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Décisions | Chambre pénale de recours

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PM/1114/2023

ACPR/990/2023 du 20.12.2023 sur JTPM/779/2023 ( TPM ) , REJETE

Descripteurs : TRAITEMENT AMBULATOIRE;PROLONGATION
Normes : CP.63; CP.63a; CP.56.al6

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PM/1114/2023 ACPR/990/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 20 décembre 2023

 

Entre

A______, domiciliée ______, agissant en personne,

recourante,

 

contre le jugement rendu le 14 novembre 2023 par le Tribunal d'application des peines et des mesures,

 

et

LE TRIBUNAL D'APPLICATION DES PEINES ET DES MESURES, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève, case postale 3715, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 29 novembre 2023, A______ recourt contre le jugement du 14 précédent, notifié le 23 suivant, par laquelle le Tribunal d'application des peines et des mesures a ordonné la poursuite et la prolongation de son traitement ambulatoire (art. 63 CP) jusqu'au 4 avril 2026.

Sans prendre de conclusions formelles, la recourante s'oppose à ce jugement.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Par jugement du 4 avril 2019, le Tribunal correctionnel a constaté que A______, ressortissante camerounaise née le ______ 1981, avait commis en état d'irresponsabilité les faits décrits dans la demande de mesure pour prévenue irresponsable du Ministère public du 28 janvier 2019, lesquels étaient constitutifs de tentative de lésions corporelles graves au préjudice de sa fille.

Un traitement ambulatoire (art. 63 CP) a également été ordonné.

b. Le Tribunal correctionnel a notamment fondé sa décision sur le rapport d'expertise psychiatrique établi, le 19 juin 2018, par le Centre universitaire romand de médecine légale (ci-après: CURML).

À teneur dudit rapport, A______ souffrait de troubles psychotiques aigus et transitoires et d'un syndrome de dépendance au cannabis. Au moment des faits, elle présentait un état de décompensation aigu avec hallucinations auditives et idées délirantes de persécution. En l'absence de traitement, et particulièrement en cas de rechute dans la toxicomanie au cannabis, un risque de récidive apparaissait "considérable". Un suivi thérapeutique régulier, avec une compliance satisfaisante et une abstinence définitive, permettraient de réduire un tel risque.

c. Les 22 juin 2021, 21 avril et 18 octobre 2022, le Tribunal d'application des peines et des mesures a ordonné la poursuite du traitement ambulatoire, en rappelant que celui-ci était valable jusqu'au 4 avril 2024.

d. Selon deux rapports des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après: HUG), datés des 22 mars et 16 août 2023, A______ se présentait régulièrement à ses entretiens et montrait une bonne compliance au traitement médicamenteux. Elle avait élaboré un début de remise en question et connaissait une évolution significative. L'alliance thérapeutique s'était renforcée avec le temps.

e. Le 6 octobre 2023, le Service des mesures institutionnelles (ci-après: SMI) a rendu un rapport d'évaluation, duquel il ressort que A______ se montrait collaborante et ne présentait pas de signe de déficit cognitif, ni d'intoxication aux substances psychoactives. Le discours de la précitée était clair, cohérent et informatif et portait sur sa satisfaction du suivi ambulatoire avec la Doctoresse en charge de son suivi. Pour A______, le travail thérapeutique portait sur les abus subis dans le passé. L'intéressée avait déclaré n'exercer aucune activité professionnelle, bénéficier de l'aide sociale et ne pas avoir de suivi addictologique. Elle jugeait "bonne" sa relation avec sa fille et son fils.

En conclusion, le SMI a observé l'absence de "symptomatologie positive" des troubles de A______ mais un "progressif aplatissement avec retrait social et professionnel", la précitée ayant abandonné tout projet de réinsertion. La mesure devait donc être maintenue "face à une patiente qui n'a[vait] pas encore développé une conscience de maladie suffisant à la motiver à un suivi de longue durée".

f. Dans son préavis du 1er novembre 2023 concernant l'examen annuel du traitement ambulatoire, le Service de l'application des peines et mesures (ci-après: SAPEM) constate que la mesure était "utile, nécessaire et adéquate", ayant permis à A______ de se stabiliser au niveau psychique et d'être abstinente au cannabis. La précitée reconnaissait les faits ayant donné lieu à la mesure pénale et exprimait des regrets. Le suivi thérapeutique devait néanmoins être poursuivi pour lui permettre de consolider cette stabilité et cette abstinence, de continuer le travail sur les éléments déclencheurs de ses agissements délictueux, sur ses consommations passées d'alcool et de cannabis, sur ses ressources et pour l'encadrer dans la mise en œuvre de projets de réinsertion socio-professionnelle, aux fins de réduire le risque de récidive.

