en particulier le complément d'expertise, afin de connaître sa capacité "actualisée" de prendre part aux débats.

Il a produit un certificat médical du cardiologue de son client, du 3 août 2023, selon lequel, pour des raisons de santé, ce dernier devait éviter, "actuellement et tant que les investigations médicales n'étaient pas finies, les situations engendrant un stress important ou une contrariété, notamment celles pouvant être engendrées par une audience en présentiel au tribunal"; des convocations aux HUG pour les 23 août et 5 octobre 2023, afin de, respectivement, contrôler son pacemaker et passer un examen IRM cardiaque.

l.b. Entendus par le Tribunal de police, les experts ont confirmé leur expertise. Il n'était pas inhabituel de rendre une expertise sur la base du dossier médical uniquement. S'ils n'avaient pas été en mesure de répondre à la question posée, ils l'auraient mentionné dans leur rapport. Dans le cas présent, bien que le dossier n'était pas complet, notamment sur la situation médicale de l'expertisé postérieurement à l'année 2020, les éléments à disposition étaient suffisants. Ainsi, il n'y avait aucune donnée suggérant que l'état de santé de A______ s'était péjoré depuis 2018, dès lors que ses problèmes de santé dataient de 2015 et que, depuis lors et jusqu'en 2018, son état s'était amélioré puis stabilisé. Une visite à domicile avait été considérée mais, après discussion avec la Procureure, il y avait été renoncé, dès lors que seul un examen très sommaire aurait pu être effectué et non ceux qui auraient pu être pratiqués en hôpital, soit une échographie du cœur et un test d'effort. Bien que l'expertisé faisait partie des personnes à risque de complications du COVID, au moment de la convocation, toutes les mesures de protections nécessaires avaient été mises en place au CHUV. Le motif avancé par le concerné pour ne pas se présenter n'était donc pas "légitime". Il y avait deux manières de connaître l'état de santé d'une personne, en l'examinant ou en analysant son dossier médical. Par courriels échangés, ils avaient choisi la deuxième option, faute de pouvoir ausculter l'expertisé. Ils avaient ensuite informé la Procureure que l'expertisé ne viendrait pas à la consultation et qu'il y avait la possibilité d'effectuer l'expertise sur la base du dossier médical ou d'aller plus loin et d'effectuer une visite à domicile. La Procureure leur avait répondu être d'accord avec une expertise sur dossier médical. Cet appel remontait, sauf erreur, entre le 16 et le 18 février 2021. Tout comme tout autre échange téléphonique, celui avec la Procureure n'avait pas été mentionné dans le rapport.

Ils se sont opposés à la production de leurs échanges de courriels, ceux-ci ne faisant pas partie du dossier. Ils ne voyaient pas en quoi il était nécessaire de faire figurer les détails des options prises dans le rapport d'expertise. Ils n'avaient pas changé le mandat, mais trouvé une autre possibilité de répondre à la question posée. Après avoir pris connaissance des derniers documents médicaux produits (cf. let. B. l.a. supra), ils ont relevé que les informations mentionnées n'indiquaient en rien une dégradation de l'état de santé de A______ et, au vu des dates des convocations aux examens y figurant, il n'y avait aucune urgence manifeste à les effectuer. Ces derniers documents ne permettaient ainsi pas non plus de retenir que le prénommé n'était pas capable de comparaître et aucun élément n'indiquait qu'une nouvelle expertise devait être ordonnée, à cet égard.

C. a.a. À l'issue de l'audition des experts, le conseil de A______ a demandé la récusation de la Procureure et des experts, avec effet au 16 février 2021.

a.b. Dans son complément motivé du 24 novembre 2023, A______ a expliqué que ce n'était que lors de l'audience du 30 octobre 2023 qu'il avait eu connaissance d'un échange entre la Procureure et les experts, au cours duquel les concernés avaient d'entente "substantiellement" modifié le mandat d'expertise, à savoir révoqué la mission de l'examiner. Il n'avait pas été informé dudit changement, lequel n'avait pas été mentionné dans le dossier. En agissant ainsi, la Procureure avait souhaité avoir, au plus vite, un rapport d'expertise lui permettant de le renvoyer en jugement, ce qui l'avait privé de son droit d'être entendu et démontrait, de la part de la magistrate, une apparence de partialité. Quant aux experts, ils avaient non seulement refusé de soumettre leurs échanges des 16 et 18 février 2021 mais encore fait preuve d'un manque de diligence dans l'exécution de leur mission par le maintien de leurs conclusions médicales abstraites.

b. Les experts ont confirmé leur expertise et leurs précédentes déclarations. Ils avaient accompli leur mission dans le strict respect des règles de l'art, dès lors qu'il leur incombait de choisir les moyens les plus adéquats pour répondre aux questions qui leur étaient posées.

c. Dans ses observations, la Procureure conclut à l'irrecevabilité de la demande de récusation pour cause de tardiveté et, subsidiairement, à son rejet.

