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Décisions | Chambre pénale de recours

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PS/102/2023

ACPR/801/2023 du 16.10.2023 ( RECUSE ) , REJETE

Descripteurs : RÉCUSATION;DÉLAI
Normes : CPP.56; CPP.58; CPP.207

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PS/102/2023 ACPR/801/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 16 octobre 2023

 

Entre

A______, domiciliée ______, Vaud, agissant en personne,

requérante,

et


B
______, procureure, Ministère public, route de Chancy 6B, case postale 3565,
1211 Genève 3,

citée.


EN FAIT :

A. Par acte déposé le 18 septembre 2023, A______ demande la récusation de B______, procureure chargée de la procédure P/1______/2019.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. À partir de 2019, plusieurs plaintes ont été déposées contre C______, pour avoir notamment porté atteinte, à réitérées reprises, à l'honneur des époux D______ et E______, par le biais de publications sur différentes plateformes internet (telles que des blogs personnels, YOUTUBE, F______ [réseau social russe], FACEBOOK, TWITTER). Il les accusait notamment de pédophilie ou de lien avec des réseaux pédophiles.

Ces plaintes font l'objet de la procédure P/1______/2019.

b. Ces différentes publications ont été reprises, propagées, alimentées et commentées par différentes personnes soutenant C______, notamment par A______.

c. Dans ce cadre, la prénommée a fait l'objet de différentes plaintes pour atteintes à l'honneur envers des personnes visées par ses publications ainsi que par les époux D______/E______ après qu'elle avait envoyé un courrier à l'employeur de E______, soit le Service de protection de la jeunesse à G______ [VD], mentionnant que "D______ couvr[ait] les réseaux pédocriminels" et que cette dernière prenait des décisions "illégitimes" de placement d'enfants en foyer, alors que ceux-ci seraient souvent abusés sexuellement.

d. a. Plusieurs actes d'instruction ont été menés par le Ministère public, notamment la tenue de diverses audiences, pour lesquelles A______ a été convoquée, en qualité de prévenue.

La prénommée ne s'est jamais présentée. À réception des différentes convocations, elle s'est systématiquement adressée par écrit au Ministère public en expliquant "rejeter" les mandats de comparution.

d. b. Le 14 février 2023, B______ a délivré un mandat d'amener à l'encontre de A______, en vue de son audition du 28 avril 2023, en qualité de prévenue, au motif que cette dernière n'avait, à ce jour, jamais donné suite aux divers mandats de comparution qui lui avaient été adressés, ni aux nombreuses sollicitations de la police afin d'être entendue.

Le 27 mars 2023, après l'annulation de l'audience, le mandat a été révoqué.

d. c. Par la suite, une audience a été fixée au 28 septembre 2023.

Selon la feuille d'audience, les convocations et le mandat d'amener de A______ ont été émis le 22 juin 2023, sans autre précision quant à la date de leur notification.

Par la suite – sans précision de date – l'audience a été annulée.

e. a. En outre, au cours de la procédure, une ordonnance de jonction a été rendue par B______, le 14 février 2023, afin que les différentes plaintes contre C______ soient traitées sous la procédure P/1______/2019.

e. b. Par courrier du 17 février 2023, A______ a "rejeté" ladite ordonnance, ne reconnaissant pas, au Ministère public, la compétence d'exercer "son autorité sur [elle]", se considérant comme un "humain, être naturel souverain". Seule une autorité de justice appliquant les lois universelles qui définissaient le droit divin et naturel avait la compétence d'exercer son autorité sur l'être humain qu'elle était.

Au bas de son écriture figure une signature, qui correspond à celle que A______ apparente à "son nom au sens des lois universelles".

e. c. B______, considérant qu'il s'agissait d'un recours, a transmis ledit courrier à la Chambre de céans qui, en date du 28 mars 2023, l'a déclaré irrecevable, faute de conclusions et d'argumentation critiquant la décision attaquée (ACPR/227/2023).

Le 3 avril 2023, ledit arrêt a été notifié à A______.

