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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/15916/2023

ACPR/993/2023 du 21.12.2023 sur OTMC/3586/2023 ( TMC ) , ADMIS

Descripteurs : DÉTENTION PROVISOIRE;RISQUE DE COLLUSION;RISQUE DE RÉCIDIVE;PROPORTIONNALITÉ;HOMICIDE PAR NÉGLIGENCE
Normes : CPP.221; CPP.237; CP.117; LCR.90

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/15916/2023 ACPR/993/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 21 décembre 2023

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison de B______, représenté par Me C______, avocat,

recourant,

 

contre l'ordonnance de refus de mise en liberté rendue le 28 novembre 2023 par le Tribunal des mesures de contrainte,

et

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9,
1204 Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A.           Par acte expédié le 11 décembre 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 28 novembre 2023, notifiée le lendemain, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) a refusé sa demande de mise en liberté.

Le recourant conclut, avec suite de frais et indemnité de CHF 1'453.95, à l'annulation de l'ordonnance précitée et à sa mise en liberté immédiate, subsidiairement au moyen des mesures de substitution suivantes : interdiction d'entrer en contact avec les personnes concernées par la procédure, obligation de suivre un traitement psychothérapeutique auprès de la Dre D______ et obligation de répondre à toute convocation.

B.            Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. A______, ressortissant suisse né en 2000, a été arrêté le 22 juillet 2023 et placé en détention provisoire, en dernier lieu jusqu'au 22 décembre 2023.

b. Il est prévenu d'homicide par négligence (art. 117 CP) et de violation fondamentale des règles de la circulation routière (art. 90 al. 3 LCR), dans le cadre d'une course poursuite ayant eu lieu le 22 juillet 2023, entre 1h50 et 2h00, depuis le quai du Mont-Blanc n. 13 à la rue de Lausanne n. 214, avec E______, qui conduisait un véhicule de marque F______ et avait comme passagère G______. À la hauteur du n. 214 de la rue de Lausanne, souhaitant gagner la course, ce dernier a heurté une cycliste, qui vraisemblablement traversait les voies de circulation de gauche à droite, en direction du lac Léman, la projetant à une distance de 48 mètres ; cette dernière est morte sur les lieux de l'accident. À la suite de ce choc, E______ a perdu la maîtrise de son véhicule et percuté de plein fouet un véhicule qui arrivait en sens inverse. Cette voiture a été projetée contre un mur, avant de se renverser sur le flanc; le conducteur, légèrement blessé, a déposé plainte pénale (ci-après, le plaignant).

Dans ce contexte, A______ est fortement soupçonné d'avoir, au volant d'un véhicule de marque H______, procédé à des accélérations, puis à des freinages, avant d'accélérer fortement à la hauteur des Bains des Pâquis, violant, gravement et à réitérées reprises, les règles de la circulation routière, notamment en circulant à une vitesse inappropriée, en procédant à des changements de voies de circulation, en roulant sur des zones interdites à la circulation et en dépassant des véhicules qui circulaient normalement, puis, sur la rue de Lausanne, alors qu'il circulait sur la voie de droite, accéléré fortement, avant de ralentir en raison de la présence d'une dizaine de personnes aux abords du n. 214 de ladite rue. Ce faisant, il lui est reproché d'avoir, à tout le moins, envisagé que son comportement puisse occasionner un accident de la circulation et, de la sorte, blesser ou tuer quelqu'un, ce qui s'est avéré, étant précisé qu'il a également mis en danger la vie et la sécurité des autres usagers de la route, dont sa passagère, et les piétons.

c. A______ reconnaît avoir effectué une course poursuite avec E______, expliquant toutefois y avoir mis un terme peu avant que le précité ne percute la cycliste. Il explique avoir circulé à environ 90 km/h sur les quais, puis avoir freiné peu avant d'arriver à la hauteur des lieux de l'accident, en raison de la présence de nombreuses personnes.

La voiture qu'il conduisait le soir des faits ne lui appartenait pas ; il a expliqué posséder une société dans le cadre de laquelle il louait, à des tiers, des véhicules appartenant à des privés. Au moment des faits il se rendait, avec sa compagne, I______ (ci-après, également, la passagère), à J______ [VD], où habite cette dernière. Lui-même habitait à K______ [GE], chez ses parents, mais se rendait fréquemment chez la précitée.