Depuis le 15 décembre 2022, date à laquelle il avait reçu l'ordonnance rejetant ses réquisitions de preuve, A______ connaissait la position du Ministère public sur son examen physique par les experts, de sorte que, déposée le 30 octobre 2023, la demande de récusation était tardive.

Au fond, courant février 2021, les experts l'avait contactée après que A______ n'avait pas donné suite à leur convocation. L'examen physique ne pouvant avoir lieu, il se justifiait de mener l'expertise sur la base du dossier en mains des experts, dans la mesure où cela était possible et que l'examen à domicile n'avait que peu d'intérêt. Ce n'était qu'à réception de l'expertise le déclarant apte à prendre part aux débats que A______ s'était dit prêt à être examiné par les experts. Or, à ce moment-là, un complément d'expertise ne se justifiait plus.

A______ n'avait jamais été privé de faire valoir ses droits, tant par-devant le Ministère public que le Tribunal de police; il avait d'ailleurs sollicité un complément d'expertise et l'audition des experts, laquelle avait eu lieu.

Elle n'avait pas fait preuve de partialité ni de connivence avec les experts.

d. Dans sa réplique, A______ précise qu'avant l'audience du 30 octobre 2023, date à laquelle il avait eu connaissance d'un échange entre la Procureure et les experts, il pensait légitimement que l'expertise était simplement incomplète.

Par ailleurs, il n'avait pas refusé de se présenter à l'examen médical et, même si tel avait été le cas, cela constituerait à une modification du mandat d'expertise. Tout comme le choix des experts de ne pas l'examiner. En effet, l'appel téléphonique à la Procureure révélait que les experts ne se considéraient pas en mesure d'exécuter une partie de leur mission, laquelle nécessitait des examens approfondis et techniques, et qu'une modification était requise. Enfin, si le choix des moyens les plus adéquats pour répondre à la question posée était laissé à la libre appréciation des experts, ils n'auraient pas eu besoin de requérir l'aval préalable de la Procureure.

EN DROIT :

1.             Partie à la procédure P/1______/2009 en tant que prévenu (art. 104 al. 1 let. a CPP), le requérant a qualité pour agir (art. 58 al. 1 CPP), et la Chambre de céans, siégeant dans la composition de trois juges (art. 127 LOJ), est compétente pour connaître de sa requête dirigée contre un membre du ministère public (art. 59 al. 1 let. b CPP et 128 al. 2 let. a LOJ) et des experts nommés par le ministère public (art. 20 al. 1 et 59 al. 1 let. b CPP; arrêts du Tribunal fédéral 1B_488/2011 du 2 décembre 2011 consid. 1.1 et 1B_243_2012 du 9 mai 2012 consid. 1.1.; ACPR/491/2012 du 14 novembre 2012).

2.             2.1. Conformément à l'art. 58 al. 1 CPP – disposition également applicable lorsque la requête tend à la récusation d'un expert (arrêt du Tribunal fédéral 1B_754/2012 du 23 mai 2013 consid. 3.1) –, la récusation doit être demandée sans délai, dès que la partie a connaissance du motif de récusation, c'est-à-dire dans les jours qui suivent la connaissance de la cause de récusation, sous peine de déchéance (ATF 140 I 271 consid. 8.4.3 p. 275 et les arrêts cités). Celui qui omet de se plaindre immédiatement de la prévention d'un magistrat et laisse le procès se dérouler sans intervenir, agit contrairement à la bonne foi et voit son droit se périmer (ATF 134 I 20 consid. 4.23.1; 132 II 485 consid. 4.3; 130 III 66 consid. 2). Il y a lieu d'admettre que la récusation doit être formée aussitôt, c'est-à-dire dans les jours qui suivent la connaissance de la cause de récusation (arrêt du Tribunal fédéral 1B_754/2012 du 23 mai 2013 consid. 3.1). En matière pénale, est irrecevable pour cause de tardiveté la demande de récusation déposée trois mois, deux mois ou même vingt jours après avoir pris connaissance du motif de récusation (arrêt du Tribunal fédéral 1B_118/2020 du 27 juillet 2020 consid. 3.2 et les arrêts cités). En revanche, n'est pas tardive la requête formée après une période de six ou sept jours, soit dans les jours qui suivent la connaissance du motif de récusation (arrêt du Tribunal fédéral 1B_118/2020 du 27 juillet 2020 consid. 3.2 et les arrêts cités).

