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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/19402/2020

ACPR/9/2024 du 11.01.2024 sur OPMP/9405/2022 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : INFRACTIONS CONTRE LE PATRIMOINE;ACCÈS INDU À UN SYSTÈME INFORMATIQUE;SOUSTRACTION DE DONNÉES(ART. 143 CP);QUALITÉ POUR RECOURIR
Normes : CP.137; CP.139; CP.143; CP.143bis; CPP.382; CPP.310; CPP.354

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/19402/2020 ACPR/9/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 11 janvier 2024

 

Entre

A______, domicilié ______ [GE], représenté par Me B______, avocat,

recourant,

contre l'ordonnance de non-entrée en matière partielle rendue le 11 octobre 2022 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par ordonnance pénale et de non-entrée en matière partielle rendue le 11 octobre 2022, le Ministère public a, notamment :

·        refusé d'entrer en matière sur quatre des infractions reprochées par A______ à C______, soit celles d'appropriation illégitime (art. 137 CP), vol (art. 139 CP), soustraction de données (art. 143 CP) et accès indu à un système informatique (art. 143bis CP; ch. 2 du dispositif);

·        déclaré le second nommé coupable de tentative de contrainte (art. 22 cum 181 CP; ch. 3 du dispositif);

·        rejeté les réquisitions de preuve formulées par les parties (ch. 1 du dispositif), et

·         condamné C______ à payer à A______ CHF 1'944.-, au titre de dépens (art. 433 CPP; ch. 7 du dispositif).

b. Par acte expédié le 31 du même mois, A______ recourt contre cette ordonnance, communiquée par pli simple.

Il conclut, sous suite de frais et dépens : à ce que la faculté de compléter son acte, de répliquer et de déposer des observations complémentaires lui soit réservée; à l'annulation des chiffres 1, 2, 3 et 7 du dispositif précité; au renvoi de la cause au Procureur afin qu'il poursuive l'instruction, puis rende une ordonnance pénale contre C______ du chef des cinq infractions susvisées, celle à l'art. 181 CP ayant été consommée et non seulement tentée; au paiement, par le prénommé, de l'intégralité de ses dépens, totalisant CHF 18'589.75.

c. Le recourant a versé les sûretés en CHF 900.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.a. A______ a acquis, pour son activité professionnelle – qu'il a exercée sous la forme, tout d'abord, d'une entreprise individuelle, puis, à compter de 2015, d'une société à responsabilité limitée (D______ SARL) –, le nom de domaine "D______.ch".

a.b. Dès 2011, il a pratiqué cette activité dans des locaux commerciaux pris à bail auprès de C______.

b.a. En 2017, les prénommés ont convenu que C______ accomplirait, en faveur de A______, des prestations de "support informatique".

Pour faciliter celles-ci, le premier cité a fait transférer l’hébergement de "D______.ch" sur une nouvelle plateforme, auprès de E______ [service d'hébergement de sites web], à l’aide des codes que le second lui a transmis.

b.b. Ce transfert a été exécuté au nom de C______, qui est, depuis lors, formellement, le détenteur du nom de domaine susvisé.

c.a. Fin 2019, A______ a quitté les locaux du prénommé.

c.b.a. En été 2020, il a requis de C______ qu'il lui "restitue" le nom de domaine précité, ajoutant qu’il se l’était "frauduleusement approprié sans son accord".

c.b.b. Ce dernier a rappelé à A______ qu'il avait consenti au transfert, à son nom, de "D______.ch", cela pour simplifier l'exécution des prestations de "support informatique".

Il entreprendrait, auprès de E______, les démarches nécessaires à la transmission de l'identifiant susvisé, sitôt qu'il lui aurait versé la somme de CHF 3'065.-, dont D______ SARL lui restait redevable.

c.b.c. Ce montant correspond à trois factures, adressées en 2020 par C______ à la société précitée, pour des loyers, frais divers ainsi qu'abonnement et licence informatiques, impayés.

d.a. Le 15 octobre 2020, A______ a déposé plainte pénale contre C______.

