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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/18450/2022

ACPR/138/2024 du 22.02.2024 sur OMP/16051/2023 ( MP ) , REJETE

Recours TF déposé le 03.04.2024, 7B_385/2024
Descripteurs : ABUS DE CONFIANCE;GESTION DÉLOYALE;AYANT DROIT ÉCONOMIQUE;LÉSÉ;PLAIGNANT
Normes : CPP.115; CPP.382; CP.251; CP.138; CP.158

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/18450/2022 ACPR/138/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 22 février 2024

 

Entre

 

A______, domiciliée ______, Costa Rica, représentée par Me Jean-Marc CARNICE, avocat, BIANCHISCHWALD SÀRL, rue Jacques-Balmat 5, case postale 1203, 1211 Genève 1,

recourante,

 

contre l'ordonnance de refus de qualité de partie plaignante rendue le 29 août 2023 par le Ministère public,

 

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 11 septembre 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 29 août précédent, notifiée le lendemain, par laquelle le Ministère public a refusé sa qualité de partie plaignante.

La recourante conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette ordonnance et, cela, fait, à ce que la qualité de partie plaignante lui soit reconnue.

b. La recourante a versé les sûretés en CHF 1'500.- qui lui étaient demandées par la Direction de la procédure.

c. Par ordonnance du 13 septembre 2023 (OCPR/58/2023), la Chambre de céans a rejeté la requête d'effet suspensif accompagnant le recours.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.a. A______ est une ressortissante costaricienne.

a.b. B______ SA était une société active dans le négoce en valeurs mobilières. Elle a été radiée le ______ 2013 par suite de fusion avec C______ SA. Cette dernière, sise à Genève, a pour but l'acquisition, l'administration et le contrôle de participations dans toutes entreprises travaillant dans le domaine financier en Suisse et à l'étranger.

Le 15 mai 2014, C______ SA a transféré des actifs (pour CHF 261'836'208.10) et des passifs envers les tiers (pour CHF 245'150'598.62) à la banque D______.

a.c. E______ et F______ ont successivement siégé au conseil d'administration de B______ SA, C______ SA et D______. Le premier est décédé le ______ 2017.

G______ a, tour à tour, bénéficié d'une signature collective à deux dans ces trois sociétés.

a.d. H______ INC. est une société panaméenne, constituée le ______ 2011. Selon l'acte de constitution, I______ occupait initialement la place de trésorier.

Puis, à teneur de procès-verbaux des 23 décembre 2015, 8 mars et 19 juillet 2016, la direction de la société a – respectivement et notamment – été modifiée comme suit:

- I______ a démissionné;

- E______ et F______ ont été nommés administrateurs;

- F______ a été remplacé par I______;

b. Le 31 mars 2023, A______ a déposé plainte contre I______ et F______ des chefs d'abus de confiance (art. 138 CP) et gestion déloyale (art. 158 CP).

En février 2011, E______ lui avait suggéré d'ouvrir un compte au nom d'une société panaméenne pour la gestion de ses avoirs. Elle avait alors acquis H______ INC., laquelle avait ouvert un compte (n° 1______), par l'entremise de B______ SA, auprès de la banque J______, à K______ [Liechtenstein]. Elle n'avait jamais été en contact avec les administrateurs de H______ INC., gérée par B______ SA et ses successeurs. Ainsi, de 2011 à février 2014, elle échangeait principalement avec E______ et parfois, en l'absence de ce dernier, avec G______.