g. Le Ministère public a fait sien le préavis du SAPEM.

h. Par courriel du 10 novembre 2023, A______ s'est opposée à la poursuite et à la prolongation du traitement ambulatoire. Cela faisait cinq ans qu'elle suivait "fidèlement" cette mesure, avec des contrôles toxicologiques et la prise de médicaments. Le rapport du SMI omettait les abus sexuels qu'elle avait subis durant son enfance, le fait que sa mère était décédée à Genève, et non au Cameroun, que sa fille avait dû retourner dans ce pays sans mère ni grand-mère, ou encore sa relation abusive avec son ex-mari. Elle avait expressément déclaré vouloir "continuer sa thérapie avec ou sans la mesure" car elle avait trouvé en sa doctoresse une personne à son écoute et qui l'aidait à guérir ses blessures. Comme au Moyen-Âge, elle était jetée dans "la case des folles". Si elle avait eu des pensées suicidaires en raison de ses actes envers sa fille, elle entretenait aujourd'hui une bonne relation avec cette dernière. Elle souhaitait retrouver une activité lucrative mais craignait que l'inscription dans son casier judiciaire soit un obstacle.

C. Dans le jugement querellé, le Tribunal d'application des peines et des mesures constate le caractère adapté du traitement ambulatoire, lequel avait permis à A______ d'acquérir une stabilité psychique et de maintenir son abstinence au cannabis. La précitée adhérait à son suivi psychiatrique et montrait une bonne compliance au traitement médicamenteux. L'alliance thérapeutique était bonne et aucune nouvelle condamnation pénale n'était survenue depuis le jugement du Tribunal correctionnel. À l'instar du SMI, il fallait néanmoins considérer que le traitement restait nécessaire afin de consolider ces acquis.

D. a. Le recours de A______ reprend les mêmes arguments que ceux soulevés dans son courriel du 10 novembre 2023. Elle rajoute être en discussions pour un projet professionnel afin de "ne pas juste rester à l'Hospice" et qu'enlever "ceci" de son casier judiciaire l'aiderait "énormément".

Elle produit notamment un courriel reçu le 29 novembre 2023 d'une agence de placement, l'invitant à contacter une tierce personne pour obtenir des renseignements à propos d'un poste qui l'intéresserait.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une décision judiciaire ultérieure indépendante au sens de l'art. 363 CPP, sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. b CPP; arrêt du Tribunal fédéral 6B_293/2012 du 21 février 2013 consid. 2; ACPR/2/2023 du 3 janvier 2023) et émaner de la condamnée visée par la mesure, qui a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

1.2. Les pièces nouvelles produites sont également recevables (arrêt du Tribunal fédéral 1B_550/2022 du 17 novembre 2022 consid. 2.1).

2.             La recourante reproche à l'autorité précédente d'avoir ordonné la poursuite de son traitement ambulatoire.

2.1. À teneur de l'art. 63 al. 1 CP, lorsque l’auteur souffre d’un grave trouble mental, est toxico-dépendant ou qu’il souffre d’une autre addiction, le juge peut ordonner un traitement ambulatoire au lieu d’un traitement institutionnel, aux conditions suivantes : l’auteur a commis un acte punissable en relation avec son état (let. a); il est à prévoir que ce traitement le détournera de nouvelles infractions en relation avec son état (let. b).

Le traitement ambulatoire ne peut en règle générale excéder cinq ans. Si, à l'expiration de la durée maximale, il paraît nécessaire de le poursuivre pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits en relation avec son trouble mental, le juge peut, à la requête de l'autorité d'exécution, le prolonger de un à cinq ans à chaque fois (art. 63 al. 4 CP).

2.2. Selon l’art. 63a CP, l’autorité compétente vérifie au moins une fois par an s’il y a lieu de poursuivre le traitement ambulatoire ou de l’arrêter. Au préalable, elle entend l’auteur et demande un rapport à la personne chargée du traitement (al. 1). L'autorité compétente ordonne l’arrêt du traitement ambulatoire lorsque celui-ci s’est achevé avec succès (al. 2 let. a), si sa poursuite paraît vouée à l’échec (al. 2 let. b) ou à l’expiration de la durée légale maximale du traitement des personnes dépendantes de l’alcool, de stupéfiants ou de médicaments (al. 2 let. c).