Le mis en cause s’était approprié "D______.ch" (art. 137 et 139 CP), après que lui-même lui avait communiqué ses codes informatiques pour transférer ce nom de domaine sur une nouvelle plateforme d'hébergement. Depuis lors, C______ disposait d'un accès aussi bien à sa correspondance électronique qu'à des données couvertes par le "secret professionnel" (art. 143 et 143bis CP).

Ensuite de cette usurpation, le prénommé avait exercé des pressions inacceptables, constitutives de contrainte (art. 181 CP), pour lui soutirer de l’argent indu.

d.b. Le 26 octobre suivant, le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur cette plainte, au motif que le litige entre les prénommés était de nature purement civile (ONMMP/3274/2020).

d.c. Par arrêt du 4 mai 2021, la Chambre de céans, saisie par A______ d'un recours contre cette décision, a annulé celle-ci et renvoyé la cause au Procureur pour qu'il ordonne, à tout le moins, une enquête préliminaire (ACPR/293/2021).

Elle a en substance considéré que le nom de domaine litigieux constituait une donnée informatique, et non une chose mobilière, de sorte que les infractions aux art. 137 et 139 CP ne pouvaient entrer en ligne de compte.

Les conditions d’application des art. 143 et 143bis CP ne "parai[ssaien]t" pas être réalisées, dès lors que A______ avait lui-même transmis à C______ les codes d’accès à son nom de domaine, étant précisé que "l’abus de confiance informatique" ne tombait point sous le coup de ces normes.

En revanche, l’infraction de contrainte ne pouvait être niée, à ce stade.

À cette aune, les faits dénoncés étaient susceptibles de revêtir une connotation pénale.

e.a. Entendu par le Procureur, A______ a persisté dans les termes de sa plainte. Il contestait devoir CHF 3'065.- à C______, raison pour laquelle il ne lui avait jamais versé cette somme.

e.b. Prévenu d'infraction à l'art. 181 CP, ce dernier a contesté tout acte pénalement répréhensible. Il avait fait, et continuait de faire, usage de son droit de rétention au sens de l'art. 895 CC. Ses agissements ne prétéritaient en rien le fonctionnement du site Internet concerné; lui-même n'avait nullement accès aux données de ce site, mais uniquement aux informations nécessaires à sa configuration.

e.c. Les deux prénommés ont requis l'audition de témoins.

e.d.a. Par avis de prochaine clôture du 15 juillet 2021, le Ministère public a informé les parties qu'il entendait rendre une ordonnance pénale contre C______ du chef de tentative de contrainte.

e.d.b. A______ s'y est opposé, en ce sens que l'infraction à l'art. 181 CP devait être considérée comme consommée, et non seulement tentée. Il convenait, par ailleurs, de condamner le prévenu à l’indemniser de ses dépens (CHF 18'589.75).

e.e. Les parties ayant accepté la mise en œuvre d'une médiation, la cause a été suspendue au printemps 2022, puis, ce processus ayant échoué, reprise en automne suivant.

C. a. Dans sa décision déférée, le Procureur a refusé aussi bien de donner suite aux réquisitions de preuve des parties que d'entrer en matière sur les infractions aux art. 137, 139, 143 et 143bis CP.

b.a. À l'appui de son ordonnance pénale, il a retenu que C______ s'était rendu coupable de tentative de contrainte, le plaignant ne s'étant point acquitté des montants réclamés par le prénommé.

A______ ayant partiellement obtenu gain de cause, une indemnité de procédure de CHF 1'944.- lui serait allouée et mise à la charge du prévenu.

b.b. C______ a formé opposition à cette ordonnance. La procédure est actuellement pendante devant le Tribunal de police.

