Aller au contenu principal

Décisions | Chambre pénale de recours

1 resultats
P/19409/2023

ACPR/128/2024 du 19.02.2024 sur OMP/16725/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : SÉQUESTRE(LP);VÉHICULE;PROPORTIONNALITÉ
Normes : LCR.90a; CPP.263

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/19409/2023 ACPR/128/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 19 février 2024

 

Entre

A______, domiciliée ______, représentée par Me Betsalel ASSOULINE, avocat,
DN Avocats SNC, rue de Rive 4, 1204 Genève,

recourante,


contre l'ordonnance de séquestre rendue le 8 septembre 2023 par le Ministère public,


et


LE MINISTÈRE PUBLIC
de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte déposé le 18 septembre 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 8 précédent, notifiée le jour-même à son fils, B______, par laquelle le Ministère public a ordonné le séquestre du motocycle de marque C______ immatriculé GE 1______.

La recourante conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette ordonnance et à la restitution du véhicule.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 26 juillet 2023, un conducteur, identifié par la suite comme étant B______, né le ______ 2004, a été contrôlé au guidon d'un motocycle de marque C______, immatriculé GE 1______, à la vitesse de 104 km/h (déduction de la marge de sécurité comprise) sur un tronçon limité à 50 km/h.

La carte grise du véhicule est enregistrée au nom de A______, mère de B______.

b. Entendu par la police, ce dernier a admis les faits et déclaré que sa mère était la détentrice du motocycle. Il payait néanmoins les factures relatives à l'assurance et aux plaques et en était l'unique conducteur. Il avait déjà commis deux excès de vitesse en 2022. La moto n'était pas faite pour lui, ça allait "trop vite" et il n'arrivait "pas à gérer".

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public retient que B______ était prévenu de violation fondamentale des règles de la circulation routière. Le précité avait, en outre, été condamné, le 18 janvier 2023, pour deux excès de vitesse au guidon du même motocycle et, le 17 novembre 2022, pour avoir mis le véhicule à disposition d'un tiers qui n'avait pas le permis requis. Il apparaissait que A______ était la détentrice de la moto mais B______ avait déclaré s'acquitter des factures y relatives et en être l'unique utilisateur. Son attitude démontrait un mépris évident des règles de la circulation routière et il se justifiait de séquestrer le véhicule au sens de l'art. 90a LCR.

D. a. Par courriel du 11 septembre 2023, A______ a déclaré au Ministère public être la propriétaire de la [moto de marque] C______, qu'elle souhaitait récupérer.

b. Le jour-même, le Ministère public a répondu, par courrier, que B______ avait déclaré être l'unique utilisateur de la moto et que la voie du recours était à disposition pour contester l'ordonnance de séquestre.

c. Le lendemain, A______ a demandé, par courriel, au Ministère public comment le motocycle avait pu être séquestré alors qu'il n'était pas "la propriété du responsable du délit". D'autres personnes l'utilisaient parfois et il aurait été préférable de "retirer le permis immédiatement au responsable et de pouvoir récupérer le véhicule".

E. a. Dans son recours, A______ explique qu'en raison de ses antécédents judiciaires, son fils avait fait l'objet d'un premier retrait de permis de quatre mois. L'ordonnance querellée la privait de la possibilité de jouir librement de son bien et d'en disposer, ce qui lui conférait un intérêt à recourir. Sur le fond, B______ avait "faussement" déclaré qu'il s'acquittait des factures liées au véhicule; en réalité, elle se chargeait de ces frais. Elle avait formellement interdit à son fils tout accès au motocycle. Elle souhaitait le récupérer pour le vendre et mettre un terme aux contrats en cours, notamment l'assurance. Ses intentions allaient ainsi dans le même sens que celles du Ministère public.

Parmi les pièces jointes au recours de A______ figurent:

- une déclaration du 18 septembre 2023 signée de sa main, selon laquelle elle aurait déjà des acheteurs potentiels pour le motocycle et qu'elle déposerait les plaques dès la restitution du véhicule;

- les ordonnances pénales des 17 novembre 2022 et 18 janvier 2023 à l'encontre de B______.

b. Dans ses observations, le Ministère public constate que les faits reprochés à B______ étaient graves et que plusieurs avertissements ne semblaient pas avoir dissuadé ce dernier de reprendre le guidon, ni convaincu A______, en tant de détentrice du motocycle, de prendre des mesures pour empêcher son fils de commettre des infractions. La mise sous séquestre de la C______ apparaissait ainsi comme le seul moyen susceptible d'empêcher B______ de réitérer. Les allégations de A______ s'agissant d'une vente du véhicule et d'une interdiction faite à son fils de l'utiliser n'étaient pas suffisantes. En tout état, B______ vivant chez sa mère, il aurait toujours accès au motocycle jusqu'à son éventuelle vente.

c. Dans sa réplique, A______ explique, pièce à l'appui, que son fils faisait l'objet d'une décision du 9 octobre 2023 de l'Office cantonal des véhicules, lui retirant le permis de conduire pour une durée de deux ans. En outre, le Ministère public n'avait pas tenu compte de sa promesse écrite de déposer la moto auprès d'un garage et les plaques à l'OCV. La mesure de séquestre la sanctionnait alors qu'elle n'était pas prévenue et qu'elle entendait se "débarrasser" du motocycle pour éviter toute nouvelle infraction.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours a été interjeté selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) et concerne une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP).