2.2. La demande de récusation, présentée lors de l'audience du 30 octobre 2023, est tardive tant s'agissant des experts que de la Procureure. En effet, à la lecture du rapport d'expertise, qui lui a été transmis en juin 2021, le requérant a aisément pu constater, à ce moment-là, que l'expertise avait été établie sans examen de sa personne. En outre, au plus tard au moment où le Ministère public a refusé ses réquisitions de preuves, soit courant décembre 2022, le requérant savait que le complément réclamé ne serait pas ordonné. C'était donc, respectivement, à ces moments-là, au plus tard, qu'il aurait dû se manifester s'il considérait qu'un motif de récusation, en lien avec l'absence d'examen sur sa personne, existait, tant envers les experts qu'envers la Procureure.

Partant, la requête déposée près d'un an après, en octobre 2023, est tardive.

L'existence d'un échange entre les cités, a fortiori sa connaissance par le requérant, ne modifie pas ce qui précède, dès lors que le résultat reproché – absence d'examen sur sa personne – était connu du concerné depuis plusieurs mois.

3.             Voudrait-on néanmoins voir dans cette information révélée à l'audience du 30 octobre 2023 un indice d'une apparence de partialité que la requête serait de toute manière infondée.

3.1. À teneur de l'art. 56 let. f CPP, toute personne exerçant une fonction au sein d'une autorité pénale est tenue de se récuser lorsque d'autres motifs, notamment un rapport d'amitié étroit ou d'inimitié avec une partie ou son conseil juridique, sont de nature à la rendre suspecte de prévention.

3.2. Par renvoi de l'art. 183 al. 3 CPP, l'art. 56 CPP s'applique à la récusation d'un expert. L'exigence d'un procès équitable commande que l'impartialité de celui-ci soit garantie (ATF 125 II 541; arrêt du Tribunal fédéral 6B_258/2011 du 22 août 2011 consid. 1.3.1).

3.3. L'art. 56 let. f CPP a la portée d'une clause générale (arrêt du Tribunal fédéral 2C_755/2008 du 7 janvier 2009). Elle correspond à la garantie d'un tribunal indépendant et impartial instituée par les art. 30 Cst. et 6 CEDH. Elle vise notamment à éviter que des circonstances extérieures à la cause ne puissent influencer le jugement en faveur ou au détriment d'une partie. Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective du magistrat est établie, car une disposition interne de sa part ne peut guère être prouvée. Il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat. Seules les circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération. Les impressions purement individuelles d'une des parties au procès ne sont pas décisives (ATF 144 I 159 consid. 4.3; 143 IV 69 consid. 3.2; arrêt 1B_25/2022 du 18 mai 2022 consid. 2.2). L'impartialité subjective d'un magistrat se présume jusqu'à preuve du contraire (ATF 136 III 605 consid. 3.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_621/2011 du 19 décembre 2011).

Durant la phase de l'enquête préliminaire, ainsi que de l'instruction et jusqu'à la mise en accusation, le ministère public est l'autorité investie de la direction de la procédure (art. 61 let. a CPP). À ce titre, il doit veiller au bon déroulement et à la légalité de la procédure (art. 62 al. 1 CPP). Durant l'instruction il doit établir, d'office et avec un soin égal, les faits à charge et à décharge (art. 6 CPP); il doit statuer sur les réquisitions de preuve et peut rendre des décisions quant à la suite de la procédure (classement ou mise en accusation), voire rendre une ordonnance pénale pour laquelle il assume une fonction juridictionnelle. Dans ce cadre, le ministère public est tenu à une certaine impartialité même s'il peut être amené, provisoirement du moins, à adopter une attitude plus orientée à l'égard du prévenu ou à faire état de ses convictions à un moment donné de l'enquête. Tout en disposant, dans le cadre de ses investigations, d'une certaine liberté, le magistrat reste tenu à un devoir de réserve. Il doit s'abstenir de tout procédé déloyal, instruire tant à charge qu'à décharge et ne point avantager une partie au détriment d'une autre (ATF 141 IV 178 consid. 3.2.2; 138 IV 142 consid. 2.2.1).