Lors de sa première audition par le Ministère public, il a déclaré que, après le heurt entre l'autre voiture et la cycliste, il s'était annoncé à la police pour témoigner. Il avait "appelé [s]est amis". Il ne se souvenait plus qui il avait appelé, "L______ [petit nom] ou M______ [petit nom]".

Il admet, en outre, avoir commis d'autres excès de vitesse, à l'étranger.

d. Les prévenus ont été confrontés par le Ministère public le 23 juillet 2023. Ils ont admis avoir circulé côte à côte, à une vitesse supérieure à celle autorisée, et avoir procédé à des accélérations. Ils ont été confrontés aux images de la vidéosurveillance.

e. Les téléphones portables de A______ et de sa passagère ont été séquestrés. L'analyse du téléphone de cette dernière vise la période des 21 et 22 juillet 2023, en lien avec les faits, soit des photographies/vidéos, d'éventuelles connexions et communications via différentes applications et les réseaux sociaux, les contacts et liens entre les parties.

Le rapport d'analyse n'a pas encore été rendu à ce jour.

f. Les analyses des prélèvements biologiques de A______ ont établi, le 30 août 2023, la consommation de cocaïne pouvant remonter à plusieurs heures, voire jours, avant l'événement.

g. Par mandat d'actes d'enquête du 28 juillet 2023, le Ministère public a, notamment, requis de la police l'expertise complète des trois véhicules impliqués (pour celui de A______ : analyses du moteur et des éventuelles données disponibles par le Groupe audio-visuel accident (ci-après: GAVA) de la police et la Brigade de criminalité informatique (ci-après: BCI), voire par les techniciens H______ ; pour celui de E______ : vérification du système de freinage, du système ABS, des ceintures de sécurité, de la conformité des accessoires, et analyse des éventuelles modifications apportées au véhicule, ainsi que des éventuelles données disponibles par le GAVA et la BCI, voire par les techniciens de F______). Il a également requis de la Brigade de police technique et scientifique une analyse des véhicules, ainsi que des prélèvements.

Les rapports d'analyse n'ont pas encore été rendus à ce jour.

h. Le 14 septembre 2023, le Ministère public a confronté à nouveau les prévenus. E______ a déclaré qu'il voyait sa passagère, G______, pour la deuxième fois ce soir-là et n'était jamais allé chez elle, ce que cette dernière a confirmé par la suite.

A______, qui avait sollicité son audition, a précisé qu'il souhaitait être confronté aux témoins pour lesquels le TMC avait retenu un risque de collusion. La Procureure lui a répondu qu'elle attendait les résultats des premiers éléments techniques pour auditionner les témoins, "étant précisé que leur audition ne diminuera[it] en rien le risque de collusion avant réception desdits rapports". Elle a informé les prévenus que le plaignant et M______ (soit "M______ [petit nom]") seraient prochainement entendus.

i. Deux mois plus tard, soit le 14 novembre 2023, le Ministère public a entendu, en confrontation, M______ et I______, ainsi que le plaignant.

M______ a déclaré que le 22 juillet 2023, A______ l'avait appelé en lui disant qu'il y avait eu un accident et que quelqu'un avait "shooté un vélo". A______ lui avait demandé de le rejoindre. Le précité avait également appelé L______. Il s'était déplacé sur les lieux de l'accident avec L______, la femme du précité, N______, "O______ [prénom]" et "P______ [petit nom]". A______ avait expliqué que son véhicule et celui du tiers étaient côte à côte, que l'autre avait "bien accéléré", qu'un vélo avait traversé la route et que l'autre véhicule, sur sa gauche, avait "tapé" le vélo. A______ avait dit avoir vu traverser le vélo et freiné bien avant ; il n'avait pas parlé de vitesse ; avait admis qu'il "ne roulait pas normalement" mais n'avait pas autant accéléré que l'autre voiture. Ils étaient cinq à parler et chacun avait donné son avis. La passagère de A______ n'avait "pas trop" parlé, elle avait vu le vélo se faire "shooter" et était "terrorisée".

