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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/24167/2022

ACPR/914/2023 du 17.11.2023 sur OTDP/1335/2023 ( TDP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE PÉNALE;OPPOSITION(PROCÉDURE);DÉFAUT(CONTUMACE)
Normes : CPP.354; CPP.356.al4

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/24167/2022 ACPR/914/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 17 novembre 2023

 

Entre

A______, domiciliée ______ [GE], agissant en personne,

recourante,

contre l'ordonnance rendue le 27 juin 2023 par le Tribunal de police,

et

LE TRIBUNAL DE POLICE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève,

LE CHIMISTE CANTONAL, Service de la consommation et des affaires vétérinaires, quai Ernest-Ansermet 22, 1205 Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 13 juillet 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 27 juin 2023, notifiée le 3 juillet suivant, par laquelle le Tribunal de police a constaté son défaut à l'audience de la veille et dit que son opposition à l'ordonnance pénale rendue le 28 septembre 2021 par le Chimiste cantonal était réputée retirée.

La recourante conclut, préalablement, à l'octroi de l'effet suspensif au recours, et, princpalement, à l'annulation de l'ordonnance susmentionnée et au renvoi de la cause au premier juge pour nouvelle convocation.

b. Par ordonnance de la direction de la procédure, du 14 juillet 2023 (OCPR/46/2023), la demande d'effet suspensif a été rejetée.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Par ordonnance pénale du 28 septembre 2021, le Chimiste cantonal a condamné A______ à une amende de CHF 1'300.- (SL2021-GE-1______) pour violation de la loi sur les denrées alimentaires et objets usuels (LDAI ; RS 817.0).

b.A______ a formé tardivement opposition à l'ordonnance précitée, mais, par suite de l'admission de son recours par la Chambre de céans (ACPR/635/2022 du 15 septembre 2022), le délai pour former opposition lui a été restitué et la cause retournée au Chimiste cantonal pour qu'il statue sur ladite opposition.

Il a été retenu que les certificats médicaux établis par le Dr B______, produits par A______, attestaient qu'elle était non seulement incapable de travailler, mais aussi dans l’incapacité de s’occuper des tâches administratives, entre le 28 septembre et le 31 octobre 2021, soit durant tout le délai de garde postal légal et le délai pour former opposition. La précitée n’était pas en état d’agir, ni de charger quiconque de le faire à sa place.

L'arrêt se fonde notamment sur l'audition du Dr B______, le 13 juin 2022 devant la Chambre administrative de la Cour de justice, au cours de laquelle le médecin a exposé que lors de la consultation en urgence, le 1er octobre 2021, de A______, il avait constaté un état de détresse psychologique très important – en raison d’évènements personnels cumulés à une surcharge professionnelle –, ainsi qu’un abus de somnifères et d’anxiolytiques. Il avait établi un certificat médical visant à la sortir de son milieu « toxique » et lui avait recommandé un psychiatre. Sur la base des indications de la patiente et de son état, il avait considéré que l’incapacité totale remontait à quelques jours.

c. Par ordonnance du 11 novembre 2022, le Chimiste cantonal a maintenu son ordonnance pénale et transmis la cause au Tribunal de police.

d. Par mandat de comparution du 28 novembre 2022, A______ a été citée à comparaître à l'audience du Tribunal de police fixée le 21 mars 2023. Un délai au 30 janvier 2023 lui était en outre imparti pour présenter et motiver ses réquisitions de preuve.

e. Par lettre du 31 janvier 2023, A______ a sollicité un report de l'audience et du délai pour produire les pièces. Ayant été en arrêt maladie du 1er décembre 2022 au 1er janvier 2023, elle venait de prendre connaissance du mandat de comparution. Elle était à nouveau en arrêt depuis le 20 janvier 2023, durant un mois. Elle s'excusait pour les "soucis de santé", qu'elle essayait de maîtriser.