Après la fusion avec C______ SA, les discussions par courriels étaient demeurées sporadiques. Elle se limitait à demander la confirmation pour l'arrivée de fonds, donnait des ordres de transferts et sollicitait des relevés de compte. Le 17 février 2014, elle avait reçu une réponse automatique l'informant que E______ avait pris sa retraite et que la transmission de messages devait se faire par F______ et/ou G______. Malgré le départ de E______, la gestion du compte de H______ INC. n'avait pas changé. Par contre, à la suite du transfert d'une partie des actifs de C______ SA à D______, un compte avait été ouvert directement au nom de "[s]a société" dans les livres de cette banque, laquelle sollicitait des calls back ou des clarifications avant d'effectuer certains des transferts demandés ou d'accepter des fonds. Elle n'avait jamais été requise de signer des documents en lien avec l'ouverture de ce compte, les démarches ayant vraisemblablement été effectuées par les administrateurs de H______ INC., lesquels disposaient tous, en sus, de pouvoirs de signature au sein de D______.

Alors que G______ et F______ avaient communiqué avec elle, par courriels, durant des années pour l'informer et exécuter ses ordres concernant le compte de H______ INC., D______ avait soudainement changé de position en novembre 2022. Deux de ses messages, contenant des instructions à la banque, étaient restés sans réponse. Après plusieurs relances, D______ l'avait informée que F______ ne travaillait plus pour la banque depuis le 5 septembre 2022, lui communiquant au passage le nom des personnes ayant repris les relations bancaires qu'il gérait, parmi lesquelles figurait G______. En outre, la banque avait refusé de donner suite à ses instructions, prétextant qu'aucun élément dans leur dossier ne démontrait sa position de représentante autorisée. Elle avait alors invité D______ à se référer aux courriels échangés entre elle et E______, G______ et F______ depuis dix ans, desquels il ressortait qu'elle était l'ayant droit économique du compte n° 01______ de H______ INC. et que ses instructions avaient toujours été suivies. Les réponses reçues de la banque étaient restées laconiques, lui conseillant notamment de s'adresser à I______.

Sur ces entrefaites, elle avait découvert par la presse que F______ avait été arrêté le 5 septembre 2022 pour avoir "grugé" une partie de la clientèle de D______, à hauteur de plusieurs dizaines de millions de francs. La banque avait déposé plainte à Genève. Ayant été en contact avec l'intéressé, elle craignait d'être parmi ses cibles et que le compte de H______ INC. eût été parmi ceux objet des malversations de F______, avec, selon toute vraisemblance, la complicité de I______. Ses avoirs se trouvant toujours sur le compte de "[s]a société", il n'y avait aucune raison, pour la banque, de ne pas répondre à ses interrogations légitimes. Ses doutes étaient, en outre, exacerbés par le fait que, malgré le décès de E______, F______ et I______ n'avaient entrepris aucune démarche pour nommer un nouvel administrateur au sein de H______ INC.

c. Cette plainte a rejoint la procédure ouverte en septembre 2022 contre F______, prévenu notamment d'escroquerie, de gestion déloyale et d'abus de confiance face à plus d'une dizaine de parties plaignantes, parmi lesquelles figurent D______.

d. Sur ordre de dépôt du Ministère public, D______ a versé au dossier toute la documentation habituelle ayant trait au compte n° 1______. Elle a également inclus la documentation relative au sous-compte n° 2______.

Il ressort notamment des documents d'ouverture que H______ INC. est la titulaire du compte principal, que I______ est le représentant de la société et que A______ est l'ayant droit économique.

e. Lors de l'audience du 19 juin 2023, F______ a contesté la qualité de partie plaignante de A______.

f. Par courriers distincts du 3 juillet 2023, F______ et D______ ont soutenu que A______ ne disposait pas de la qualité de partie plaignante. Il pouvait même être mis en doute que la précitée fût bien l'ayant droit économique du compte n° 1______.

g. Par courrier du 14 juillet 2023, A______ s'est déterminée. Les documents à la procédure, auxquels elle avait eu accès, démontraient qu'elle était l'ayant droit économique du compte n° 1______, ainsi que du sous-compte n° 2______ ouvert indument par F______, avec l'aide de I______. En particulier, elle avait signé, le 24 février 2011, un "Trust Agreement" avec ce dernier, à teneur duquel elle était la bénéficiaire du patrimoine de H______ INC. Ce statut lui était également reconnu sur de nombreux formulaires internes à D______ et la documentation bancaire démontrait que toutes ses instructions avaient été exécutées.