I______ a déclaré être en couple avec A______ depuis presque cinq ans. Ils vivaient ensemble à J______ depuis moins d'un an. Peu avant les faits, ils avaient remarqué le véhicule F______, à côté du leur, pour sa beauté et le bruit du moteur. Après cela, elle n'avait pas vraiment prêté attention à la route, car elle regardait son téléphone et discutait avec le prévenu. Les voitures étaient côte à côte et il y avait eu des accélérations. Elle ne savait pas à quelle vitesse ils avaient roulé. Elle avait vu des gens sur le bord de la route et avait demandé à A______ de ralentir, car il roulait vite ; il avait ralenti. "Cela ne lui arriv[ait] pas souvent qu'il conduise comme ça en ville". Elle avait ensuite entendu un grand bruit et vu des débris voler, mais n'avait pas vu de cycliste. À ce moment-là, "l'autre véhicule était loin" devant. Lorsqu'ils étaient arrivés au niveau du lieu où s'était produit l'impact, elle avait vu un corps à terre. Ils s'étaient garés plus loin et avaient attendu que la police arrive pour se rapprocher. A______ avait appelé un ami, qui était venu avec d'autres. Ils avaient discuté de ce qu'il s'était passé, elle-même ne parlait pas trop car elle était choquée. Les amis étaient là pour les soutenir. Selon elle, le soir des faits, A______ n'avait pas consommé de stupéfiants. Il prenait de la cocaïne de manière festive et occasionnelle. Elle n'avait pas grand-chose à dire sur sa manière de conduire, il était responsable, même s'il commettait quelques excès de vitesse. Il était déjà arrivé qu'il provoque d'autres véhicules et procède à des accélérations, même si cela n'était pas usuel. Elle avait connaissance d'excès de vitesse commis à l'étranger et qui avaient été filmés. Le soir des faits, à aucun moment ils n'avaient provoqué qui que ce soit. Sur question, elle a répondu ne plus être en couple avec A______.

A______ – prévenu à titre complémentaire de consommation de cocaïne (art. 19a LStup) – a contesté avoir consommé des stupéfiants le soir des faits. Il en avait pris une semaine et demie avant.

j. S'agissant de sa situation personnelle, A______, célibataire, est indépendant. Il déclare percevoir un revenu mensuel de CHF 2'000.-. Depuis sa mise en détention, il dit avoir liquidé sa société et ne plus souhaiter travailler dans le domaine de l'automobile.

Il n'a, à teneur des extraits versés au dossier, pas d'antécédents judiciaires en Suisse, ni en Italie, France et Allemagne.

C.           Dans l'ordonnance querellée, le TMC a retenu l'existence de charges extrêmement graves et suffisantes, au vu des premières constatations de la police, des images de la vidéosurveillance, des témoignages, ainsi que des déclarations des prévenus eux-mêmes. A______ prétendait avoir freiné environ 200 mètres avant que la cycliste ne soit percutée, ce qui semblait contredit par les images de la vidéosurveillance, lesquelles permettaient d'établir qu'il se trouvait à côté de la voiture de E______, à environ 100 mètres du lieu du choc. La configuration des lieux confirmait en outre qu'il n'y avait pas 200 mètres de visibilité entre la sortie du virage d'où arrivaient les prévenus et le lieu où la cycliste avait été percutée.

L'instruction se poursuivait. De nombreux actes d'enquête étaient en cours afin de déterminer la vitesse des véhicules, le taux d'alcoolémie de E______ et les circonstances précédant l'accident, plus particulièrement : l'analyse des trois véhicules, du vélo, des téléphones des prévenus et de leurs passagères, et le rapport d'autopsie. Ces actes étaient chronophages, étant relevé que les analyses sur les véhicules avaient dû être réalisées successivement. Pour le véhicule de E______, l'analyse des données de l'ordinateur de bord était en cours auprès du fabriquant lui-même. Ces actes fondaient la nécessité de maintenir A______ en détention.