À l'appui, elle a produit deux arrêts de travail – sans mention du diagnostic – pour les dates susmentionnées, établis par la Dre C______, spécialiste FMH en médecine interne.

f. Le Tribunal de police a prolongé au 28 février 2023 le délai pour la production des éventuelles réquisitions de preuve. Au surplus, dès lors que le certificat médical était valable jusqu'au 20 février 2023, l'audience, prévue le 21 mars 2023, était maintenue.

g. Le 28 février 2023, A______ a produit ses réquisitions de preuve.

h. Par lettre du 7 mars 2023, la prévenue a demandé que son absence à l'audience du 21 mars 2023 soit excusée et qu'une autre "date plus tard" soit fixée. En annexe, elle a produit un arrêt de travail du 1er au 31 mars 2023, ainsi qu'une attestation de la Dre C______ certifiant que, pour "des raisons médicales", la susnommée ne pouvait être présente au Tribunal "selon les convocations".

i. L'audience du 21 mars 2023 a été annulée.

j. Par mandat de comparution du 10 mars 2023, A______ a été citée à comparaître à l'audience du 26 juin 2023 devant le Tribunal de police. La citation à comparaître précisait, en caractère gras, que si la prévenue ne se présentait pas à l'audience, sans excuse valable, l'opposition serait réputée retirée.

k. Le 26 juin 2023, la prévenue n'a pas comparu.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Tribunal de police a retenu que A______ n'avait pas comparu, sans avoir été excusée ni représentée. Or, à réception du premier mandat de comparution pour l'audience fixée le 21 mars 2023, elle avait adressé en personne les 31 janvier et 7 mars 2013 deux lettres au Tribunal de police pour solliciter le report de l’audience. Elle avait également, en personne, adressé le 28 février 2023, au Tribunal de police, une lettre par laquelle elle formulait des réquisitions de preuve. Au vu des démarches procédurales ainsi accomplies, postérieurement à l’arrêt de la Chambre de céans, la prévenue avait démontré être désormais à même de s’occuper de ses affaires administratives, de sorte qu’en ne comparaissant pas à l’audience du 26 juin 2023, sans s’être préalablement excusée, elle avait démontré son désintérêt pour la procédure. Partant, son opposition était réputée retirée et l'ordonnance pénale devait être assimilée à un jugement entré en force.

D. a. Dans son recours, A______ expose être "subitement tombée malade" au point qu'elle n'avait pas pu se rendre, sans sa faute, à l'audience du 26 juin 2023. Le lendemain, elle avait fait envoyer au Tribunal de police, en urgence par porteur, la copie du certificat médical.

Elle produit, à cet effet, un certificat médical établi le 26 juin 2023 par la Dre D______, psychiatre, à teneur duquel elle était en incapacité totale de travail du 26 juin au 3 juillet 2023, ainsi qu'une attestation établie le 6 juillet 2023, à teneur de laquelle ce même médecin certifie que la précitée n'était "pas cliniquement dans un état psychique lui permettant d'assister à une séance au tribunal en date du 26 juin dernier, et donc pour des raisons médicales".

b. Le Tribunal de police se réfère à son ordonnance, sans formuler d'observations.

c. Le Ministère public s'en rapporte à justice.

d. La recourante n'a pas répliqué.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours est formé contre une décision du Chimiste cantonal, compétent pour poursuivre et sanctionner les infractions relatives à la législation sur les denrées alimentaires lorsqu'une amende jusqu'à CHF 20'000.- est envisagée (art. 15 al. 1 de la loi d'application de la législation fédérale sur les denrées alimentaires et les objets usuels [LaLDAI] – K 5 02). Les organes d'exécution du contrôle des denrées alimentaires ont la qualité de fonctionnaires de la police judiciaire (al. 2) et les art. 357ss du CPP sont applicables (al. 3).

1.2. La décision querellée est ainsi sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a cum 357 al. 1 CPP). Le recours a été déposé selon la forme et dans le délai prescrits, et émane de la contrevenante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

Partant, le recours est recevable.

2.             La recourante fait grief au premier juge d'avoir retenu que son défaut à l'audience n'était pas excusable.

2.1. Selon l'art. 356 al. 2 CPP, en cas d'opposition à une ordonnance pénale, le Tribunal de première instance – en l'occurrence le Tribunal de police – statue sur la validité de l'ordonnance pénale et de l'opposition à celle-ci.

2.2. À teneur de l'art. 356 al. 4 CPP, si l'opposant à une ordonnance pénale fait défaut aux débats devant le tribunal de première instance sans être excusé et sans se faire représenter, son opposition est réputée retirée. Toutefois, à la différence de ce que prévoit l'art. 355 al. 2 CPP pour la procédure d'opposition devant le ministère public, l'opposant qui fait défaut aux débats devant le tribunal a le droit de se faire représenter, à moins que, lorsqu'il est prévenu, sa présence n'ait, comme en l'espèce, été exigée (Message relatif à l'unification du droit de la procédure pénale (CPP) du 21 décembre 2005, FF 2006 1275 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_289/2013 du 6 mai 2014 consid. 12.2 et références citées ; 6B_747/2012 du 7 février 2014 consid. 3.3).