Elle reprochait, par ailleurs, à F______ de lui avoir transmis des fausses estimations du compte, dans le but de la tromper et de lui cacher la situation exacte. Ces relevés – faux – lui avaient été directement adressés et, par ce biais, le précité cherchait à la dissuader de demander des informations complémentaires. Ces fausses estimations préparées par F______ n'avaient pas eu "pour effet de diminuer de près de USD 9 millions les valeurs patrimoniales déposées sur le compte, mais tous les actes accomplis en amont, à savoir l'acquisition des actions […], les transferts non autorisés à d'autres clients de la banque et à des tiers, la création de sous-comptes, les nantissements frauduleux, etc.". L'élaboration et l'utilisation des faux documents étaient ainsi indispensables pour dissimuler la réalité. C'était ainsi sa confiance à elle qui était atteinte par les agissements de F______, lesquels étaient constitutifs de faux dans les titres.

S'agissant de I______, elle lui avait donné mandat, confié des valeurs patrimoniales et l'avait nommé administrateur et directeur de H______ INC. Or, celui-ci avait signé sans droit des actes de nantissements, approuvé des transferts frauduleux demandés par F______ sans requérir son avis et allant à l'encontre de ses intérêts patrimoniaux. Pour ces actes constitutifs de gestion déloyale, voire d'abus de pouvoir de représentation et d'abus de confiance, elle était directement touchée et disposait ainsi de la qualité de lésée.

Parmi les pièces jointes à ce courrier figure le "Trust Agreement" du 24 février 2011, à teneur duquel A______ a conféré les pouvoirs à I______ pour créer une société au Panama et l'a nommé directeur de celle-ci. Il était autorisé à agir au nom et pour le compte de cette société, mais uniquement sur instructions de A______.

h. Le 28 juillet 2023, F______ a souligné par écrit que les déterminations de A______ éludaient la question de savoir si celle-ci disposait de la qualité de partie plaignante, ce à quoi il fallait répondre par la négative. Le patrimoine éventuellement lésé par les agissements dénoncés appartenait à H______ INC., laquelle n'avait jamais déposé plainte formellement.

i. Le 2 août 2023, A______ a maintenu ses déterminations et réitéré que sa qualité de partie plaignante devait être admise. Ses intérêts particuliers avaient été "touchés directement par l'infraction de faux dans les titres perpétrée" par F______, infraction qui ne visait pas la personne morale dont elle était l'ayant droit économique. D'autre part, les actes de gestion déloyale, voire d'abus de confiance ou d'abus de pouvoir de représentation de I______ avaient été commis à l'encontre de ses intérêts patrimoniaux à elle et la touchaient directement. Il avait ainsi abusé de la confiance non pas d'une personne morale dont il était le représentant mais de la mandante lui ayant confié des pouvoirs, à savoir elle.

j. Le 7 août 2023, A______ a sollicité du Ministère public l'envoi des déterminations écrites de F______ et D______, notamment sur son courrier du 14 juillet 2023.

k. Le 10 août 2023, D______ a, derechef, conclu au rejet de la qualité de partie plaignante de A______.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public relève que A______ reprochait à F______ d'avoir utilisé de manière non conforme à leur accord les valeurs patrimoniales confiées (art. 138 ch. 1 al. 2 CP), d'avoir violé ses devoirs de gérer de manière diligente lesdites valeurs (art. 158 CP) et de lui avoir soumis des relevés de portefeuille contraires à la réalité (art. 251 ch. 1 CP), bien que la plainte pénale déposée ne fît pas état de cette dernière qualification juridique. Elle reprochait également à I______ d'avoir signé des contrats et donné des instructions sans obtenir son accord, et d'avoir signé des estimations de portefeuille contraires à la réalité (art. 251 ch. 1 CP).