Le risque de collusion demeurait concret et important, les déclarations de A______ étant contredites par les éléments du dossier, soit les témoignages des personnes présentes, la distance calculée entre les dernières images des véhicules des prévenus et l'endroit où la victime avait été percutée. De plus, le prévenu avait expliqué avoir eu pour premier réflexe de contacter un ami après les faits. Or, l'audition de ce témoin avait établi que A______ avait omis d'informer le Ministère public que ses amis étaient venus à la rue de Lausanne et qu'il s'était confié à eux, de sorte que ces autres témoins allaient être entendus. Le prévenu ne devait pas communiquer avec eux avant leur audition. Il en allait de même de sa compagne (ou ex-compagne), qui serait auditionnée une seconde fois, après réception des premiers éléments d'analyse de son téléphone portable (à elle) et celui du prévenu. Selon les dires de sa passagère, le prévenu aurait déjà par le passé provoqué d'autres véhicules sur le territoire genevois. Dans ce contexte, l'analyse des téléphones allait clarifier ces éléments, respectivement découler sur l'audition de tiers sur les habitudes routières du prévenu. L'analyse portait aussi sur les éventuelles relations de la passagère avec les autres parties, dont G______ qui résidait à 350 mètres de chez elle, à J______. Le risque de collusion était d'autant plus important, d'une part, parce que A______ écrivait régulièrement à sa compagne, demandait à lui téléphoner ou à ce qu'elle lui rende visite, et, d'autre part, ses déclarations quant au déroulement des faits étaient contredites par les éléments du dossier, c'est-à-dire les témoignages des personnes présentes et la distance calculée entre les dernières images des véhicules des prévenus et l'endroit où la victime avait été percutée. Seule la détention permettait de palier ce risque, très important à l'égard "de son ami et de sa compagne", avec laquelle il partageait un appartement.

Le TMC retient également un risque de réitération, dès lors que A______ travaillait dans le milieu automobile ; alléguait vivre entre le domicile de ses parents à K______ et celui de sa compagne à J______, de sorte qu'il pourrait être amené à conduire ; admettait conduire à des vitesses élevées, ce que l'analyse de son téléphone permettrait de confirmer ou infirmer ; et il lui était déjà arrivé de procéder à des provocations et accélérations avec d'autres voitures. Les déclarations de sa compagne confirmaient qu'il lui arrivait de ne pas respecter les limitations de vitesse et, partant, les règles de la circulation routière.

Les mesures proposées par le prévenu étaient clairement insuffisantes à pallier les risques retenus.

D.           a. Dans son recours, A______, en préambule, se déclare "frappé" par le fait que l'ordonnance querellée reprenne, sous réserve de quelques adaptations mineures, le refus de mise en liberté du Ministère public. Il y voit un manque d'indépendance et d'impartialité. Par ailleurs, il considère que l'instruction n'avance pas à un rythme conforme au principe de la célérité.

Il conteste l'existence d'un risque de collusion, lequel ne relèverait selon lui que de la possibilité théorique. L'ami qu'il avait contacté juste après les faits avait été entendu, de manière exhaustive. Il n'avait pas parlé individuellement aux autres amis qui étaient venus sur place, mais "en même temps" qu'à M______, et celui-ci avait rapporté ce qu'il avait dit. Aucun risque de collusion ne pouvait donc être retenu et, de toute manière, ces témoignages n'étaient pas importants, car la réalité de l'accident était figée par les rapports techniques. Bien que les rapports d'analyse des téléphones portables n'avaient pas été rendus, il ne voyait pas en quoi il pourrait influencer qui que ce soit, leur contenu étant objectif. Lui-même et sa passagère étaient dessaisis de leurs portables depuis juillet 2023 et ne pouvaient se souvenir de leur contenu, de sorte qu'ils ne pourraient préparer leur audition respective. De plus, il n'était plus en couple avec sa passagère, comme cette dernière l'avait dit à la dernière audience. Enfin, les témoignages ne contredisaient en rien ses explications. S'agissant de la distance calculée, aucun rapport n'avait été rendu et il ne voyait donc pas à quel calcul le TMC faisait référence.

Quant au risque de réitération, le TMC n'avait pas tenu compte de l'évolution de sa situation, puisqu'il avait décidé de changer d'activité, en mettant en liquidation sa société. Il ne pouvait plus conduire, son permis ayant été retiré le 18 août 2023, pour une période indéterminée. Il avait certes admis conduire à des vitesses élevées et sa passagère avait confirmé qu'il lui arrivait de provoquer d'autres voitures et de procéder à des accélérations, mais il n'avait désormais plus de permis. S'il devait lui être restitué, il était déterminé à respecter les règles de la circulation routière. Il avait contacté la Dre D______, auprès de Q______ SA [psychiatre et psychothérapeute des addictions], qui s'était déclarée prête à le recevoir.