2.3. L'art. 356 al. 4 CPP ne définit pas à quelles conditions un empêchement peut être considéré comme excusé ou non. Conformément à l'art. 94 al. 1 CPP, applicable par analogie, une partie doit rendre vraisemblable que le défaut n'est imputable à aucune faute de sa part. Un empêchement subjectif suffit.

Comme motifs d’excuse valable, la doctrine mentionne la maladie, le service militaire ou l’absence à l’étranger, le service civil ou un autre service public affectant la disponibilité de la personne convoquée, la maladie d’un enfant ou d’un proche parent dont la personne convoquée a la charge et pour les soins duquel elle ne trouve pas de remplaçant à brève échéance, la grève d’une compagnie aérienne, le décès très récent d’un proche parent ou d’autres situations d’exception, voire des engagements de la vie privée pris de longue date, avant la notification du mandat (vacances, voyage d’affaires) (A. KUHN / Y. JEANNERET / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 4 ad art. 205 ; M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER, Schweizerische Strafprozessordnung / Schweizerische Jugendstrafprozessordnung, Basler Kommentar StPO/JStPO, 2ème éd., Bâle 2014, n. 6 ad art. 205).

Au vu de l'importance fondamentale du droit d'opposition au regard de ces garanties, un retrait par acte concluant de l'opposition suppose que celui-ci résulte de l'ensemble du comportement de l'opposant, qui démontre qu'il se désintéresse de la suite de la procédure tout en étant conscient des droits dont il dispose. La fiction légale de retrait découlant d'un défaut non excusé suppose que l'opposant ait conscience de son omission et qu'il renonce à ses droits en connaissance de cause (ATF 140 IV 82 consid. 2.3 et 2.5 p. 84 s.).

2.4. Il n'appartient pas au médecin de se prononcer de manière définitive sur la capacité d'un patient de se présenter à une convocation judiciaire mais c'est bien au juge qu'il revient, sur la base des constatations médicales opérées, d'apprécier si celles-ci rendaient la comparution impossible et partant le défaut excusable (sur le principe de la libre appréciation des preuves [art. 10 al. 2 CPP] : ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 7B_121/2022 du 18 juillet 2023 consid. 6.3.1).

2.5. En l'espèce, la Chambre de céans a admis, dans son précédent arrêt, que la recourante n'était, entre le 28 septembre et le 31 octobre 2021, pas en mesure de former opposition à l'ordonnance pénale, ni de charger quiconque de le faire à sa place, en raison de son état de santé, lié à un état de détresse psychologique très important ainsi qu'à un abus de somnifères et d’anxiolytiques.

Près de vingt mois plus tard, la recourante a répondu, en personne, aux courriers du Tribunal de police et a même formé ses réquisitions de preuve, de sorte que l'on peut partir du principe que sa situation médicale s'est améliorée. Elle a, de plus, été dûment informée, par le mandat de comparution, des conséquences d'une éventuelle non comparution à l'audience.

La recourante allègue toutefois ne pas avoir pu comparaître le 26 juin 2023, car elle serait "subitement tombée malade", ce qui paraît contredit par l'attestation médicale produite – établie par un troisième médecin – selon laquelle la cause de l'incapacité résiderait toujours dans l'état psychique de la recourante. Or, dans la mesure où l'origine de l'incapacité est connue de longue date et que la recourante l'a invoquée pour obtenir, en 2021, la restitution du délai d'opposition puis pour reporter l'audience du 21 mars 2023, il lui appartenait de demander sa dispense à comparaître ou à pouvoir être représentée, si elle estimait son état incompatible, de manière durable, avec son audition. En invoquant, au dernier moment, une maladie subite alors que le motif réside en réalité dans une situation médicale connue depuis près de deux ans, la recourante a adopté un comportement constitutif d'abus de droit équivalant à un désintérêt de la procédure, de sorte que le Tribunal de police pouvait retenir que son absence n'était pas excusée.

3.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée, de sorte que l'absence d'observations du Chimiste cantonal n'a pas d'incidence.

4.             La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 400.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 400.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante, au Tribunal de police, au Chimiste cantonal et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Oriana BRICENO LOPEZ, greffière.

 

La greffière :

Oriana BRICENO LOPEZ

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).

P/24167/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

20.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

305.00

 

 

 

Total

CHF

400.00