Il est entré en force.

C. a. Dans sa requête, A______ considère que B______ ne respectait pas les procédures pénales et faisait preuve d'abus d'autorité au sens de l'art. 312 CP, motifs justifiant sa récusation immédiate.

Elle avait découvert qu'un mandat d'amener avait été décerné contre sa personne pour une audience qui devait avoir lieu le 28 avril 2023, sans même avoir reçu de convocation pour l'audience en question, contrairement à l'art. 207 CPP.

Elle avait toujours refusé de se présenter à toute comparution au bénéfice de justes motifs au sens de l'art. 205 CPP.

L'audience du 28 avril 2023 avait finalement été reportée, mais elle présumait qu'un mandat d'amener avait été décerné contre elle, sans convocation préalable, pour celle fixée au 28 septembre 2023, constituant ainsi un nouvel abus d'autorité.

Par ailleurs, en considérant son courrier du 17 février 2023 comme un recours, sans que n'y figure la "signature de [sa] personnalité juridique qui [l']identifi[ait] dans ce système étatique en tant que résidente en Suisse et que les tribunaux du droit positifs nécessit[ai]ent pour l'authenticité et la validité d'un titre", B______ avait commis un faux dans les titres au sens de l'art. 251 CP.

À la fin de sa requête figurent deux signatures, soit une indiquée comme "personnalité juridique, A______" et la seconde sous "que moi, humaine, être naturel souverain, A______, j'administre".

b. B______ s'en rapporte à justice sur la question de la recevabilité de la demande et conclut à son rejet, celle-ci étant infondée.

L'établissement d'un mandat d'amener était justifié pour les besoins de l'instruction et par la nécessité d'astreindre à comparaître A______, dès lors qu'elle s'était soustraite, à plusieurs reprises, à son obligation de se présenter par-devant les autorités pénales. Un tel acte ne laissait présager aucune forme de partialité.

Il en était de même de la transmission, à la Chambre de céans, du courrier du 17 février 2023, considéré comme un recours.

c. Dans sa réplique, A______ explique n'avoir formé de recours contre l'ordonnance de jonction, n'ayant pas apposé la signature de sa "personnalité juridique" dans sa lettre du 17 février 2023, mais uniquement l'"autographe de [son] nom au sens des lois universelles".

EN DROIT :

1. 1.1. La Chambre pénale de recours de la Cour de justice (art. 59 al. 1 let. b CPP et 128 al. 2 let. a LOJ), siégeant dans la composition de trois juges (art. 127 LOJ), est l'autorité compétente pour statuer sur une requête de récusation visant un magistrat du Ministère public (art. 56 et ss. CPP).

1.2. Prévenue à la procédure pendante (art. 104 al. 1 let. a CPP), la requérante dispose de la qualité pour agir (art. 58 al. 1CPP).

2. 2.1. Conformément à l'art. 58 al. 1 CPP, la récusation doit être demandée sans délai, dès que la partie a connaissance du motif de récusation, c'est-à-dire dans les jours qui suivent la connaissance de la cause de récusation, sous peine de déchéance (ATF 140 I 271 consid. 8.4.3). En matière pénale, est irrecevable pour cause de tardiveté la demande de récusation déposée trois mois, deux mois ou même vingt jours après avoir pris connaissance du motif de récusation (arrêt du Tribunal fédéral 1B_118/2020 du 27 juillet 2020 consid. 3.2).

2.2. En l'espèce, la requête de récusation date du 16 septembre 2023.

Or, le reproche de partialité en lien avec le mandat d'amener pour l'audition de la requérante du 28 avril 2023 est formulé plus de cinq mois plus tard. Il est manifestement tardif.

Tardif est également le grief en lien avec le courrier du 17 février 2023, dès lors que dès le 3 avril 2023 – date de notification de l'arrêt de la Chambre de céans traitant dudit courrier –, la requérante savait que ce courrier avait été considéré par la citée comme un recours.