b. Le Ministère public conclut au rejet du recours. Les actes d'instruction en cours prenaient du temps et ne sauraient être bâclés. Leur résultat était essentiel à la détermination des faits, ainsi qu'au regard du risque de collusion. Les analyses du téléphone du prévenu et celui de sa passagère pourraient apporter de nouveaux éléments sur le déroulement des faits. Le premier avait en effet fait venir sur les lieux de l'accident ses amis, qui devraient être entendus. Un seul avait pu être identifié, le prévenu n'ayant jamais révélé ce fait auparavant. Des vidéos d'excès de vitesse particulièrement importants avaient été retrouvées dans son téléphone et, compte tenu des dires de sa passagère sur ses habitudes de conduite, le risque de réitération apparaissait important. Les mesures de substitution proposées n'étaient pas de nature à pallier les risques retenus.

c. Le TMC maintient les termes de son ordonnance, sans formuler d'observations.

d. Le recourant a répliqué.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 90 al. 2, 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant critique, en préambule, la lenteur de la procédure et la reprise, par l'ordonnance querellée, des arguments du Ministère public. Dans la mesure où le recourant, dûment assisté d'un avocat, n'en tire aucune conclusion, ces griefs ne seront pas examinés.

3.             Les charges n'étant pas discutées par le recourant, il n'y a pas à y revenir.

4.             Le recourant conteste le risque de collusion.

4.1. Conformément à l'art. 221 al. 1 let. b CPP, la détention provisoire ne peut être ordonnée que lorsque le prévenu est fortement soupçonné d'avoir commis un crime ou un délit et qu'il y a sérieusement lieu de craindre qu'il compromette la recherche de la vérité en exerçant une influence sur des personnes ou en altérant des moyens de preuve. Pour retenir l'existence d'un risque de collusion, l'autorité doit démontrer que les circonstances particulières du cas d'espèce font apparaître un danger concret et sérieux de manœuvres propres à entraver la manifestation de la vérité, en indiquant, au moins dans les grandes lignes et sous réserve des opérations à conserver secrètes, quels actes d'instruction doivent être encore effectués et en quoi la libération du prévenu en compromettrait l'accomplissement. Dans cet examen, entrent en ligne de compte les caractéristiques personnelles du détenu, son rôle dans l'infraction ainsi que ses relations avec les personnes qui l'accusent. Entrent aussi en considération la nature et l'importance des déclarations, respectivement des moyens de preuve susceptibles d'être menacés, la gravité des infractions en cause et le stade de la procédure. Plus l'instruction se trouve à un stade avancé et les faits sont établis avec précision, plus les exigences relatives à la preuve de l'existence d'un risque de collusion sont élevées (ATF 137 IV 122 consid. 4.2; 132 I 21 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_577/2020 du 2 décembre 2020 consid. 3.1).

4.2. Selon le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst., concrétisé par l'art. 237 al. 1 CPP), le tribunal compétent ordonne une ou plusieurs mesures moins sévères en lieu et place de la détention si elles permettent d'atteindre le même but que la détention, par exemple l'interdiction d'entretenir des relations avec certaines personnes (al. 2 let. g).

4.3. En l'espèce, l'autorité précédente a retenu un risque de collusion à l'égard de la passagère du recourant ainsi que "de son ami", par quoi il faut probablement comprendre les quatre amis venus les rejoindre sur les lieux de l'accident et qui n'ont pas encore été entendus, soit, à teneur du procès-verbal du 14 novembre 2023 : L______ et N______, ainsi que "O______ [prénom]" et "P______ [petit nom]".

La passagère a déjà été confrontée au prévenu, de sorte que le risque de collusion s'est grandement amoindri. Le Ministère public estime que ce risque subsiste en prévision de la seconde confrontation, qui aura lieu après la réception du résultat de l'analyse du téléphone portable de l'intéressée. Or, même si cette analyse devait établir qu'elle filmait/enregistrait la scène, on ne voit pas en quoi la libération du recourant compromettrait la recherche de la vérité sur le déroulement des faits, pas plus que si d'autres comportements similaires antérieurs du recourant devaient être découverts dans son téléphone portable, ou celui de sa passagère. Les éléments principaux du déroulement de la course poursuite à laquelle il est reproché au recourant de s'être livré le 22 juillet 2023 (vitesse, positionnement des véhicules, etc.) ont été filmés par les caméras de vidéosurveillance et feront l'objet de rapports d'analyse technique. Un contact entre le prévenu et sa passagère, après la confrontation qui a déjà eu lieu, n'est ainsi pas de nature à compromettre la recherche de la vérité. Que le recourant cherche à entrer en contact avec elle n'est en soi pas suspicieux, ses démarches pouvant se justifier par la nature de leur relation, voire la rupture de celle-ci. En outre, on ne saurait retenir contre le recourant – et le maintenir en détention pour – une collusion supposée entre sa passagère et des tiers, parmi lesquels la passagère de l'autre véhicule.

