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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/26793/2023

ACPR/12/2024 du 11.01.2024 sur OTMC/3691/2023 ( TMC ) , ADMIS/PARTIEL

Descripteurs : DÉTENTION PROVISOIRE;PROPORTIONNALITÉ
Normes : CPP.221; CPP.237

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/26793/2023 ACPR/12/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 11 janvier 2024

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison de B______, représenté par Me F______, avocat,

recourant,

 

contre l'ordonnance de mise en détention provisoire rendue le 8 décembre 2023 par le Tribunal des mesures de contrainte,

 

et

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève - case postale 3715, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A.           Par acte expédié le 18 décembre 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 8 précédent, notifiée sur-le-champ, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) a ordonné sa mise en détention provisoire jusqu'au 6 mars 2024.

Le recourant conclut à l'annulation de cette ordonnance et à sa mise en liberté immédiate, subsidiairement au moyen des mesures de substitution "adéquates", ou, plus subsidiairement, à la limitation de sa détention à une durée de trois semaines.

B.            Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. A______, ressortissant français né en 1984, est prévenu de tentative d'extorsion et chantage (art. 22 cum 156 CP), contrainte (art. 181 CP) et infraction à l'art. 33 LArm.

Il est fortement soupçonné d'avoir, à Genève, à partir d'octobre 2023, en profitant de sa carrure imposante, exercé des pressions, menaces et violence sur C______ – qui n'a pas déposé plainte pénale –, respectivement ses proches, dans le but de récupérer le solde d'une dette de jeu d'environ CHF 170'000.- due par le précité à D______, plus particulièrement, en menaçant de lui casser les dents et de lui couper un doigt ; lui donnant une gifle ; effectuant une "balayette" pour le faire tomber, puis lui donnant divers coups de pieds dans le dos ainsi que des coups de poings au visage, lui causant ainsi des lésions (30 novembre 2023) ; en annonçant au père de C______ qu'il allait "prendre" son fils avec lui à E______ [France] (30 novembre 2023); et en ordonnant à ce dernier de se rendre "sans faute" à la gare, puis lui disant qu'il allait le suivre à E______, avant de l'obliger à utiliser le haut-parleur de son téléphone pour parler à ses proches.

Il lui est en outre reproché d'avoir détenu et porté sur lui, le 6 décembre 2023, un taser, soit une arme interdite.

b. Il ressort du dossier que C______, né en 2000, souffre d'une addiction au jeu et doit de l'argent à de nombreuses personnes, pour un montant estimé à CHF 1 million. Dans ce cadre, il avait contracté auprès de D______, domicilié en France, un prêt de USD 470'000.- en crypto-monnaie, soit environ CHF 430'000.-, qu'il avait remboursé en partie. La police a été contactée par les parents de C______, qui étaient inquiets pour lui en raison des pressions exercées par A______. C______ s'est finalement, le 7 décembre 2023, rendu dans un poste de police pour "éviter un déplacement forcé à E______" et "laisser une trace au cas où un événement plus grave venait à se passer" ; il n'a pas déposé plainte pénale.

c. Lors de son audition par la police, C______ a admis qu'il devait encore environ un solde de CHF 170'000.- à D______, lequel avait envoyé A______ récupérer l'argent. Au début, il avait remis des sommes, suivant ses possibilités, à A______, qui était "assez satisfait". A______ lui avait remis EUR 8'000.- afin qu'il achète des montres en leasing, ce qu'il avait fait, mais les demandes avaient été refusées par les revendeurs.

Les choses s'étaient "envenimées" lorsque D______ s'était impatienté. Environ trois semaines avant l'arrestation de A______, ce dernier avait commencé à le menacer. "Au départ" – sans précision de date –, le précité lui avait donné une gifle. Puis, le 30 novembre 2023, A______ l'avait fait chuter en lui faisant une "balayette", et lui avait donné des coups de poing au visage et des coups de pied dans le dos. Le 6 décembre 2023, A______ l'avait sommé de se rendre à la gare, ce qu'il avait fait, tout en demandant à son amie de "faire le guet" pendant qu'il rencontrait le précité, car il avait peur.

