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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/25515/2023

ACPR/988/2023 du 20.12.2023 sur SEQMP/3061/2023 ( MP ) , REJETE

Recours TF déposé le 30.01.2024, 7B_88/2024
Descripteurs : SÉQUESTRE(MESURE PROVISIONNELLE);SOUPÇON;TÉLÉPHONE MOBILE
Normes : CP.69; CPP.197; CPP.263

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/25515/2023 ACPR/988/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 20 décembre 2023

 

Entre

 

A______, détenu, représenté par Me B______, avocat,

recourant


contre l'ordonnance de perquisition et de séquestre rendue le 28 novembre 2023 par le Ministère public

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé

 


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 11 décembre 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 28 novembre 2023, notifiée sous pli simple, par laquelle le Ministère public a ordonné la perquisition et le séquestre de son téléphone portable, y compris des données qu'il contient ou qui sont accessibles à distance, à titre de moyens de preuve.

Le recourant conclut à l’annulation de ce séquestre.

b. À réception, la cause a été gardée à juger.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.        Le 20 novembre 2023, vers 15h.15, A______ a été interpellé par un policier pendant qu’il se déplaçait en tram. À un arrêt, hors du véhicule, des vérifications « simples » ont été immédiatement entreprises sur le téléphone mobile dont il était porteur. Selon le policier, deux conversations par la messagerie Whatsapp laissaient apparaître des « rencontres douteuses » possiblement en lien avec un trafic de cocaïne.

A______ a été conduit au poste. Aucun stupéfiant n’a été découvert sur lui.

L’appareil téléphonique a été saisi et inventorié.

Les deux interlocutrices sur Whatsapp ont été identifiées et entendues. Elles ont affirmé qu’A______ leur avait livré, ou devait le faire, de la cocaïne pour leur consommation personnelle, comme il l’avait fait à plusieurs reprises déjà par le passé. A______ l’a contesté, même s’il a admis avoir reçu de l’une d’elle de l’argent « à crédit » pour lui fournir de la cocaïne, « marchandise » qu’il n’avait pas sur lui, et avoir été contacté par l’autre pour lui en procurer.

b.        À la police, A______, assisté par l’avocat dont il avait demandé la venue, a signé l’autorisation de fouiller le téléphone portable (il a modifié de lui-même l’heure à laquelle il l’a signée, biffant la mention « 1600 » pour inscrire « 2030 »), prétendant toutefois qu’il ne se souvenait pas du code de déverrouillage (déclaration à la police p. 4). Au Ministère public, il affirmera que l’appareil n’était pas le sien, bien qu’il lui eût été « donné » par un inconnu (déclaration au Ministère public du 21 novembre 2023 p. 3). Dans sa prise de position sur la demande de placement en détention provisoire (p. 5), il déclarera révoquer l’autorisation de fouille qu’il avait donnée deux jours plus tôt, quand bien même il s’en était remis au conseil de son défenseur pour la signer (sic p. 4).

c.         A______ a attaqué l’ordonnance du Tribunal des mesures de contrainte du 22 novembre 2023 qui l’a placé en détention provisoire pour une durée de trois mois. Il a aussi demandé sa libération immédiate au Ministère public.

C. Dans la décision querellée, le Procureur considère que le téléphone portable pouvait contenir des conversations avec des « clientes » dont le contenu serait utile à son enquête. Comme A______ avait révoqué son autorisation écrite, une ordonnance de perquisition et de séquestre était rendue nécessaire.

D. À l'appui de son recours, A______ estime que la décision querellée ne repose pas sur des soupçons suffisants. Il avait été victime d’un contrôle « au faciès », sans aucun élément sérieux et concret à l’appui de son implication dans un trafic de stupéfiants. La police avait perquisitionné et fouillé sans mandat son téléphone portable. C’est à l’issue de cet examen qu’était apparu un soupçon de trafic de stupéfiants destiné à des femmes exclusivement, comme le retenait le texte même de l’ordonnance attaquée. L’audition subséquente des deux toxicomanes concernées était par conséquent un moyen de preuve obtenu illégalement.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et – faute de date de notification avérée – dans le délai prescrits (art. 385 et 396 al. 1 CPP) ; concerner une décision sujette à recours auprès de la Chambre de céans, soit une ordonnance de séquestre (art. 393 al. 1 let. a CPP) ; et émaner du prévenu (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2. Le recourant s'oppose au séquestre de son téléphone portable au motif que les informations que la police en avait extraites – en l’état, des messages de deux toxicomanes – avaient été obtenues illégalement.

2.1. Selon l'art. 197 al. 1 CPP, toute mesure de contrainte doit être prévue par la loi (let. a), répondre à l'existence de soupçons suffisants laissant présumer une infraction (let. b), respecter le principe de la proportionnalité (let. c) et apparaître justifiée au regard de la gravité de l'infraction (let. d).

2.2. Le séquestre d'objets appartenant au prévenu ou à des tiers est au nombre des mesures prévues par la loi. Il peut être ordonné, notamment, lorsqu'il est probable qu'ils seront utilisés comme moyens de preuve (art. 263 al. 1 let. a CPP) ou à des fins de confiscation au sens de l’art. 69 CP (art. 263 al. 1 let. d CPP).

Une telle mesure est fondée sur la vraisemblance. Comme cela ressort de l'art. 263 al. 1 CPP, une simple probabilité suffit, car la saisie se rapporte à des faits non encore établis, respectivement à des prétentions encore incertaines. L'autorité doit pouvoir décider rapidement du séquestre provisoire (art. 263 al. 2 CPP), ce qui exclut qu'elle résolve des questions juridiques complexes ou qu'elle attende d'être renseignée de manière exacte et complète sur les faits avant d'agir (ATF 141 IV 360 consid. 3.2).