Il est certes regrettable que le recourant – qui avait pourtant, lors de sa première audition, déclaré avoir appelé des amis juste après les faits –, ait omis de préciser que ceux-ci l'avaient rejoint sur les lieux. On ne voit toutefois pas que l'absence de confrontation avec quatre d'entre eux nécessite encore son maintien en détention. L'un de ces cinq témoins a été entendu et a exposé ce que le prévenu leur avait raconté ce soir-là, à chaud après les faits. Si l'on ne peut exclure que l'un ou l'autre des quatre autres témoins ai(en)t une précision inédite à apporter, on ne voit pas que le risque de collusion soit à ce point important à empêcher la libération du prévenu. Ces témoins n'ont pas assisté au déroulement des faits et, un mois après avoir appris l'identité de deux des témoins (L______ et N______) et les prénoms des deux autres ("O______" et "P______"), le Ministère public ne les a toujours pas convoqués. Ainsi, cinq mois après les faits, le principe de la proportionnalité ne s'accommoderait pas d'un maintien en détention du recourant pour un risque de collusion d'une aussi faible intensité, avec des témoins indirects. Partant, ce risque peut être pallié par une interdiction de contact avec les précités, le recourant étant en mesure d'identifier les personnes dont seul le prénom a été fourni.

5.             Le recourant conteste également tout risque de réitération.

5.1.       Pour admettre un risque de récidive au sens de l'art. 221 al. 1 let. c CPP, les infractions redoutées, tout comme les antécédents, doivent être des crimes ou des délits graves, au premier chef les délits de violence (ATF 143 IV 9 consid. 2.3.1 et les références). Plus l'infraction et la mise en danger sont graves, moins les exigences sont élevées quant au risque de réitération. Il demeure qu'en principe le risque de récidive ne doit être admis qu'avec retenue comme motif de détention. Dès lors, un pronostic défavorable est nécessaire pour admettre l'existence d'un tel risque (ATF 143 IV 9 consid. 2.9). Pour établir le pronostic de récidive, les critères déterminants sont la fréquence et l'intensité des infractions poursuivies. Cette évaluation doit prendre en compte une éventuelle tendance à l'aggravation telle qu'une intensification de l'activité délictuelle, une escalade de la violence ou une augmentation de la fréquence des agissements. Les caractéristiques personnelles du prévenu doivent en outre être évaluées (ATF 146 IV 326 consid. 2.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 1B_668/2021 du 4 janvier 2022 consid. 4.1). Bien qu'une application littérale de l'art. 221 al. 1 let. c CPP suppose l'existence d'antécédents, le risque de réitération peut être également admis dans des cas particuliers alors qu'il n'existe qu'un antécédent, voire aucun dans les cas les plus graves. La prévention du risque de récidive doit en effet permettre de faire prévaloir l'intérêt à la sécurité publique sur la liberté personnelle du prévenu (ATF 137 IV 13 consid. 3-4). Le risque de récidive peut également se fonder sur les infractions faisant l'objet de la procédure pénale en cours, si le prévenu est fortement soupçonné – avec une probabilité confinant à la certitude – de les avoir commises (ATF 143 IV 9 consid. 2.3.1).

5.2.       En l'espèce, le recourant n'a pas d'antécédents judiciaires en Suisse, ni dans les pays limitrophes. Son comportement, le soir des faits, est toutefois grave et il ressort du dossier, et de ses propres déclarations, qu'il a déjà commis d'importants excès de vitesse, dont certains auraient été filmés, et qu'il aurait à plusieurs reprises provoqué des automobilistes par des accélérations. Dans ces circonstances, et au vu de la gravité des faits qui lui sont reprochés, il y a lieu de retenir un risque de réitération.