Ladite amie a déclaré à la police avoir fait le guet ce jour-là et lors de précédentes rencontres entre C______ et A______, mais n'avoir jamais assisté à des actes de violence de la part du dernier cité. Elle savait seulement que la situation était "tendue", car C______ devait beaucoup d'argent à D______ et d'autres personnes.

C______ n'a pas fait constater médicalement de lésions, mais a photographié ses tuméfactions au visage (pommette et lèvres) et à la main, photographies que la police a extraites du téléphone du précité et qui figurent au dossier.

Le père de C______ a expliqué avoir entendu parler de A______ en octobre 2023 par son fils, qui disait que ce dernier le frappait et le menaçait pour récupérer l'argent dû à D______. Il avait lui-même rencontré A______ à une reprise. Ce dernier lui avait dit qu'il allait "prendre [s]on fils". Lorsqu'il lui avait rétorqué que ce serait un enlèvement, A______ lui avait répondu que C______ le suivrait de son plein gré. Il avait conseillé à son fils d'appeler la police mais ce dernier n'avait pas voulu, car "ça n'allait rien changer". Durant cette période, son fils lui avait plusieurs fois réclamé de l'argent pour régler ses dettes, requêtes auxquelles il n'avait pas accédé.

Selon les informations recueillies par la police, un dénommé "D______", domicilié à E______ [France], a été identifié. Il serait connu pour extorsion par violence, violence commises en réunion et menaces de mort réitérées. Dans son rapport du 7 décembre 2023, la Brigade de répression du banditisme a sollicité de l'entendre par voie d'entraide internationale.

d. Lors de son audition par la police et le Ministère public, A______ a exposé être venu à Genève, une première fois, en août 2023 à la demande de D______, un ami domicilié en France, pour récupérer une somme d'argent due par C______ au précité. À Genève, ce dernier lui avait remis un sac en plastique contenant l'argent, que lui-même avait transporté jusqu'à E______ pour qu'il soit remis à D______.

En septembre 2023, D______ lui avait demandé de retourner voir C______, car ce dernier n'avait pas payé l'entier de la dette. L'intéressé lui avait remis CHF 10'000.-, que lui-même avait ensuite ramenés à E______.

Lors de sa troisième venue à Genève, dix jours avant son arrestation, C______ ne lui avait pas remis d'argent, car il n'en avait pas. Le précité lui avait toutefois dit qu'il était sur "un coup […] pour avoir du cash" et qu'il lui fallait une mise de départ, de sorte que lui-même lui avait versé EUR 10'500.- de ses propres économies. Il était toutefois retourné à E______ sans avoir été remboursé par C______.

La semaine avant son arrestation, il était revenu à Genève pour rencontrer C______. Il lui avait "mis des baffes", avec la main ouverte, et lui avait fait une "balayette", provoquant sa chute. Il ne l'avait toutefois pas frappé, ni au visage ni dans le dos. Sur proposition de C______, ils étaient allés voir le père et les grands-parents du précité, qui disait pouvoir obtenir de l'argent de ses proches, mais les intéressés n'avaient pas été "réceptifs". Lui-même était resté en retrait lors de ces rencontres.

Le 6 décembre 2023, il était revenu à Genève pour confronter C______ à ses mensonges, ce dernier lui affirmant depuis plusieurs jours qu'il allait recevoir de l'argent, mais rien de s'était produit. Il avait convenu avec D______ de ramener C______ avec lui à E______ pour que ce dernier travaille dans une société, en vue de rembourser sa dette. Il avait certes insulté C______, par suite des mensonges racontés par le précité, mais il ne l'avait nullement menacé de lui casser les dents ou de lui couper un doigt, ni ne l'avait contraint. Il l'avait giflé, mais ne lui avait pas causé de lésions. C______ lui avait dit avoir été frappé par d'autres créanciers.

e. A______ a remis son téléphone, ainsi que le code de verrouillage, aux policiers.

f. S'agissant de sa situation personnelle, A______, domicilié en France, est marié et sans enfants. Il dit percevoir un revenu de EUR 1'000.- par mois en qualité d'hôte d'accueil, son épouse gagnant quant à elle EUR 3'500.-.