D. a. Dans son recours, A______ fait grief au Ministère public d'avoir, d'une part, rejeté ses réquisitions de preuve, lesquelles tendaient à établir des éléments "assurément cruciaux", et, d'autre part, refusé d'instruire les infractions aux art. 137, 139, 143 et 143bis CP, faisant ainsi fi des aveux du prévenu, qui avait reconnu s'être approprié, et avoir utilisé, sans droit, le nom de domaine litigieux.

S’agissant de l'infraction de contrainte, l'autorité intimée avait retenu, à tort, la circonstance atténuante de la réalisation sous forme de tentative.

La décision attaquée violait, en outre, l'art. 433 CPP, seule une partie de ses dépens lui ayant été allouée.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT :

1.             La Chambre de céans peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les actes manifestement irrecevables et/ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

2.             2.1. Le recours a été interjeté dans le délai utile (art 396 al. 1 CPP), en l’absence de respect des réquisits de l’art. 85 al. 2 CPP.

Il est, de surcroît, motivé et exhaustif (art. 385 al. 1 et CPP), de sorte que son complètement, le cas échéant via une réplique ou des observations complémentaires, n’a pas lieu d’être (art. 385 al. 2 CPP; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1447/2022 du 14 mars 2023 consid. 1.1).

2.2. En tant que les griefs sont dirigés contre la décision de refus d'entrée en matière partielle du Ministère public, ils sont sujets à contestation devant la Chambre de céans (art. 310 al. 2 et 322 al. 2 cum 393 al. 1 let. a CPP).

2.2.1. Le recourant est le titulaire du bien juridique protégé par les art. 137, 139, 143 et 143bis CP (art. 115 CPP), dès lors qu’il a acquis, à titre personnel, le nom de domaine litigieux. Il revêt, ainsi, la qualité de partie plaignante (art. 104 al. 1 let. b CPP).

2.2.2. Reste à déterminer s'il dispose d'un intérêt juridiquement protégé (art. 382 CPP) à voir poursuivre les infractions précitées.

Dans son arrêt ACPR/293/2021, la Chambre de céans a considéré que les faits dénoncés étaient susceptibles de revêtir une connotation pénale, raison pour laquelle elle a annulé l'ordonnance ONMMP/3274/2020.

Elle a toutefois exclu que ces faits puissent être qualifiés d'appropriation illégitime et de vol, le nom de domaine concerné constituant une donnée informatique, et non une chose mobilière. À défaut, pour le recourant, d'avoir remis en cause cette appréciation devant le Tribunal fédéral, il est, aujourd’hui, forclos à se prévaloir des art. 137 et 139 CP.

Il conserve, en revanche, un intérêt à ce qu'il soit statué sur les infractions aux art. 143 et 143bis CP, la juridiction de recours ne s'étant pas prononcée de manière définitive à leur sujet (puisqu'elle a uniquement retenu que les conditions d’application de ces normes ne paraissaient pas être réalisées).

Le recours formé contre la non-entrée en matière n’est donc recevable qu’en tant qu'il porte sur ces deux derniers aspects.

2.3. Le recourant sollicite l'annulation des chiffres 2 et 7 du dispositif attaqué, à teneur desquels le Ministère public a déclaré le prévenu coupable de tentative de contrainte [et non de contrainte avérée] et l’a condamné au paiement d’une indemnité de procédure (CHF 1'944.-).

Ces conclusions sont irrecevables, seule la voie de l'opposition étant ouverte pour quereller une ordonnance pénale (art. 354 CPP).

Il n'y a pas de place non plus pour un éventuel classement partiel implicite, les actes imputés au prévenu, qu'ils aient été consommés ou seulement tentés, relevant du même état de faits.

3. Le recourant tient pour réalisées les conditions des art. 143 et 143bis CP.

3.1. Le prononcé d'une non-entrée en matière s'impose lorsque les éléments constitutifs d'une infraction ne sont manifestement pas réunis (art. 310 al. 1 let. a CPP).