Seules des erreurs particulièrement lourdes ou répétées, constitutives de violations graves des devoirs du magistrat, peuvent fonder une suspicion de partialité, pour autant que les circonstances dénotent que le magistrat est prévenu ou justifient à tout le moins objectivement l'apparence de prévention. En effet, la fonction judiciaire oblige à se déterminer rapidement sur des éléments souvent contestés et délicats. Il appartient en outre aux juridictions de recours normalement compétentes de constater et de redresser les erreurs éventuellement commises dans ce cadre. La procédure de récusation n'a donc pas pour objet de permettre aux parties de contester la manière dont est menée l'instruction et de remettre en cause les différentes décisions incidentes prises notamment par la direction de la procédure (ATF 143 IV 69 consid. 3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_305/2019 et 1B_330/2019 du 26 novembre 2019 consid. 3.4.1). Autre est la question lorsque de telles erreurs dénotent un manquement grave aux devoirs de la charge, un préjugé au détriment d'une des parties à la procédure ou un manque de distance et de neutralité (M. NIGGLI / M. HEER / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER, Schweizerische Strafprozessordnung / Jugendstrafprozessordnung, Basler Kommentar StPO/JStPO, Bâle 2023, n. 59 ad art. 56 CPP).

Un seul comportement peut suffire, en fonction des circonstances, à démontrer l'apparence de prévention du magistrat, par exemple lorsque l'appréciation émise de manière péremptoire par le procureur porte sur une question a priori centrale de l'instruction et dont l'absence de remise en cause pourrait tendre à retenir que le magistrat tient déjà la culpabilité du prévenu pour acquise (arrêt du Tribunal fédéral 1B_384/2017 du 10 janvier 2018 consid. 4.3).

3.4. La procédure de récusation n'a cependant pas pour objet de permettre aux parties de contester la manière dont est menée l'instruction (ATF 143 IV 69 consid. 3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_305/2019 et 1B_330/2019 du 26 novembre 2019 consid. 3.4.1), étant rappelé qu'il appartient aux juridictions de recours normalement compétentes de constater et de redresser les erreurs éventuellement commises dans ce cadre.

3.5. En l'espèce, le requérant reproche à la Procureure et aux experts d'avoir, d'entente entre eux et sans l'en informer, modifié le mandat d'expertise en renonçant à procéder à l'examen de sa personne, comportement qui démontrerait une apparence de partialité de leur part.

Un tel raisonnement ne peut être suivi. Si le requérant estimait que l'expertise du 30 avril 2021 trahissait le mandat conféré, il lui appartenait de la contester en temps voulu, ce qu'il n'a pas fait. Il ne saurait la contester aujourd'hui sous couvert d'une requête en récusation qui comme indiqué ci-dessus est au demeurant tardive.

Le requérant ne saurait voir non plus dans l'échange téléphonique entre les experts et la Procureure un quelconque indice de prévention. Tel échange est admis et servait à la bonne exécution du mandat d'expertise. Il s'inscrit dans une démarche purement organisationnelle. Il n'avait pas à figurer dans le rapport d'expertise ou au dossier. Il n'en va pas différemment des courriels échangés par les experts à ce sujet.

Au surplus, en ce qui concerne les experts, on peine à comprendre dans quelle mesure, ce faisant, ils auraient failli à leur mission ou violé les règles de l'art en créant ainsi une apparence de prévention. De plus, l'absence de re-convocation n'apparaît pas critiquable compte tenu des motifs invoqués par le requérant à l'appui de son refus de se présenter en premier lieu. En effet, à l'époque de la convocation, selon les experts, la situation sanitaire était déjà sous contrôle au CHUV et ceux-ci ignoraient qu'un quelconque changement devait être ou était intervenu à l'endroit du requérant – vaccination –. Partant, la manière dont ils avaient procédé – en s'appuyant sur les documents médicaux transmis par le requérant fin janvier 2021 pour une expertise rendue le 30 avril 2021, lesquels avaient été jugés suffisants – ne semble pas non plus blâmable, en tous les cas, ne relève pas d'un motif de récusation. Qui plus est, à cet égard, le requérant apparaît malvenu de considérer a posteriori que l'opinion forgée, sur la base des documents qu'il avait lui‑même transmis, n'était pas d'actualité voire incomplète. Il lui était en effet loisible de produire ceux de son choix, en particulier, actuels et attestant d'une péjoration de son état/ d'une incapacité à prendre part aux débats. Or, il n'en n'a rien fait. D'ailleurs, après lecture des derniers documents médicaux versés à la procédure, les experts ont maintenu leur conclusion.

Au regard de ce qui précède, le comportement dénoncé ne dénote aucune apparence de partialité de la Procureure ni des experts.

Partant, en l'absence de motif de récusation, la requête est infondée.

4.             Le requérant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Déclare irrecevable la requête de récusation.

Condamne A______ aux frais de la procédure de récusation, arrêtés à CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au requérant, soit pour lui son conseil, aux Profs. B______ et C______, au Dr D______, à E______ et au Ministère public.

Le communique pour information au Tribunal de police.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

PS/117/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

40.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur récusation (let. b)

CHF

785.00

Total

CHF

900.00