Selon l'extrait de son casier judiciaire français, il a été condamné à 16 reprises, notamment pour transport et détention de stupéfiants (2005 et 2013), mise en danger d'autrui (2006), rébellion (2009), obtention frauduleuse d'un document administratif (2013), escroquerie en bande organisée (2015), menace et violence avec usage ou menace d'une arme suivie d'incapacité supérieure à huit jours (2018) et diverses infractions au code de la route.

Il n'a pas d'antécédents judiciaires en Suisse.

g. A______ a comparu devant le TMC le 8 décembre 2023.

C.           Dans l'ordonnance querellée, le TMC a retenu l'existence de charges suffisantes, pour les infractions de contrainte et de délit à l'article 33 LArm, "à l'exclusion de l'extorsion, dès lors que l'argent réclamé corresponda[i]t à des dettes de la victime ". Les soupçons reposaient sur les déclarations "circonstanciées et mesurées" de C______ et de son père, les propres déclarations du prévenu, lequel avait été interpellé en possession d'un taser et disposait d'un physique très impressionnant qui, à lui seul, était susceptible de générer de la peur chez un débiteur récalcitrant, ce qu'il ne pouvait ignorer.

L'instruction ne faisait que commencer, le Ministère public annonçant devoir confronter le prévenu à C______ et au père de ce dernier, entendre l'amie de C______, recevoir de la police le résultat de l'analyse du contenu du téléphone portable du prévenu et son casier judiciaire français, et entendre D______ (le cas échéant par voie de commission rogatoire).

A______ présentait un risque concret de fuite, au vu de sa nationalité française et l'absence d'attache avec la Suisse. Le risque de collusion était tangible vis-à-vis de C______, du père de celui-ci et de D______. Le risque de réitération était patent, au vu de ses antécédents judiciaires français. Ni une assignation à résidence, ni le port d'un bracelet électronique ni l'obligation de se présenter à un poste de police, n'empêcheraient le prévenu de se soustraire à la justice suisse en fuyant en France et, partant, ne sauraient constituer des garanties suffisantes de représentation. Aucune mesure n'était en outre apte à pallier les risques de collusion et de réitération à ce stade de l'instruction.

La détention pour une durée de trois mois était nécessaire au Ministère public pour accomplir les actes d'instruction susmentionnés, en particulier l'extraction et l'analyse des données contenues dans le téléphone du prévenu, avant de déterminer la suite de la procédure.