Faute de pertinence, il n'était pas nécessaire de trancher la question de savoir si A______ était l'ayant droit économique de H______ INC. Les obligations de F______ avaient exclusivement trait aux comptes nos 1______ et 2______ ouverts en les livres de D______ et dont la société précitée était titulaire. Les agissements reprochés, certains admis et d'autres devant encore être confirmés, portaient exclusivement atteinte aux valeurs patrimoniales dont H______ INC. était propriétaire. Ainsi, en sa qualité de titulaire des comptes précités, seule cette dernière pourrait se constituer partie plaignante et ce, indépendamment de l'auteur de l'infraction, F______ ou I______. En ce qui concerne l'établissement et la signature de portefeuilles contraires à la réalité, leur confection avait pour but de permettre la commission des infractions au préjudice de la société et donc de nuire exclusivement aux intérêts patrimoniaux de cette dernière.

D. Dans son recours, A______ se plaint d'abord d'une violation du droit d'être entendue. Le Ministère public avait rendu l'ordonnance querellée sans lui adresser au préalable, malgré sa demande expresse, les déterminations de F______ du 28 juillet 2023 et celles de D______ du 10 août 2023.

Sur le fond, après un résumé des faits reprochés à I______ et F______, elle explique avoir résilié le "Trust Agreement" signé en faveur du premier le 5 juin 2023 et révoqué tous les pouvoirs de l'intéressé. Depuis lors, elle n'avait pas été en mesure de nommer un nouveau représentant de "sa société". En effet, le "registered agent" avec qui D______ était en contact au Panama pour H______ INC. ne lui reconnaissait pas [à elle] la qualité de donner des instructions concernant la société sans confirmation de la banque, laquelle refusait de donner suite à ses requêtes [à elle] visant à démontrer ses pouvoirs. Concernant F______, sa qualité de partie plaignante se fondait uniquement sur les faits dénoncés constitutifs de faux dans les titres. À ce propos, les fausses estimations du compte de H______ INC. établies et transmises par le précité visaient à la tromper, pour lui cacher la situation exacte du compte dont elle était l'ayant droit économique. Elle était privée de la sorte de son droit d'être renseignée. L'élaboration et l'utilisation de ces faux documents étaient indispensables pour cacher la réalité, sans quoi elle aurait agi plus rapidement et découvert les agissements dénoncés.

Pour I______, la motivation de l'ordonnance querellée ne lui permettait pas de comprendre pourquoi les faits reprochés ne portaient pas atteinte directement à ses intérêts, consacrant ainsi une violation de son droit d'être entendue. Pour le surplus, aux termes du "Trust Agreement", le précité était tenu de gérer ses intérêts patrimoniaux à elle, au détriment desquels il avait agi en signant sans droit des actes de nantissements ou en approuvant des transferts frauduleux demandés par F______ notamment. Elle était ainsi directement touchée par ces agissements.

Selon les pièces produites à l'appui de son recours, elle a reçu, le 31 août 2023, les écrits de F______ du 28 juillet 2023 et ceux de D______ du 10 août 2023.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner d'une personne qui s'est vue refuser la qualité de plaignante, qui a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de l'ordonnance querellée (art. 118 et 382 al. 1 CPP).

2.             La recourante invoque une double violation de son droit d'être entendue.

2.1. Le droit d'être entendu, garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., comprend notamment le droit pour le justiciable de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, celui de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, celui de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 146 IV 218 consid. 3.1.1).

2.2. Le droit d'être entendu impose par ailleurs à l'autorité l'obligation de motiver sa décision afin, d'une part, que son destinataire puisse l'attaquer utilement et, d'autre part, que la juridiction de recours soit en mesure d'exercer son contrôle (ATF 139 IV 179 consid. 2.2; 138 I 232 consid. 5.1).