Ce risque peut toutefois être pallié par les mesures de substitution suivantes : l'interdiction de conduire tout véhicule à moteur (ACPR/363/2022 du 19 mai 2022 ; ACPR/549/2016 du 1er septembre 2016); le dépôt du permis de conduire en mains du Ministère public (s'il n'est déjà saisi); l'obligation de suivre un traitement pour prévenir son impulsivité au volant et, le cas échéant, soigner son éventuelle addiction à la cocaïne, traitement qui sera déterminé par le Service de probation et d'insertion (ci-après : SPI); la prise en charge par le SPI dès la sortie de prison; l'obligation de produire en mains du SPI chaque mois – puis selon les échéances déterminées par celui-ci – un certificat attestant de la régularité du suivi psychiatrique/thérapeutique; l'obligation de suivre les règles ordonnées par le SPI.

En effet, le retrait administratif du permis de conduire n'est pas suffisant à garantir que le recourant ne conduise plus. L'interdiction de conduire ordonnée à titre de mesure de substitution à la détention implique qu'en cas de non-respect de cette interdiction, la mise en détention du recourant pourra être ordonnée (art. 237 al. 5 CPP). Ainsi, quel que soit le lieu de son domicile et son activité professionnelle, il devra se déplacer autrement qu'au volant d'un véhicule motorisé. Il devra en outre travailler à réduire son impulsivité et son attrait des – voire sa dépendance aux – stupéfiants.

Les mesures de substitution précitées portant atteinte à la liberté personnelle du recourant et à ses droits fondamentaux, elles seront soumises à un contrôle périodique et prononcées pour une durée de 6 mois, étant précisé que le recourant peut en tout temps requérir leur révocation ou modification.

6. Fondé, le recours sera dès lors admis, et la mise en liberté du recourant, moyennant les mesures de substitution précitées, ordonnée.

7. Les frais de l'instance de recours seront laissés à la charge de l'État.

8. Le recourant conclut à l'octroi d'une indemnité de CHF 1'453.95, correspondant à trois heures d'activité au tarif de CHF 450.-/heure. En tant qu'elle paraît adéquate au vu de l'activité déployée devant l'autorité de recours, cette indemnité sera accordée au recourant conformément à l'art. 429 al. 1 let. a CPP.

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Admet le recours.

Annule l'ordonnance querellée et ordonne la libération immédiate de A______, s'il n'est retenu pour une autre cause, sous les mesures de substitution suivantes :

a) interdiction de conduire tout véhicule à moteur, jusqu'à nouvelle décision;

b) obligation de transmettre au Ministère public, sous 2 jours à compter de la notification du présent arrêt, son permis de conduire, s'il n'est déjà saisi;

c) interdiction de tout contact, de quelque forme que ce soit, avec L______ et N______, ainsi que "O______ [prénom]" et "P______ [petit nom]", jusqu'à décision contraire de la Direction de la procédure;

d) obligation de se soumettre, dès sa libération, à un traitement psychiatrique et/ou contre les addictions, à la fréquence proposée par le Service de probation et d'insertion;

e) obligation de produire en mains du Service de probation et d'insertion, chaque mois, puis aux intervalles requis par ledit service, un certificat attestant de la régularité du suivi psychiatrique/thérapeutique;

f) obligation de suivre les règles ordonnées par le Service de probation et d'insertion.

Ordonne à A______ de se présenter au Service de probation et d'insertion, route des Acacias 82, 1227 Carouge/Acacias (tél. 022 546 76 50), au plus tard le 22 décembre 2023 à 15 heures.

Dit que les mesures de substitution mentionnées ci-dessus sont ordonnées pour une durée de 6 mois, soit jusqu'au 21 juin 2024, à charge de la Direction de la procédure d'en requérir la prolongation si elle l'estime nécessaire.

Charge la Direction de la procédure, en l'état le Ministère public, du suivi des mesures de substitution en collaboration avec le Service de probation et d'insertion.

Rappelle à A______ qu'en application de l'article 237 al. 5 CPP, le Tribunal des mesures de contrainte peut, en tout temps, révoquer les mesures de substitution, en ordonner d'autres ou prononcer la détention provisoire si des faits nouveaux l'exigent ou si le prévenu ne respecte pas les obligations qui lui ont été imposées.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Alloue à A______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 1'453.95 (TVA à 7.7% comprise) pour ses frais de recours.

Notifie le présent arrêt, en copie, préalablement par courriel, au recourant (soit, pour lui, son défenseur), au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte.

Le communique, pour information, préalablement par courriel, au Service de probation et d'insertion.

Communique, préalablement par courriel, le dispositif (et la page de garde) du présent arrêt à la prison de B______.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Olivia SOBRINO, greffière.

 

La greffière :

Olivia SOBRINO

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.