Ainsi, au début de l'enquête, un soupçon crédible ou un début de preuve de l'existence de l'infraction reprochée suffit à permettre le séquestre, ce qui laisse une grande place à l'appréciation du juge. On exige toutefois que ce soupçon se renforce au cours de l'instruction pour justifier le maintien de la mesure (A. KUHN / Y. JEANNERET / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, Bâle 2019, n. 17/22 ad art. 263).

Le séquestre en vue de confiscation est proportionné lorsqu'il porte sur des objets dont on peut admettre qu'ils pourront être vraisemblablement confisqués en application du droit pénal (ATF 141 IV 360 consid. 3.2). Il doit exister un rapport de causalité entre l'infraction et l'objet saisi en vue de la confiscation (ATF 140 IV 57 consid. 4.1.2). Tant que l'instruction n'est pas achevée et que subsiste une probabilité de confiscation, la mesure conservatoire doit être maintenue (ATF 141 IV 360 consid. 3.2). Le séquestre pénal ne peut donc être levé que dans l'hypothèse où il est d'emblée manifeste et indubitable que les conditions matérielles d'une confiscation ne sont pas réalisées, et ne pourront l'être (ATF 140 IV 133 consid. 4.2.1).

Les objets pouvant faire l'objet d'une confiscation au sens de l'art. 69 CP doivent compromettre la sécurité des personnes, la morale ou l'ordre public ; cela signifie que, dans le futur, ce danger doit exister et que, précisément pour cette raison, il faut ordonner la confiscation en tant que mesure de sécurité. La confiscation peut ainsi notamment porter sur des choses qui ont servi ou devraient servir à commettre une infraction (« instrumenta sceleris »). Tel peut notamment être le cas de téléphones portables utilisés lors de l'infraction (arrêt du Tribunal fédéral 1B_590/2022 du 20 avril 2023 consid. 2.1.2.).

La fouille d'un téléphone portable constitue une perquisition de documents et d'enregistrements au sens de l'art. 246 CPP (ATF 139 IV 128 consid. 1.3). Ainsi, sauf en cas de péril en la demeure (art. 241 al. 3 CPP), la police ne peut, en principe, procéder à un tel examen que si elle dispose d'un mandat délivré par le ministère public (ATF 139 IV 128 consid. 1.4 et 1.5).

2.3. Dans le cas présent, lorsqu’il a ordonné le séquestre litigieux, le Ministère public disposait des déclarations de deux toxicomanes mettant en cause le recourant pour leur avoir fourni de la cocaïne. Toutes deux ont aussi déclaré avoir contacté le recourant à ce sujet sur le téléphone mobile dont il avait été trouvé porteur lors de son appréhension. Par ailleurs, le recourant lui-même a concédé (à la police) avoir reçu de l’une d’elles de l’argent pour lui fournir de la cocaïne, « marchandise » qu’il n’avait pas sur lui, et avoir été contacté par l’autre pour lui procurer du même stupéfiant.

Ainsi, en ce tout début d’enquête, le soupçon que le recourant pût se livrer à un trafic de stupéfiants était suffisant pour que le Ministère public s’intéresse au contenu de l’appareil. Il est, en effet, notoire que les enquêtes relatives à des trafics de stupéfiants touchent un grand nombre de personnes (acheteurs, vendeurs, « mules », etc.) et que celles-ci communiquent principalement par le biais de téléphones portables (arrêt du Tribunal fédéral 6B_431/2019 du 5 juillet 2019 consid. 4.2.1.).

Les conditions d'un séquestre probatoire (cf. art. 263 al. 1 let. a CPP) étaient donc réunies, le téléphone en possession du recourant et les données qu'il pouvait contenir étant manifestement susceptibles d'établir l'implication de l'intéressé dans les faits qui lui sont reprochés (cf. arrêt du Tribunal fédéral 6B_431/2019, précité, consid. 4.3.3.).

C’est en vain que le recourant soutient – si on le comprend bien – que la police aurait déjà accédé au contenu de l’appareil.

Sans quoi on ne s’expliquerait pas pourquoi la police lui a précisément demandé, pendant son interrogatoire, quel était le code de déverrouillage, ni pourquoi le Ministère public s’est trouvé dans la nécessité de rendre l’ordonnance attaquée. Le recourant ne va d’ailleurs pas jusqu’à soutenir que la police lui aurait extorqué ledit code ou serait parvenue à le décrypter ou à le contourner.

C’est donc à tort, et sans voir la contradiction, que le recourant voudrait assimiler les vérifications « simples » du téléphone à l’arrêt de tram, telles que mentionnées par la police dans le rapport d’arrestation, à une perquisition et à une fouille illégales, faute de mandat du Ministère public.

Comme la police n’a précisément pas pu accéder au contenu du téléphone, faute de déverrouillage, ni a fortiori l’examiner sans mandat exprès du Ministère public, l'ordonnance querellée s’avère à la fois nécessaire et fondée.

3. Le recours doit par conséquent être rejeté. La Chambre de céans pouvait le traiter d’emblée sans échange d’écritures ni débats (art. 390 al. 2, 1ère phrase a contrario, CPP).

4. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État fixés en totalité à CHF 800.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 800.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, à A______, soit pour lui son défenseur, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/25515/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

715.00

Total

CHF

800.00