2.3. Le droit d'être entendu est un grief d'ordre formel, dont la violation entraîne l'annulation de la décision attaquée indépendamment des chances de succès de recours sur le fond. Une violation du droit d'être entendu peut toutefois être considérée comme réparée lorsque l'intéressé jouit de la possibilité de s'exprimer librement devant une autorité de recours disposant du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure et pouvant ainsi contrôler librement l'état de fait et les considérations juridiques de la décision attaquée (ATF 137 I 195 consid. 2.2 et 2.3.2), ce qui est le cas pour l'autorité de recours (art. 391 al. 1 CPP; arrêt du Tribunal fédéral 1B_574/2020 du 3 décembre 2020 consid. 4.1). Une telle réparation dépend de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception (ATF 135 I 276 consid. 2.6.1).

2.4. En l'occurrence, le raisonnement du Ministère public pour refuser à la recourante la qualité de partie plaignante se fonde principalement sur le fait qu'elle n'est pas titulaire des comptes touchés par les agissements dénoncés. L'autorité précédente reconnaît ainsi, hypothétiquement, que seule la société panaméenne, au nom de laquelle lesdites comptes sont ouverts, pourrait revêtir cette qualité à la procédure, à l'exclusion de sa prétendue ayant droit économique et indépendamment de l'auteur de l'infraction.

La recourante ne saurait dès lors se plaindre d'un défaut de motivation. De surcroît, elle a parfaitement compris l'enjeu de cet aspect puisqu'elle plaide, dans son recours, être directement lésée par les infractions en cause.

Pour le surplus, il apparaît que la recourante a obtenu les déterminations des autres parties dont elle sollicitait un tirage avant le dépôt de son recours. Une violation du droit d'être entendu, fût-elle réalisée, aurait ainsi été réparée devant l'instance précédente et, à titre superfétatoire, devant la Chambre de céans, qui dispose d'un plein pouvoir de cognition.

Ce qui précède scelle définitivement le sort du grief.

3.             La recourante fait grief au Ministère public de lui avoir dénié la qualité de partie plaignante.

3.1.1. À teneur de l'art. 118 al. 1 CPP, on entend par partie plaignante le lésé qui déclare expressément vouloir participer à la procédure pénale comme demandeur au pénal ou au civil.

3.1.2. La notion de lésé est définie à l'art. 115 CPP. Il s'agit de toute personne dont les droits ont été touchés directement par une infraction (art. 115 al. 1 CPP). En règle générale, seul peut se prévaloir d'une atteinte directe le titulaire du bien juridique protégé par la disposition pénale qui a été enfreinte, ce qui exclut les dommages par ricochet (ATF 143 IV 77 consid. 2.2; 141 IV 454 consid. 2.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_857/2017 du 3 avril 2018 consid. 2.1). Les personnes subissant un préjudice indirect n'ont donc pas le statut de lésé et sont des tiers n'ayant pas accès au statut de partie à la procédure (arrêt du Tribunal fédéral 1B_191/2014 du 14 août 2014 consid. 3.1).

Ainsi, lorsqu'une infraction contre le patrimoine est perpétrée au détriment d'une personne morale, seule celle-ci subit un dommage et peut donc prétendre à la qualité de lésé, à l'exclusion des actionnaires, des ayants droit économiques et des créanciers, lesquels ne sont considérés comme atteints qu'indirectement, du fait de leur lien avec le titulaire du bien juridique protégé par l'infraction (ATF 141 IV 380 consid. 2.3.3; ATF 140 IV 155 consid. 3.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_608/2020 du 4 décembre 2020 consid. 3.1).

S'agissant en particulier d'infractions contre le patrimoine, le propriétaire des valeurs patrimoniales est considéré comme la personne lésée (arrêts du Tribunal fédéral 1B_18/2018 du 19 avril 2018 consid. 2.1; 1B_191/2014 du 14 août 2014 consid. 3.1; 1B_104/2013 du 13 mai 2013 consid. 2.2).