En revanche, concernant la critique en lien avec le mandat d'amener pour l'audience du 28 septembre 2023, en l'absence de tout élément temporel quant à sa connaissance effective par la requérante, on ne peut pas considérer que cette dernière n'aurait pas agi sans délai.

Partant, la requête est recevable sur ce point.

3. 3.1. Un magistrat est récusable, selon l'art. 56 let. f CPP, lorsque d'autres motifs, notamment un rapport d'amitié étroit ou d'inimitié avec une partie ou son conseil, sont de nature à le rendre suspect de prévention. Cette disposition a la portée d'une clause générale recouvrant tous les motifs de récusation non expressément prévus aux lettres précédentes. Elle correspond à la garantie d'un tribunal indépendant et impartial instituée par les art. 30 al. 1 Cst. et 6 § 1 CEDH (ATF 144 I 234 consid. 5.2; 143 IV 69 consid. 3.2). Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective du magistrat est établie, car une disposition interne de sa part ne peut guère être prouvée. Il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat. Seules les circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération. Les impressions purement individuelles d'une des parties au procès ne sont pas décisives (ATF 144 I 159 consid. 4.3).

La récusation n'a pas pour finalité de permettre aux parties de contester la manière dont est menée l'instruction et de remettre en cause les différentes décisions incidentes prises par la direction de la procédure. En effet, il appartient aux juridictions de recours normalement compétentes de constater et de redresser les erreurs éventuellement commises dans ce cadre (ATF 143 IV 69 consid. 3.2).

3.2. Selon l'art. 207 al. 1 let. a CPP, toute personne peut faire l'objet d'un mandat d'amener si elle n'a pas donné suite à un mandat de comparution. Le mandat d'amener est décerné par la direction de la procédure (art. 207 al. 2 CPP).

3.3. En l'occurrence, à bien la comprendre, la requérante explique ne pas avoir reçu de convocation pour l'audience du 28 septembre 2023, mais suppose qu'un mandat d'amener a été décerné à son encontre. Elle considère ainsi qu'un tel acte était constitutif d'un abus d'autorité (art. 312 CP) de la part de la citée, partant, un motif de récusation.

Or, il ressort des éléments au dossier que la requérante a systématiquement "rejeté" les convocations précédentes, tant de la police que du Ministère public, et ne s'y est jamais présentée. Dans ces circonstances, la délivrance d'un mandat d'amener à son encontre faisait partie des prérogatives d'un magistrat du Ministère public auquel appartient la citée, de sorte qu'elle ne constitue pas un motif de récusation.

À titre superfétatoire, s'agissant des autres griefs formulés, ils sont également infondés.

Pour ce qui est du mandat d'amener décerné pour l'audience du 28 avril 2023, il sied de se référer au raisonnement ci-dessus, de sorte que, là non plus, on ne peut y voir un motif de récusation.

Enfin, s'agissant du courrier du 17 février 2023, à bien comprendre la requérante, elle posséderait deux signatures différentes, mais elle ne nie pas être à l'origine de celle lisible au bas du document. On ne voit pas quelle violation des devoirs de la citée émanerait de la transmission de ce courrier à l'autorité compétente. Au surplus, même si elle estimait que ce courrier ne devait pas être compris comme un recours, on ne voit pas quel rôle a pu jouer la citée dans la motivation de l'arrêt de la Chambre de céans (ACPR/227/2023), qui le considérait comme tel. Ainsi, là non plus, il n'y a pas de motif de récusation à l'égard de la citée.

Partant, la requête de récusation ne pourra être que rejetée.

4. La requérante, qui succombe intégralement, supportera les frais de la procédure (art. 59 al. 4 CPP), fixés en totalité à CHF 1'000.-, y compris un émolument de décision.

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette la requête, dans la mesure de sa recevabilité.

Condamne A______ aux frais de l'instance, arrêtés à CHF 1'000.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la requérante, et à B______.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

PS/102/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- demande sur récusation (let. b)

CHF

915.00

Total

CHF

1'000.00