L’autorité compétente ordonne l’arrêt du traitement ambulatoire si celui-ci est couronné de succès. Cette première raison correspond à ce que l'art. 43 al. 4 aCP entendait par la levée de la mesure "lorsque la cause aura disparu" (L. MOREILLON / N. QUELOZ / A. MACALUSO / N. DONGOIS (éds), Commentaire romand du Code pénal I, Bâle 2021, N. 8 ad art. 63a). Selon la jurisprudence, un traitement ambulatoire doit être levé lorsqu'il n'existe plus de risque que le condamné commette d'autres infractions ou que le trouble psychique ayant motivé la mise en place de la mesure a disparu. Dans le premier cas, on vise la possibilité pour l'intéressé de gérer ses problèmes de manière socialement acceptable malgré la persistance du trouble. Le second cas vise la guérison de la personne concernée, ce qui inclut une stabilisation de l'état de la personne concernée grâce aux efforts thérapeutiques (ATF 122 IV 8 consid. 3a; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1147/2020 du 26 avril 2021 consid. 3.3.1).

Les conditions régissant la levée du traitement ambulatoire correspondent à celles prévues à l'art. 56 al. 6 CP, qui dispose qu'une mesure dont les conditions ne sont plus remplies doit être levée. Dans l'appréciation de la situation, l'autorité doit notamment examiner l'état de la personne et le risque qu'elle passe à nouveau à l'acte (L. MOREILLON / N. QUELOZ / A. MACALUSO / N. DONGOIS (éds), op. cit., N. 8 ad art. 63a et l'ATF 122 IV 8 consid. 3a cité).

2.3. En l'espèce, l'expertise du CURML du 19 juin 2018 retenait un risque de récidive important en cas de rechute de la recourante dans la toxicomanie.

Depuis lors, il est indéniable que l'intéressée a montré une évolution positive, encouragée et renforcée par son suivi thérapeutique. Les deux rapports des HUG mettent ainsi en évidence sa régularité aux entretiens et sa compliance au traitement médicamenteux. Le SMI a également noté ces progrès, tout comme le SAPEM dans son préavis du 1er novembre 2023. Ces efforts, combinés à l'alliance thérapeutique qui s'est renforcée avec le temps, permettent à la recourante d'afficher aujourd'hui une stabilité psychique et une abstinence au cannabis.

La mesure s'avère par conséquent utile et adéquate; il convient dès lors de la poursuivre.

En effet, comme le note le SAPEM, la recourante n'a pas encore la pleine conscience de la finalité poursuivie par la mesure. Il ressort d'ailleurs du rapport du SMI que pour elle, le travail thérapeutique porte sur des abus qui seraient survenus dans son passé. En outre, le SMI retient un retrait social et professionnel de la recourante, ce qui peut constituer un obstacle à sa réinsertion.

Certes, la recourante produit un courriel visant à attester ces démarches en vue de retrouver une activité lucrative. Elle ne peut être qu'encouragée à poursuivre dans cette voie. Cela étant, le courriel en question ne permet pas d'établir qu'elle a effectivement postulé pour l'offre en question, ni qu'elle s'applique autrement à trouver un emploi. Il s'ensuit que cette pièce ne permet pas de renverser le constat d'un retrait socio-professionnel retenu par le SMI.

Pour le surplus, les autres considérations invoquées par la recourante n'ont pas d'influence sur ce qui précède.

Par conséquent, les progrès accomplis par la recourante, lesquels doivent être soulignés, nécessitent néanmoins d'être consolidés pour pallier définitivement au risque d'une rechute, ce qui laisserait craindre une récidive. Il se justifie donc de continuer le traitement ambulatoire.

3.             Justifié, le jugement entrepris sera donc confirmé, ce qui pouvait être traité sans échange d'écritures ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

4.             La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés à CHF 200.- pour tenir compte de sa situation personnelle (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale [RTFMP; E 4 10.03]).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 200.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante, au Tribunal d'application des peines et des mesures ainsi qu'au Ministère public.

Le communique, pour information, au Service de l'application des peines et mesures.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

PM/1114/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

115.00

Total

CHF

200.00