D.           a. Dans son recours, A______ invoque une constatation incomplète des faits, une violation de son droit d'être entendu, une interprétation inexacte de la loi et l'inopportunité de la décision (art. 393 al. 2 let. c CPP). Il expose n'avoir eu aucun intérêt dans le cadre de la relation d'affaires entre D______ et C______, son rôle se limitant au transport des valeurs remises. Le fait qu'il eût lui-même prêté EUR 10'500.- à C______ démontrait, selon lui, le climat de confiance régnant entre eux et la bienveillance dont il avait fait preuve à l'égard du précité. Il était en effet insoutenable de penser qu'il aurait pu se rendre coupable des faits reprochés tout en acceptant de prêter de l'argent à C______. Il avait d'ailleurs remis à ce dernier ses documents d'identité et ses coordonnées bancaires. C'est parce que C______ tardait à le rembourser qu'il avait perdu patience et lui avait donné des gifles, et c'était à l'initiative du précité, et non à sa demande, qu'ils étaient allés trouver la famille de celui-ci. Il estime avoir été instrumentalisé par C______, qui l'avait utilisé pour obtenir de l'argent de ses proches en les inquiétant. D'ailleurs, comme l'amie de C______ était désargentée, et ne pouvait donc lui prêter des sommes, le précité ne lui avait jamais fait état de violences. C______ aurait pu faire appel à la police, mais avait préféré alarmer ses parents pour exercer sur eux une pression destinée à obtenir de l'argent. D'ailleurs, C______ n'avait pas déposé plainte pénale contre lui. Les photographies produites n'étaient pas datées, et il paraissait peu probable que le jour de son audition par la police [le 7 décembre 2023], le précité n'ait plus aucune trace des lésions qu'il disait avoir subies quelques jours plus tôt, et qu'aucun proche (parents et amie) n'avait mentionnées. L'ordonnance querellée retenait à tort, à charge, sa carrure, qui ne pouvait constituer un indice sérieux de la commission d'une infraction. Au surplus, la décision ne mentionnait pas quel comportement remplissait les conditions de l'art. 181 CP, qui était une infraction de résultat. Il n'était donc pas possible de déterminer sur quelle base et de quelle manière le TMC avait appliqué le droit, ni quels actes d'instruction étaient nécessaires pour établir l'ampleur de l'atteinte à la liberté d'action ou l'éventuel rapport de causalité.

Enfin, la demande de mise en détention, au vu de sa brièveté, violait son droit d'être entendu, et l'ordonnance querellée était inopportune, dès lors que sa mise en détention "n'aurait aucun impact sur le déroulement serein du reste des investigations".

b. Le Ministère public conclut au rejet du recours. Les charges relatives à la contrainte étaient suffisantes, car, selon la jurisprudence, le fait de réclamer le paiement d'une somme d'argent – même due – en faisant usage de violence ou menaces était une forme de contrainte. Au vu des risques retenus, au demeurant non contestés, la décision querellée n'était pas inopportune. La durée de la détention provisoire était nécessaire eu égard au nombre et aux types d'actes d'instruction à effectuer, en particulier l'audition de D______ en France. Une audience de confrontation avec C______ était fixée au 16 janvier 2024 et il était toujours dans l'attente du rapport de police faisant suite à l'analyse du téléphone du prévenu.

c. Le TMC maintient les termes de son ordonnance et renonce à formuler des observations.

d. Le recourant a renoncé à répliquer.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu en tant que la demande de mise en détention provisoire formulée par le Ministère public serait trop brève, mais il perd de vue, d'une part, qu'il a été entendu par le TMC avant que celui-ci rende son ordonnance, et, d'autre part, que la Chambre de céans est saisie d'un recours contre cette dernière décision, de sorte que le grief portant sur un acte antérieur est irrecevable.

3.             Le recourant reproche ensuite à l'autorité précédente d'avoir constaté les faits de manière incomplète, violant selon lui son droit d'être entendu. Il appartient toutefois au juge de la détention de se limiter à déterminer l'existence de charges suffisantes, ce que le TMC a, ici, fait de manière correcte et étayée. Libre au recourant de pointer les éléments qui, selon lui, réduiraient les charges, ce qu'il a fait dans son recours, que la Chambre de céans examinera avec un plein pouvoir de cognition en droit et en fait (art. 393 al. 2 CPP; ATF 137 I 195 consid. 2.3.2).

Ce grief est ainsi sans fondement.

4.             Le recourant conteste les charges, qui ne seraient selon lui pas suffisantes.

4.1.       Pour qu'une personne soit placée en détention provisoire ou pour des motifs de sûreté, il doit exister à son égard des charges suffisantes ou des indices sérieux de culpabilité, susceptibles de fonder de forts soupçons d'avoir commis une infraction (art. 221 al. 1 CPP). L'intensité de ces charges n'est pas la même aux divers stades de l'instruction pénale; si des soupçons, même encore peu précis, peuvent être suffisants dans les premiers temps de l'enquête, la perspective d'une condamnation doit apparaître avec une certaine vraisemblance après l'accomplissement des actes d'instruction envisageables. Au contraire du juge du fond, le juge de la détention n'a pas à procéder à une pesée complète des éléments à charge et à décharge ni à apprécier la crédibilité des personnes qui mettent en cause le prévenu. Il doit uniquement examiner s'il existe des indices sérieux de culpabilité justifiant une telle mesure (ATF 143 IV 330 consid. 2.1; 143 IV 316 consid. 3.1 et 3.2).