3.2. Les art. 138 et 158 CP sont classés parmi les infractions contre le patrimoine (Titre 2) et protègent ce bien juridique individuel (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), Commentaire romand, Code pénal II, vol. II, Partie spéciale : art. 111-392 CP, Bâle 2017, n. 3 ad art. 138; M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI (éds), Code pénal - Petit commentaire, 2ème éd. Bâle 2017, n. 2 ad art. 158). L'infraction visée par l'art. 251 CP (faux dans les titres) est susceptible de porter une atteinte immédiate à des intérêts privés (ATF 140 IV 155 consid. 3.3). Tel est le cas lorsque le faux est l'un des éléments d'une infraction contre le patrimoine, la personne dont le patrimoine est menacé ou atteint ayant alors la qualité de lésé (ATF 119 Ia 342 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1274/2018 du 22 janvier 2019 consid. 2.3.1).

3.3. En substance, la recourante reproche à F______ d'avoir établi et de lui avoir transmis des fausses estimations du compte n° 1______, dans le but de la tromper et de dissimuler ses agissements frauduleux sur cette relation bancaire; et à I______ d'avoir, en violation de ses devoirs, découlant en particulier du "Trust Agreement", agi de manière contraire à ses intérêts patrimoniaux, notamment en signant sans droit des actes de nantissement et en approuvant des transferts indus requis par F______.

En l'occurrence, il ressort de la documentation bancaire que H______ INC. est la titulaire des avoirs sur le compte en cause (et du sous-compte n° 2______). La recourante ne semble d'ailleurs pas contester cette titularité. Au contraire, selon ses explications, elle a acquis la société pour placer et confier ses avoirs non pas en son nom, mais en celui d'une personne morale sise au Panama. Depuis le dépôt de sa plainte, la recourante allègue, en outre, être l'ayant droit économique du compte n° 1______.

En résumé, la position de la recourante consiste à dire que "sa société" détient ses biens patrimoniaux.

Cette hypothèse, à supposer qu'elle soit avérée, n'éluderait pas la titularité primaire de H______ INC. sur les avoirs en question.

Or, force est de constater que le patrimoine éventuellement lésé par les agissements dénoncés, en particulier les infractions d'abus de confiance et de gestion déloyale (voire d'abus du pouvoir de représentation), serait justement celui du compte bancaire n° 1______ (et du sous-compte n° 2______) exclusivement. En effet, les actes incriminés ont, cas échéant, été commis au préjudice des avoirs déposés sur lesdits comptes et les prétendus faux documents remis à la recourante visaient à dissimuler ces éventuelles malversations.

En qualité d'ayant droit économique, la recourante ne serait qu'indirectement touché par les infractions concernées. Son argument selon lequel elle serait celle qui devrait être dupée par les faux documents et dont la confiance aurait été trompée doit être écarté dès lors qu'il n'a jamais été question d'actes de disposition au préjudice de son patrimoine personnel. Même ses doléances à l'égard de I______ en lien avec le "Trust Agreement" concernent – in fine – des agissements commis au détriment des avoirs détenus par la société panaméenne.

À titre superfétatoire, il sied de relever qu'il n'est pas établi que la recourante serait en mesure de représenter la société, étant rappelé que dans tous les cas, elle a déposé plainte en son nom et pour son compte. Enfin, le principe de la transparence ("Durchgriff") n'a visiblement pas vocation à s'appliquer au cas d'espèce et n'a, à ce titre, jamais été invoqué par la recourante.

En définitive, la recourante ne revêt pas le statut de lésée en lien avec les infractions dénoncées. Partant, c'est de bon droit que le Ministère public lui a retiré la qualité de partie plaignante à la procédure.

4.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée. Le recours, qui s'avère mal fondé, pouvait être d'emblée traité sans échange d'écritures ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

5.             La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 1'500.- pour l'instance de recours (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'500.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante, soit pour elle son conseil, ainsi qu'au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Alix FRANCOTTE CONUS et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/18450/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'415.00

Total

CHF

1'500.00