Il suffit, pour rendre une telle décision, qu'un seul desdits éléments ne soit pas réalisé (Y. JEANNERET/ A. KUHN/ C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 8 ad art. 310).

3.2.1. L’art. 143 CP réprime quiconque, dans un dessein d'enrichissement illégitime, soustrait, pour lui-même ou un tiers, des données enregistrées qui ne lui sont pas destinées et qui sont spécialement protégées contre tout accès indu de sa part.

L’art. 143bis CP sanctionne, sur plainte, la personne qui s’introduit sans droit, au moyen d’un dispositif de transmission de données, dans un système informatique appartenant à autrui et spécialement protégé contre tout accès de sa part.

3.2.2. Ces infractions supposent que les données ou le système informatique(s) concerné(es) soi(en)t protégé(es) contre des attaques extérieures, au moyen, notamment, d’un codage ou d’un mot de passe (M. DUPUIS/ L. MOREILLON/ C. PIGUET/ S. BERGER/ M. MAZOU/ V. RODIGARI (éds), Code pénal - Petit commentaire, 2ème éd., Bâle 2017, n. 13 ad art. 143 et n. 11 ad art. 143bis).

La personne qui dispose du droit d'utiliser de telles données [ou système] et qui, soit outrepasse ce droit, soit utilise indument ceux-là, n'est pas punissable, faute, pour les art. 143 [et 143bis] CP, de réprimer "l'abus de confiance informatique" (M. DUPUIS/ L. MOREILLON/ C. PIGUET/ S. BERGER/ M. MAZOU/ V. RODIGARI (éds), op. cit., n. 14 ad art. 143).

3.3.1. En l'espèce, il résulte du dossier que le recourant a lui-même transmis au mis en cause les codes d'accès de son nom de domaine, permettant ainsi à l’intéressé de transférer, sur une autre plateforme, l'hébergement du site Internet concerné, d'en devenir le détenteur et de l'utiliser.

Le mis en cause n'a donc pas eu à détourner de sécurité/barrière pour agir comme il l’a fait.

Il s'ensuit que l'une des conditions des art. 143 et 143bis CP n'est pas réalisée.

Aucun acte d'enquête ne serait apte à infirmer ce constat, le recourant ayant admis, dans sa plainte, dont il a confirmé la teneur devant le Ministère public, avoir effectivement communiqué ses codes au mis en cause.

3.3.2. Le fait que ce dernier a pu, éventuellement, utiliser les données informatiques concernées contrairement aux instructions reçues du recourant, en s'écartant de la destination fixée, n'est pas déterminant, les deux dispositions précitées ne réprimant point "l'abus de confiance informatique".

Il s’ensuit que l’ouverture d'une instruction sur cet aspect n'a pas non plus lieu d'être.

3.3.3. À cette aune, la non-entrée en matière déférée est exempte de critique.

4. Le recourant invoque une application arbitraire de l'art 433 CPP.

Il ne peut, toutefois, prétendre à l'octroi de dépens en lien avec les infractions – non retenues – aux art. 137, 139, 143 et 143bis CP, la procédure étant définitivement close sur ces points.

5. Infondé, le recours doit donc être rejeté, dans la mesure de sa recevabilité.

6. 6.1. Le recourant succombe (art. 428 al. 1, 1ère et 2ème phrases, CPP).

Il supportera, en conséquence, les frais de la cause, fixés en totalité à CHF 900.- (art. 3 cum 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03), somme qui sera prélevée sur les sûretés versées.

6.2. Corrélativement, aucun dépens ne lui sera alloué pour la procédure de recours (ATF 144 IV 207 consid. 1.8.2).

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours, dans la mesure de sa recevabilité.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées (CHF 900.-).

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Le communique, pour information, à C______, soit pour lui son avocat, et au Tribunal de police.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).

 

 


 

P/19402/2020

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

-

CHF

Total

CHF

900.00