4.2.       Selon l'art. 181 CP, se rend coupable de contrainte quiconque, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d’un dommage sérieux, ou en l’entravant de quelque autre manière dans sa liberté d’action, l’oblige à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte.

La contrainte n'est contraire au droit que si elle est illicite, soit parce que le moyen utilisé ou le but poursuivi est illicite, soit parce que le moyen est disproportionné pour atteindre le but visé, soit encore parce qu'un moyen conforme au droit utilisé pour atteindre un but légitime constitue, au vu des circonstances, un moyen de pression abusif ou contraire aux mœurs (ATF 141 IV 437 consid. 3.2.1).

Lorsque la victime ne se laisse pas intimider et n'adopte pas le comportement voulu par l'auteur, ce dernier est punissable de tentative de contrainte (art. 22 al. 1 CP; ATF 129 IV 262 consid. 2.7; 106 IV 125 consid. 2b).

4.3.       En l'espèce, le recourant admet avoir été mandaté par un tiers pour récupérer de l'argent auprès de C______ et d'avoir lui-même prêté de l'argent à ce dernier, qu'il a, à son tour, voulu récupérer. Il a reconnu qu'après avoir perdu patience devant les atermoiements du précité, il lui avait asséné des gifles et l'avait fait chuter en effectuant une "balayette". Ce recours à la force physique en vue d'amener C______ à rembourser sa dette alors qu'il n'en avait – apparemment – pas les moyens, remplit les conditions, à tout le moins, d'une tentative de contrainte (art. 22 cum 181 CP), de sorte qu'il existe des soupçons suffisants de la commission d'un délit au sens de l'art. 221 al. 1 CPP.

En revanche, la possession d'un taser, le jour de l'arrestation, ne saurait justifier, à elle seule, la mise en détention du recourant, le lésé n'ayant pas allégué que le précité en aurait fait usage.

5.             Le recourant ne remet en question aucun des risques (collusion, fuite et réitération) retenus par le TMC. Force est quoi qu'il en soit de constater que le risque de collusion (art. 221 al. 1 let. b CPP) avec C______ est patent, leurs versions étant différente sur des éléments importants du dossier. Cela justifie la mise en détention du recourant pour éviter qu'il n'amène, par des pressions, le précité à modifier ou adapter ses déclarations. On peut également retenir, pour les mêmes raisons, un risque de collusion à l'égard du père du lésé, dont les déclarations sont retenues par le TMC pour fonder des charges suffisantes.

En revanche, il ne paraît pas, a priori et sans autre précision du Ministère public, qu'une collusion entre le recourant et D______ compromettrait l'instruction de la cause. Certes, le précité a envoyé le prévenu récupérer l'argent dû par C______, mais il n'apparaît pas qu'il aurait commandité les actes de violence, ce que la mise en prévention du recourant ne mentionne pas. Même dans ce cas, on ne saurait maintenir en détention le prévenu pour circonscrire les actes d'une personne contre laquelle aucune instruction n'a été ouverte par le Ministère public. En l'état, la détention du recourant n'apparaît ainsi pas nécessaire pour ces actes d'instruction, pas plus que dans l'attente de l'analyse de son téléphone portable, dont il a accepté la saisie et a remis les codes d'accès. Le risque de collusion n'est pas non plus invoqué à l'égard de l'amie de C______.