1.2. Même si le prévenu a déclaré être l'unique utilisateur du motocycle séquestré, il a déclaré que sa mère, recourante, en était la détentrice, ce qui ne semble pas contesté par le Ministère public.

Partant, il peut être reconnu à celle-ci le statut de tiers saisi qui, partie à la procédure (art. 105 al. 1 let. f CPP), dispose d'un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP; arrêt du Tribunal fédéral 1B_556/2017 du 5 juin 2018 consid. 1.3).

Il s'ensuit que le recours est recevable.

1.3. Il en va de même pour les pièces nouvelles, la jurisprudence admettant la production de faits et moyens de preuve nouveaux en deuxième instance (arrêt du Tribunal fédéral 1B_550/2022 du 17 novembre 2022 consid. 2.1).

2.             La recourante remet en cause le séquestre du motocycle.

2.1. Les conditions de la confiscation posées à l'art. 90a al. 1 let. a LCR sont en principe remplies en cas de violation grave qualifiée des règles de circulation au sens de l'art.  90 al. 3 et 4 LCR (cf. ATF 140 IV 133 consid. 3.4 p. 138). Au stade du séquestre, la condition cumulative de l'absence de scrupules n'a pas à être examinée (ATF 140 IV 133 consid. 4.2.1 p. 138).

2.2. En principe, le séquestre en vue de la confiscation pour des motifs sécuritaires d'un véhicule automobile propriété d'un tiers est également admissible, lorsque le véhicule utilisé reste à la disposition du conducteur et que le séquestre paraît propre à prévenir, respectivement à retarder ou à rendre plus difficile, à tout le moins, la commission de nouvelles infractions graves aux règles de la circulation (ATF
140 IV 133 consid.  3.5).

Lorsqu'il s'agit d'un véhicule familial, la confiscation sera, en principe, exclue, sauf à démontrer concrètement l'existence d'un risque que l'ayant droit mette à nouveau à disposition de l'auteur, le véhicule en question. Tel pourra être le cas, par exemple, lorsque l'auteur a déjà commis des infractions graves au moyen du véhicule et que l'ayant droit ne fait rien pour l'empêcher d'accéder au véhicule, voire continue de le lui mettre à disposition (D. GALLIANO, Le délit de chauffard, Analyse et implications de l'art. 90 al. 3 LCR, 2019, p. 165; Y. JEANNERET, Via Sicura : le nouvel arsenal pénal, Circulation routière 2/2013, p. 43; cf. également H. GIGER, SVG, Kommentar, Strassenverkehrsgesetz mit weiteren Erlassen, 9ème éd., n. 26 et 38 ad art. 90a).

2.3. Un séquestre fondé sur l'art. 263 al. 1 let. d CPP et destiné à préparer une telle confiscation est admissible (ATF 139 IV 250 consid. 2.3.4).  

2.4. En l'espèce, avec le motocycle séquestré, le prévenu, fils de la recourante, a déjà commis deux excès de vitesse en 2022, pour lesquels il a été déclaré coupable, le 18 janvier 2023, de violations graves des règles de la circulation routière. Selon les dires de sa mère, cette condamnation a entrainé un premier retrait de permis, pour une durée de quatre mois.

Malgré ces avertissements, l'intéressé a réitéré ses délits, le 26 juillet 2023, en dépassant la vitesse autorisée de plus de 54 km/h, sur un tronçon limité à 50 km/h. S'agissant de la recourante, cela signifie qu'en dépit des précédentes sanctions – pénales et administratives – à l'encontre de son fils, elle lui a laissé à disposition le véhicule dont elle est détentrice ou, à tout le moins, ne l'a pas empêché de l'utiliser.

Face à ces constats, on peut craindre qu'en cas de restitution du véhicule à la recourante, de nouvelles infractions soient commises par le prévenu, même si ce dernier fait l'objet d'un retrait de permis et si sa mère affirme qu'elle lui interdira de conduire.

L'intérêt d'éviter toute récidive prime, par ailleurs, celui de la recourante à récupérer le motocycle. Ses désagréments liés au séquestre sont minimes dès lors qu'au regard du type de véhicule, son aspect utilitaire peut être fortement nuancé. En outre, le prévenu a déclaré être le seul à le conduire et la recourante échoue à démontrer que d'autres personnes s'en servent, comme elle l'allègue pourtant. Enfin, rien ne l'empêche d'ores et déjà de déposer les plaques et de résilier le contrat d'assurance du véhicule.

Au vu de ce qui précède, le Ministère public était fondé à refuser la levée du séquestre.

3.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

4.             La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'état, qui seront fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante, soit pour elle son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Olivia SOBRINO, greffière.

 

La greffière :

Olivia SOBRINO

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/19409/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

Total

CHF

900.00