6. Le risque de collusion étant réalisé, l'autorité de recours peut se dispenser d'examiner, en l'état, si un autre risque – alternatif – l'est également (arrêt du Tribunal fédéral 1B_51/2021 du 31 mars 2021 consid. 3.1 et la jurisprudence citée).

7.             Compte tenu de l'importance du risque de collusion, à ce stade de l'instruction, avec C______ et le père de ce dernier, aucune mesure de substitution, au sens de l'art. 237 CPP, n'est de nature à le pallier.

8.             Le recourant critique la durée de la détention provisoire ordonnée.

8.1. À teneur des art. 197 al. 1 et 212 al. 3 CPP, les autorités pénales doivent respecter le principe de la proportionnalité lorsqu'elles appliquent des mesures de contrainte, afin que la détention provisoire ne dure pas plus longtemps que la peine privative de liberté prévisible. Selon une jurisprudence constante, la possibilité d'un sursis, voire d'un sursis partiel, n'a en principe pas à être prise en considération dans l'examen de la proportionnalité de la détention préventive (ATF 133 I 270 consid. 3.4.2 p. 281-282 ; 125 I 60 ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_750/2012 du 16 janvier 2013 consid. 2, 1B_624/2011 du 29 novembre 2011 consid. 3.1 et 1B_9/2011 du 7 février 2011 consid. 7.2).

8.2. En l'occurrence, le TMC a ordonné la détention provisoire pour une durée de trois mois dans le but de confronter le prévenu au lésé, pour recevoir l'analyse de son téléphone portable et l'extrait de son casier judiciaire français, et pour entendre D______ en France. Or, les antécédents judiciaires français figurent désormais au dossier, la confrontation avec C______ aura lieu le 16 janvier 2024, celle avec le père du précité pourra être fixée dans la foulée et il a été retenu ci-dessus (consid. 5 supra) que la détention du recourant ne paraissait a priori pas nécessaire dans l'attente de l'analyse de son téléphone portable ni de l'audition, par les autorités françaises, de D______. La date des photographies des lésions, figurant au dossier, pourra quant à elle être obtenue sans délai.

Il s'ensuit qu'au vu des actes d'instruction requis à ce jour, la détention provisoire ordonnée pour une durée de trois mois paraît, en l'état, disproportionnée.

Il convient donc de ramener son échéance au 25 janvier 2024, afin de permettre au Ministère public d'entendre, dans l'intervalle, également le père de C______ et, après ces deux confrontations, de déterminer si d'autres actes d'instruction nécessiteraient le maintien du recourant en détention, justifiant alors le dépôt d'une requête de prolongation de celle-ci. Il est relevé que la présence du prévenu aux actes de la procédure pourrait, au regard du risque de fuite, être garantie par le versement de sûretés (art. 238 CPP). Le risque de récidive retenu à l'égard du lésé devra quant à lui être réexaminé à l'aune des éléments nouvellement recueillis par l'instruction.

9.             Le recours s'avère ainsi partiellement fondé. L'ordonnance querellée sera annulée en tant qu'elle ordonne la mise en détention du recourant jusqu'au 6 mars 2024, cette échéance étant ramenée au 25 janvier 2024.

10.         L'admission du recours, même partielle, ne donne pas lieu au paiement de frais, qui seront laissés à la charge de l'État.

11.         Le recourant a requis le versement de "dépens" – qu'il n'a pas chiffrés –. Conformément à l'art. 429 al. 1 let. a CPP, une indemnité de CHF 969.30 TTC lui sera accordée, correspondant à l'activité déployée pour la part du recours qui a été admise.

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Admet partiellement le recours.

Annule l'ordonnance querellée en tant qu'elle a ordonné la mise en détention provisoire de A______ jusqu'au 6 mars 2024, et fixe l’échéance de celle-ci au 25 janvier 2024.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Alloue à A______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 969.30 (TVA à 7.7% incluse) pour la procédure de recours.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit, pour lui, son défenseur), au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte.

En communique, pour information, la page de garde et le dispositif à la prison de B______.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.